octobre 2011 - Parti Socialiste Ville de Genève

INTERVIEW
Fernand Melgar, cinéaste
Loly Bolay, Députée, membre de la commission des visiteurs officiels
Vol spécial
Interview croisé: Fernand Melgar et Loly Bolay
Voici un interview croisé sur le film
«Vol spécial» entre le réalisateur,
Fernand Melgar, d'un côté
et Loly Bolay, députée, membre
de la commission des visiteurs officiels
du Grand Conseil.
Interview
de Fernand Melgar
Fernand, qu'est-ce qui
vous a motivé à faire
un film sur l'expulsion
des demandeurs-euses
d'asile débouté-e-s?
Lors des débats qui ont
suivi les projections de
mon film précédent La
Forteresse, j'ai été frappé
à quel point le public
ignore les conséquences
dramatiques des incessants
durcissements des
lois sur l'asile et les étrangers
sur la vie d'êtres humains
innocents. Je crois
que le citoyen suisse ne
sait plus vraiment pourquoi
il vote. Le populisme
des campagnes
de l’UDC l’aveugle et attise
la xénophobie. Lors
des projections du film
dans les écoles, le terme
« requérant d'asile » était,
pour une majorité d'adolescents,
synonyme
de délinquant et l'asile
qu'une forme d'abus de
bien social. Dès lors, les
enfermer pour les expulser
leur paraît normal. Il
m’est apparu urgent de
faire un film pour montrer
la réalité méconnue
de la détention administrative
et des expulsions
forcées.
Comment ont réagi les
personnes à la caméra
qui les filmait dans un
moment dramatique de
leur vie?
Avant le début du tournage,
j’ai passé beaucoup
de temps à Frambois
avec les détenus
que je rencontrais au fil
des mes visites. Peu à
peu, une confiance s’est
installée et ils se sont livrés
à moi. Révoltés et
se sentant oubliés du
monde extérieur, presque
tous ont été d’accord de
participer au film. Ils savaient
très bien que ça
n’allait pas changer leur
situation personnelle,
mais c’était un moyen
pour eux de se faire entendre
et de témoigner
d’une situation qui leur
semblait injuste. Ils m’ont
tous dit: “Pour nous c’est
foutu. Mais il faut montrer
au peuple suisse la
réalité des lois qu’ils ont
votées”. De plus, ils nous
ont demandé d’être présents
jusqu’à l’entravement
de peur de ce qui
allait leur arriver. Trois
personnes en sont déjà
mortes et des cas de vio-
lences policières ont été
rapportés. Malheureusement,
pour cette dernière
étape, l’Office fédéral des
Migrations et la police zurichoise
nous ont interdit
l’accès à la halle d’entravement
sous le prétexte
d’une ordonnance fédérale
qui stipule qu’on
ne peut pas filmer une
personne dans une situation
humiliante ou dégradante.
J’ai demandé
à voir cette ordonnance.
A ce jour, je n’ai encore
rien reçu.
Qu'est-ce que vous espérez
susciter comme
débat sur l'asile en
Suisse?
Je ne suis qu’un cinéaste
documentaire témoin de
son temps. J’ai choisi de
montrer une réalité terrible
que nos autorités
souhaitent occulter. Je
n’ai pas la prétention de
vouloir changer la société
avec mes films. Je ne fais
pas un cinéma militant
où je dicte une façon de
penser. Dans mon engagement,
je crois à l’intelligence
du spectateur
PostScriptum 11/2011 26