Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 98<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
Lorsque, conseil<strong>le</strong> Pline (Histor. Nat. XXVIII), on se repent d'avoir fait du<br />
mal à quelqu'un, on doit cracher dans la main qui a causé <strong>le</strong> mal ; la dou<strong>le</strong>ur de<br />
la victime se trouvera aussitôt calmée. Francis <strong>Bac</strong>on, dans sa Natural History,<br />
mentionne la croyance, très répandue, d'après laquel<strong>le</strong> il suffirait, <strong>pour</strong> guérir<br />
une plaie, d'enduire de graisse l'arme qui l'a produite. Certains paysans anglais<br />
se conforment aujourd'hui encore à c<strong>et</strong>te prescription, <strong>et</strong> lorsqu'ils se sont<br />
b<strong>le</strong>ssés avec une faux, ils conservent l'instrument dans <strong>le</strong> plus grand état de<br />
propr<strong>et</strong>é, afin d'éviter la suppuration de la plaie. En juin 1912, racontait un<br />
journal local anglais, une femme nommée Mathilde Henry, de Norwich, s'était<br />
introduit dans un talon un clou de fer. Sans laisser examiner la plaie, sans<br />
même ôter son bas, el<strong>le</strong> ordonna à sa fil<strong>le</strong> de bien hui<strong>le</strong>r <strong>le</strong> clou, afin de<br />
prévenir des complications fâcheuses. El<strong>le</strong> mourut quelques jours après du<br />
tétanos, faute d'avoir fait antiseptiser la plaie.<br />
Les exemp<strong>le</strong>s de ce dernier groupe sont des exemp<strong>le</strong>s de magie contagieuse<br />
que Frazer distingue de la magie imitative. Ce qui confère une efficacité à la<br />
magie contagieuse, ce n'est plus la similitude, mais a contiguïté dans <strong>le</strong> temps,<br />
tout au moins la contiguïté tel<strong>le</strong> qu'on se la représente, <strong>le</strong> souvenir de son<br />
existence. Et comme la similitude <strong>et</strong> la contiguïté sont <strong>le</strong>s deux principes<br />
essentiels des processus d'association, toute l'absurdité des prescriptions<br />
magiques est dominée, <strong>pour</strong> ainsi dire, par l'association des idées. Nous voyons<br />
donc combien est vraie la définition que Tylor a donnée de la magie <strong>et</strong> que<br />
nous avons citée plus haut : mistaking an ideal connexion for a real one. Frazer<br />
la définit d'ail<strong>le</strong>urs à peu près dans <strong>le</strong>s mêmes termes : « Les hommes ont pris<br />
par erreur l'ordre de <strong>le</strong>urs idées <strong>pour</strong> l'ordre de la nature <strong>et</strong> se sont imagines<br />
que puisqu'ils sont capab<strong>le</strong>s d'exercer un contrô<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>urs idées, ils doivent<br />
éga<strong>le</strong>ment. être en mesure de contrô<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s choses » 1 .<br />
Aussi est-on étonné tout d'abord de voir certains auteurs rej<strong>et</strong>er comme<br />
non satisfaisante c<strong>et</strong>te lumineuse explication de la magie 2 . Mais en<br />
réfléchissant un peu, on trouve justifiée l'objection d'après laquel<strong>le</strong> la théorie<br />
qui m<strong>et</strong> l'association à la base de la magie explique seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s voies suivies<br />
1 The magic art, I, p. 420 <strong>et</strong> suivantes.<br />
2 Voir artic<strong>le</strong> Magic (N. d. T.) dans la 11e édition de « Encyclopedia. Britannica ».