Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 95<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
traçait la même inscription, c<strong>et</strong>te figure était entourée de cheveux noire ; puis<br />
<strong>le</strong> prêtre crachait dessus, la tailladait avec un couteau de si<strong>le</strong>x <strong>et</strong> la j<strong>et</strong>ait par<br />
terre. Il m<strong>et</strong>tait ensuite sur el<strong>le</strong> son pied gauche, <strong>et</strong> on terminait la cérémonie<br />
en brûlant la figure sur un feu alimenté par des plantes. Apepi détruit, tous <strong>le</strong>s<br />
démons de sa suite devaient subir <strong>le</strong> même sort. Ce service divin, qui devait<br />
être accompagné de certains discours, avait lieu non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> matin,<br />
l'après-midi <strong>et</strong> <strong>le</strong> soir, mais pouvait être répété à n'importe quel moment de la<br />
journée, lorsque la tempête faisait rage ou qu'il p<strong>le</strong>uvait à torrents ou que des<br />
nuages noirs obscurcissaient <strong>le</strong> ciel. Les méchants ennemis subissaient <strong>le</strong>s<br />
eff<strong>et</strong>s du châtiment infligé à <strong>le</strong>urs images, comme si ce châtiment <strong>le</strong>ur avait été<br />
applique directement ; ils fuyaient, <strong>et</strong> <strong>le</strong> dieu du so<strong>le</strong>il triomphait de nouveau.<br />
» 1 .<br />
Innombrab<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s actions magiques fondées sur <strong>le</strong>s mêmes principes <strong>et</strong><br />
motivées par <strong>le</strong>s mêmes représentations. J'en citerai deux qui ont toujours joué<br />
un rô<strong>le</strong> important chez <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s primitifs <strong>et</strong> se sont encore conservées en<br />
partie dans <strong>le</strong> mythe <strong>et</strong> <strong>le</strong> culte de peup<strong>le</strong>s plus avancés : il s'agit des pratiques<br />
magiques destinées à provoquer la pluie <strong>et</strong> une bonne récolte. On provoque la<br />
pluie par des moyens magiques, en l'imitant <strong>et</strong> en reproduisant artificiel<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong>s nuages <strong>et</strong> l'orage. On dirait que <strong>le</strong>s gens « jouent à la pluie ». Les Aïnos<br />
japonais, par exemp<strong>le</strong>, provoquent la pluie de la manière suivante : <strong>le</strong>s uns<br />
font tomber de l'eau à travers un grand tamis, tandis que d'autres promènent à<br />
travers <strong>le</strong> village, comme si c'était un bateau, un récipient muni d'une voi<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />
d'un aviron. Quant à la fertilité du sol, on l'assurait par la voie magique, en lui<br />
offrant <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> de rapports sexuels humains. C'est ainsi, <strong>pour</strong> ne citer<br />
qu'un exemp<strong>le</strong> entre mil<strong>le</strong>, que dans certaines régions de l'î<strong>le</strong> de Java,<br />
lorsqu'approche <strong>le</strong> moment de la floraison du riz, paysans <strong>et</strong> paysannes se<br />
rendent la nuit sur <strong>le</strong>s champs <strong>pour</strong> stimu<strong>le</strong>r par <strong>le</strong>ur exemp<strong>le</strong> la fécondité du<br />
sol <strong>et</strong> s'assurer une bonne récolte 2 . Au contraire, <strong>le</strong>s rapports sexuels<br />
1 L'interdiction biblique d'exécuter une image d'un être vivant quelconque n'a pas été dictée par un parti-pris<br />
de principe contre <strong>le</strong>s arts plastiques : el<strong>le</strong> avait uniquement <strong>pour</strong> but de détourner <strong>le</strong>s hommes de la magie<br />
que la religion hébraïque abhorrait. Frazer, l. c., p. 87, note.<br />
2 The magie art, II, p. 98.