Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 86<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
individu a réussi à satisfaire un désir refoulé, tous <strong>le</strong>s autres membres de la<br />
col<strong>le</strong>ctivité doivent éprouver la tentation d'en faire autant ; <strong>pour</strong> réprimer c<strong>et</strong>te<br />
tentation, il faut punir l'audace de celui dont on envie la satisfaction, <strong>et</strong> il arrive<br />
souvent que <strong>le</strong> châtiment fournit à ceux qui l'exécutent l'occasion de,<br />
comm<strong>et</strong>tre à <strong>le</strong>ur tour, sous <strong>le</strong> couvert de l'expiation, <strong>le</strong> même acte impur. C'est<br />
là un des principes fondamentaux de la pénalité humaine, <strong>et</strong> il décou<strong>le</strong><br />
naturel<strong>le</strong>ment de l'identité des désirs refoulés chez <strong>le</strong> criminel <strong>et</strong> chez ceux qui<br />
sont chargés de venger la société outragée.<br />
La psychanalyse confirme ici l'opinion des personnes pieuses qui<br />
prétendent que nous sommes tous de grands pécheurs. Comment<br />
expliquerions-nous maintenant. c<strong>et</strong>te nob<strong>le</strong>sse inattendue du névrosé qui ne<br />
craint rien <strong>pour</strong> lui-même <strong>et</strong> qui craint tout <strong>pour</strong> une personne aimée?<br />
L'examen analytique montre que c<strong>et</strong>te nob<strong>le</strong>sse n'est pas de nature primaire.<br />
Au début de son affection, <strong>le</strong> malade, comme <strong>le</strong> sauvage, redoute la menace du<br />
châtiment <strong>pour</strong> lui-même, tremb<strong>le</strong> <strong>pour</strong> sa propre vie, <strong>et</strong> c'est seu<strong>le</strong>ment plus<br />
tard que la crainte de la mort se trouve déplacée sur une autre personne. Le<br />
processus est quelque peu compliqué, mais nous pouvons en embrasser toutes<br />
<strong>le</strong>s phases. A la base de la prohibition se trouve généra<strong>le</strong>ment un mauvais désir,<br />
un souhait de mort formulé contre une personne aimée. Ce désir est refoulé<br />
par une prohibition ; mais cel<strong>le</strong>-ci est rattachée à une certaine action qui, par<br />
suite d'un déplacement, se substitue à l'action hosti<strong>le</strong> à l'égard de la personne<br />
aimée <strong>et</strong> dont l'exécution est menacée de la peine de mort. Mais <strong>le</strong> processus<br />
subit un développement ultérieur, à la suite duquel <strong>le</strong> souhait de mort formulé<br />
contre une personne aimée est remplacé par la crainte de voir c<strong>et</strong>te personne<br />
mourir. En faisant preuve d'un tendre altruisme, la névrose ne fait donc que<br />
compenser l'attitude opposée qui est à sa base <strong>et</strong> qui est cel<strong>le</strong> d'un brutal.<br />
égoïsme. Si nous donnons <strong>le</strong> nom de sociaux aux sentiments se rapportant à<br />
d'autres personnes, sans qu'il s'y mê<strong>le</strong> aucun élément sexuel, nous pouvons dire<br />
que la disparition de ces facteurs sociaux constitue un trait fondamental de la<br />
névrose, trait qui se trouve masqué à une phase ultérieure par une sorte de surcompensation.