Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 83<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
c<strong>et</strong>te origine, nous la saisissons chez l'individu névrosé ; aussi pouvons-nous<br />
espérer arriver un jour au même résultat, en ce qui concerne <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s.<br />
Un autre fait qui nous frappe, c'est que la conscience mora<strong>le</strong> présente une<br />
grande affinité avec l'angoisse ; on peut, sans hésiter, la décrire comme une «<br />
conscience angoissante. » Or, l'angoisse, nous <strong>le</strong> savons, a sa source dans<br />
l'inconscient ; la psychologie des névroses nous a montré que lorsque des désirs<br />
ont subi un refou<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>ur libido se transforme en angoisse. Et, à ce propos,<br />
nous rappel<strong>le</strong>rons que dans la conscience mora<strong>le</strong> il y a aussi quelque chose<br />
d'inconnu <strong>et</strong> d'inconscient, à savoir <strong>le</strong>s raisons du refou<strong>le</strong>ment, de la<br />
répudiation de certains désirs.. Et c'est c<strong>et</strong> inconnu <strong>et</strong> inconscient qui<br />
détermine <strong>le</strong> caractère angoissant de la conscience mora<strong>le</strong>.<br />
Lorsqu'un tabou se manifeste principa<strong>le</strong>ment par des prohibitions, on<br />
<strong>pour</strong>rait adm<strong>et</strong>tre comme évident <strong>et</strong> ne nécessitant aucune confirmation tirée<br />
de l'analogie avec <strong>le</strong>s névroses, <strong>le</strong> fait que ce tabou s'adresse à des, désirs<br />
positifs auxquels il doit sa naissance. On ne voit pas quel<strong>le</strong> nécessité il y aurait<br />
à défendre ce que personne ne désire faire, <strong>et</strong> dans tous <strong>le</strong>s cas ce qui est<br />
défendu de la façon la plus formel<strong>le</strong> doit être l'obj<strong>et</strong> d'un désir. Si nous<br />
appliquions ce raisonnement à nos primitifs, nous devrions conclure qu'ils sont<br />
littéra<strong>le</strong>ment <strong>pour</strong>suivis par la tentation de tuer <strong>le</strong>urs rois <strong>et</strong> <strong>le</strong>urs prêtres ou de<br />
comm<strong>et</strong>tre des incestes ou de maltraiter <strong>le</strong>urs morts. Cela est peu<br />
vraisemblab<strong>le</strong> ; <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te proposition nous apparaît tout à fait absurde, lorsque<br />
nous l'appliquons à des cas où nous croyons entendre nous-mêmes<br />
distinctement la voix de la conscience. Nous sommes alors tentés d'affirmer,<br />
avec une assurance inébranlab<strong>le</strong>, que nous n'éprouvons pas là moindre<br />
tentation de transgresser des commandements dans <strong>le</strong> genre de celui-ci : tu ne<br />
tueras point, <strong>et</strong> que l'idée seu<strong>le</strong> d'une pareil<strong>le</strong> transgression nous inspire de<br />
l'horreur.<br />
Si l'on accorde à ce témoignage de notre conscience l'importance à laquel<strong>le</strong><br />
il prétend, <strong>le</strong> commandement en général, aussi bien la prohibition tabou que <strong>le</strong><br />
commandement moral, devient superflu <strong>et</strong>, d'autre part, <strong>le</strong> fait même de la<br />
conscience mora<strong>le</strong> reste inexplicab<strong>le</strong>, en même temps que nous échappent <strong>le</strong>s