Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 80<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
Si l'on suit l'évolution des rapports existant entre survivants <strong>et</strong> morts, on<br />
constate que <strong>le</strong>ur ambiva<strong>le</strong>nce a considérab<strong>le</strong>ment diminué avec <strong>le</strong> temps. Il<br />
est aujourd'hui faci<strong>le</strong> de réprimer, sans grand effort psychique, l'hostilité<br />
inconsciente qui subsiste toujours à l'égard des morts. Là où il y avait autrefois<br />
lutte entre la haine satisfaite <strong>et</strong> la tendresse douloureuse, s'élève aujourd'hui,<br />
tel<strong>le</strong> une formation cicatriciel<strong>le</strong>, la piété qui exige, selon l'adage, de mortuis nil<br />
nisi bene. Seuls <strong>le</strong>s névrosés troub<strong>le</strong>nt encore la dou<strong>le</strong>ur que <strong>le</strong>ur cause la perte<br />
d'un proche par des accès de reproches obsédants dans <strong>le</strong>squels la psychanalyse<br />
découvre <strong>le</strong>s traces de l'ambiva<strong>le</strong>nce affective de jadis. Il n'y a pas lieu de<br />
rechercher ici la manière dont s'est effectué ce changement ni la art qui y<br />
revient à une transformation de nature <strong>et</strong> à une amélioration réel<strong>le</strong> des<br />
relations familia<strong>le</strong>s. Mais on peut adm<strong>et</strong>tre comme un fait certain que dans la<br />
vie psychique du primitif l'ambiva<strong>le</strong>nce joue un rô<strong>le</strong> infiniment plus grand que<br />
dans cel<strong>le</strong> de l'homme civilisé de nos jours. La diminution de c<strong>et</strong>te ambiva<strong>le</strong>nce<br />
a eu <strong>pour</strong> corollaire la disparition progressive du tabou qui n'est qu'un<br />
symptôme de compromis entre <strong>le</strong>s deux tendances en conflit. En ce qui<br />
concerne <strong>le</strong>s névrosés, qui sont obligés de reproduire <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te lutte <strong>et</strong> <strong>le</strong> tabou<br />
qui en résulte, nous dirons qu'ils sont nés avec une constitution archaïque,<br />
représentant un reste atavique, dont la répression, exigée par <strong>le</strong>s convenances<br />
de la vie civilisée, <strong>le</strong>ur impose une dépense énorme d'énergie psychique.<br />
Il y a lieu de nous rappe<strong>le</strong>r ici <strong>le</strong>s renseignements confus <strong>et</strong> obscurs que<br />
Wundt a donnés (voir plus haut) sur la doub<strong>le</strong> signification du mot tabou :<br />
sacré <strong>et</strong> impur. Primitivement, dit-il, <strong>le</strong> mot tabou ne signifiait ni sacré ni<br />
impur : il désignait tout simp<strong>le</strong>ment ce qui était démoniaque, ce à quoi il ne<br />
fallait pas toucher. il faisait ainsi ressortir un caractère important, commun aux<br />
deux notions, ce qui prouverait qu'il existait au début, entre ces deux domaines,<br />
une affinité, voire une confusion qui n'aurait cédé que peu à peu <strong>et</strong> beaucoup<br />
plus tard la place à la différenciation.<br />
Tel<strong>le</strong> est la conception de, Wundt. En opposition avec el<strong>le</strong>, l'analyse à<br />
laquel<strong>le</strong> nous nous sommes livrés nous autorise a conclure que <strong>le</strong> mot tabou<br />
présentait dès <strong>le</strong> début la doub<strong>le</strong> signification dont par<strong>le</strong> Wundt, qu'il servait à<br />
désigner une certaine ambiva<strong>le</strong>nce <strong>et</strong> tout ce qui découlait de c<strong>et</strong>te