30.06.2013 Views

Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac

Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac

Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 72<br />

de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />

tabou trop peu d'importance, s'exprime ainsi, dans <strong>le</strong> chapitre consacré à<br />

« l'attitude à l'égard des morts » : « Les faits en ma possession m'autorisent à<br />

formu<strong>le</strong>r c<strong>et</strong>te conclusion généra<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s morts sont considérés plus souvent<br />

comme des ennemis que comme des amis, <strong>et</strong> que Jevons <strong>et</strong> Grant Al<strong>le</strong>n se<br />

trompent, lorsqu'ils affirment qu'on croyait autrefois que la méchanc<strong>et</strong>é des<br />

morts était dirigée principa<strong>le</strong>ment contre <strong>le</strong>s étrangers, alors qu'ils étendaient<br />

<strong>le</strong>ur sollicitude paternel<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>urs descendants <strong>et</strong> <strong>le</strong>s membres de <strong>le</strong>ur clan » 1 .<br />

B. K<strong>le</strong>inpaul a essayé, dans son ouvrage très suggestif, d'expliquer <strong>le</strong>s<br />

rapports entre morts <strong>et</strong> vivants chez <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s primitifs à l'aide des<br />

survivances de l'ancienne croyance animiste chez <strong>le</strong>s civilisés 2 . Il arrive, lui<br />

aussi, à la conclusion que <strong>le</strong>s morts cherchent à attirer, <strong>le</strong>s vivants à l'égard<br />

desquels ils nourrissent des intentions homicides. Les morts tuent ; <strong>le</strong><br />

squel<strong>et</strong>te, qui représente la forme actuel<strong>le</strong> de la mort, montre que la mort el<strong>le</strong>même<br />

n'est qu'un homme mort. Le vivant ne se sentait à l'abri des <strong>pour</strong>suites<br />

du mort que lorsqu'il était séparé de celui-ci par un cours d'eau. C'est <strong>pour</strong>quoi<br />

on enterrait volontiers <strong>le</strong>s morts dans des î<strong>le</strong>s, sur la rive opposée d'un f<strong>le</strong>uve ;<br />

<strong>le</strong>s expressions « en-deçà » <strong>et</strong> « au-delà » n'auraient pas d'autre origine. Par<br />

une atténuation ultérieure, la méchanc<strong>et</strong>é, au lieu d'être attribuée à tous <strong>le</strong>s<br />

morts, n'est restée que la caractéristique de ceux auxquels, on pouvait<br />

reconnaître un certain droit à la colère <strong>et</strong> à la rancune : <strong>le</strong>s hommes assassinés<br />

qui, transformés en mauvais esprits, <strong>pour</strong>suivaient sans cesse <strong>le</strong>urs meurtriers ;<br />

ou <strong>le</strong>s hommes qui, comme <strong>le</strong>s fiancés, étaient morts avant d'avoir pu satisfaire<br />

<strong>le</strong>urs désirs. Mais primitivement, pense K<strong>le</strong>inpaul, tous <strong>le</strong>s morts étaient des<br />

vampires, tous <strong>pour</strong>suivaient, p<strong>le</strong>ins de colère, <strong>le</strong>s vivants <strong>et</strong> ne songeaient qu'à<br />

<strong>le</strong>ur nuire, qu'à <strong>le</strong>s dépouil<strong>le</strong>r de <strong>le</strong>ur vie. C'est <strong>le</strong> cadavre qui a fourni la<br />

première notion du « mauvais esprit ».<br />

1 Westermarck, l. c., vol. II, p. 424. Le texte de c<strong>et</strong> ouvrage <strong>et</strong> <strong>le</strong>s notes qui l'accompagnent contiennent, à<br />

l'appui de c<strong>et</strong>te manière de voir, de nombreux témoignages, souvent très caractéristiques ; par exemp<strong>le</strong> : <strong>le</strong>s<br />

Maoris croyaient « que <strong>le</strong>s parents <strong>le</strong>s plus proches <strong>et</strong> <strong>le</strong>s plus aimés changeaient de nature après <strong>le</strong>ur mort <strong>et</strong><br />

devenaient mal intentionnés envers ceux qu'ils avaient aimés ». Les nègres australiens croient que <strong>le</strong> mort<br />

reste nuisib<strong>le</strong> pendant longtemps ; la crainte est d'autant plus grande que la parenté, est plus proche. Les<br />

Esquimaux du centre sont convaincus que <strong>le</strong>s morts ne s'apaisent qu'au bout d'un temps très long, mais<br />

qu'ils sont à craindre au début comme des esprits malfaisants qui errent à travers <strong>le</strong> village,. <strong>pour</strong> y semer la<br />

maladie, la mort <strong>et</strong> d'autres malheurs.<br />

2 R. K<strong>le</strong>inpaul, Die Lebendigen und die Toten im Volksglauben. Religion und Sage 1898.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!