Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 60<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
loin d'être exempts de contradictions. On accorde aux seigneurs de grandes<br />
prérogatives qui forment un pendant aux tabou imposés aux autres. Ce sont<br />
des personnages privilégiés; ils ont <strong>le</strong> droit de faire ce qui est interdit aux<br />
autres, de jouir de ce qui est inaccessib<strong>le</strong> aux autres. Mais la liberté même<br />
qu'on <strong>le</strong>ur reconnaît est limitée par d'autres tabou qui ne pèsent pas sur <strong>le</strong>s<br />
individus ordinaires. Nous avons donc ici une première opposition, presqu'une<br />
contradiction, entre, une plus grande liberté <strong>et</strong> une plus grande restriction<br />
<strong>pour</strong> <strong>le</strong>s mêmes personnes. On <strong>le</strong>ur attribue une puissance magique<br />
extraordinaire <strong>et</strong> on redoute <strong>pour</strong> c<strong>et</strong>te raison tout contact avec <strong>le</strong>ur personne<br />
ou <strong>le</strong>s obj<strong>et</strong>s <strong>le</strong>ur appartenant, tout en attendant de ce contact <strong>le</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>le</strong>s plus<br />
bienfaisants. Il y a là apparemment une autre contradiction, particulièrement<br />
flagrante; mais nous savons déjà qu'el<strong>le</strong> n'est, en réalité, qu'apparente. Est<br />
bienfaisant l'attouchement effectué par <strong>le</strong> roi lui-même, dans une intention<br />
bienveillante ; n'est dangereux que l'attouchement effectué par l'homme du<br />
commun sur <strong>le</strong> roi ou <strong>le</strong>s obj<strong>et</strong>s lui appartenant, sans doute parce que c<strong>et</strong><br />
attouchement peut dissimu<strong>le</strong>r une intention agressive. Une autre contradiction,<br />
moins faci<strong>le</strong> à expliquer, consiste en ce que, tout en attribuant au seigneur<br />
un grand pouvoir sur <strong>le</strong>s forces de la nature, on se croit obligé de <strong>le</strong> protéger<br />
avec un soin particulier contre <strong>le</strong>s dangers qui <strong>le</strong> menacent, comme si son<br />
pouvoir, capab<strong>le</strong> de tant de choses, était impuissant à assurer sa propre<br />
protection. Une autre difficulté encore réside dans ce fait qu'on ne se fie pas au<br />
seigneur <strong>pour</strong> l'emploi de son extraordinaire pouvoir, qui ne doit servir qu'au<br />
bien des suj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> qu'à sa propre protection, mais qu'on se croit obligé de <strong>le</strong><br />
surveil<strong>le</strong>r sous ce rapport. C'est de c<strong>et</strong>te méfiance <strong>et</strong> de ce besoin de<br />
surveillance que sont nées <strong>le</strong>s cérémonies tabou auxquel<strong>le</strong>s est soumise la vie<br />
du roi <strong>et</strong> destinées à protéger <strong>le</strong> roi lui-même contre <strong>le</strong>s dangers qui peuvent <strong>le</strong><br />
menacer, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s suj<strong>et</strong>s contre <strong>le</strong>s dangers dont ils sont menacés de la part du roi.<br />
La manière la plus naturel<strong>le</strong> d'expliquer ces rapports, si compliqués <strong>et</strong> si<br />
p<strong>le</strong>ins de contradictions, entre <strong>le</strong>s sauvages <strong>et</strong> <strong>le</strong>urs seigneurs semb<strong>le</strong> être la<br />
suivante : <strong>pour</strong> des raisons ayant <strong>le</strong>ur source dans la superstition ou ail<strong>le</strong>urs,<br />
<strong>le</strong>s sauvages expriment dans <strong>le</strong>ur attitude à l'égard des rois diverses tendances<br />
dont chacune est poussée à l'extrême, sans aucun égard <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s autres <strong>et</strong><br />
indépendamment d'el<strong>le</strong>s. D'où toutes ces contradictions par <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s