Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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a) Attitude à l'égard des ennemis<br />
Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 48<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
Ceux qui étaient portés à attribuer aux peup<strong>le</strong>s sauvages une cruauté<br />
impitoyab<strong>le</strong> <strong>et</strong> sans merci à l'égard de <strong>le</strong>urs ennemis, apprendront avec<br />
d'autant plus d'intérêt que chez eux aussi <strong>le</strong> meurtre d'un homme ne pouvait<br />
être accompli sans l'observation de certaines prescriptions qui font partie des<br />
coutumes tabou. Il est faci<strong>le</strong> de ranger ces prescriptions en quatre groupes,<br />
selon qu'el<strong>le</strong>s exigent: 1° la réconciliation avec l'ennemi tué; 2° des restrictions;<br />
3° des actions d'expiation, de purification après l'accomplissement du meurtre<br />
; 4° certaines pratiques cérémonia<strong>le</strong>s. Que ces coutumes tabou aient été<br />
généra<strong>le</strong>s ou non chez <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s dont nous nous occupons, - c'est ce que <strong>le</strong>s<br />
informations incomplètes que nous possédons ne nous perm<strong>et</strong>tent pas de dire<br />
avec certitude. La question est d'ail<strong>le</strong>urs sans intérêt, étant donné <strong>le</strong> but que<br />
nous <strong>pour</strong> suivons. Il y a toutefois lieu d'adm<strong>et</strong>tre qu'il s'agit de coutumes assez<br />
répandues, <strong>et</strong> non de phénomènes isolés.<br />
Les coutumes de réconciliation, qui sont observées dans l'î<strong>le</strong> Timor, après <strong>le</strong><br />
r<strong>et</strong>our victorieux d'une horde guerrière portant des têtes d'ennemis tués, sont<br />
particulièrement intéressantes, en raison des graves restrictions qui sont, en<br />
outre, imposées aux chef de l'expédition (voir plus loin). Lors de la rentrée<br />
triompha<strong>le</strong> des vainqueurs, des sacrifices sont faits <strong>pour</strong> apaiser <strong>le</strong>s âmes des<br />
ennemis, faute de quoi on doit s'attendre à des malheurs <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s vaincus. Une<br />
danse est exécutée, accompagnée d'un chant dans <strong>le</strong>quel on p<strong>le</strong>ure l'ennemi<br />
abattu <strong>et</strong> implore son pardon : « Ne sois pas en colère contre nous, parce que<br />
nous avons ici, avec nous, ta tête; si la chance ne nous avait pas été favorab<strong>le</strong>, ce<br />
sont probab<strong>le</strong>ment nos têtes à nous qui seraient aujourd'hui exposées dans ton<br />
village. Nous t'avons offert un sacrifice <strong>pour</strong> t'apaiser. Et, maintenant, ton<br />
esprit doit être content <strong>et</strong> nous laisser en paix. Pourquoi as-tu été notre<br />
ennemi? N'aurions-nous pas mieux fait de rester amis? Ton sang n'aurait pas<br />
été répandu ni ta tête coupée. » 1<br />
1 Frazer, l. c., p. 106.