Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 43<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
qui est au courant des données de l'étude psychanalytique, appliquée à<br />
I'individu, ne manquera pas de constater dans l'énoncé même des deux genres<br />
de tabou <strong>et</strong> dans <strong>le</strong>urs coïncidences une allusion à quelque chose que <strong>le</strong>s<br />
psychanalystes considèrent comme <strong>le</strong> centre des désirs sur <strong>le</strong>squels repose la<br />
vie infanti<strong>le</strong> <strong>et</strong> comme <strong>le</strong> noyau de la névrose.<br />
La variété des phénomènes tabou, qui a provoqué <strong>le</strong>s essais de classification<br />
cités plus haut, fait place à l'unité, si nous faisons reposer tous ces phénomènes<br />
sur la base commune suivante : <strong>le</strong> tabou est un acte prohibé, vers <strong>le</strong>quel<br />
l'inconscient est poussé par une tendance très forte.<br />
Nous savons, sans <strong>le</strong> comprendre, que quiconque fait ce qui en défendu,<br />
vio<strong>le</strong> <strong>le</strong> tabou, devient tabou lui-même. Mais comment concilions-nous ce fait<br />
avec ces autres que <strong>le</strong> tabou s'attache non seu<strong>le</strong>ment aux personnes ayant fait<br />
ce qui est défendu, mais aussi à des personnes se trouvant dans des situations<br />
spécia<strong>le</strong>s, à ces situations mêmes <strong>et</strong> à des obj<strong>et</strong>s inanimés ? Quel<strong>le</strong> est donc<br />
c<strong>et</strong>te propriété si dangereuse qui reste toujours semblab<strong>le</strong> à el<strong>le</strong>-même, malgré<br />
la diversité des conditions ? Il ne peut s'agir que d'une chose: d'un facteur qui<br />
attise <strong>le</strong>s désirs de l'homme <strong>et</strong> l'induit dans la tentation d'enfreindre la<br />
prohibition.<br />
L'homme qui a enfreint un tabou devient tabou lui. même, car il possède la<br />
faculté dangereuse d'inciter <strong>le</strong>s autres à suivre son exemp<strong>le</strong>. Il éveil<strong>le</strong> la jalousie<br />
<strong>et</strong> l'envie : <strong>pour</strong>quoi ce qui est défendu aux autres serait-il permis à lui? Il est<br />
donc réel<strong>le</strong>ment contagieux, <strong>pour</strong> autant que son exemp<strong>le</strong> pousse à l'imitation,<br />
<strong>et</strong> c'est <strong>pour</strong>quoi il doit lui-même être évité.<br />
Mais sans même avoir enfreint un tabou, l'homme peut devenir tabou,<br />
d'une façon permanente ou passagère, parce qu'il se trouve dans une situation<br />
capab<strong>le</strong> d'exciter <strong>le</strong>s désirs défendus des autres, de faire naître chez eux <strong>le</strong><br />
conflit entre <strong>le</strong>s deux extrêmes de <strong>le</strong>ur ambiva<strong>le</strong>nce. La plupart des situations<br />
<strong>et</strong> des états exceptionnels appartiennent à c<strong>et</strong>te catégorie <strong>et</strong> possèdent c<strong>et</strong>te<br />
force dangereuse. Chacun envie <strong>le</strong> roi ou <strong>le</strong> chef <strong>pour</strong> ses privilèges ; <strong>et</strong> il est<br />
probab<strong>le</strong> que chacun voudrait être roi. Le cadavre, <strong>le</strong> nouveau-né, la femme