Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 35<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
Bien que la première de ces propositions ne soit guère de nature à sou<strong>le</strong>ver des<br />
objections, je ne crois pas être en désaccord avec un grand nombre de mes<br />
<strong>le</strong>cteurs en déclarant que l'explication donnée par Wundt nous laisse déçus.<br />
Expliquer <strong>le</strong> tabou de la sorte, ce n'est pas remonter à la source même des<br />
représentations tabou <strong>et</strong> montrer ses racines dernières. Ni l'angoisse ni <strong>le</strong>s<br />
démons ne peuvent être considérés en psychologie comme causes premières. Il<br />
faut remonter plus loin encore. Il en serait autrement, si <strong>le</strong>s démons avaient<br />
une existence réel<strong>le</strong>; mais nous savons que, tout comme <strong>le</strong>s dieux, ils sont des<br />
créations des forces psychiques de l'homme, <strong>et</strong> il s'agît de connaître <strong>le</strong>ur<br />
provenance <strong>et</strong> la substance dont ils sont faits.<br />
Sur la doub<strong>le</strong> signification du tabou, Wundt exprime des idées<br />
intéressantes, mais qui laissent à désirer au point de vue de la clarté. Il pense<br />
que dans la phase primitive du tabou, il n'existe pas encore de séparation entre<br />
sacré <strong>et</strong> impur. C'est <strong>pour</strong>quoi ces notions n'existent pas avec la signification<br />
qu'el<strong>le</strong>s n'ont pu revêtir que plus tard, par suite de l'opposition qui s'est formée<br />
entres el<strong>le</strong>s. L'homme, l'animal, la localité frappés de tabou sont démoniaques,<br />
mais non sacrés, <strong>et</strong> ne sont, par conséquent, pas encore impurs, au sens plus<br />
tardif de ce mot. C'est à c<strong>et</strong>te signification intermédiaire, c'est-à-dire à cel<strong>le</strong> de<br />
démoniaque, de ce qui ne doit pas être touché, que convient bien l'expression<br />
tabou, car el<strong>le</strong> fait ressortir un caractère qui restera toujours commun au sacré<br />
<strong>et</strong> à l'impur : la crainte du contact. Mais c<strong>et</strong>te communauté persistante d'un<br />
caractère important montre éga<strong>le</strong>ment qu'il y avait au début entre <strong>le</strong>s deux<br />
domaines, celui du sacré <strong>et</strong> celui de l'impur, une concordance allant jusqu'à la<br />
fusion, <strong>et</strong> que c'est seu<strong>le</strong>ment plus tard, sous l'action de nouvel<strong>le</strong>s conditions,<br />
que s'est effectuée la différenciation qui a créé une opposition entre <strong>le</strong>s deux<br />
domaines.<br />
La croyance, inhérente au tabou primitif, à une puissance démoniaque<br />
cachée dans l'obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> se vengeant du contact qu'on lui inflige ou de l'usage<br />
prohibé qu'on en fait par l'ensorcel<strong>le</strong>ment du coupab<strong>le</strong>, n'est en eff<strong>et</strong> que la<br />
crainte objectivée. Cel<strong>le</strong>-ci n'a pas encore subi <strong>le</strong> dédoub<strong>le</strong>ment, qui se produit<br />
à une phase de développement plus avancée, en vénération <strong>et</strong> exécration.