Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 20<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
sexuel<strong>le</strong>s avec de proches parents, il est naturel qu'ils songent à se préserver<br />
par des prohibitions de ce genre de toute tentation possib<strong>le</strong> 1 .<br />
Chez <strong>le</strong>s Barongo de la baie de Delagoa, en Afrique, <strong>le</strong>s précautions <strong>le</strong>s plus<br />
sévères sont imposées à l'homme à l'égard de sa bel<strong>le</strong>-sœur, c'est-à-dire de la<br />
femme du frère de sa propre femme. Lorsqu'un homme rencontre quelque part<br />
c<strong>et</strong>te personne, dangereuse <strong>pour</strong> lui, il l'évite soigneusement. Il n'ose pas<br />
manger du même plat qu'el<strong>le</strong>, il ne lui par<strong>le</strong> qu'en tremblant, il ne se décide pas<br />
à s'approcher de sa cabane <strong>et</strong> la salue d'une voix à peine perceptib<strong>le</strong> 2 .<br />
Chez <strong>le</strong>s Akamba (oit Wakamba) de l'Est africain anglais, il existe une<br />
prohibition qu'on s'attendrait à trouver plus fréquemment. Pendant la période<br />
comprise entre la puberté <strong>et</strong> <strong>le</strong> mariage, une jeune fil<strong>le</strong> doit obstinément éviter<br />
son père. El<strong>le</strong> se cache, lorsqu'el<strong>le</strong> <strong>le</strong> rencontre dans la rue, ne cherche jamais à<br />
s'asseoir à côté de lui <strong>et</strong> se comporte ainsi jusqu'aux fiançail<strong>le</strong>s. À partir du jour<br />
où el<strong>le</strong> est mariée, <strong>le</strong>s rapports entre el<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong> père deviennent libres 3 .<br />
La prohibition la plus répandue, la plus sévère <strong>et</strong> la plus intéressante,<br />
même <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s civilisés, est cel<strong>le</strong> qui porte sur <strong>le</strong>s relations entre <strong>le</strong><br />
gendre <strong>et</strong> la bel<strong>le</strong>-mère. El<strong>le</strong> existe chez tous <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s australiens, mais on la<br />
constate aussi chez <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s mélanésiens, polynésiens <strong>et</strong> chez <strong>le</strong>s nègres de<br />
l'Afrique, partout où l'on r<strong>et</strong>rouve <strong>le</strong>s traces du totémisme <strong>et</strong> de la parenté de<br />
groupe, <strong>et</strong> peut-être même ail<strong>le</strong>urs. Chez quelques-uns de ces peup<strong>le</strong>s on<br />
trouve des prohibitions analogues concernant <strong>le</strong>s relations anodines entre une<br />
femme <strong>et</strong> son beau-père, mais ces prohibitions sont moins constantes <strong>et</strong><br />
sérieuses que cel<strong>le</strong>s citées plus haut. Dans certains cas isolés, il est<br />
recommandé d'éviter <strong>le</strong>s deux beaux-parents.<br />
Comme, en ce qui concerne la prohibition touchant <strong>le</strong>s relations entre<br />
bel<strong>le</strong>-mère <strong>et</strong> gendre, <strong>le</strong> détail des faits nous intéresse moins que <strong>le</strong> sens de la<br />
prohibition, je vais me borner ici encore à ne citer que quelques exemp<strong>le</strong>s.<br />
1 Frazer, l. c., II, p. 189.<br />
2 Frazer, l. c., II, 11. 388, d'après Junod.<br />
3 Frazer, l. c., II, p. 424.