Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 182<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
Mais en y réfléchissant de près, <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur constatera que nous ne sommes<br />
pas <strong>le</strong>s seuls à porter la responsabilité de c<strong>et</strong>te audace. Sans l'hypothèse d'une<br />
âme col<strong>le</strong>ctive, d'une continuité de la vie psychique de l'homme, qui perm<strong>et</strong> de<br />
ne pas tenir compte des interruptions des actes psychiques résultant de la<br />
disparition des existences individuel<strong>le</strong>s, la psychologie col<strong>le</strong>ctive, la psychologie<br />
des peup<strong>le</strong>s ne saurait exister. Si <strong>le</strong>s processus psychiques d'une génération ne<br />
se transm<strong>et</strong>taient pas à une autre, ne se continuaient pas dans une autre,<br />
chacune serait obligée de recommencer son apprentissage de la vie, ce qui<br />
excluerait de tout progrès <strong>et</strong> tout développement. Et, à ce propos, nous<br />
pouvons nous poser <strong>le</strong>s deux questions suivantes : dans quel<strong>le</strong> mesure<br />
convient-il de tenir compte de la continuité psychique dans la vie des<br />
générations successives? De quels moyens une génération se sert-el<strong>le</strong> <strong>pour</strong><br />
transm<strong>et</strong>tre ses états psychiques à la génération suivante? Ces deux questions<br />
n'ont pas encore reçu une solution satisfaisante; <strong>et</strong> la transmission directe par<br />
la tradition, à laquel<strong>le</strong> on est tenté de penser tout d'abord, est loin de remplir<br />
<strong>le</strong>s conditions voulues. En général, la psychologie col<strong>le</strong>ctive se soucie fort peu<br />
de savoir par quels moyens se trouve réalisée la continuité de la vie psychique<br />
des générations successives. C<strong>et</strong>te continuité est assurée en partie par l'hérédité<br />
des dispositions psychiques qui, <strong>pour</strong> devenir efficaces, ont cependant besoin<br />
d'être stimulées par certains événements de la vie individuel<strong>le</strong>. C'est ainsi qu'il<br />
faut interpréter <strong>le</strong> mot du poète : « ce que tu as hérité de tes pères acquiers-<strong>le</strong><br />
<strong>pour</strong> <strong>le</strong> posséder ». Le problème paraîtrait beaucoup plus diffici<strong>le</strong> encore, si<br />
nous avions des raisons d'adm<strong>et</strong>tre l'existence de faits psychiques susceptib<strong>le</strong>s<br />
d'une répression tel<strong>le</strong> qu'il disparaissent sans laisser des traces. Mais des faits<br />
pareils n'existent pas. Quelque forte que soit la répression, une tendance ne<br />
disparaît jamais au point de ne pas laisser après el<strong>le</strong> une substitution<br />
quelconque qui, à son tour, devient <strong>le</strong> point de départ de certaines réactions.<br />
Force nous est donc d'adm<strong>et</strong>tre qu'il n'y a pas de processus psychique plus ou<br />
moins important qu'une génération soit capab<strong>le</strong> de dérober à cel<strong>le</strong> qui la suit.<br />
La psychanalyse nous a montré notamment que l'homme possède, dans son<br />
activité spirituel<strong>le</strong> inconsciente, un appareil qui lui perm<strong>et</strong> 'd'interpréter <strong>le</strong>s<br />
réactions d'autres hommes, c'est-à-dire de redresser, de corriger <strong>le</strong>s<br />
déformations que ses semblab<strong>le</strong>s impriment à l'expression de <strong>le</strong>urs