Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 18<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
ajouter toute une série de « coutumes » qui, destinées à empêcher <strong>le</strong>s rapports<br />
sexuels individuels entre proches parents, à l'instar de ce qui se passe chez<br />
nous, sont observées avec une rigueur religieuse. Le but que <strong>pour</strong>suivent ces<br />
coutumes n'est guère douteux. Les auteurs anglais <strong>le</strong>s désignent sous <strong>le</strong> nom<br />
d'avoidances (ce qui doit être évité). El<strong>le</strong>s sont répandues bien au delà des<br />
peup<strong>le</strong>s totémiques australiens. Je prierai seu<strong>le</strong>ment ici <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur de se<br />
contenter de quelques extraits fragmentaires des abondants documents que<br />
nous possédons sur ce suj<strong>et</strong>.<br />
En Mélanésie, ces prohibitions restrictives visent <strong>le</strong>s rapports du fils avec la<br />
mère <strong>et</strong> <strong>le</strong>s sœurs. C'est ainsi qu'à Lepers Island, une des î<strong>le</strong>s des Nouvel<strong>le</strong>s-<br />
Hébrides, <strong>le</strong> garçon, lorsqu'il a atteint un certain âge, quitte <strong>le</strong> toit maternel <strong>et</strong><br />
s'en va demeurer dans la maison commune (club) où il couche <strong>et</strong> prend ses<br />
repas. Il peut encore visiter sa maison, <strong>pour</strong> venir y réclamer sa nourriture ;<br />
mais lorsque sa sœur y est présente, il doit s'en al<strong>le</strong>r, sans avoir mangé ;<br />
lorsqu'aucune de ses sœurs n'est présente, il doit prendre son repas, assis près<br />
de la porte. Si, hors de la maison, frère <strong>et</strong> sœur se rencontrent par hasard, cel<strong>le</strong>ci<br />
doit se sauver ou se cacher. Lorsque <strong>le</strong> garçon reconnaît sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> <strong>le</strong>s traces<br />
des pas de l'une de ses sœurs, il ne doit pas <strong>le</strong>s suivre. La même prohibition<br />
s'applique à la sœur. Le garçon ne doit même pas prononcer <strong>le</strong> nom de sa sœur<br />
<strong>et</strong> à doit se garder de prononcer un mot du langage courant, lorsque ce mot fait<br />
partie du nom de sa sœur.<br />
C<strong>et</strong>te prohibition, qui entre en vigueur lors de la cérémonie de la puberté,<br />
doit être observée toute la vie durant. L'éloignement entre une mère <strong>et</strong> son fils<br />
augmente avec <strong>le</strong>s années, la réserve observée par la mère étant toutefois plus<br />
grande que cel<strong>le</strong> imposée au fils. Lorsqu'el<strong>le</strong> lui apporte quelque chose à<br />
manger, el<strong>le</strong> ne lui rem<strong>et</strong> pas <strong>le</strong>s aliments directement, mais <strong>le</strong>s dépose devant<br />
lui; el<strong>le</strong> ne lui par<strong>le</strong> jamais familièrement, mais lui dit « vous », en s'adressant à<br />
lui, au lieu de « tu » (il s'agit, bien entendu, de mots correspondant à notre «<br />
vous » <strong>et</strong> à notre « tu »). Les mêmes coutumes sont en vigueur en Nouvel<strong>le</strong>-<br />
Calédonie. Lorsqu'un frère <strong>et</strong> une sœur se rencontrent, cel<strong>le</strong>-ci se cache dans<br />
<strong>le</strong>s buissons, <strong>et</strong> lui passe, sans se r<strong>et</strong>ourner vers el<strong>le</strong> 1 .<br />
1 R. H. Codrington, The Melanesians, in Frazer : <strong>Totem</strong>ism and Exogamy, vol. I, p. 77.