Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 174<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
l'animal qui lui est consacré <strong>et</strong> qui n'est autre que lui-même. C'est la négation<br />
extrême du grand crime qui a marqué <strong>le</strong>s débuts de la société <strong>et</strong> la naissance du<br />
sentiment de responsabilité. C<strong>et</strong>te manière de concevoir <strong>le</strong> sacrifice présente<br />
encore une autre signification, faci<strong>le</strong> à saisir : cel<strong>le</strong> de la satisfaction qu'on<br />
éprouve d'avoir abandonné <strong>le</strong> culte du totem <strong>pour</strong> celui d'une divinité, c'est-àdire<br />
une substitution inférieure du père <strong>pour</strong> une substitution supérieure. La<br />
traduction platement allégorique de la scène coïncide ici avec son<br />
interprétation psychanalytique. Cel<strong>le</strong>-là nous dit : la scène en question est<br />
destinée à montrer que <strong>le</strong> dieu a surmonté la partie anima<strong>le</strong> de son être 1 .<br />
Ce serait cependant une erreur de croire que <strong>le</strong>s dispositions hosti<strong>le</strong>s à<br />
l'égard de l'autorité paternel<strong>le</strong> rétablie, dispositions qui font partie du<br />
comp<strong>le</strong>xe paternel, soient désormais complètement éteintes. Au contraire, c'est<br />
dans <strong>le</strong>s premières phases de l'existence des deux nouvel<strong>le</strong>s formations<br />
substitutives du père, c'est-à-dire des dieux <strong>et</strong> des rois, que nous trouvons <strong>le</strong>s<br />
manifestations <strong>le</strong>s plus accentuées de c<strong>et</strong>te ambiva<strong>le</strong>nce qui reste<br />
caractéristique de la religion.<br />
Dans son grand ouvrage : The Golden Bough, Frazer a émis l'hypothèse que<br />
<strong>le</strong>s premiers rois des tribus latines étaient des étrangers qui jouaient <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />
d'une divinité <strong>et</strong> étaient sacrifiés comme tel<strong>le</strong> so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>ment, un jour de fête<br />
déterminé. Le sacrifice (variante: <strong>le</strong> sacrifice de soi-même) annuel d'un dieu<br />
semb<strong>le</strong> avoir été un trait caractéristique des religions sémitiques. Le<br />
cérémonial des sacrifices humains sur <strong>le</strong>s points <strong>le</strong>s plus divers de la terre<br />
habitée montre, à n'en pas douter, que ces hommes étaient sacrifiés, en tant<br />
que représentants de la divinité, <strong>et</strong> la coutume se maintient encore à des<br />
époques assez tardives, à la différence près que des hommes vivants sont remplacés<br />
par des modè<strong>le</strong>s inanimés (mannequins, poupées). Le sacrifice divin<br />
théoanthropique, que je ne puis malheureusement pas traiter ici avec <strong>le</strong>s<br />
mêmes détails que <strong>le</strong> sacrifice animal, proj<strong>et</strong>te une lumière crue sur <strong>le</strong> passe <strong>et</strong><br />
1 Le renversement d'une génération de dieux par une autre, dont par<strong>le</strong>nt toutes <strong>le</strong>s mythologies, signifie<br />
évidemment <strong>le</strong> processus historique du remplacement d'un système religieux par un autre, soit à la suite<br />
d'une conquête par un peup<strong>le</strong> étranger, soit comme conséquence du développement psychologique. Dans<br />
ce dernier cas, <strong>le</strong> mythe se rapprocherait de ce que H. Silberer appel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s « Phénomènes fonctionnels ».<br />
L'affirmation de C. G. Jung (l. c.) que <strong>le</strong> dieu qui tue l'animal est un symbo<strong>le</strong> libidineux, suppose une autre<br />
conception de la libido que cel<strong>le</strong> qui a été en vigueur jusqu'à présent <strong>et</strong> me parait en général discutab<strong>le</strong>.