Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 171<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
rechercher si <strong>le</strong> fait que nous signalons est réel <strong>et</strong>, dans l'affirmative, quel sens<br />
il faut lui attribuer.<br />
Nous savons qu'il existe entre <strong>le</strong> dieu <strong>et</strong> l'animal sacré (totem, animal de<br />
sacrifice) des rapports multip<strong>le</strong>s; 1° à chaque dieu est généra<strong>le</strong>ment consacré<br />
un animal, parfois plusieurs; 2° dans certains sacrifices, particulièrement<br />
sacrés, c'est précisément l'animal consacré au dieu qui lui est offert en<br />
sacrifice 1 ; 3° <strong>le</strong> dieu est souvent adoré ou vu sous <strong>le</strong>s traits d'un animal; <strong>et</strong><br />
même longtemps après <strong>le</strong> totémisme, certains animaux sont l'obj<strong>et</strong> d'un culte<br />
divin; 4° dans <strong>le</strong>s mythes, <strong>le</strong> dieu se transforme souvent en un animal, dans la<br />
plupart des cas dans l'animal qui lui est consacré. Il semb<strong>le</strong>rait donc naturel<br />
d'adm<strong>et</strong>tre que c'est <strong>le</strong> dieu lui-même qui était l'animal totémique, dont il<br />
serait né à une phase de développement supérieure du sentiment religieux.<br />
Mais nous échappons à toute discussion ultérieure, en adm<strong>et</strong>tant que <strong>le</strong> totem<br />
lui-même n'est qu'une représentation substitutive du père. Il serait donc la<br />
première forme de c<strong>et</strong>te substitution, dont <strong>le</strong> dieu serait la forme plus<br />
développée, dans laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> père a recouvré <strong>le</strong>s traits humains. C<strong>et</strong>te nouvel<strong>le</strong><br />
création, née de la racine même de toute formation religieuse, c'est-à-dire de<br />
l'amour du père, n'a pu devenir possib<strong>le</strong> qu'à la suite de certaine changements<br />
essentiels survenus au cours des temps dans l'attitude à l'égard du père, <strong>et</strong><br />
peut-être aussi à l'égard de l'animal.<br />
Ces changements sont faci<strong>le</strong>s à constater, même si l'on fait abstraction de<br />
l'éloignement psychique qui s'est opéré à l'égard de l'animal <strong>et</strong> <strong>le</strong> la<br />
décomposition du totémisme par l'eff<strong>et</strong> de la domestication 2 . Dans la situation<br />
créée par la suppression du père il y avait un élément qui devait, avec <strong>le</strong> temps,<br />
avoir <strong>pour</strong> eff<strong>et</strong> un renforcement extraordinaire de l'amour du père. Les frères<br />
qui s'étaient réunis <strong>pour</strong> accomplir <strong>le</strong> parricide, devaient avoir chacun <strong>le</strong> désir<br />
de devenir égal au père, <strong>et</strong> ils cherchaient à satisfaire ce désir, en s'incorporant,<br />
pendant <strong>le</strong> repas totémique, des parties de l'animal. qui servaient de<br />
substitution au père. Mais étant donné la pression que <strong>le</strong>s liens du clan<br />
fraternel exerçaient sur chacun de ses membres, ce désir devait rester<br />
1 Robertson Smith, Religion of the Semites.<br />
2 Voir plus haut, pp. 187-188.