Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 160<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
un lien sacré, mais aux époques plus anciennes c<strong>et</strong>te signification n'était<br />
attribuée qu'à la consommation en commun de la chair de l'animal sacré. Le<br />
mystère sacré (<strong>le</strong> la mort de l'animal se justifie par <strong>le</strong> fait que c'est ainsi<br />
seu<strong>le</strong>ment que peut s'établir <strong>le</strong> lien unissant <strong>le</strong>s participants entre eux <strong>et</strong> à <strong>le</strong>ur<br />
dieu 1.<br />
Ce lien n'est autre que la vie même de l'animal sacrifié, c<strong>et</strong>te vie résidant<br />
dans sa chair <strong>et</strong> dans son sang <strong>et</strong> se communiquant au cours du repas de<br />
sacrifice à tous ceux qui y prennent part. C<strong>et</strong>te représentation forme la base de<br />
tous <strong>le</strong>s liens de sang que <strong>le</strong>s hommes contractent <strong>le</strong>s uns envers <strong>le</strong>s autres,<br />
même à des époques assez récentes. La conception éminemment réaliste, qui<br />
voit dans la communauté de sang une identité de substance, laisse comprendre<br />
<strong>pour</strong>quoi on jugeait de temps à autre nécessaire de renouve<strong>le</strong>r c<strong>et</strong>te identité<br />
par <strong>le</strong> procédé purement physique du repas de sacrifice.<br />
Arrêtons ici <strong>le</strong> raisonnement de Robertson Smith, <strong>pour</strong> en résumer aussi<br />
brièvement que possib<strong>le</strong> la substance <strong>et</strong> <strong>le</strong> noyau. Avec la naissance de l'idée de<br />
propriété privée, <strong>le</strong> sacrifice fat conçu comme un don fait à la divinité, comme<br />
la remise à cel<strong>le</strong>-ci d'une chose appartenant en propriété à l'homme. Mais c<strong>et</strong>te<br />
interprétation laissait sans explication toutes <strong>le</strong>s particularités du rituel du<br />
sacrifice. Aux époques très anciennes, l'animal de sacrifice était sacré, sa vie<br />
était intangib<strong>le</strong> <strong>et</strong> ne pouvait être supprimée qu'avec la participation <strong>et</strong> sous la<br />
commune responsabilité de toute la tribu, en présence du dieu, afin que<br />
s'assimilant sa substance sacrée, <strong>le</strong>s membres du clan raffermissent l'identité<br />
matériel<strong>le</strong> qui, croyaient-ils, <strong>le</strong>s reliait <strong>le</strong>s uns aux autres <strong>et</strong> à la divinité. Le<br />
sacrifice était un sacrement, l'animal du sacrifice un membre du clan. C'était<br />
en réalité parla mise à mort <strong>et</strong> par l'absorption de l'ancien animal totémique,<br />
du dieu primitif lui-même, que <strong>le</strong>s membres du clan entr<strong>et</strong>enaient <strong>et</strong><br />
renforçaient <strong>le</strong>ur communion intime avec la divinité, afin de jours semblab<strong>le</strong>s à<br />
cel<strong>le</strong>-ci.<br />
De c<strong>et</strong>te analyse du sacrifice, Robertson Smith tira la conclusion que la<br />
mise à mort <strong>et</strong> l'absorption périodiques du totem aux époques ayant précédé <strong>le</strong><br />
1 Loc. cit., p. 113.