Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 159<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
offrant <strong>le</strong> sacrifice <strong>le</strong>s fidè<strong>le</strong>s faisaient en quelque sorte ressortir la parenté de<br />
sang qui <strong>le</strong>s rattachait à l'animal <strong>et</strong> au dieu. A une époque plus ancienne, c<strong>et</strong>te<br />
différence entre sacrifices ordinaires <strong>et</strong> sacrifices « mythiques » n'existe pas<br />
encore. Tous <strong>le</strong>s animaux sont alors sacrés: l'usage de <strong>le</strong>ur chair est défendu,<br />
sauf dans <strong>le</strong>s occasions so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>s <strong>et</strong> avec la participation de toute la tribu. La<br />
mise à mort de l'animal est assimilée à un meurtre, comme s'il portait sur un<br />
membre de la tribu, <strong>et</strong> ce meurtre ne doit être effectué qu'en observant <strong>le</strong>s<br />
mêmes précautions <strong>et</strong> <strong>le</strong>s mêmes garanties contre tout reproche possib<strong>le</strong>.<br />
La domestication des animaux <strong>et</strong> l'introduction de l'é<strong>le</strong>vage semb<strong>le</strong>nt avoir<br />
signifié partout la fin du totémisme pur <strong>et</strong> strict des temps primitifs 1 . Mais <strong>le</strong>s<br />
traces du caractère sacré des animaux domestiques qu'on r<strong>et</strong>rouve dans ces<br />
religions « pastora<strong>le</strong>s » suffisent à faire reconnaître dans ces animaux <strong>le</strong>s<br />
anciens totem. Encore à l'époque classique assez avancée, <strong>le</strong> rite prescrivait au<br />
sacrificateur, dans certains endroits, de prendre la fuite une fois <strong>le</strong> sacrifice<br />
accompli, comme s'il avait à se soustraire à un châtiment. En Grèce, l'idée<br />
devait être autrefois généra<strong>le</strong>ment répandue que la mise à mort d'un bœuf était<br />
un véritab<strong>le</strong> crime.<br />
Aux fêtes athéniennes de Bouphonies, <strong>le</strong> sacrifice était suivi d'un véritab<strong>le</strong><br />
procès, avec interrogatoire de tous <strong>le</strong>s participants. On se m<strong>et</strong>tait fina<strong>le</strong>ment<br />
d'accord <strong>pour</strong> rej<strong>et</strong>er la faute sur <strong>le</strong> couteau qu'on j<strong>et</strong>ait à la mer.<br />
Malgré la crainte qui protégeait la vie de l'animal sacré, comme s'il était un<br />
membre de la tribu, la nécessité s'imposait de temps à autre de <strong>le</strong> sacrifier<br />
so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>ment en présence de toute la communauté <strong>et</strong> de distribuer sa chair <strong>et</strong><br />
son sang aux membres de la tribu.<br />
Le motif qui dictait ces actes nous livre <strong>le</strong> sens <strong>le</strong> plus profond du sacrifice.<br />
Nous savons que plus tard tout repas pris en commun, toute participation à la<br />
même substance ayant pénétré dans <strong>le</strong> corps, créaient entre <strong>le</strong>s commensaux<br />
1 « La conclusion est que la domestication à laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> totémisme aboutit invariab<strong>le</strong>ment (lorsqu'il y a (<strong>le</strong>s<br />
animaux se prêtant à la domestication) est fata<strong>le</strong> au totémisme ». Jevons : An introduction to the History of<br />
Religion, 5th édit., 1911, p. 120.