Totem et Tabou - Philosophie pour le Bac
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Sigmund Freud (1912), <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> tabou. Interprétation par la psychanalyse 158<br />
de la vie socia<strong>le</strong> des peup<strong>le</strong>s primitifs<br />
de la mère; il n'existe aucune parenté triba<strong>le</strong> entre l'homme <strong>et</strong> <strong>le</strong>s autres<br />
membres de la famil<strong>le</strong>. Dans une famil<strong>le</strong> pareil<strong>le</strong> il n'y a pas de repas commun.<br />
Les sauvages mangent encore aujourd'hui séparément <strong>et</strong> <strong>le</strong>s prohibitions<br />
religieuses du totémisme, relatives aux aliments, <strong>le</strong>s m<strong>et</strong>tent souvent dans l'impossibilité<br />
de manger en commun avec <strong>le</strong>urs enfants.<br />
Revenons maintenant à l'animal de sacrifice. Nous savons déjà qu'il n'y<br />
avait pas de réunion de la tribu sans sacrifice d'un animal, mais aussi (<strong>et</strong> <strong>le</strong> fait<br />
est significatif) un animal ne pouvait être tué qu'à l'occasion d'un de ces<br />
événements so<strong>le</strong>nnels. On se nourrissait de fruits, de gibier, de lait d'animaux<br />
domestiques, mais des scrupu<strong>le</strong>s religieux défendaient à chacun de tuer un<br />
animal domestique <strong>pour</strong> sa consommation personnel<strong>le</strong>. Il est hors de doute, dit<br />
Robertson Smith, que chaque sacrifice était primitivement un sacrifice col<strong>le</strong>ctif<br />
du clan <strong>et</strong> que la mise à mort de la victime était un acte défendu à l'individu <strong>et</strong><br />
qui n'était justifié que lorsque la tribu en assumait la responsabilité. Il n'existe<br />
chez <strong>le</strong>s primitifs qu'une seu<strong>le</strong> catégorie d'actions auxquel<strong>le</strong>s s'applique c<strong>et</strong>te<br />
caractéristique : ce sont <strong>le</strong>s actions qui portent atteinte au caractère sacré du<br />
sang commun à la tribu. Une vie que nul individu ne peut supprimer <strong>et</strong> qui ne<br />
peut être sacrifiée qu'avec <strong>le</strong> consentement, la participation de tous <strong>le</strong>s<br />
membres du clan, occupe <strong>le</strong> même rang que la vie des membres du clan euxmêmes.<br />
La règ<strong>le</strong>, qui ordonne à chaque convive qui assiste au repas du sacrifice<br />
de goûter de la viande de l'animal sacrifié, a la même signification que la<br />
prescription d'après laquel<strong>le</strong> un membre de la tribu ayant commis une faute<br />
doit être exécuté par la tribu entière. En d'autres termes, l'animal sacrifié était<br />
traité comme un membre de la tribu; la communauté offrant <strong>le</strong> sacrifice, son<br />
dieu <strong>et</strong> l'animal étaient du même sang, membres d'un seul <strong>et</strong> même clan.<br />
S'appuyant sur de nombreuses données, Robertson Smith identifie l'animal<br />
sacrifié avec l'ancien animal totémique. Il y avait dans l'antiquité deux sortes de<br />
sacrifices: <strong>le</strong>s sacrifices d'animaux domestiques qui étaient généra<strong>le</strong>ment<br />
mangés, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s sacrifices extraordinaires d'animaux qui étaient interdits comme<br />
impurs. Un examen plus approfondi révè<strong>le</strong> que ces animaux impurs étaient des<br />
animaux sacrés, qu'ils étaient sacrifiés aux dieux <strong>pour</strong> <strong>le</strong>squels ils étaient<br />
sacrés, qu'ils étaient primitivement identiques aux dieux eux-mêmes <strong>et</strong> qu'en