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Robert Orengo<br />

LE SAHARA : PARADIS PERDUS<br />

DANS L’ENFER DU DESERT<br />

Préface,<br />

1


C'est pour moi un très grand honneur et j'ai beaucoup de plaisir à préfacer<br />

l'ouvrage auto-bibliographique de Robert ORENGO pour trois raisons :<br />

comme collègue : il a été, de 1949 à 1956, un ingénieur du service des Ponts et<br />

Chaussées d'Algérie, du temps où la France avait transposé son organisation<br />

administrative jusque dans <strong>le</strong>s confins du Sahara. Comme dans l'hexagone, il y avait une<br />

préfecture dans chaque département et un service des Ponts et Chaussées avec à sa tête<br />

un ingénieur en chef dirigeant des ingénieurs d'arrondissement puis des<br />

subdivisionnaires. Ces ingénieurs de terrain assuraient un service opérationnel avec des<br />

équipes de 100 personnes et du matériel.<br />

Robert ORENGO est nommé pour son premier poste à cette fonction, à la sortie de<br />

ses études supérieures de géologie, en p<strong>le</strong>in Sahara avec sa jeune épouse Léo. Il avait 25<br />

ans et il assurait la direction de la totalité des travaux d'hydraulique pour un territoire<br />

qui faisait <strong>le</strong> quart de la France. Cela me renvoie à ma propre carrière comme<br />

subdivisionnaire de Perpignan puis ingénieur d'arrondissement à Nîmes sur des<br />

territoires aux surfaces bien plus modestes, mais sur des fonctions identiques : nous étions<br />

<strong>le</strong>s « hommes de l'équipement avec nos 4L orange »...Robert ORENGO avait quant à lui,<br />

une JEEP, adaptation au terrain oblige...<br />

A l'heure où quelques esprits chagrins culpabilisent <strong>le</strong>s jeunes générations sur <strong>le</strong><br />

rô<strong>le</strong> de la France dans ses contrées lointaines, l'ouvrage de Robert ORENGO apporte des<br />

réponses simp<strong>le</strong>s et concrètes. J'ai pu moi-même en vérifier des témoignages, dans <strong>le</strong>s<br />

années 2000 à BATNA , seu<strong>le</strong> fois où je suis allé en Algérie à la rencontre des<br />

intel<strong>le</strong>ctuels algériens d'aujourd'hui. C'est eux qui mesurent <strong>le</strong>s impacts bénéfiques de<br />

tous ces travaux engagés par des hommes qui avaient quitté <strong>le</strong>ur lointaine province pour<br />

traverser la méditerranée et donner <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur d'eux- mêmes. Robert ORENGO par<strong>le</strong><br />

aussi de ceux qui n'étaient pas à la hauteur et qui sont passés à côté de <strong>le</strong>ur mission...<br />

Comme spécialiste de l'hydrogéologie : nous sentons au travers du récit de son aventure<br />

saharienne, la passion pour son métier, à la recherche de l'eau « source de vie »...cette<br />

eau à capter, à dompter, ô combien indispensab<strong>le</strong> dans ce « désert de la soif », pour<br />

permettre de développer une agriculture et répondre aux besoins toujours grandissants<br />

des populations loca<strong>le</strong>s. J'ai rencontré Robert ORENGO dans <strong>le</strong>s années 95 pour établir<br />

<strong>le</strong> premier schéma des carrières du Gard et j'ai pu me rendre compte de l'étendue de ses<br />

connaissances et de l'ancrage de sa pratique . Il ne possède pas seu<strong>le</strong>ment des<br />

connaissances livresques, mais il a cette <strong>le</strong>cture du paysage géologique, avec ce don<br />

remarquab<strong>le</strong> d'observation des géologues. Il sait capitaliser ce savoir précieux, c'est cela<br />

qui constitue son expérience unique.<br />

Par la suite, nous avons continué à travail<strong>le</strong>r ensemb<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> concept Hortonien<br />

pour <strong>le</strong>s sols gardois dans <strong>le</strong> cadre d'une recherche pour <strong>le</strong> Service d'Annonce des Crues.<br />

Sa longévité professionnel<strong>le</strong> exceptionnel<strong>le</strong> me permet de bénéf<strong>ici</strong>er encore de ses conseils<br />

dans mes attributions actuel<strong>le</strong>s, lorsque souvent un chantier routier présente une difficulté<br />

géologique. Il est toujours là pour m'éclairer de ses connaissances et de sa longue<br />

expérience....il n'est pas rare que cela lui rappel<strong>le</strong> des difficultés rencontrées sur ses<br />

propres chantiers, avec, en prime, quelques anecdotes toujours savoureuses ...<br />

Comme conteur du Sahara : son récit nous transporte « comme sur un tapis<br />

volant » dans des lieux certes hosti<strong>le</strong>s mais vrais, où <strong>le</strong> temps et l'espace n'ont pas la<br />

même va<strong>le</strong>ur que dans nos sociétés occidenta<strong>le</strong>s d’aujourd’hui. Là-bas, l'humain prend<br />

toute sa dimension. A la <strong>le</strong>cture de son ouvrage, vous percevrez que sa découverte du<br />

Sahara n'a pas été seu<strong>le</strong>ment pour Robert ORENGO « d'assurer un poste<br />

opérationnel » mais cela lui a permis d'al<strong>le</strong>r à la rencontre d'autres cultures. Il a<br />

partagé <strong>le</strong> quotidien des populations loca<strong>le</strong>s ; au delà de l'application de son savoirfaire<br />

technique il a profondément aimé ce Sahara qui transforme en profondeur ceux<br />

qui ont choisi d'y vivre.<br />

C'est une des meil<strong>le</strong>ures périodes de sa vie, cel<strong>le</strong> où il a été tout simp<strong>le</strong>ment<br />

heureux.... Je vous souhaite une bonne <strong>le</strong>cture de ce témoignage de la vie d'un homme.<br />

Michel LESCURE ancien des DDE de France, directeur au Conseil Général du<br />

Gard.<br />

2


A tous ceux qui nous ont beaucoup aidés pour réaliser cet ouvrage.<br />

En premier lieu, mon confrère et Ami, Michel Lescure, et son<br />

épouse, <strong>le</strong> premier, pour avoir spontanément accepté de <strong>le</strong> préfacer, et de nous suggérer<br />

de nombreuses modifications soit de présentation, soit de compléments, de précisons,<br />

ou de détails, ce qu’il a fait, avec une grande attention et une efficacité parfaites.<br />

Nous avons fait connaissance il y a de nombreuses années, alors qu’il<br />

dirigeait un service de la DDE de Nîmes, et à sa demande, j’ai part<strong>ici</strong>pé, avec lui, à de<br />

nombreuses commissions concernant soit <strong>le</strong> plan d’exploitation des carrières du Gard,<br />

de la MISE du Gard, soit de différents projets routiers. Nous avons, tous deux, la même<br />

optique sur une protection efficace de l’environnement, écologiquement raisonnée et<br />

surtout applicab<strong>le</strong>, cherchant à convaincre, sans tomber dans la controverse<br />

systématique.<br />

Nous avons, éga<strong>le</strong>ment, en commun un grand respect, pour <strong>le</strong>s travaux des<br />

Anciens, trop souvent négligés, qui ont fortement contribué à la recherche scientifique et<br />

qui avaient mis au point des techniques très approfondies bien avant nous, et avec des<br />

moyens très rudimentaires. Les Perses, <strong>le</strong>s Romains, <strong>le</strong>s grecs, Pitot et son tube,<br />

Archimède, et tant d’autres, pour n’en citer que quelques uns, dont <strong>le</strong>s acquis<br />

techniques, ne sont plus enseignés aux générations nouvel<strong>le</strong>s.<br />

Michel Lescure est particulièrement apprécié par tous ses collaborateurs,<br />

pour <strong>le</strong>squels il à une grande estime, et, son autorité n’est pas la conséquence de ses<br />

fonctions, mais de la nature de son contact humain, avec tous ceux qui l’entourent.<br />

Son amitié est précieuse et cha<strong>le</strong>ureuse, sans aucune ambigüité.<br />

Nous tenons éga<strong>le</strong>ment à remercier notre Ami Patrice Paysserand, qui, avec<br />

ses connaissances approfondies en informatique, adepte inconditionnel de Photoshop,<br />

nous a beaucoup aidé pour tous nos travaux de reproductions photographiques, et<br />

d’informatique.<br />

A de nombreuses reprises, il a été ma bouée de sauvetage, lors des<br />

difficultés innombrab<strong>le</strong>s que je rencontre à tous moments, avec la soi disant<br />

logique, de mes ordinateurs. Je tiens, éga<strong>le</strong>ment, à remercier mes deux sœurs,<br />

Suzanne et Moniquette, ainsi que ma fil<strong>le</strong> ainée, Annie France, qui m’ont encouragé<br />

à persévérer dans ce travail.<br />

Tous mes remerciements vont éga<strong>le</strong>ment à tous ceux qui m’ont apporté <strong>le</strong>ur<br />

aide dans cette tache, véritab<strong>le</strong> travail de Sisyphe, où il faut, en permanence, se remettre<br />

en question pour parvenir à un résultat qui, je l’espère, pourra satisfaire tous mes amis<br />

<strong>le</strong>cteurs.<br />

Robert Orengo - Saint Clément - Mai 2010<br />

3


Photo montage de mon Ami Patrice Paysserand, à partir d’un cliché<br />

Réalisé en 2009, lors du passage à Sommières, d’un cirque et de son lion Sultan.<br />

La majesté de ce superbe animal est, pour moi <strong>le</strong> symbo<strong>le</strong> de la force tranquil<strong>le</strong>, qui<br />

peut se déchainer à tous moments, sous l’influence néfaste des hommes, et à <strong>le</strong>s<br />

attaquer, alors que, dans <strong>le</strong>ur milieu naturel, ils sont pacifiques, et ne tuent <strong>le</strong>urs<br />

proies que pour se nourrir, contrairement aux chasseurs, qui, détruisent tous gibiers,<br />

et même <strong>le</strong>urs semblab<strong>le</strong>s, non par nécessité, mais pour <strong>le</strong> seul plaisir de tuer, pour se<br />

donner une illusion de puissance, dès qu’ils ont une arme en <strong>le</strong>urs mains.<br />

4


Nouveau jardin à Adrar, extension de la palmeraie<br />

5


Vue de la bordure Nord de la sebkra de Timimoun<br />

BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR :<br />

J’avais tout d’abord envisagé d’intitu<strong>le</strong>r ce mémoire<br />

SOUS LE SIGNE DE L’EAU, LES TORRENTS DE MA VIE<br />

Mais j’ai changé ce titre, et j’ai rajouté cette préface, qui vous permettra de<br />

mieux me connaître, et vous expliquer pourquoi je l’avais choisi.<br />

S’il fut une existence, marquée par la Nature et l’Eau, ce fut bien mon cas.<br />

Je suis né, première coïncidence, un 27 Février, sous un <strong>le</strong> signe zodiacal des<br />

POISSONS, signe d’eau, et mon épouse, ma chère Léo, un 3 Février sous <strong>le</strong><br />

signe du VERSEAU, éga<strong>le</strong>ment signe d’eau.<br />

Je vins au monde au village des Martigues, port provençal dit : La Venise<br />

provença<strong>le</strong>, dans la rue des amoureux.<br />

Deuxième coïncidence, mon père, Montpelliérain d’origine était<br />

fonctionnaire, et venait d’être muté aux Martigues, où nous sommes restés<br />

trois ans, dans ma première jeunesse.<br />

Tout ce qui fut marquant, pendant cette courte période, m’a été raconté<br />

par mes parents : Ils m’ont dit qu’aussitôt que je pus marcher, j’allais<br />

ramasser, dans <strong>le</strong>s trous du mur de notre petit jardin, des «cagaraou<strong>le</strong>ttes »<br />

(petits escargots blancs), que je mangeais tout crus, avec <strong>le</strong>ur coquil<strong>le</strong>, ce qui<br />

me valait quelques fessées de ma chère maman.<br />

Mes prénoms, à part <strong>le</strong> premier, étaient tout aussi prémonitoires :<br />

Sylvain et va<strong>le</strong>ntin. Sylvain du latin (Sylva, la forêt), me prédestinait à aimer<br />

6


la nature, <strong>le</strong>s bois, <strong>le</strong>ur faune et <strong>le</strong>ur flore, et ont guidé plus ou moins, <strong>le</strong> choix<br />

de ma profession. De plus j’ai toujours été passionné par la pêche a la truite<br />

et aux loups, à la mer.<br />

Va<strong>le</strong>ntin, fête des Amoureux, a aussi dû jouer un rô<strong>le</strong>, car, si je ne<br />

suis pas particulièrement porté vers <strong>le</strong>s plaisirs charnels, la part du rêve, et<br />

une présence féminine à mon coté, font partie de ma personnalité.<br />

De plus, j’ai un tempérament, un peu poète, qui m’amène<br />

quelquefois à « rimail<strong>le</strong>r».<br />

Enfin, j’ai choisi <strong>le</strong> métier d’hydrogéologue, et je suis passionné<br />

par la recherche des eaux souterraines, <strong>le</strong>ur exploitation, <strong>le</strong>ur qualité, <strong>le</strong>urs<br />

caractéristiques physico chimiques, et la protection des captages.<br />

De plus, je me suis spécialisé dans l’étude des zones inondab<strong>le</strong>s,<br />

des phénomènes d’aggravation du climat, et des études sur <strong>le</strong>s zones<br />

inondab<strong>le</strong>s, et la prévention des crues.<br />

Mon Grand père, et mon père, m’avaient souvent imprégné de<br />

l’adage<br />

« Prends <strong>le</strong>s autres, comme ils sont, et non pas comme tu voudrais<br />

qu’ils fussent », ce qui m’a souvent aidé dans toutes mes relations avec mon<br />

entourage.<br />

J’avais choisi, d’abord, après avoir passé mes deux baccalauréats,<br />

de me consacrer à la carrière de médecin, et avais choisi l’option Philo-<br />

Sciences, pour la 2ème partie. J’ai passé, ensuite, <strong>le</strong> PCB (Physique-chimiebiologie),<br />

lors de ma 1ère année, à la Faculté des Sciences de Montpellier,<br />

toujours en vue de ma préparation à la Médecine.<br />

J’avais comme passion pour mes loisirs, l’exploration des grottes et<br />

avens, très nombreux dans notre région, et je faisais partie du Spéléo Club de<br />

Montpellier. Toutes nos journées de liberté nous conduisaient, (à vélo pour<br />

nous déplacer), à explorer de nombreuses grottes et avens de la région, dans<br />

<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s nous marquions nos initia<strong>le</strong>s, à la fumée de nos lampes à acétylène.<br />

J’ai fait rapidement connaissance de Robert de Joly, explorateur<br />

bien connu, avec <strong>le</strong>quel je fis de nombreuses «premières», dont la Grotte de<br />

Trabuc, et <strong>le</strong>s sal<strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s de l’Aven d’Orgnac.<br />

Comme nous étions juste à la fin de la 2ème guerre mondia<strong>le</strong>,<br />

l’Armée me confia la rédaction de l’inventaire des grottes de toute la région<br />

en vue de réaliser des abris anti atomiques puis me demanda de l’assister,<br />

pendant mes grandes vacances, pour part<strong>ici</strong>per avec <strong>le</strong> Génie d’Avignon, à<br />

des destructions de bouchons stalagmitiques, à l’aide de dynamite, et me<br />

valut une spécialité d’artif<strong>ici</strong>er,…. et une certaine passion pour <strong>le</strong>s explosifs,<br />

ce qui m’a beaucoup servi par la suite, au Sahara, et, plus tard, dans mon<br />

métier d’hydrogéologue, pour <strong>le</strong>s dynamitages de forages profonds, en vue<br />

d’augmenter <strong>le</strong>ur productivité, par fissuration artif<strong>ici</strong>el<strong>le</strong> des couches<br />

calcaires ou gréseuses . Juste avant de commencer ma première année de<br />

Médecine, je décidai de m’inscrire à la Faculté des Sciences de Montpellier,<br />

d’abord en géologie, puis, en minéralogie, ce choix découlant de toutes <strong>le</strong>s<br />

activités dont j’ai parlé ci-dessus.<br />

J’ai, cependant, toujours conservé <strong>le</strong> désir de connaitre la<br />

médecine, et au cours de ma carrière, surtout au Sahara, je fréquentais<br />

7


eaucoup <strong>le</strong>s médecins, et <strong>le</strong>s assistais souvent, comme nous aurons<br />

l’occasion de <strong>le</strong> voir par la suite.<br />

Je précise, que la nature m’a doté d’une très bonne faculté<br />

’observation, et de beaucoup d’objectivité, et de patience, ce qui m’a aidé,<br />

dans ma profession,<br />

De plus, j’ai <strong>le</strong> sens de la pédagogie, et cela me vaut de former des<br />

stagiaires, dans <strong>le</strong>s spécialités d’expertises de géologue et hydrogéologue, et<br />

activités connexes.<br />

Je vous ai parlé de mes qualités, mais je dois, aussi, par<strong>le</strong>r de mes<br />

défauts :<br />

J’ai hérité de ma mère d’un caractère brouillon, que j’ai réussi à<br />

surmonter dans mes activités professionnel<strong>le</strong>s, mais qui, dans mes activités<br />

annexes (bricolage, é<strong>le</strong>ctronique, etc.), me font évoluer, chez moi, dans une<br />

sorte de capharnaüm, où je suis <strong>le</strong> seul à me retrouver.<br />

Je suis assez anticonformiste, un peu bohème, et on me considère<br />

un peu, comme un professeur Nimbus, ce qui ne me gêne nul<strong>le</strong>ment, et si l’on<br />

m’en fait la remarque, je réponds toujours « Il faut prendre <strong>le</strong>s gens, comme<br />

ils sont … »<br />

Je suis sous doué pour <strong>le</strong> dessin, ce qui me gêne beaucoup dans ma<br />

professionje dois cependant dire que, grâce à l’ordinateur, et à la photo, j’ai<br />

pu compenser cette défaillance, ce qui me permet de fournir des documents<br />

bien illustrés.<br />

Dernier point, dû aux années de conduite en tous terrains, en jeep,<br />

dodge, ou landrover, et à mon métier de géologue, qui m’oblige à rou<strong>le</strong>r<br />

souvent dans <strong>le</strong>s déserts, sur des sentiers forestiers, ou, même, parfois, dans<br />

<strong>le</strong>s garrigues, champs, etc., je n’ai jamais acheté de voiture neuve (hors une<br />

2CV), ce qui me vaut de ne pas faire <strong>le</strong> «comp<strong>le</strong>xe de la carrosserie»), et,<br />

comme j’utilise ma voiture pour transporter mes outils, des cailloux, des<br />

plantes, etc., cela contribue à ajouter à ma réputation anticonformiste et<br />

bohème. J’ai essayé d’acheter un 4X4 d’occasion, mais comme j’ai une<br />

colonne vertébra<strong>le</strong> détériorée par <strong>le</strong>s années de pistes et de tout terrain, je<br />

m’en suis débarrassé rapidement.<br />

J ’ai a passé huit ans de ma vie, au Sahara, dont sept ans au<br />

Service de la Colonisation et de l’Hydraulique, et un an comme Chef de<br />

mission pour la Compagnie d’Exploration Pétrolière.<br />

Après sept années passées dans cette société, comme Ingénieur<br />

géologue de sonde, affecté à la conduite des forages aux quatre coins de<br />

l’hexagone, et de géologue de terrain, ce qui entraina vingt sept<br />

déménagements, en sept ans, il me fut demandé d’accepter <strong>le</strong> poste de<br />

responsab<strong>le</strong> des ingénieurs de sonde, chef d’un service de supervision des<br />

forages, à Paris, dans un bâtiment du Vel d’Hiv.<br />

Après mure réf<strong>le</strong>xions, j’ai refusé cette proposition, malgré la<br />

demande instante de son PDG, Monsieur Demargne, ne désirant pas terminer<br />

sa carrière dans des bureaux, surtout à Paris.<br />

Je revins alors à Montpellier, où j’ai créé mon propre bureau<br />

d’études, me fis inscrire sur la liste des Experts auprès de la Cour d’Appel,<br />

travaillai, pour <strong>le</strong>s DDA et DDE, et avec la DDASS, comme hydrogéologue<br />

8


agréé, et effectuant des études d’implantation de forages d’eau pour des<br />

sociétés ou des particuliers, et je continue, à ce jour, en 2010, à pratiquer son<br />

métier d’Ingénieur conseil, spécialisé dans <strong>le</strong>s problèmes d’inondations, de<br />

pollutions, et de techniques affectant <strong>le</strong>s ouvrages routiers ou de Génie Civil.<br />

Je me suis, éga<strong>le</strong>ment spécialisé dans <strong>le</strong>s techniques de dynamitage de<br />

forages profond, soit pour augmenter <strong>le</strong>ur productivité, par fissuration, soit<br />

pour ouvrir la communication souterraine entre des forages qui, ayant dévié,<br />

n’avaient pas débouché sur <strong>le</strong>s cours d’eau reconnus par des spéléologues.<br />

Possédant depuis 1953, mon brevet de pilote privé j’ai, au cours de ma<br />

carrière en France, demandé une licence de photographie aérienne, et ai<br />

utilisé couramment <strong>le</strong>s avions, pour <strong>le</strong>s études géologiques d’implantation de<br />

différents ouvrages ou forages, et me spécialisai, éga<strong>le</strong>ment dans<br />

l’interprétation des photos aériennes. J’ai totalisé, ainsi, plus de trois mil<strong>le</strong><br />

cinq cents heures de vol, comme pilote privé.<br />

Le géologue est un historien qui a appris à lire, non point des chroniques ou<br />

ouvrages anciens d’un passé, représentant seu<strong>le</strong>ment quelques centaines ou<br />

milliers d’années, mais, au contraire, l’histoire de la terre, sur plusieurs<br />

dizaines et centaines de millions d’années ; cette histoire, est écrite dans la<br />

totalité des roches qui la composent, et <strong>le</strong>ur l’examen, permet de reconstituer<br />

<strong>le</strong> passé, l’évolution des climats, l’orogenèse ( formations des chaînes de<br />

montagnes), des catastrophes, de la vie anima<strong>le</strong> et végéta<strong>le</strong>, tout cela étant<br />

révélé par ce grand livre, dont la <strong>le</strong>cture est à la portée de tous, mais qui se<br />

révè<strong>le</strong>, un peu comme des hiéroglyphes, si l’on n’a eu la chance de posséder<br />

ces clés, qui m’ont été transmises par mes professeurs, et sont <strong>le</strong> fruit de<br />

toutes <strong>le</strong>s générations d’hommes qui ont acquis, bribes par bribes, <strong>le</strong>s secrets<br />

de cette <strong>le</strong>cture, et <strong>le</strong> devoir, et la satisfaction d’assurer sa continuité, pour<br />

<strong>le</strong>s générations qui nous suivent.<br />

<strong>Pour</strong> assurer cette tâche, nous avons donné plusieurs conférences<br />

sur la géologie appliquée, à la Faculté des Sciences de Montpellier, et avons<br />

<strong>accueil</strong>li de nombreux étudiants, pour des périodes de stages de terrain<br />

La géologie n’est pas une science mathématique mais, au contraire,<br />

une démarche naturel<strong>le</strong>, née du désir de connaître cette très longue histoire,<br />

dans <strong>le</strong> grand livre ouvert, de cette terre, qui à tous <strong>le</strong>s instants, pourvu que<br />

l’on sache ouvrir <strong>le</strong>s yeux, et VOIR (ceci est indispensab<strong>le</strong>) n’est plus un<br />

travail, mais, une immense satisfaction pour ceux qui la pratiquent.<br />

L’hydrogéologie n’est que la clé qui permet, grâce à la<br />

connaissance géologique, d’identifier <strong>le</strong>s formations souterraines susceptib<strong>le</strong>s<br />

de contenir des réserves aquifères, et l’étude des résurgences localisées, loin<br />

de <strong>le</strong>ur trop p<strong>le</strong>in naturel, et, souvent fort éloignés du point d’exploitation<br />

projeté.<br />

Cette discipline a pour conséquence directe que, lors de nos<br />

déplacements, inconsciemment, on pense que tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> structure<br />

géologique traversée (une page ouverte sous nos yeux), contient un aquifère,<br />

et qu’il n’a encore jamais été reconnu ou exploité. Cela est une des<br />

satisfactions supplémentaires que donne cette profession !<br />

9


Les pages qui suivent ne concernent que <strong>le</strong> début de notre longue<br />

carrière consacrée à la géologie et a l’eau, cet élément vital, à la fois<br />

indispensab<strong>le</strong>, et redoutab<strong>le</strong> par sa puissance destructive.<br />

Ci-dessous vieux moulin à eau à Ganges<br />

10


Dans l’Erg en bordure Nord de la sebkha de Timimoun ,<strong>le</strong> soir.<br />

11


Chameliers dans l’Erg<br />

.<br />

12


Timimoun – recharge des fusils pendant un baroud<br />

13


Le LANGUEDOC AVEC LEQUEL NOUS AVONS QUITTE LA FRANCE<br />

S A H A R A, GOURARA ET TOUAT,<br />

PURES MERVEILLES DU CREATEUR.<br />

Relation de mes débuts de carrière<br />

14


Introduction : Après la fin de mes études d’hydrogéologie, à<br />

l’Université de Montpellier, une proposition du Service des Pont & Chaussées<br />

d »Algérie, recherchant un hydrogéologue pour travail<strong>le</strong>r au cœur du Sahara,<br />

a été, pour moi, et pour mon épouse, Léo, <strong>le</strong> début d’une passion profonde<br />

pour cet immense désert, qui nous a marqués, de souvenirs indélébi<strong>le</strong>s.<br />

J’ai donc accepté de partir dans ces pays lointains qui étaient<br />

considérés, à l’époque, comme <strong>le</strong> bout du monde.<br />

Cette décision prise, nous a conduits, avec mon épouse, Leo, à<br />

mener une existence passionnante, dans des paysages de rêve, tout à la fois<br />

remplie d’imprévus, de situations inattendues, souvent comiques, parfois<br />

pénib<strong>le</strong>s, mais, au total, nous en avons retiré cette joie de vivre, qui n’est plus,<br />

aujourd’hui, qu’une réminiscence d’un lointain passé, remplacé, par ce que<br />

l’on appel<strong>le</strong> aujourd’hui « la civilisation ». Tout au contraire, nous vivons,<br />

maintenant, une tota<strong>le</strong> dé-civilisation, où <strong>le</strong>s gens courent après <strong>le</strong>ur montre,<br />

où <strong>le</strong> sens des va<strong>le</strong>urs s’est complètement perdu, où l’égoïsme et l’argent ont<br />

pris la place de l’hospitalité et des échanges humains, et où la Nature est<br />

continuel<strong>le</strong>ment agressée, et seu<strong>le</strong>ment fréquentée par quelques promeneurs,<br />

qui ont encore su garder la nostalgie de ses trésors délaissés par tant de<br />

jeunes, ou de plus vieux, remplacés par l’informatique, <strong>le</strong>s médias, <strong>le</strong>s boites<br />

de nuit etc. Quel<strong>le</strong> tristesse ! On pourrait penser que mon âge, est la cause de<br />

ces réf<strong>le</strong>xions moroses. Il n’en est rien, et, je persiste, grâce à mon métier de<br />

géologue, à partager ma vie entre la nature, et la vie stressante de la vil<strong>le</strong>, a<br />

laquel<strong>le</strong> je ne puis tota<strong>le</strong>ment échapper. Combien je souhaiterais que tous mes<br />

semblab<strong>le</strong>s retrouvent une vie plus naturel<strong>le</strong> et plus enrichissante que cel<strong>le</strong> qui<br />

est devenue <strong>le</strong> lot de tous <strong>le</strong>s citadins ou touristes, et qui conduit à la morosité<br />

et au stress de nos populations.<br />

Cette vie naturel<strong>le</strong> persiste heureusement, encore, chez <strong>le</strong>s habitants<br />

de nos campagnes ou montagnes, bien que <strong>le</strong>s citadins, heureusement, de plus<br />

en plus nombreux, <strong>le</strong>s médias, etc., <strong>le</strong>s déstabilisent, petit à petit, et <strong>le</strong>ur font<br />

envier la civilisation factice tota<strong>le</strong>ment déshumanisée, qui a, depuis plusieurs<br />

décennies, transformé <strong>le</strong>s hommes en véritab<strong>le</strong>s esclaves du « progrès ». <strong>Pour</strong><br />

retrouver ces qualités de la Vie, je retourne, dès que cela m’est possib<strong>le</strong>,<br />

passer une dizaine de jours au Sahara, Marocain, ou Algérien, maintenant<br />

encore peu contaminé par <strong>le</strong> tourisme, pour me ressourcer. Parlant l’arabe, j’y<br />

suis toujours connu, et très bien <strong>accueil</strong>li, ce qui rend ces séjours encore plus<br />

agréab<strong>le</strong>s.<br />

Cette introduction m’a semblé uti<strong>le</strong>, pour expliquer au <strong>le</strong>cteur<br />

pourquoi j’ai conservé tant de nostalgie de cette période du début de notre vie,<br />

<strong>le</strong>s plus bel<strong>le</strong>s années de notre existence.<br />

15


PERIPETIES ET ORIGINALITES DE NOTRE VOYAGE<br />

ORAN :<br />

Nous nous étions mariés la veil<strong>le</strong> de notre départ, et, devant prendre<br />

à Marseil<strong>le</strong> l’avion qui partait <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain 25 Janvier 1949, à 8 heures, de<br />

Marignane, nous avons passé une partie de la nuit dans la sal<strong>le</strong> d’attente de<br />

Tarascon, pour arriver quelques minutes avant <strong>le</strong> départ du Languedoc d’Air<br />

France, en partance pour Oran, via Alger Maison Blanche, après une courte<br />

esca<strong>le</strong> à Alger, pour <strong>le</strong> repas de midi, puis, redécollage pour Oran.<br />

Arrivée à La Sénia, l’aéroport d’Oran, nous avons fini par trouver<br />

en vil<strong>le</strong>, un hôtel convenab<strong>le</strong>: <strong>le</strong> Martinez, que nous devions quitter <strong>le</strong><br />

sur<strong>le</strong>ndemain pour partir à Timimoun avec un Dodge 4X4, camionnette, «<br />

dûment préparé pour ce voyage, par <strong>le</strong> seul chauffeur du Service à Oran,<br />

connaissant la piste », doux euphémisme, comme nous nous en apercevrons<br />

plus loin.<br />

Le <strong>le</strong>ndemain, donc, je me présentai à mon nouveau patron,<br />

l’Ingénieur en Chef, Monsieur Brochet, qui dirigeait Le Service De La<br />

Colonisation et de L’hydraulique, qui me reçut cordia<strong>le</strong>ment, et avec <strong>le</strong>quel,<br />

nous avons eu, plus tard d’excel<strong>le</strong>ntes relations. Il me précisa que <strong>le</strong> Dodge<br />

avait été « soigneusement préparé », par <strong>le</strong>s bons soins de Montoya, seul<br />

chauffeur du Service, acceptant de descendre dans <strong>le</strong> Sud, chargé avec <strong>le</strong><br />

matériel de première urgence pour notre installation à Timimoun. Il demanda<br />

donc à ce dernier, de m’accompagner au garage du Service, <strong>le</strong> « Grand<br />

départ » pour <strong>le</strong> Désert, devant s’effectuer <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin.<br />

Arrivé au garage, je fus très désagréab<strong>le</strong>ment surpris, lorsque<br />

Montoya me présenta mon nouveau véhicu<strong>le</strong>. De fait, je me trouvai devant un<br />

vieux Dodge de l’armée américaine, jaune sab<strong>le</strong>, très cou<strong>le</strong>ur loca<strong>le</strong>, bâché<br />

avec une toi<strong>le</strong> éga<strong>le</strong>ment jaune, mais plus ou moins verdâtre, (évidemment !!,<br />

avec <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il !!! ), m’expliqua doctement Montoya, bourré d’un fatras<br />

hétéroclite de matériel de couchage, appareils de topographie, outillage et<br />

pièces détachées, <strong>le</strong> tout remplissant tout 1’arrière du véhicu<strong>le</strong>. Les trois<br />

occupants, Montoya, ma femme, et moi, étions donc installés dans l’étroite<br />

cabine du véhicu<strong>le</strong>.<br />

Faux départ et esca<strong>le</strong> forcée à Oran :<br />

Nous partîmes, comme prévu, dûment encouragés par Mr Brochet,<br />

lui-même, et tout <strong>le</strong> personnel du garage, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin, vers 8 heures.<br />

Nous prîmes la route de Mécheria, et, à la sortie d’Oran une grande borne<br />

indiquait Colomb Bechar, 750 Kms. Enfin, <strong>le</strong> grand voyage commençait !<br />

Nous avions seu<strong>le</strong>ment parcouru une vingtaine de kilomètres,<br />

lorsqu‘un pneu du Dodge éclata, sous l’effet de la surcharge. Nous n’avions<br />

plus de roue de secours, et, cela avant même d’attaquer la piste ; de plus, <strong>le</strong><br />

moteur cognait, ce qui laissait supposer qu’il risquait rapidement de rendre<br />

l’âme. Il fallut donc retourner à Oran, prévoyant déjà, une arrivée moins<br />

glorieuse que <strong>le</strong> départ, et appréhendant, surtout la durée des réparations, car<br />

il était indispensab<strong>le</strong> de trouver un nouveau moteur pour notre véhicu<strong>le</strong>. Nous<br />

avons donc du chercher un hôtel pas trop cher, pour nous héberger. Après<br />

avoir prévenu l’Ingénieur en Chef, la décision fut prise de décharger une<br />

16


partie du matériel en surcharge, qui nous parviendrait plus tard à Timimoun,<br />

par camion. En revanche, nous embarquerions 3 roues de secours, et <strong>le</strong><br />

moteur du Dodge allait être remplacé. Montoya ayant fait preuve d’une<br />

certaine incompétence, se fit sérieusement secouer <strong>le</strong>s puces par M. Brochet.<br />

Ce séjour forcé à Oran, fut pour nous très désagréab<strong>le</strong>. Nous y<br />

sommes restés pendant 10 longs jours, mangeant dans notre chambre, ce qui<br />

nous a laissé largement <strong>le</strong> temps de visiter la vil<strong>le</strong>. Le Service ne pouvant pas,<br />

administrativement, nous consentir une avance, mes parents nous envoyèrent<br />

un petit mandat télégraphique pour nous dépanner.<br />

J’y composai ce court poème :<br />

Les journées s’écoulaient, et n’en finissaient pas,<br />

Et nos repas frugaux ne <strong>le</strong>s remplissaient pas.<br />

Tous <strong>le</strong>s jours, j’allais voir « mon » camion, là bas,<br />

Où, dans son atelier, s’affairait Montoya.<br />

Enfin, après dix jours d’attente interminab<strong>le</strong>,<br />

Le Dodge était « fin prêt », et <strong>le</strong> départ probab<strong>le</strong>,<br />

Le <strong>le</strong>ndemain matin, vers ce pays de rêve.<br />

Le SAHARA, enfin, Le cauchemar s’achève,<br />

Et débute pour nous, la passion du Désert :<br />

Des palmiers, des chameaux, des dunes, tous offerts.<br />

Une nouvel<strong>le</strong> vie, va bientôt commencer,<br />

Et, nous espérons bien pouvoir en profiter.<br />

c/ Nouveau Départ : trajet Oran -Colomb Bechar :<br />

Nouveau départ, 10 jours plus tard, beaucoup plus discret que <strong>le</strong><br />

premier, et, en route pour Timimoun. L’Ingénieur en Chef téléphona au<br />

Subdivisionnaire de Colomb Béchar, pour lui annoncer notre nouveau départ,<br />

et notre arrivée, <strong>le</strong> soir, à la subdivision.<br />

Ce départ fut discret, vers 8h30, nous sommes remontés dans <strong>le</strong><br />

Dodge, (trois personnes dans l’étroit habitac<strong>le</strong> du camion), et nous roulions à<br />

un train de sénateur, ce qui nous amena, <strong>le</strong> soir, vers 20 heures à Bouktoub,<br />

fin de la route goudronnée, et début des « agréments » de la piste.(12 heures<br />

de route pour parcourir 300 Km.)<br />

Montoya, commença, alors, à montrer un peu d’inquiétude … En<br />

fait, il n’avait, fina<strong>le</strong>ment, été a Colomb Bechar qu’une seu<strong>le</strong> fois,<br />

accompagné par un chauffeur de cette subdivision, et son retour à Oran s’était<br />

effectué par <strong>le</strong> train. Quelques maisons en « toubes », briques d’argi<strong>le</strong> et de<br />

pail<strong>le</strong>, confectionnées sur place dans des mou<strong>le</strong>s en bois, et séchées au so<strong>le</strong>il,<br />

qui sont <strong>le</strong> matériau traditionnel dans tout <strong>le</strong> Sahara. Quelques palmiers, et un<br />

vieux bordj militaire, dans <strong>le</strong>quel on nous offre d’abord <strong>le</strong> thé à la menthe<br />

traditionnel : Un premier verre fort en thé, un deuxième, ou l’on ajoute de la<br />

menthe fraîche, cultivée dans toutes <strong>le</strong>s palmeraies, <strong>le</strong> 3ème, fort sucré. Il<br />

serait mal venu de ne pas se soumettre à cette tradition. C’est <strong>le</strong> « Canoun »<br />

traduction arabe du mot tradition. Après une collation fruga<strong>le</strong>, nous sommes<br />

logés en Chambres d’hôtes, tradition du désert, et nous nous sommes vite<br />

endormis, car <strong>le</strong>s 300 kilomètres, entassés à trois, dans la cabine du Dodge,<br />

avaient été assez éprouvants. Nous aurions du arriver ce soir même à Béchar.<br />

17


un jour de retard, déjà, Montoya, assez penaud, prévint Mr Pages, <strong>le</strong><br />

subdivisionnaire, qui attendait notre arrivée, ce soir même.<br />

Le <strong>le</strong>ndemain matin, vers sept heures, on nous apporte la théière et<br />

de l’eau chaude, et nous rebuvons <strong>le</strong>s mêmes trois verres de thé traditionnels.<br />

Nous reprenons la piste, vers 8 heures ; il nous reste encore 450 Kms pour<br />

arriver à Béchar. Nous roulons maintenant p<strong>le</strong>in sud.<br />

Alors, commencèrent <strong>le</strong>s ennuis : tout d’abord la piste et sa tô<strong>le</strong><br />

ondulée, (phénomène provoqué par <strong>le</strong> rou<strong>le</strong>ment des véhicu<strong>le</strong>s, sur <strong>le</strong>s<br />

matériaux sab<strong>le</strong>ux, meub<strong>le</strong>s, ondulations très régulières (0m80, environ, de<br />

crête à crête), se succédant interminab<strong>le</strong>ment, comme de courtes vagues, dont<br />

l’amplitude, dans <strong>le</strong> plus mauvais des cas, peut atteindre une cinquantaine de<br />

centimètres, lorsque l’entretien périodique, avec un « motor grader », n’est<br />

pas effectué régulièrement). Vous pouvez imaginer <strong>le</strong> confort des passagers,<br />

entassés dans la cabine du Dodge, véhicu<strong>le</strong> surchargé, dont la suspension est<br />

très raide, et <strong>le</strong>s amortisseurs pratiquement inefficaces. Notre chauffeur, soi<br />

disant spécialiste de la conduite sur piste, n’osait pas dépasser une vitesse<br />

d’une trentaine de kilomètres par heure, ce qui est une aberration (nous<br />

l’avons vite appris, car à une vitesse plus grande de 80 à 90 kilomètres par<br />

heure, <strong>le</strong> phénomène de vibrations s’atténue, rendant plus supportab<strong>le</strong> l’effet<br />

sur <strong>le</strong>s passagers, et surtout, est moins fatigant pour <strong>le</strong>s ressorts de suspension<br />

du véhicu<strong>le</strong>, en surcharge, qui cassent régulièrement, et qu’il faut alors<br />

remplacer.<br />

Nous descendons <strong>le</strong>ntement, des hauts plateaux, qui s’étendent à<br />

environ 1.000 mètres d’altitude, sur de vastes étendues entre <strong>le</strong> Tell, et <strong>le</strong><br />

Sahara. Nous voyons des chameaux, par ci, par là, quelques troupeaux de<br />

moutons, et de nombreux lièvres qui parfois traversent la piste. Quelques<br />

arbrisseaux épineux poussent au milieu des champs d’alfa. La piste<br />

commence à serpenter entre des étendues immenses, couverte d’alfa,<br />

pâturages à chameaux et moutons, utilisé éga<strong>le</strong>ment pour fabriquer un très<br />

bon papier. Après une centaine de kilomètres, nous arrivons sur <strong>le</strong> reg<br />

caillouteux que nous traverserons jusqu’à Béchar. A partir de là, nous<br />

découvrons un nouvel agrément de la piste, qui circu<strong>le</strong> dans un paysage bordé<br />

de collines vers l’ouest, et par la bordure occidenta<strong>le</strong> des dunes du Grand Erg,<br />

qui apparaissent vers l’est, à plusieurs dizaines de Kms.<br />

Du fait de la topographie, lors des rares, mais fortes pluies qui<br />

caractérisent cette région, <strong>le</strong>s eaux tombées sur <strong>le</strong>s reliefs qui bordent la piste<br />

provoquent de profonds thalwegs qu’el<strong>le</strong> recoupe, tous <strong>le</strong>s dix ou quinze<br />

kilomètres.<br />

Ils ont une profondeur de plusieurs mètres, une largeur d’une<br />

cinquantaine de mètres, et la piste traverse <strong>le</strong>ur lit, simp<strong>le</strong>ment entaillée en<br />

pente assez forte sur <strong>le</strong>urs deux berges. Ces sortes de culs de sacs ne<br />

s’aperçoivent pas de loin, et on y parvient à vitesse norma<strong>le</strong> de croisière, ce<br />

qui oblige à freiner assez sèchement lorsqu’on y arrive dessus. De plus, la<br />

piste est souvent très caillouteuse, à la traversée de <strong>le</strong>ur lit, du fait de l’érosion<br />

par l’eau. Cela retarde évidemment notre progression, et diminue encore notre<br />

vitesse moyenne. Il nous restait encore, une centaine de kilomètres à<br />

18


parcourir, pour arriver à Ain Sefra, « La source jaune », où nous devions<br />

prendre <strong>le</strong> repas de midi à l’hôtel de la Transsaharienne.<br />

Au train où nous marchions, nous n’y sommes, évidemment, arrivés<br />

qu’à la tombée de la nuit. Nous, avons commandé <strong>le</strong> dîner, et avons rejoint<br />

nos chambres. Couverts de la poussière rouge de la piste (dans <strong>le</strong>s yeux, <strong>le</strong><br />

nez, <strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s cheveux, et <strong>le</strong>s vêtements, comme si nous avions batifolé<br />

dans de la farine ocre (cela est l’agrément des voyages sur toutes <strong>le</strong>s pistes),<br />

nous avons pris une longue douche.<br />

Nous avions parcouru cinq cents kilomètres en deux jours, record<br />

de <strong>le</strong>nteur battu par Montoya, à qui je laissai <strong>le</strong> soin de téléphoner à Monsieur<br />

Pagès, car après tout, c’était lui <strong>le</strong> chauffeur « spécialiste », et je n’osais pas<br />

lui demander de prendre moi-même <strong>le</strong> volant, ce dont j’avais pourtant une<br />

grande envie. J’en fis part à Monsieur Pagès, qu’il me passa, et lui demandai<br />

si je pouvais conduire <strong>le</strong> 4x4 jusqu’à Bechar, car il nous restait encore près de<br />

250 kms de piste pour y parvenir ; il accepta, en bougonnant, et en me disant<br />

« De toute façon ça ne risque pas d’être pire, et ce sera pour vous un<br />

apprentissage ». Au dîner, dans la sal<strong>le</strong> de restaurant, vers la fin du repas, un<br />

grand garçon barbu, d’une trentaine d’années, vint vers notre tab<strong>le</strong>, et se<br />

présenta :« Bonjour, je m’appel<strong>le</strong> Cayeux, on vient de me dire que vous êtes<br />

géologue, et que vous al<strong>le</strong>z à Timimoun ; Je suis <strong>le</strong> petit fils de l’Abbé de<br />

Lapparent (géologue fort connu), j’arrive d’une mission au pô<strong>le</strong> Nord, et je<br />

viens visiter <strong>le</strong> Sahara, car j’aime <strong>le</strong>s contrastes ! <strong>Pour</strong>riez vous me prendre<br />

jusqu’à Colomb Béchar ? ». Nous l’avons invité à boire <strong>le</strong> café à notre tab<strong>le</strong>,<br />

et je lui expliquai que notre Dodge était p<strong>le</strong>in, et que cela paraissait donc<br />

impossib<strong>le</strong> d’accéder à sa demande, nous disant qu’il pourrait s’attacher avec<br />

une corde aux solides supports du pare brise, soudés sur <strong>le</strong> capot moteur, et<br />

s’asseoir sur l’ai<strong>le</strong> du camion. Devant son insistance, je finis par accepter,<br />

malgré <strong>le</strong>s mimiques muettes de Montoya, et avec beaucoup de réticence, et<br />

d’inquiétude, je dois l’avouer. (Je ne connaissais pas encore Pages, <strong>le</strong><br />

subdivisionnaire de Béchar, mais je craignais sa réaction).<br />

Nous discutâmes un peu du pô<strong>le</strong> Nord, et de géologie, puis nous<br />

rejoignîmes nos chambres. Le <strong>le</strong>ndemain matin, après une bonne nuit, après <strong>le</strong><br />

petit déjeuner, nous avons repris la piste, avec notre passager supplémentaire,<br />

et ses bagages que nous avons tant bien que mal casés à l’arrière du véhicu<strong>le</strong>.<br />

Je conduisis, d’abord, assez <strong>le</strong>ntement, pendant quelques<br />

kilomètres, faisant quelques embardées volontaires, pour m’assurer que<br />

Cayeux tenait <strong>le</strong> coup, assis sur l’ai<strong>le</strong> de mon coté, puis, voyant que cela se<br />

passait bien, j’accélérai progressivement, pour amortir <strong>le</strong>s secousses de la tô<strong>le</strong><br />

ondulée. Cela fut efficace, <strong>le</strong>ur fréquence augmenta, mais <strong>le</strong>ur amplitude<br />

diminua, et <strong>le</strong> roulage devint plus agréab<strong>le</strong>. Cela eut pour conséquence de<br />

m’obliger à freiner plus sec à tous <strong>le</strong>s passages d’oueds, sans pour autant, que<br />

Cayeux s’en plaignit ; la vitre de mon coté étant ouverte, il me communiquait<br />

ses impressions, ce qui me tranquillisait un peu, par contre, <strong>le</strong> vent venant de<br />

l’ouest, nous bénéf<strong>ici</strong>ions de toute la poussière. Je n’ai pas posé à Cayeux, de<br />

question, concernant l’état de sa colonne vertébra<strong>le</strong> qui avait certainement<br />

souffert des cahots répétés, qui l’obligeaient à s’agripper fréquemment aux<br />

19


attaches du capot du Dodge, heureusement solides, pour ne pas trop «<br />

s’envoyer en l’air ». <strong>Pour</strong>tant, à l’arrivée, il semblait marcher norma<strong>le</strong>ment.<br />

Nous avons fait deux ou trois arrêts « propices », dont un pour un<br />

casse croûte sommaire, vers treize heures, et sommes arrivés à Béchar, vers<br />

seize heures, sans autres avatar.<br />

Enfin ! Colomb Béchar<br />

A l’arrivée, j’ai débarqué mes trois passagers à l’hôtel de la<br />

Transsaharienne, où nous sommes allés, directement, pour nous désaltérer, et<br />

retenir une chambre. Je pris une douche rapide, et après avoir demandé où se<br />

trouvaient <strong>le</strong>s services de l’hydraulique, je partis avec <strong>le</strong> Dodge, pour al<strong>le</strong>r<br />

prévenir Mr Pagès de notre arrivée à Béchar.<br />

Les bâtiments du « Service de la Colonisation et de l’Hydraulique »<br />

OUF !!, figuraient en grandes <strong>le</strong>ttres orange sur <strong>le</strong> mur à droite du grand<br />

portail d’entrée. La grande cour entourée de quelques bureaux et de<br />

logements, était vide, personne en vue; je descendis de mon Dodge, et me<br />

dirigeais vers un des bureaux, lorsque je vis sortir, et venir vers moi, un petit<br />

homme rondouillard, en pantalon b<strong>le</strong>u de chauffe, chemise et pull over, de<br />

cou<strong>le</strong>ur indéfinissab<strong>le</strong>, beige grisâtre délavé, en pantouf<strong>le</strong>s type charentaises,<br />

et coiffé d’un casque colonial, à l’air peu avenant, à qui je me présentai, et<br />

demandai à voir Mr Pages.<br />

- C’est moi me répondit-il ! Je vous attends depuis avant hier !<br />

- ???<br />

- Je me demande si à Oran, ils ont une quelconque idée du Sahara,<br />

pour vous envoyer à Timimoun, avec un Dodge surchargé, un chauffeur<br />

inexpérimenté, avec un jeune ménage débarquant sans avoir aucune notion<br />

de ce qu’est <strong>le</strong> désert !<br />

- ???<br />

- Vous êtes partis d’Ain Sefra vers 8 heures, et vous n’arrivez que<br />

maintenant ! Vous avez pris votre temps ! Vous vous prenez pour des<br />

touristes ?<br />

- ???<br />

- Et par-dessus <strong>le</strong> marché !, vous avez, parait-il , accepté d’attacher<br />

au capot du Dodge, un géologue arrivant du pô<strong>le</strong> Nord !.<br />

-J’en réfèrerai à Mr Brochet et à Mr Salva, l’Ingénieur<br />

d’Arrondissement, nos supérieurs directs.<br />

-Les avez-vous rencontrés, et vous ont-ils donné des instructions pour<br />

votre travail à Timimoun, et sur <strong>le</strong>s conditions de sécurité à prendre pour<br />

rou<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s pays désertiques ?<br />

- ???<br />

-On m’a parlé du fatras que vous transportez dans votre camion.<br />

- ???<br />

- Nous verrons demain matin à organiser votre déplacement à<br />

Timimoun !<br />

- A demain !<br />

Il se dirigea vers <strong>le</strong> Dodge, sou<strong>le</strong>va la bâche, se prît la tête, et<br />

marmonna « Ils sont fous ! », me serra enfin la main, et repartit,<br />

apparemment accablé, et furieux, vers son bureau. Je repartis avec <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong>,<br />

20


assez effaré par cet <strong>accueil</strong>, pour <strong>le</strong> moins très froid (un comb<strong>le</strong> au Sahara !),<br />

et rejoignis l’hôtel. Je racontai à Léo (ma femme) ma réception par Pages, très<br />

déçu par la volée de bois vert que je venais d’essuyer. <strong>Pour</strong>tant, en arrivant,<br />

j’étais assez fier d’avoir conduit <strong>le</strong> Dodge à bon port, mes premiers kilomètres<br />

de piste !!. Après un bon repas, nous allâmes nous coucher, et la nuit fut<br />

excel<strong>le</strong>nte, vu <strong>le</strong>s cahots de la tô<strong>le</strong> ondulée. (ce n’était, en fait, que <strong>le</strong> début de<br />

ces séances de montagnes russes, auxquel<strong>le</strong>s nous nous sommes rapidement<br />

habitués, et qui, tout compte fait, deviennent, si l’on peut dire, un des<br />

charmes, avec la poussière, des voyages sur <strong>le</strong>s pistes.)<br />

Le <strong>le</strong>ndemain matin, je m’armai de courage pour affronter Mr<br />

Pages. Le Dodge rangé dans la cour, je me dirigeai vers son bureau, et,<br />

agréab<strong>le</strong> surprise, il vint tout de suite vers moi, la main tendue. Apparemment<br />

sa «rogne » de la veil<strong>le</strong>, lui avait passé pendant la nuit. Nous fîmes ensemb<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong> tour des bureaux, et il me présenta <strong>le</strong> personnel de la Subdivision.<br />

D’abord Figini, adjoint aux travaux, italien d’origine, ancien légionnaire,<br />

d’une cinquantaine d’années, sec, halé par <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il, et très avenant, avec<br />

<strong>le</strong>quel nous n’avons eu que peu de relations pour mon travail. Marié, il<br />

habitait un des logements de la subdivision. Ensuite, Gonzalbes, <strong>le</strong> comptab<strong>le</strong>,<br />

35 ans, mariés, petit et trapu, habitant un des logements du service, chargé de<br />

la gestion financière de la subdivision. Nous allâmes, ensuite au garage, où<br />

régnait Loukan, véritab<strong>le</strong> patron de tout <strong>le</strong> matériel et des transports, fidè<strong>le</strong><br />

séide de M. Pages. Les chauffeurs et mécan<strong>ici</strong>ens, Garcia, Prieto, et 2 autres<br />

chauffeurs, dont <strong>le</strong> nom m’échappe, car ils ne venaient pas dans notre grand<br />

Sud. Les trois graisseurs, noirs, très gentils, accompagnant toujours <strong>le</strong>s<br />

chauffeurs, pendant <strong>le</strong>s déplacements me saluent avec <strong>le</strong>ur grand sourire<br />

habituel. Et, enfin, mon chauffeur interprète, Joulkov, nouvel<strong>le</strong>ment<br />

embauché, d’une soixantaine d’années, grand, sec et halé, et sa femme affab<strong>le</strong><br />

mais très effacée, qui l’accompagna à Timimoun, fort inquiète de venir dans<br />

<strong>le</strong> grand Sud.<br />

Le départ fut fixé au sur<strong>le</strong>ndemain, <strong>le</strong> temps de préparer <strong>le</strong>s<br />

véhicu<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> chargement hétéroclite du Dodge, conduit par Joulkov, devant<br />

être transféré dans <strong>le</strong> camion conduit par Loukan et Prieto, et que soit<br />

contrôlée la nouvel<strong>le</strong> jeep, qui m’était affectée, et que je devais conduire à<br />

Timimoun. Pendant <strong>le</strong>s deux jours précédent <strong>le</strong> départ, Pagès m’initia au<br />

fonctionnement administratif et matériel de la subdivision, puis, non sans un<br />

peu d’appréhension au début, me demanda de <strong>le</strong> conduire, pour essayer la<br />

Jeep, jusqu’au puits dont il était <strong>le</strong> concepteur, réalisateur, dit de Ouagda,<br />

situé à une dizaine de kilomètres au Nord de Bechar. Il me fit tout un topo<br />

sur sa création, dont il était, à juste raison très fier, et de là, commença une<br />

collaboration, qui, devint plus agréab<strong>le</strong>.<br />

Je pense qu’est maintenant venu <strong>le</strong> moment de présenter Pagès,<br />

sous un nouveau jour, après la sortie qu’il m’avait réservée à mon arrivée.<br />

C’était un excel<strong>le</strong>nt homme, aux colères légendaires, mais sans<br />

rancune, auxquel<strong>le</strong>s tous s’étaient habitués, et qui passaient aussi vite qu’el<strong>le</strong>s<br />

étaient venues. Célibataire endurci, à une certaine époque, <strong>le</strong>s épouses de<br />

messieurs Salva et Brochet, avaient décidé, sans aucun succès, d’ail<strong>le</strong>urs, de<br />

vouloir marier avec une de <strong>le</strong>urs amies. Il était issu d’une très modeste<br />

21


famil<strong>le</strong> de Vinça, dans <strong>le</strong>s Pyrénées Orienta<strong>le</strong>s, et roulait allègrement <strong>le</strong>s R,<br />

avec une voix caverneuse, qui réjouissait tous ses interlocuteurs. Il était rentré<br />

à Piston, (l’éco<strong>le</strong> centra<strong>le</strong>), grâce à une petite bourse qui lui avait permis d’y<br />

accéder, et dont il sortit brillamment. Il rêvait d’être Ingénieur aux chemins de<br />

fer, ce qui lui fut refusé, à cause d’un défaut de vision. Ce fut <strong>le</strong> drame de sa<br />

vie ! Pendant toutes ses études, pensionnaire, d’origine très pauvre, ses<br />

parents, étant dénués de moyens, au milieu de ses camarades plus fortunés, de<br />

par son physique peu gracieux, ses vêtements très modestes, et ses qualités<br />

intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s exceptionnel<strong>le</strong>s, il fut rapidement <strong>le</strong> canard boiteux de sa<br />

promotion, en butte à toutes <strong>le</strong>s plaisanteries de ses camarades. Il en souffrit<br />

d‘autant plus, que ses professeurs appréciaient son assiduité au travail, et qu’il<br />

était l’un des meil<strong>le</strong>urs élèves. Il a hérité de ces années d’étude, de nombreux<br />

comp<strong>le</strong>xes, ce qui explique son absence tota<strong>le</strong> de la notion du ridicu<strong>le</strong>: pour<br />

ses tenues vestimentaires, et, par défi, il se complaisait à choquer <strong>le</strong>s gens, en<br />

allant, par exemp<strong>le</strong>, à Oran, dans <strong>le</strong>s bureaux du Service, habillé de son b<strong>le</strong>u<br />

de chauffe, coiffé de son éternel béret type basque (<strong>le</strong> casque colonial étant<br />

réservé au Sahara), et en charentaises. Il en était de même lors des cérémonies<br />

off<strong>ici</strong>el<strong>le</strong>s, qu’il détestait, mais qu’il était obligé de subir, en tant que<br />

représentant de notre administration. Malgré ces originalités, <strong>le</strong>s gens, depuis<br />

ses supérieurs, jusqu’aux hauts fonctionnaires, et tout son entourage, <strong>le</strong><br />

respectaient, et il était devenu légendaire, surtout, aussi, à cause de son verbe<br />

rocail<strong>le</strong>ux, mais, rapidement, attirait la sympathie. Il était, <strong>le</strong> plus souvent,<br />

dans ses déplacements et repas, accompagné de Loukan, et de son petit loulou<br />

blanc qui ne <strong>le</strong> quittait pas.<br />

Il ne conduisait jamais de véhicu<strong>le</strong>s. Je n’ai jamais su s’il avait,<br />

même, son permis de conduire. Autre point important de son caractère, sa<br />

méticulosité pour l’heure ! Il avait toujours sur lui, un chronomètre attaché<br />

avec un lacet qu’il mettait à son cou, et pendant ses voyages, sur la route, la<br />

piste, ou <strong>le</strong> chemin de fer, il chronométrait systématiquement <strong>le</strong> passage aux<br />

bornes kilométriques ou décakilomètriques (P.K. ou arrêts), la notait sur un<br />

agenda qui <strong>le</strong> suivait partout, et passait son temps à calcu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s moyennes et<br />

la durée des temps d’esca<strong>le</strong>s. J’ai omis de vous préciser que LOUKAN, était<br />

aussi, un célibataire endurci, en qui Pages avait une confiance tota<strong>le</strong>.<br />

En insistant un peu, il accepta de me laisser embarquer mon<br />

collègue Cayeux, dans ma jeep, après quelques traditionnel<strong>le</strong>s tournées<br />

d’anisette (peut être aussi, amusé par l’originalité que représentait son voyage,<br />

<strong>le</strong> conduisant directement des immensités glacées du Grand Nord, aux<br />

immensités brûlantes des déserts du Grand Sud). Il me dit qu’il viendrait à<br />

Timimoun quelques jours après.<br />

VOYAGE COLOMB BECHAR TIMIMOUN (750 Kms)<br />

Comme <strong>le</strong> voyage avait été organise par Pages, connaissant<br />

maintenant sa méticulosité, <strong>le</strong> sur<strong>le</strong>ndemain matin, à sept heures, horaire<br />

impératif, nous nous mettons en route pour Timimoun, où nous arrivons <strong>le</strong><br />

soir, vers 18h30, bonne moyenne (750 km, en 12 heures) qui s’améliorera,<br />

comme nous <strong>le</strong> verrons par la suite.<br />

22


La jeep était dûment équipée de deux tô<strong>le</strong>s de désensablage, tô<strong>le</strong>s<br />

perforées, de récupération, utilisées par l’armée américaine pour faire des<br />

pistes d’envol de fortune, et d’une « guerba » p<strong>le</strong>ine d’eau, en peau de chèvre<br />

goudronnée que j’avais achetée neuve, sur <strong>le</strong>s conseils de Joukov, <strong>le</strong> tout fixé<br />

sur <strong>le</strong>s deux côtés de la jeep, par de longs boulons à oreil<strong>le</strong>s, faci<strong>le</strong>s à défaire.<br />

Deux roues de secours, avec pneus « sab<strong>le</strong> » étaient éga<strong>le</strong>ment fixées à<br />

l’arrière, deux ressorts de rechange, un delco, une pompe à essence, une<br />

bobine, et une caisse à outils complétaient <strong>le</strong> chargement, ainsi que deux<br />

jerrycans d’essence, deux bidons d’hui<strong>le</strong> moteur, et un jerrycan d’eau, tout ce<br />

matériel ayant été préparé sous <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de Loukan.<br />

Voyage en convoi, Loukan et Prieto, en tête, au départ, dans son<br />

camion blanc, puis <strong>le</strong> Dodge, avec Joukov, et « ma jeep », avec Cayeux, et un<br />

graisseur noir. Ma femme était montée dans <strong>le</strong> camion conduit par Loukan.<br />

Nous arrivons une heure après, à Igly, à l’esca<strong>le</strong> du Mer Niger,<br />

gérée par celui qui deviendra vite un Ami : <strong>le</strong> « Père Walther », âgé d’une<br />

cinquantaine d’années, ancien légionnaire, carburant lui aussi à l’anisette,<br />

esca<strong>le</strong> impérative du personnel de l’hydraulique, et des camions du Mer<br />

Niger.<br />

Présentations, anisette et café traditionnels, et départ une demi<br />

heure après, sur la piste impéria<strong>le</strong>, (La route goudronnée s’arrêtant à Igly), et<br />

nouveau départ pour Timimoun. J’avais dit à Loukan que nous prendrions la<br />

tête du convoi, pour ne pas <strong>le</strong> retarder, car nous devions stopper de temps à<br />

autre, au bord de la piste pour faire quelques rapides observations géologiques<br />

avec Cayeux. Grimace de Loukan, mais il accepta l’expérience, en supposant,<br />

peut être qu’il faudrait bien que je m’habitue à partir seul sur, ou, en dehors<br />

des pistes (Ce que je m’empressai de faire lorsque nous pensâmes avoir pris<br />

une avance suffisante, la jeep atteignant faci<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s 90 km heure.<br />

Nous nous arrêtâmes à plusieurs reprises, pour casser quelques<br />

cailloux (a ce propos, Pages avait affublé Cayeux du surnom de « Cailloux »<br />

qui lui est resté pendant tous ses voyages sahariens. Nous avons trouvé de<br />

nombreux fossi<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> dévonien des montagnes bordant la piste, vers<br />

l’Est, et je vis pour la première fois, sur <strong>le</strong>s rochers, <strong>le</strong>s vermiculations dites «<br />

surfaces vermiculaires » creusées par l’érosion de surface des rochers, due<br />

aux vents de sab<strong>le</strong>.<br />

A midi, halte traditionnel<strong>le</strong> à Ksabi, quatre palmiers quelques<br />

tamaris, au bord d’une petite « sebkhra » dépression salée avec un peu d’eau,<br />

un puits, et un gardien, payé par <strong>le</strong> Mer Niger. Nous avons sorti <strong>le</strong>s<br />

accessoires pour <strong>le</strong> repas, <strong>le</strong> couchage, la nourriture, la théière etc., qui nous<br />

accompagnèrent, par la suite, dans tous nos déplacements sur <strong>le</strong>s pistes. Nous<br />

avions étalé, sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, une couverture, et, assis ou allongés, comme de bien<br />

entendu après la traditionnel<strong>le</strong> anisette. (Heureusement buvant très peu<br />

d’alcool, je parvins très vite, à faire admettre que je n’en prenais qu’une, et<br />

très arrosée) ; nous avons mangé une Chorba (vermicel<strong>le</strong>s, bœuf en boites,<br />

tomates), <strong>le</strong> tout fortement pimenté, et cuit par <strong>le</strong> graisseur noir, affecté au<br />

camion de Loukan, puis, <strong>le</strong> thé, pour satisfaire à cette impérative tradition, et<br />

nouveau départ, une heure après, en route vers Timimoun, ou nous arrivons<br />

vers dix huit heures.<br />

23


ENFIN, nos Premiers jours à Timimoun<br />

A l’arrivée, Loukan me dit de me présenter aussitôt chez <strong>le</strong> Chef<br />

d’Annexe: <strong>le</strong> capitaine Gatin, dont <strong>le</strong> bureau est à l’intérieur de la grande cour<br />

du bordj militaire : j’y fus accompagné par un (militaire arabe, planton de<br />

garde).<br />

Je me présentai donc, et il me souhaita la bienvenue, un<br />

télégramme du colonel Kiena, lui ayant fait part de notre départ de Bechar, <strong>le</strong><br />

matin même. De plus, il avait reçu éga<strong>le</strong>ment, un courrier, émanant de Mr<br />

Brochet, lui précisant <strong>le</strong>s raisons de mon affectation à Timimoun, et de la<br />

mission scientifique dont <strong>le</strong> service m’avait chargé.<br />

Il nous pria à manger chez lui, <strong>le</strong> soir même, Léo et moi, comme<br />

c’est la coutume dans <strong>le</strong> Sud, et nous fit conduire dans une des chambres<br />

d’hôtes de l’annexe, donnant sur <strong>le</strong> jardin, dans la cour du Bordj, nous disant<br />

que notre futur logement, éga<strong>le</strong>ment situé dans la deuxième cour de celui ci,<br />

ne serait prêt que dans deux ou trois jours.<br />

A la fin de notre entretien avec <strong>le</strong> capitaine, je rejoignis Léo,<br />

Loukan, Joulkov, et Prieto, qui étaient au bar de l’Hôtel Transsaharien, géré<br />

par Mme Fouety, en train de boire <strong>le</strong>ur traditionnel<strong>le</strong> anisette, en m’attendant.<br />

Il était convenu qu’ils coucheraient <strong>le</strong> soir à l'hôtel, et ne repartiraient que<br />

<strong>le</strong> sur<strong>le</strong>ndemain, <strong>le</strong> temps de préparer et de décharger tout <strong>le</strong> matériel que<br />

nous avions amené. Loukan, avait envoyé un télégramme à M. Pages, pour<br />

lui annoncer que nous étions arrivés à bon port. Celui-ci fut satisfait du temps<br />

du trajet qui correspondait à ses estimations habituel<strong>le</strong>s. Sur <strong>le</strong> coup de huit<br />

heures, nous nous rendîmes à l'invitation du capitaine et avons fait la<br />

connaissance de sa charmante épouse qui nous reçut très gentiment ; <strong>le</strong> repas<br />

fut fina<strong>le</strong>ment agréab<strong>le</strong>. Le capitaine en profita pour nous mettre au courant<br />

des coutumes loca<strong>le</strong>s, et nous parla des habitants européens qui vivaient à<br />

Timimoun. Puis il nous dit que la coutume est de se présenter au salut des<br />

cou<strong>le</strong>urs, avec militaires et civils, <strong>le</strong> dimanche matin, en tenue blanche,<br />

(boubou et sarouel), sur la grande place qui s'étendait face à l'entrée du bordj<br />

militaire. Après <strong>le</strong> repas, nous rejoignîmes notre chambre d'hôtes, et y avons<br />

passé une excel<strong>le</strong>nte nuit dans un bon lit.<br />

Le <strong>le</strong>ndemain matin, nous fûmes réveillés par un militaire en tenue<br />

blanche qui nous apportait un déjeuner excel<strong>le</strong>nt, avec du lait, du café, et de la<br />

confiture en petits pots. J’allai voir, ensuite, <strong>le</strong> capitaine, pour lui demander<br />

où l’on pourrait décharger <strong>le</strong> matériel, afin que <strong>le</strong>s chauffeurs puissent rentrer<br />

à Béchar, et, éga<strong>le</strong>ment pour pouvoir jeter un coup d’œil sur la maison où<br />

nous devions loger. Il m’accompagna, donc, dans la cour du bordj, tout<br />

d’abord dans un local placé au centre de cette cour, mon futur bureau. Le<br />

cadre était agréab<strong>le</strong>, et il se composait de deux pièces communicantes, d’une<br />

trentaine de mètres carrés, chacune, avec de grandes fenêtres, donnant, l’une<br />

vers l’ouest, et l’autre vers <strong>le</strong> nord sur des tamaris.<br />

Il n’y avait aucun mobilier prévu, sauf la planche à dessins, amenée<br />

dans <strong>le</strong> Dodge, depuis Oran. Bien entendu, il n’y avait pas d’é<strong>le</strong>ctr<strong>ici</strong>té,<br />

comme d’ail<strong>le</strong>urs dans aucun logement de Timimoun, <strong>le</strong>s gens s’éclairant, soit<br />

26


avec des lampes à pétro<strong>le</strong> dites lampes Aladdin, à pression et manchon, ou à<br />

mèches, soit avec des lampes à acétylène, ou, simp<strong>le</strong>ment, des bougies.<br />

Il me conduisit ensuite au logement que nous devions habiter, situé<br />

dans la même cour du bordj, côté est, <strong>le</strong>s fenêtres donnant sur cette cour,<br />

seu<strong>le</strong>, cel<strong>le</strong> de la cuisine, donnant sur une petite cour intérieure. Il se<br />

composait d’une petite sal<strong>le</strong> de bains, avec douche, cel<strong>le</strong>-ci étant raccordée à<br />

un bidon, que <strong>le</strong> « cuisinier » que nous allions embaucher, était chargé de<br />

remplir en allant puiser l’eau dans <strong>le</strong> puits situé dans <strong>le</strong> centre de la cour,<br />

équipé d’un seau, qui était équipé d’une corde et d’une poulie. Cette eau<br />

alimentait éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> robinet de la cuisine qui possédait une cheminée avec<br />

trépied, car il n’y avait pas de bouteil<strong>le</strong>s de gaz.<br />

Lorsque nous pénétrons dans la maison, je suis assez effaré, car il<br />

n’y avait plus de carreaux aux fenêtres, <strong>le</strong>s portes étaient arrachées, il y avait<br />

des trous faits à la pioche dans certaines cloisons, et <strong>le</strong>s matériaux des murs<br />

détruits, éparpillés sur <strong>le</strong> sol, que des ouvriers commençaient à évacuer à la<br />

brouette. Le capitaine m’expliqua, alors, que la maison, habitée par un météo<br />

militaire, muté ail<strong>le</strong>urs, par mesure disciplinaire, la veil<strong>le</strong> de notre arrivée, très<br />

mécontent de cette mutation, était à l’origine de ce carnage, mais que tout<br />

serait remis en état, sous quelques jours, et que nous logerions dans la<br />

chambre d’hôtes, et, comme c’est la coutume, pour tous nouveaux arrivants,<br />

que nous serions invités pour <strong>le</strong>s repas, chez <strong>le</strong>s off<strong>ici</strong>ers (deux lieutenants),<br />

l’Adjudant chef, <strong>le</strong> médecin militaire, et <strong>le</strong>s deux instituteurs.<br />

Il me conduisit ensuite au garage de l’annexe, situé face au bordj, de<br />

l’autre côté de la grande place, où off<strong>ici</strong>ait Grabartz, polonais, ancien<br />

légionnaire, assisté de trois mécan<strong>ici</strong>ens noirs. Il me précisa que mes<br />

véhicu<strong>le</strong>s seraient entretenus et réparés, dans ce garage, par Joulkov, assisté,<br />

si nécessaire, par Grabartz. Notre matériel pourrait être déchargé dans un des<br />

locaux de l’atelier.<br />

Après cette visite des lieux, <strong>le</strong> capitaine me quitta, me précisant qu’il se<br />

tenait à ma disposition, si besoin était. J’avoue avoir été très touché par son<br />

<strong>accueil</strong>, mais, nous verrons par la suite, que ces relations cordia<strong>le</strong>s se<br />

dégradèrent assez rapidement.<br />

En effet, l’Ingénieur en chef, a Oran, prévoyant, sans doute <strong>le</strong>s<br />

contraintes imposées aux civils par <strong>le</strong>s Chefs d’Annexe, me prévint que j’étais<br />

un fonctionnaire civil, représentant des Administrations civi<strong>le</strong>s, en aucun cas,<br />

soumis à l’autorité militaire. Je rejoignis, à l’hôtel Loukan et <strong>le</strong>s chauffeurs,<br />

en <strong>le</strong>ur précisant qu’ils devaient décharger <strong>le</strong> peu de matériel d’équipement<br />

de notre logement au garage de l’annexe, et <strong>le</strong> matériel de bureau dans ce<br />

local, dont je <strong>le</strong>ur donnai la clé.<br />

Nous étions attendus, pour <strong>le</strong> repas de midi chez <strong>le</strong> Lieutenant Sogier, et,<br />

<strong>le</strong> soir, chez <strong>le</strong> Docteur Riboux. Il faut vous dire, <strong>ici</strong>, que Timimoun est appelée<br />

l’Oasis rouge, du fait de la nature des formations géologiques régiona<strong>le</strong>s, et des<br />

matériaux de construction des maisons, toutes étant bâties en argi<strong>le</strong> rouge. La<br />

région est appelée <strong>le</strong> Gourara , car, tout autour de la sebkra, et sur l’immense<br />

reg qui s’étend entre <strong>le</strong>s palmeraies, il y a de nombreuses collines, en forme de<br />

tronc de cône, appelées loca<strong>le</strong>ment des Gours .Nous partîmes ensuite, pour faire<br />

un tour dans la sebkha, avec la jeep, puis, l’ayant traversée, nous sommes allés<br />

27


essayer <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong>, timidement, d’abord, pour voir comment il se comportait<br />

dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, puis, avec un peu plus d’assurance, nous avons grimpé sur<br />

quelques petites dunes du Grand erg occidental, à la limite de l’ensab<strong>le</strong>ment.<br />

L’apprentissage de la conduite dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> avait commencé.<br />

A midi, au repas, était invité <strong>le</strong> jeune toubib, Reboul, natif d’Alès, avec qui,<br />

nous sommes devenus, par la suite, d’excel<strong>le</strong>nts amis. Le lieutenant et sa femme<br />

nous ont reçus très gentiment, mais avec une certaine condescendance,<br />

caractéristique de la plupart des off<strong>ici</strong>ers dits des « affaires musulmanes ».<br />

Evidemment, nous n’étions que des civils, et de plus, des Boujadis , arrivant<br />

directement de France, et ne connaissant rien du Sahara. Nous <strong>le</strong>s remerciâmes,<br />

cependant, chaudement pour <strong>le</strong>ur invitation, et prîmes congé.<br />

L’après midi, Léo alla en promenade dans <strong>le</strong> village, pour faire<br />

connaissance des petits commerçants, et revint avec une nouvel<strong>le</strong> bonne :<br />

Mabrouka, 25 ans, environ, de race noire, assez fine, toujours souriante,<br />

ancienne fil<strong>le</strong> de joie, qui é<strong>le</strong>va nos trois premiers enfants. El<strong>le</strong> embaucha, aussi,<br />

un cuisinier, Kader, un beau noir joufflu et souriant.<br />

De mon côté, sur <strong>le</strong>s conseils de Loukan, j’embauchai un « graisseur »,<br />

nommé Rabah, chargé de m’accompagner dans tous mes déplacements, de<br />

veil<strong>le</strong>r aux p<strong>le</strong>ins de la jeep, et du Dodge, et, surtout, veil<strong>le</strong>r, éga<strong>le</strong>ment, au p<strong>le</strong>in<br />

des deux guerbas, (outres en peau de chèvre) , dont l’eau doit être changée tous<br />

<strong>le</strong>s jours, car étant neuves, el<strong>le</strong>s donnent un goût de goudron, qui disparaît<br />

progressivement.<br />

Je dois vous par<strong>le</strong>r un peu de Rabah, car il était de tous mes déplacements :<br />

Il avait une quarantaine d’années, grand et sec, et fumait presque toute la<br />

journée une minuscu<strong>le</strong> pipe de kif, (haschich), dont la culture était interdite,<br />

théoriquement, car, partout dans la palmeraie, et dans <strong>le</strong>s cours, même cel<strong>le</strong> du<br />

bordj, cette plante aux bel<strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s dentelées d’un vert foncé, était cultivée, et<br />

fort prisée des habitants du désert.<br />

Quelquefois, mais rarement, si au cours de ses déplacements, <strong>le</strong> capitaine,<br />

voyait des plantations trop importantes, pour l’exemp<strong>le</strong>, il <strong>le</strong>s faisait arracher,<br />

sans plus. Il y avait aussi, dans <strong>le</strong>s jardins, des pavots, que <strong>le</strong>s autochtones<br />

utilisaient, un peu pour en fumer, mais surtout pour calmer <strong>le</strong>s maux de ventre.<br />

Ils recueillaient <strong>le</strong> suc des incisions faites sur la capsu<strong>le</strong> de la f<strong>le</strong>ur, <strong>le</strong><br />

faisaient sécher au so<strong>le</strong>il, et rendu marron et pâteux, ils en faisaient de petits<br />

disques, de la forme d’une pièce de monnaie qu’ils consommaient ou vendaient<br />

pour calmer <strong>le</strong>s maux de ventre. Je n’ai jamais connu d’opiomanes dans<br />

Timimoun, car <strong>le</strong>ur tabac était la cigarette militaire, et, pour certains, <strong>le</strong> kif.<br />

Rabah, fut vite baptisé par nous Rabah ! Tolas , car il était responsab<strong>le</strong> de<br />

la mise en place des tô<strong>le</strong>s de désensablage, et souvent, je disais « Tolas », pour<br />

qu’il <strong>le</strong>s décroche de la Jeep, et <strong>le</strong>s mette en place sous <strong>le</strong>s roues, pour sortir des<br />

zones de sab<strong>le</strong> mou, ou du Fechfech ( matériau blanc, de gypse pulvéru<strong>le</strong>nt) ,<br />

servant d’ail<strong>le</strong>urs à fabriquer <strong>le</strong> plâtre local, en <strong>le</strong> cuisant dans des fours à bois,<br />

parfois épais de plusieurs dizaine de centimètres, recouvert de sab<strong>le</strong> et de petits<br />

cailloux. En effet, toutes <strong>le</strong>s pistes et tout <strong>le</strong> désert rocheux, <strong>le</strong> « reg »,<br />

s’étendait, sur des centaines de kilomètres au sud, à l’est, et a l’ouest de<br />

Timimoun. Au nord, au-delà de la sebkhra s’étendait <strong>le</strong> Grand Erg Occidental,<br />

désert de dunes, de 750 kilomètres de largeur.<br />

28


Le fechfech est un piège, en tous terrains, car il ne se distingue<br />

pratiquement pas du reg environnant, sauf, quelquefois, avec une grande<br />

habitude, et l’observation des traces de roues des véhicu<strong>le</strong>s qui s’y étaient fait<br />

piéger.<br />

<strong>Pour</strong> en terminer avec Rabah, il était très gentil, très serviab<strong>le</strong>, très dévoué,<br />

mais, à partir du milieu de l’après midi, il prenait un pas, un peu sautillant,<br />

bredouillait légèrement, un peu abruti par sa drogue, mais continuant son travail,<br />

peut être avec moins de rapidité et d’efficacité, mais cela faisait partie des<br />

bizarreries loca<strong>le</strong>s, dont on s’accommodait fort bien.<br />

La population de Timimoun était, en grande partie, soit d’origine<br />

zenneth, (noyau local autochtone de race berbère), soit de noirs, anciens<br />

esclaves venus du Soudan, soit d’arabes, commerçants ou militaires pour la<br />

plupart, qui employaient <strong>le</strong>s noirs pour tous <strong>le</strong>s travaux pénib<strong>le</strong>s, moyennant un<br />

très maigre salaire.<br />

Avant d’al<strong>le</strong>r manger chez <strong>le</strong> docteur, comme convenu, <strong>le</strong> soir, nous<br />

sommes allés à l’hôtel, pour dire au revoir, bien entendu, devant la traditionnel<strong>le</strong><br />

anisette, à Loukan, et à son personnel, et pour <strong>le</strong>ur souhaiter un bon retour à<br />

Bechar, car ils partaient <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin, à cinq heures. Le petit loulou,<br />

baptisé « Timmi » (nom arabe de la vil<strong>le</strong> d’Adrar), qu’avait offert Loukan à mon<br />

épouse, restait avec nous, et nous suivit chez <strong>le</strong> toubib. Arrivés chez lui, nous<br />

fîmes la connaissance de son cuisinier, et de sa bonne, ancienne prostituée,<br />

éga<strong>le</strong>ment de race noire, qui avaient préparé, et nous servirent un bon repas. La<br />

soirée fut très agréab<strong>le</strong>, et <strong>le</strong> docteur nous parla longuement des conditions de<br />

vie et de chacun des dix sept Français qui habitaient <strong>le</strong> village, nous y compris.<br />

Nous apprîmes ainsi, que <strong>le</strong> courrier ne venait que tous <strong>le</strong>s quinze jours, avec un<br />

camion de ravitail<strong>le</strong>ment de l’Ocado (ravitail<strong>le</strong>ment des militaires et civils<br />

européens), et repartait à Adrar, par <strong>le</strong> même camion. L’Ocado, était un<br />

organisme dépendant de l’Intendance, géré par <strong>le</strong>s militaires, mais <strong>le</strong>s civils, peu<br />

nombreux, y avaient droit, à des prix avantageux. Une liste était communiquée à<br />

chaque arrivée du camion, avec <strong>le</strong>s denrées disponib<strong>le</strong>s, vin (bromuré pour<br />

calmer <strong>le</strong>s ardeurs des célibataires), légumes et fruits, légumes secs, pâtes,<br />

chocolat, lait pour <strong>le</strong>s enfants, et, pour <strong>le</strong>s fêtes de Noel, champagne et gâteries.<br />

Cette liste, était en priorité, communiquée aux off<strong>ici</strong>ers et sous off<strong>ici</strong>ers, puis<br />

aux civils, et <strong>le</strong> capitaine en gérait la distribution. Comme de bien entendu, cela<br />

conduisait souvent, pour <strong>le</strong>s denrées rares, à n’en faire profiter <strong>le</strong>s civils, que s’il<br />

y en avait suffisamment pour tous, d’où source permanente de conflits. La caste<br />

des off<strong>ici</strong>ers était prépondérante et se considérait comme supérieure aux autres,<br />

sans aucun comp<strong>le</strong>xe, car nous étions dans <strong>le</strong>s territoires militaires du Sud.<br />

Heureusement, il y avait <strong>le</strong>s commerçants arabes, et <strong>le</strong>s légumes cultivés dans la<br />

palmeraie. Il nous expliqua aussi, que, dans la petite communauté des français,<br />

vivant, plus ou moins en vase clos, <strong>le</strong>s dissensions étaient chose courante,<br />

30


surtout au printemps, à l’époque des vents de sab<strong>le</strong>, où l’air était fortement<br />

chargé d’é<strong>le</strong>ctr<strong>ici</strong>té statique, ce qui aggravait <strong>le</strong>s zizanies.<br />

Il nous parla enfin, des relations avec <strong>le</strong>s commerçants arabes, chez qui<br />

nous serions souvent invités, et que, bien entendu, nous recevrions éga<strong>le</strong>ment.<br />

Nous sommes rentrés à la chambre d’hôtes vers une heure du matin.<br />

Le <strong>le</strong>ndemain, nous nous sommes occupés d'instal<strong>le</strong>r Joulkov dans sa<br />

nouvel<strong>le</strong> maison, située à proximité de cel<strong>le</strong> qui nous était attribuée, non encore<br />

terminée. Il fallut improviser, car aucun immobilier n'avait été amené. (Comme<br />

nous l'avons indiqué précédemment, il devait être envoyé d'Oran par camion,<br />

ultérieurement.)<br />

Nous sommes passés ensuite à l'aménagement du bureau. La tab<strong>le</strong> à dessin,<br />

une chaise, quelques crayons, un compas, une règ<strong>le</strong> plate, un niveau, sa mire,<br />

son pied, et des carnets de nivel<strong>le</strong>ment. Des chemises, blocs de correspondance,<br />

et une machine à écrire Remington usagée, mais encore p<strong>le</strong>ine de bonne volonté.<br />

Une lampe à acétylène, pour tout éclairage.<br />

L'après-midi, avec Joulkov, sa femme et mon épouse, nous avons pris la<br />

Jeep, et sommes allés nous promener au-delà de la sebkha, dans <strong>le</strong>s dunes de<br />

l'erg. Nous nous sommes arrêtés dans un tout petit village, avec des palmiers, et<br />

de petits jardins alimentés en eau provenant d’un puits, équipé d' un dispositif à<br />

bascu<strong>le</strong> appelé, <strong>ici</strong>, Khattara , barre de bois avec un contrepoids en pierre, à un<br />

bout, et d’une outre en peau de chèvre fixée par une corde en lif , (écorce des<br />

troncs de palmiers tressée), à l’autre extrémité, s’articulant sur un axe reposant<br />

sur deux tronçons de troncs de palmier, plantés dans <strong>le</strong> sol, à 30 cm l’un de<br />

l’autre. L’eau puisée tombe dans un petit canal en pierres plates liées avec de<br />

l’argi<strong>le</strong>.<br />

Aussitôt arrivés, quelques habitants vinrent vers nous, et nous offrirent,<br />

comme <strong>le</strong> veut la tradition, de boire <strong>le</strong> thé, avec eux. Ils apportèrent un plateau<br />

avec des dattes sèches, un tapis qu'ils étalèrent sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, quelques petits<br />

coussins, une théière , des verres, une boîte en fer contenant du thé, des feuil<strong>le</strong>s<br />

de menthe, du sucre en pain, un petit marteau pour <strong>le</strong> casser, et nous avons, avec<br />

plaisir, satisfait à la coutume.<br />

Comme à cette époque-là je n'avais pas encore appris à par<strong>le</strong>r arabe, dont<br />

je ne baragouinais que quelques mots, Joukov nous servait d'interprète. Il<br />

expliqua aux gens que j'étais venu au Sahara pour m'occuper de rechercher de<br />

l'eau pour <strong>le</strong>s habitants. Ceci fit beaucoup d'impression, et, très rapidement, je<br />

fus connu comme <strong>le</strong> loup blanc. Il faut dire qu'au Sahara, tout se sait très vite,<br />

par <strong>le</strong> bouche à oreil<strong>le</strong>s. Dans <strong>le</strong> pays, on appel<strong>le</strong> ça : Radio Foggara .<br />

Nous sommes restés environ une heure avec eux, et j’ai demandé à<br />

Joulkov de <strong>le</strong>ur faire préciser, si dans <strong>le</strong>ur secteur, on pouvait trouver des pierres<br />

taillées (fléchettes taillées dans des éclats de si<strong>le</strong>x, d'âge préhistorique). Il fallut<br />

à peu près un quart d'heure de discussions pour qu’enfin, il arrive à <strong>le</strong>ur faire<br />

comprendre de quoi il s'agissait. Heureusement qu'il y avait un ancien militaire<br />

qui connaissait ces objets, car lorsqu'il était encore en service, <strong>le</strong>s off<strong>ici</strong>ers,<br />

quand ils étaient en tournée dans <strong>le</strong> Sahara, <strong>le</strong>ur avaient fait voir de quoi il<br />

s'agissait, et, fina<strong>le</strong>ment ils nous apprirent, qu’en arabe, ils appelaient cela des<br />

Ajjar merci . Il nous donna même, l'explication de cette appellation qui était due<br />

au fait que , chaque fois qu’ils en trouvaient une, <strong>le</strong> capitaine ou <strong>le</strong> lieutenant<br />

31


disait merci. Ce même militaire, nous indiqua qu'effectivement, dans la sebkha,<br />

en bordure de l'erg, on en trouve de temps à autres dans <strong>le</strong>s zones où <strong>le</strong> sab<strong>le</strong><br />

avait été dégagé par <strong>le</strong> vent.<br />

Après <strong>le</strong>s avoir chaudement remerciés pour <strong>le</strong>ur <strong>accueil</strong>, nous sommes<br />

donc partis pour essayer d'en trouver quelques unes. C'était <strong>le</strong> début de mes<br />

recherches préhistoriques, qui me conduisirent à avoir une magnifique<br />

col<strong>le</strong>ction qui se compléta tout au long de notre séjour dans <strong>le</strong> Sahara. Nous<br />

eûmes la chance d'en trouver trois ou quatre, ce qui me permit de repérer <strong>le</strong>s<br />

zones intéressantes à prospecter. La bordure de la sebkha, nous nous en<br />

sommes rapidement aperçu, est très favorab<strong>le</strong> pour ces recherches. Nous nous<br />

livrions souvent pendant nos loisirs, à ce genre de distraction.<br />

Nous sommes rentrés à Timimoun, en fin d'après midi. Le soir, nous<br />

avons été invités à manger chez l'adjudant chef Robert. Nous fîmes la<br />

connaissance de sa charmante épouse, une petite blonde assez aguicheuse, et<br />

au cours du repas, nous avons continué à entendre par<strong>le</strong>r des coutumes et<br />

habitants de Timimoun.<br />

Deux jours, encore, furent nécessaires pour que notre logement soit<br />

en état, pour pouvoir l’habiter. Le <strong>le</strong>ndemain, nous avons ainsi été invités par<br />

<strong>le</strong>s deux coup<strong>le</strong>s d’instituteurs : <strong>le</strong> directeur, Baubiquet, un fidè<strong>le</strong> du<br />

capitaine, avec son épouse, et, au repas de midi du <strong>le</strong>ndemain, et par ses<br />

adjoints, Galvez, et sa femme, antimilitaristes notoires, ce qui créait une<br />

animosité entre <strong>le</strong>s deux coup<strong>le</strong>s, qui habitaient des logements voisins, dans la<br />

cour de l’éco<strong>le</strong>.<br />

Le sur<strong>le</strong>ndemain, nous avons pris <strong>le</strong>s repas de midi, et du soir, chez<br />

deux commerçants arabes, Messieurs. Bourras, et Larbi, qui nous ont reçu très<br />

cordia<strong>le</strong>ment, chacun nous ayant préparé un méchoui, accompagné de plats<br />

traditionnels arabes. Avant <strong>le</strong> repas, un serveur arriva avec une serviette, une<br />

aiguière, et du savon, pour <strong>le</strong> traditionnel lavage des mains.<br />

Chez Bourras, assez européanisé, (Il fut nommé Préfet de la Saoura,<br />

après l’indépendance de l’Algérie), il nous fut proposé un apéritif. Devinez<br />

quoi ?, l’anisette, bien entendu, et <strong>le</strong> repas fut servi sur une tab<strong>le</strong> basse, posée<br />

sur <strong>le</strong>s tapis qui recouvraient tout <strong>le</strong> sol de la grande pièce, et des coussins, sur<br />

<strong>le</strong>squels nous étions assis, ou même allongés, coudes appuyés sur ces<br />

coussins, à même <strong>le</strong> sol, ma position préférée. Bien entendu, selon la<br />

coutume, nous nous étions déchaussés à l’entrée, pour ne pas abîmer <strong>le</strong>s tapis.<br />

Chez Larbi, beaucoup plus strict sur <strong>le</strong>s observances religieuses,<br />

l’apéritif fut remplacé pas <strong>le</strong>s trois verres de thé traditionnels, et la boisson, de<br />

l’eau et du Leben, lait de chèvre, fermenté dans une guerba, réservée à cet<br />

usage, et longuement agitée, ensemencée de germes lactiques, comme <strong>le</strong><br />

yaourt. Le <strong>le</strong>ben fût servi traditionnel<strong>le</strong>ment, dans une cassero<strong>le</strong>, qu’on se<br />

passait de l’un à l’autre autour de la tab<strong>le</strong><br />

Chez Bourras, il nous fût éga<strong>le</strong>ment servi une bonne bouteil<strong>le</strong> de vin, <strong>le</strong><br />

champagne pour célébrer notre arrivée, suivi des trois verres de thé, servi à<br />

même <strong>le</strong> sol, la tab<strong>le</strong> ayant été en<strong>le</strong>vée, après <strong>le</strong> repas. Mon épouse fut<br />

conviée à passer dans une autre pièce, ou Bourras la conduisit pour la<br />

présenter à sa première épouse : Aicha, et à ses deux jeunes enfants. Il en fut<br />

de même, <strong>le</strong> soir, chez Larbi, <strong>le</strong>s hommes n’étant pas admis dans <strong>le</strong> gynécée,<br />

32


ou femmes et enfants étaient servis, après que <strong>le</strong>s plats aient été passés aux<br />

hôtes. Touna, une jolie jeune femme, née d’un père arabe, et d’une mère<br />

blanche, avait, exceptionnel<strong>le</strong>ment été invitée à notre tab<strong>le</strong>. Le <strong>le</strong>ndemain,<br />

enfin, notre logement fut prêt. Il restait, maintenant à essayer de <strong>le</strong> rendre<br />

habitab<strong>le</strong>.<br />

Nous avons appelé notre cuisinier, pour qu’il vienne faire un grand<br />

nettoyage, nécessaire après <strong>le</strong> travail des maçons. Il arriva avec un autre<br />

garçon, qu’il nous présenta comme son « sous-boy », précisant qu’il serait<br />

payé par lui. Je m’étonnai un peu, mais c’était, parait-il, chose courante – Plus<br />

tard, à Adrar, nous avons hérité d’un « sous sous boy ». En fait, comme nous<br />

l’avons su, ils se contentaient de la nourriture fruga<strong>le</strong> dont ils bénéf<strong>ici</strong>aient, et,<br />

quelquefois de petits pourboires, donnés pour des travaux pénib<strong>le</strong>s, et surtout<br />

du thé à la menthe, et des dattes trois fois par jour. Mabrouka, éga<strong>le</strong>ment<br />

prévenue arriva aussi. Les travaux de nettoyage terminés, comme en tout et<br />

pour tout, nous n’avions amené qu’un sommier métallique, à deux places, il<br />

fallut se procurer tout <strong>le</strong> reste du mobilier. On nous prêta, deux chaises et des<br />

caisses vides pour autres sièges.<br />

Grabartz, nous avait fabriqué une petite tab<strong>le</strong>. On nous prêta un<br />

autre sommier, une paillasse, une autre tab<strong>le</strong> improvisée, en forme de losange<br />

allongé, fabriquée au garage. La forme losangique de cette tab<strong>le</strong> était tout à<br />

fait inattendue, et, je suppose qu'el<strong>le</strong> avait été réalisée à partir de chutes de<br />

contreplaqué peintes en noir. <strong>Pour</strong> la cuisine, pas de difficultés, car nous<br />

avions trouvé à acheter des cassero<strong>le</strong>s et poê<strong>le</strong>s chez <strong>le</strong>s commerçants arabes,<br />

et une petite tab<strong>le</strong> très basse, réservée, en principe, pour <strong>le</strong> thé ou <strong>le</strong>s boissons.<br />

En fait, très rapidement nous avons pris l’habitude de manger sur ce petit<br />

33


meub<strong>le</strong>, allongés sur des tapis et des coussins que nous avons achetés, à<br />

crédit, en attendant notre première paye, chez Bourras et Larbi, qui nous <strong>le</strong>s<br />

procurèrent à des prix défiant toute concurrence. Nous avons même acheté<br />

des tapis de Fatis, palmeraie voisine, et des vanneries en feuil<strong>le</strong>s de palmiers<br />

tressées, provenant de Charouine , autre palmeraie loca<strong>le</strong>. Les Fatis, furent<br />

cloués sur <strong>le</strong>s murs, comme décors, et <strong>le</strong>s Tobbigas de Charouine , servirent<br />

de contenant pour mettre différents objets, remplaçant armoires et buffets, que<br />

nous n’avions pas, hors un placard en bois, que nous confectionna Grabartz,<br />

avec des chutes du même bois que <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>s. Nous avons, plus tard, acheté<br />

d’autres accessoires locaux, au cours de nos nombreux déplacements (Grand<br />

plateau en cuivre, figurines etc.), qui vinrent compléter nos aménagements.<br />

Le soir, nous avons invité <strong>le</strong> Toubib, et Joulkov et sa femme, ainsi que<br />

Mohammed, <strong>le</strong> cuisinier, Bourras Touna, et Larbi, pour pendre la crémaillère.<br />

Notre cuisinier nous confectionna une bonne chorba, potage aux vermicel<strong>le</strong>s<br />

et corned beef, fortement pimentée, avec hui<strong>le</strong> d’olives, un pou<strong>le</strong>t éthique, des<br />

dattes, <strong>le</strong> tout accompagné de vin au bromure, et bien entendu, de thé, à la fin<br />

du repas. Ma femme, avec Mabrouka, avait fait son marché, à l’Ocado, et<br />

chez <strong>le</strong>s commerçants du pays.<br />

Il fallait acheter <strong>le</strong> bois pour la cuisson, qui était amené à dos de<br />

chameau, depuis des zones, ou poussaient des arbustes épineux,( Talas et<br />

belbel) dans des vallées sèches, sur <strong>le</strong> reg, où <strong>le</strong>s chameliers amenaient paître<br />

ces animaux , à une quarantaine de kilomètres de Timimoun.<br />

On par<strong>le</strong> toujours de chameaux, et, c’est une erreur commune, de<br />

langage, car il s’agit en réalité de dromadaires, animaux à bosse unique,<br />

monture des déserts chauds, contrairement aux dromadaires, qui ont deux<br />

bosses, et vivent dans <strong>le</strong>s déserts froids. Il me parait intéressant, pour <strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>cteur, de préciser que ces animaux, si précieux dans <strong>le</strong> désert, ont la<br />

réputation d’être très sobres ; en fait, ils emmagasinent dans <strong>le</strong>ur bosse, des<br />

réserves alimentaires, graisseuses et hydratées qu’ils utilisent au fur et à<br />

mesure de <strong>le</strong>urs besoins. Il faut savoir que cette bosse s’aplatit assez<br />

rapidement, en quelques jours, et qu’il est alors indispensab<strong>le</strong> de <strong>le</strong>s conduire<br />

au pâturage, ou il faut <strong>le</strong>s laisser plusieurs jours, en <strong>le</strong>s approvisionnant en<br />

eau, à partir de puits, aménagés sur place. On dit alors, qu’ils « refont <strong>le</strong>ur<br />

bosse ». De plus, ils sont amenés sur place et pâturent librement, sur plusieurs<br />

dizaines de kilomètres, et, chaque chamelier connaissant <strong>le</strong>s traces de ses<br />

animaux, part à <strong>le</strong>urs recherche, fait parfois plusieurs kilomètres pour <strong>le</strong>, ou<br />

<strong>le</strong>s retrouver.<br />

Le Service Hydraulique à Timimoun<br />

A l’origine, bien que géré directement par la Circonscription d’Oran,<br />

dirigée par Monsieur Brochet, j’avais été recruté par un géologue, Monsieur<br />

Cornet, dépendant de la Circonscription des études et Travaux du Service de<br />

la Colonisation et de l’Hydraulique.<br />

Cornet, était un homme d’une cinquantaine d’années, sec et très<br />

hâlé, ancien off<strong>ici</strong>er, qui était venu me voir à Oran, lors de notre séjour forcé.<br />

Il m’indiqua que mon premier travail, serait d’étudier l’hydrogéologie loca<strong>le</strong><br />

sur toute la partie Sud du Sahara Occidental, vaste territoire compris, entre<br />

Colomb Béchar au nord ouest, Tabelbala a l’ouest, El Goléa au Nord est, et<br />

34


Aou<strong>le</strong>f au Sud Est, avec cependant, en priorité, l’étude des foggaras du<br />

Gourara et du Touat.<br />

Cornet, était très respectueux à l’égard des militaires, ce qui me valut<br />

quelques problèmes, avec lui, au début, étant donné mes difficultés, (vite<br />

réglées par Mr. Brochet et Mr. Pages), avec <strong>le</strong> Chef d’annexe, dont j’ai parlé<br />

plus haut.<br />

Quelques indications me semb<strong>le</strong>nt uti<strong>le</strong>s à rédiger, <strong>ici</strong>, concernant <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />

du service de la colonisation et de l’hydraulique, auquel j’appartenais. Le<br />

terme de colonisation présente une ambiguïté, car il faut bien distinguer :<br />

d’une part, <strong>le</strong>s travaux uti<strong>le</strong>s à l’équipement des populations (eaux, pistes,<br />

é<strong>le</strong>ctr<strong>ici</strong>té, et tous autres travaux de génie civil ), et, d’autre part la gestion<br />

militaire de ces territoires, qui est du ressort des administrateurs, et de<br />

l’armée, dépendant du commandant militaire, chargée de l’administration et<br />

de la sécurité de ces territoires.<br />

Il me demanda, cependant, et je l’acceptai sans difficulté, puisque j’étais<br />

venu pour m’occuper de toutes <strong>le</strong>s questions concernant <strong>le</strong>s captages,<br />

d’assumer <strong>le</strong>s fonctions de Kiel el ma, littéra<strong>le</strong>ment, mesureur de l’eau, chargé<br />

de rég<strong>le</strong>r off<strong>ici</strong>el<strong>le</strong>ment, tous <strong>le</strong>s problèmes de répartition des débits survenant<br />

souvent entre <strong>le</strong>s différents propriétaires, et d’effectuer des tournées dans tout<br />

<strong>le</strong> Touat, pour étudier <strong>le</strong>s puits ou foggaras, et, éventuel<strong>le</strong>ment, améliorer <strong>le</strong>s<br />

ressources en eau dans toutes <strong>le</strong>s palmeraies. Vaste programme qui me valût<br />

<strong>le</strong> grand privilège de parcourir en jeep, et parfois à chameau, dans l’erg,<br />

beaucoup de palmeraies, ou points d’eau isolés, utilisés par <strong>le</strong>s nomades.<br />

LA VIE PASSIONANTE, AU DÉSERT.<br />

Premiers travaux<br />

Mes premiers jours de travail ont été occupés à des reconnaissances<br />

d’autres palmeraies du Gourara, pour étudier l’hydrogéologie et la géologie<br />

du Gourara, prendre contact avec <strong>le</strong>s Caids et Kebars, (responsab<strong>le</strong>s des<br />

villages de la région), et pour étudier <strong>le</strong>s disponibilités en eau, tant pour<br />

l’alimentation humaine et anima<strong>le</strong>, que pour l’irrigation des jardins.<br />

Je partais, en général, avec la jeep, toujours avec Joulkov et Rabah, et,<br />

parfois Léo se joignait à nous. Nous avons donc, pendant plusieurs semaines,<br />

visité une grande partie des oasis du Gourara, et après deux à trois mois, je<br />

baragouinais suffisamment dans la langue du pays, pour pouvoir comprendre<br />

et par<strong>le</strong>r rn arabe, sans l’aide de Joulkov. Bien entendu, au début, j’utilisais,<br />

de même que mes interlocuteurs, autant <strong>le</strong>s mots que <strong>le</strong>s gestes. Vous<br />

connaissez <strong>le</strong> proverbe « Traduttore, traditore » (Traducteur, traître), et je<br />

pouvais ainsi exprimer exactement ce que je voulais dire, et <strong>le</strong>s réponses à<br />

mes questions. C’était parfois un peu plus long, mais cela a eu très vite<br />

l’avantage de me perfectionner dans la langue arabe.<br />

Au cours de ces tournées, qui duraient une demi-journée, ou tout un jour,<br />

nous emmenions toujours quelques gâteaux, bonbons et cigarettes, qui<br />

aidaient à établir <strong>le</strong>s bons contacts avec la population.<br />

35


Nos vêtements<br />

Très rapidement, après notre arrivée, nous nous sommes préoccupés de<br />

nos tenues vestimentaires, et nous sommes habillés à la mode du pays. A la<br />

place des pantalons, nous avons fait confectionner, par <strong>le</strong> tail<strong>le</strong>ur local, sur<br />

mesures, et pour une somme dérisoire, des sérouals , (pantalons bouffants) en<br />

toi<strong>le</strong> soup<strong>le</strong>, noirs pour tous <strong>le</strong>s jours, et blancs pour <strong>le</strong>s cérémonies, ou<br />

réceptions d’hôtes de marque. Ces vêtements, sont portés hiver comme été.<br />

De plus, sauf en hiver, où l’on supporte chemise et chandail, <strong>le</strong> reste du<br />

temps, j’avais fait confectionner des Boubous blancs (Sortes de chemises,<br />

avec un panneau avant bien ouvert, sans col, relié sur <strong>le</strong>s côtés à un panneau<br />

arrière au moyen de quatre lanières de tissu, très agréab<strong>le</strong> à porter, car très<br />

ventilé).<br />

Mon épouse fit confectionner, avec <strong>le</strong> même tissu, des petits chemisiers<br />

sans manche, bien entendu, sans ouvertures sur <strong>le</strong>s côtés. De plus, pour la<br />

maison nous avions acheté des Burnous blancs, en flanel<strong>le</strong>, et, pour ma part,<br />

j’avais acquis une longue djellaba , en poil de chameau, très chaude, que je<br />

mettais en hiver, pour me protéger du froid.<br />

Comme chaussures, <strong>le</strong> cordonnier fabriquait des Näils, sortes de tongs, à<br />

lanières, taillées dans du caoutchouc, de vieux pneus, ou à plus large semel<strong>le</strong><br />

en cuir de chameau, simp<strong>le</strong>ment fixées au pied par une bride arrondie, passant<br />

entre <strong>le</strong> pouce et <strong>le</strong> deuxième doigt du pied, agréab<strong>le</strong>s pour marcher sur <strong>le</strong><br />

sab<strong>le</strong>, et faci<strong>le</strong>s à poser, sans avoir à se baisser, en entrant dans <strong>le</strong>s maisons,<br />

pour ne pas abîmer <strong>le</strong>s tapis. Nous avons donné <strong>le</strong>s casques coloniaux que<br />

nous avions achetés avant notre départ de France, que nous n’avons jamais<br />

utilisés, à deux Caïds, qui <strong>le</strong>s mettaient à chaque cérémonies, pensant, sans<br />

doute que cela <strong>le</strong>ur donnait plus d’autorité.<br />

Je ne portais jamais de chapeau, sauf par vent de sab<strong>le</strong>, où je<br />

m’enturbannais dans un chech kaki, de plus de deux mètres de longueur,<br />

qu’au début j’avais des difficultés à nouer traditionnel<strong>le</strong>ment autour de ma<br />

tête, pour qu’il tienne, sans se relâcher, même en voiture, et par fort vent de<br />

sab<strong>le</strong>.<br />

Léo, par contre, en avait acheté un, en tissu léger, qu’el<strong>le</strong> portait noué sur<br />

ses cheveux, mais, <strong>le</strong> plus souvent, sortait éga<strong>le</strong>ment tête nue.<br />

Les Foggaras (Ouvrages de captage d’eau souterraine)<br />

(Voir photos hors texte et schémas ci-dessous).<br />

*Les <strong>le</strong>cteurs qui trouveraient trop longues, <strong>le</strong>s explications<br />

techniques de ce chapitre, peuvent se reporter plus loin, pour la<br />

suite de nos aventures.<br />

Il m’apparaît, maintenant, uti<strong>le</strong> d’entrer dans des détails<br />

techniques, si <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur veut comprendre comment fonctionnent <strong>le</strong>s foggaras,<br />

et <strong>le</strong>s nappes aquifères :<br />

Les eaux souterraines sont toujours emmagasinées dans <strong>le</strong> sol, à<br />

plus ou moins grande profondeur, à condition que <strong>le</strong>s formations géologiques<br />

36


qui <strong>le</strong>s contiennent, soient poreuses et perméab<strong>le</strong>s; plus la porosité et la<br />

perméabilité sont importantes, et plus <strong>le</strong>s débits obtenus <strong>le</strong> seront.<br />

Ces eaux ont toujours pour origine <strong>le</strong>s précipitations pluvieuses<br />

atmosphériques, qui tombent sur <strong>le</strong>s sols poreux et perméab<strong>le</strong>s, et peuvent<br />

ainsi réalimenter <strong>le</strong>s aquifères souterrains (appelés aussi nappes aquifères).<br />

Dans <strong>le</strong> cas du Sahara, où il p<strong>le</strong>ut très rarement (Nous avons<br />

seu<strong>le</strong>ment vu des pluies, sur <strong>le</strong> Touat et <strong>le</strong> Gourara, à deux reprises, en sept<br />

ans), <strong>le</strong>s eaux souterraines qui alimentent l’aquifère, sont issues des pluies<br />

tombées sur l’atlas, situé à neuf cents kilomètres au Nord, qui s’infiltrent dans<br />

une formation géologique de grès continentaux nommée « Albien », ou<br />

continental intercalaire, formation de grès, très épais, étendus, poreux, et<br />

perméab<strong>le</strong>s qui s’étendent, sans discontinuité, sous la majeure partie des regs<br />

du Sahara Occidental.<br />

<strong>Pour</strong> la région de Touat et du Gourara, <strong>le</strong>s eaux tombées sur l’Atlas,<br />

mettent au moins une centaine d’années pour alimenter <strong>le</strong>s aquifères locaux.<br />

El<strong>le</strong>s se propagent très <strong>le</strong>ntement dans la masse gréseuse, dissolvant,<br />

pendant <strong>le</strong>ur cheminement, des sels (Silice, carbonates, sulfates, etc.), de tel<strong>le</strong><br />

sorte qu’el<strong>le</strong>s se sont fortement minéralisées, pendant tout <strong>le</strong>ur parcours<br />

souterrain.<br />

Cette minéralisation a pour conséquences, que d’une part, el<strong>le</strong>s sont<br />

laxatives (Les visiteurs s’en aperçoivent à <strong>le</strong>ur arrivée, mais s’y habituent<br />

rapidement), et que, d’autre part, el<strong>le</strong>s alimentent, par capillarité, <strong>le</strong>s<br />

dépressions topographiques, appelées Sebkhras , où, la forte évaporation<br />

aidant, el<strong>le</strong>s précipitent tous <strong>le</strong>s sels minéraux qu’el<strong>le</strong>s avaient dissous, et<br />

forment, <strong>le</strong>s roses des sab<strong>le</strong>s (S04 Ca), et du sel gemme (Cl Na).<br />

De, plus, lors de l’utilisation pour l’irrigation, <strong>le</strong>s sels s’accumu<strong>le</strong>nt<br />

dans <strong>le</strong>s zones basses des palmeraies, qui régressent <strong>le</strong>ntement (Voir schéma)<br />

Maintenant que nous avons donné ces indications au <strong>le</strong>cteur, nous<br />

allons pouvoir expliquer l’origine, et <strong>le</strong> fonctionnement des foggaras.<br />

On appel<strong>le</strong> foggaras, des ga<strong>le</strong>ries, creusées à la main, avec un petit<br />

piochon, à deux têtes pointues, débutant au niveau topographique supérieur<br />

de la pente occupée par la palmeraie, et s’enfonçant progressivement dans la<br />

masse gréseuse, heureusement relativement tendre, pour drainer <strong>le</strong>s eaux de<br />

l’aquifère, et s’étendant, parfois sur des longueurs de cinq à six kms (Voir<br />

schéma).Ces ga<strong>le</strong>ries sont larges de 0m50, et de 0m75, environ de hauteur.<br />

Les conditions de travail y sont très pénib<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s ouvriers, qui <strong>le</strong>s<br />

creusent, et même pour l’hydrogéologue qui y entre pour <strong>le</strong>s étudier.<br />

Pratiquement, el<strong>le</strong>s ont nécessité <strong>le</strong> creusement de puits, distants de 40<br />

à 50 mètres, nécessaires pour l’évacuation des déblais pendant <strong>le</strong> creusement,<br />

et, éga<strong>le</strong>ment pour aérer la ga<strong>le</strong>rie, et permettre l’entrée, dans cel<strong>le</strong>-ci, sans<br />

être obligé de la remonter depuis son débouché dans la palmeraie.<br />

Une équipe partait d’un puits, et creusait vers l’aval, alors que l’autre,<br />

partant du puits voisin, creusait vers l’amont, pour la rejoindre ; parfois, ils ne<br />

se rencontraient pas directement, et, dans ce cas, ils se dépassaient, puis,<br />

vraisemblab<strong>le</strong>ment, se guidant au bruit des coups de pioche, ils se<br />

rejoignaient, ce qui se traduisait, dans la foggara, par un S, de la ga<strong>le</strong>rie.<br />

37


Vus depuis la surface, <strong>le</strong>s puits, et <strong>le</strong>s déblais extraits donnent<br />

l’impression de vastes taupinières, sur <strong>le</strong> plateau où se situe <strong>le</strong> village, et<br />

même pour <strong>le</strong>s plus longues, comme <strong>le</strong>s foggaras Amraier et Amokran, à<br />

Timimoun, el<strong>le</strong>s se poursuivent jusqu’au-delà de l’aérodrome, où <strong>le</strong>s puits<br />

dépassent <strong>le</strong>s 40 m. de profondeur.<br />

Une foggara est un véritab<strong>le</strong> travail de titans qui à demandé des<br />

centaines d’années de travail, et qui s’allongent encore, de nos jours.<br />

L’origine de ces ouvrages remonte au IV ou Vème Sièc<strong>le</strong> avant Jésus Christ,<br />

en Perse.<br />

Explications concernant <strong>le</strong> fonctionnement des foggaras:<br />

Nous avons précisé plus haut, que Timimoun se trouve en bordure<br />

d’une grande dépression topographique : La sebkhra de Timimoun.<br />

C’est cette disposition particulière qui à l’origine, avant <strong>le</strong> creusement<br />

des foggaras, présentait des sources sur la pente où débouchent maintenant<br />

ces ouvrages. <strong>Pour</strong> améliorer <strong>le</strong> débit de ces sources, <strong>le</strong>s hommes ont été<br />

amenés, d’abord, à creuser de petites ga<strong>le</strong>ries, en remontant <strong>le</strong> courant, pour<br />

augmenter <strong>le</strong>ur débit, par drainage.<br />

Voyant que cette méthode était efficace, ils l’ont, alors extrapolée,<br />

et en sont arrivés a creuser ces longs ouvrages dans <strong>le</strong> grès.<br />

*Répartition de l’eau dans <strong>le</strong>s palmeraies (Voir photos et<br />

schéma ci-dessous).<br />

Comme nous l’avons indiqué, la foggara débouche sur la partie<br />

haute de la palmeraie, et permet d’irriguer <strong>le</strong>s terrains qui se trouvent au<br />

dessous de son point d’émergence.<br />

A sa sortie, se trouve un bassin barré par une dal<strong>le</strong> en grès, perforée de<br />

trous calibrés, creusés dans ce dispositif par <strong>le</strong> kiel el ma , (Le mesureur<br />

d’eau), à l’aide d’un piochon, Cette dal<strong>le</strong> est appelé peigne, ou, kesria<br />

Ces opérations de mesures sont effectuées, trou par trou, à l’aide<br />

d’une plaque métallique de jauge, munie d’orifices calibrés, que l’on place<br />

juste en aval du bassin, et s’écou<strong>le</strong> dans un petit canal, provisoire, en argi<strong>le</strong>.<br />

La mesure s’effectue par tâtonnements successifs, en bouchant ou ouvrant <strong>le</strong>s<br />

trous de la plaque, correspondant au débit recherché, en agrandissant,<br />

progressivement l’orifice du peigne correspondant au débit passant au travers<br />

de la plaque de jauge.<br />

38


Timimoun vieux ksar en bordure de la sebkhra<br />

39


.<br />

40


COUPE SCHEMATIQUE NORD SUD EXPLICITANT LE<br />

PRINCIPE (Voir photos ci-dessus)<br />

DE FONCTIONNEMENT DE LA FOGGARA AMRAIER à<br />

TIMIMOUN<br />

L’eau sort de la foggara en haut de la palmeraie. El<strong>le</strong> est répartie<br />

par une dal<strong>le</strong> de pierre, de cinq à six centimètres d’épaisseur, d’une trentaine<br />

de centimètres de hauteur, faisant barrage à la sortie de la foggara.<br />

Cette dal<strong>le</strong> est percée de trous calibrés, chacun de ces trous,<br />

représentant la part de un ou plusieurs propriétaires, et, en aval de chaque<br />

orifice, l’eau s’écou<strong>le</strong> dans des canaux (séguias ), qui la conduisent jusqu’aux<br />

bassins (majens), de chaque propriétaire des parcel<strong>le</strong>s à irriguer.<br />

Ce système coutumier, ancestral, cause de fortes pertes de débit, du<br />

fait, d’une part, que <strong>le</strong>s séguias sont taillées dans du grès poreux, et, d autre<br />

part, qu’il y a beaucoup d’évaporation, sur toute <strong>le</strong>ur longueur, et dans <strong>le</strong>s<br />

bassins de stockage, imperméabilisés avec de l’argi<strong>le</strong>, placés dans chacune<br />

des parcel<strong>le</strong>s des propriétaires.<br />

Les foggaras nécessitent un entretien important, curages<br />

périodiques de <strong>le</strong>urs ga<strong>le</strong>ries, et, même de nos jours, <strong>le</strong>urs propriétaires<br />

emploient en permanence des ouvriers, pour <strong>le</strong>s prolonger sous <strong>le</strong> plateau, et<br />

augmenter ainsi <strong>le</strong>ur productivité.<br />

Ce travail, dangereux, et pénib<strong>le</strong> est confié à des ouvriers noirs,<br />

descendant des anciens esclaves, appelés des harratins .<br />

Après notre arrivée, <strong>le</strong> seul puits que nous avons réalisé, sur <strong>le</strong><br />

plateau du terrain d’aviation, fournit un débit plus important que celui que<br />

donne la foggara Amraier. Mais il fallait la pomper, et la ressource pétrolière<br />

de l’Algérie n’était pas encore découverte.<br />

Les prélèvements effectués par cet ouvrage, ont, évidemment<br />

contribué, mais dans de faib<strong>le</strong>s proportions, à diminuer <strong>le</strong> débit des foggaras<br />

creusées sous ce plateau.<br />

Depuis une cinquantaine d’années, avec l’évolution rapide de<br />

l’Algérie du sud, <strong>le</strong>s nappes aquifères tendent inexorab<strong>le</strong>ment vers une<br />

surexploitation qui obligera <strong>le</strong>s services hydrauliques à rég<strong>le</strong>menter <strong>le</strong>s<br />

nouveaux forages, car, plus <strong>le</strong>s prélèvements dans l’aquifère augmenteront, et<br />

moins <strong>le</strong>s foggaras fourniront de débit. Cette gestion devra être étendue à<br />

toute la nappe du continental intercalaire, afin que <strong>le</strong>s prélèvements totaux ne<br />

dépassent pas <strong>le</strong>s seuls apports dus aux précipitations tombant sur <strong>le</strong> revers<br />

sud de l’Atlas.Un système d’irrigation plus rationnel en organisant des<br />

irrigations par «tours d’eau», répartis sur une journée, éviterait toutes ces<br />

pertes.<br />

Cela parait assez simp<strong>le</strong>, mais, en fait, est très comp<strong>le</strong>xe, du fait<br />

qu’en modifiant l’ouverture d’un orifice du peigne, on diminue, par voie de<br />

conséquence, <strong>le</strong> débit des autres trous. Bien entendu, cette comp<strong>le</strong>xité est<br />

source de chicanes (chicayas), que j’étais chargé d’arbitrer, jouant ainsi <strong>le</strong><br />

rô<strong>le</strong> de khadi (Juge de paix).<br />

Comme il y a près d’une centaine de foggaras dans <strong>le</strong> Gourara, j’avais<br />

souvent à intervenir.<br />

41


Puits ou forages dans <strong>le</strong>s grès de l’Albien<br />

Les puits dans certaines palmeraies :<br />

Dans <strong>le</strong>s palmeraies, en bordure des ergs, où <strong>le</strong> creusement de foggaras<br />

est impossib<strong>le</strong>, à cause des dunes, des puits sont creusés dans <strong>le</strong>s grès de<br />

l’Albien, et équipés avec des khattaras , systèmes à balancier, que nous<br />

avons décrits plus haut.<br />

A El Goléa, situé à 250 Kms au nord, des forages, creusés dans <strong>le</strong><br />

même aquifère atteignent 500 m. de profondeur, et l’eau y est artésienne<br />

Les Puits dans <strong>le</strong>s Hammadas<br />

Dans ces grands plateaux de calcaires, plus ou moins beiges,<br />

et assez rares, des puits ou forages peuvent fournir de l’eau, à moyenne<br />

profondeur, mais la roche est plus diff<strong>ici</strong><strong>le</strong> à creuser.<br />

Les puits dans <strong>le</strong>s ergs :<br />

Ces immenses zones de dunes de sab<strong>le</strong> orangé, qui s’étendent<br />

souvent sur plusieurs centaines de kilomètres, sont parsemées de rares puits,<br />

creusés dans <strong>le</strong>s feidjs , sortes de vallées sinueuses situées entre <strong>le</strong>s dunes, qui<br />

fournissent une eau peu abondante, mais de bonne qualité. Ces puits sont<br />

essentiel<strong>le</strong>ment situés sur <strong>le</strong>s itinéraires suivis par <strong>le</strong>s caravanes.<br />

Le matériau, dans <strong>le</strong>s feidjs, est solide, et peut être, soit des<br />

grés du continental intercalaire, soit des calcaires type hammadas, soit du<br />

sab<strong>le</strong> argi<strong>le</strong>ux peu consolidé.<br />

Etant donné <strong>le</strong>ur faib<strong>le</strong> profondeur (quelques mètres, <strong>le</strong> plus<br />

souvent), nous avons, personnel<strong>le</strong>ment, été conduits à supposer que <strong>le</strong>s eaux<br />

qu’ils fournissent, en faib<strong>le</strong> volume, ont pour origine la baisse nocturne, de<br />

l’air, qui se refroidit, et circulant dans <strong>le</strong>s interstices du sab<strong>le</strong> (qui est<br />

perméab<strong>le</strong>) du fait que son « point de rosée », étant atteint, la vapeur d’eau se<br />

condense et cette condensation alimenterait ces puits.<br />

Ce phénomène est connu, et utilisé dans <strong>le</strong>s immenses déserts<br />

asiatiques (Kalahari, etc.), sous l’appellation de puits de rosée , où ce sont <strong>le</strong>s<br />

seuls points d’eau pouvant être utilisés par <strong>le</strong>s caravaniers<br />

En fait, ils réalisent, avec de l’argi<strong>le</strong>, une grande cuvette, peu<br />

profonde, sur laquel<strong>le</strong> ils accumu<strong>le</strong>nt un gros volume de cailloux, entre<br />

<strong>le</strong>squels l’humidité de l’air nocturne se condense, et l’eau s’accumu<strong>le</strong> dans <strong>le</strong><br />

fond de la cuvette argi<strong>le</strong>use sous-jacente, d’ou el<strong>le</strong> est extraite pour <strong>le</strong>s<br />

besoins des caravanes.<br />

Toute la partie technique, rédigée ci-dessus, que certains <strong>le</strong>cteurs<br />

auront trouvée un peu aride (n’oublions pas qu’el<strong>le</strong> concerne des déserts !),<br />

étant maintenant terminée, nous revenons à la suite de notre séjour à<br />

Timimoun, que nous ne présenterons plus chronologiquement, mais par<br />

rubriques ou épisodes.<br />

Le climat<br />

Il est bien connu que <strong>le</strong> Sahara est réputée pour ses fortes<br />

différences de température entre <strong>le</strong>s jours et <strong>le</strong>s nuits. Il faut, en réalité<br />

nuancer ces contrastes.<br />

43


N’oublions pas que l’altitude moyenne à Timimoun, est supérieure<br />

à 700 mètres, et qu’il s’agît d’un climat continental très contrasté : <strong>le</strong>s nuits<br />

sont froides mais, cependant, la température en décembre ou janvier, est<br />

rarement inférieure à zéro degrés, et en été, <strong>le</strong>s températures nocturnes sont<br />

de l’ordre d’une trentaine de degrés, fort supportab<strong>le</strong>s, car on vit la nuit (On<br />

travail<strong>le</strong> de cinq heures du matin à ,midi, seu<strong>le</strong>ment, l’après midi étant trop<br />

chaud), et on mange et dort sur <strong>le</strong>s terrasses des maisons.<br />

Le moment de la journée <strong>le</strong> plus pénib<strong>le</strong>, est celui de la sieste, car<br />

dans la maison, il fait plus de 40°. A Timimoun, on avait un pankagi , jeune<br />

arabe, qui, installé dans une sorte de cagibi, jouxtant la chambre, actionnait,<br />

au moyen d’une corde, un grand panneau de bois garni de tissu, fixé au<br />

plafond, au dessus du lit, et faisant office de grand éventail. On s’allongeait<br />

après une bonne douche, et, sans se sécher, on essayait de dormir, sous <strong>le</strong><br />

panka ; Inuti<strong>le</strong> de dire que <strong>le</strong> pankagi attendait que l’on s’endorme, pour en<br />

faire autant, ce qui lui valait de s’entendre houspil<strong>le</strong>r, et de reprendre son<br />

travail.<br />

J’avais essayé de <strong>le</strong> remplacer par une hélice placée sur la terrasse,<br />

actionnant une autre hélice, placée au dessus du lit, mais quelques jours après,<br />

el<strong>le</strong> se décrocha et tomba sur ce lit, ce qui a mis fin à ce genre de dispositif,<br />

bricolé avec <strong>le</strong>s moyens du bord.<br />

Plus tard, lorsque nous avons quitté Timimoun pour Adrar, j’ai fait<br />

creuser une grande cave dans la cour de la maison, et nous y dormions avec<br />

plaisir, car la température y était de 25 à 28° seu<strong>le</strong>ment.<br />

Les distractions et <strong>le</strong>s fêtes<br />

Pendant <strong>le</strong>s 2 ou 3 mois d’hiver, il y avait quelques rares<br />

Barouds pendant la journée, plus rarement de nuit, en général <strong>le</strong> vendredi<br />

après midi, (Jemaa) , jour de prière musulman. Ils avaient lieu sur la grande<br />

place, devant <strong>le</strong> Bordj militaire, ou sur <strong>le</strong> reg voisin de Timimoun, et parfois<br />

dans la sebkra.<br />

Le Baroud, consiste en des chants, en arabe, très rythmés, avec des<br />

danses, en tournant en cerc<strong>le</strong>, effectuées par des hommes, seu<strong>le</strong>ment, armés<br />

de vieux fusils, qu’ils chargeaient avec de la poudre noire, qu’ils fabriquaient<br />

sur place, avec du salpêtre, qu’ils récoltaient dans <strong>le</strong>s foggaras, du soufre, et<br />

du charbon de bois. Les fusils étaient chargés par la sortie du canon, et avec<br />

seu<strong>le</strong>ment de la poudre, et une bonne bourre tassée avec une baguette de bois.<br />

Comme ils voulaient faire <strong>le</strong> plus de bruit possib<strong>le</strong>, ils mettaient parfois<br />

trop de poudre, et <strong>le</strong> fusil éclatait, en <strong>le</strong>s b<strong>le</strong>ssant sérieusement, à la main ou<br />

au visage. Ils étaient tous en tenue blanche, et toutes <strong>le</strong>s femmes et enfants du<br />

village en robes de cou<strong>le</strong>urs bariolées, tournaient aussi à quelques mètres<br />

autour d’eux. Des tobols , (tambours cylindriques en poterie cuite avec une<br />

peau tendue sur <strong>le</strong>s orifices), rythmaient la danse, <strong>le</strong>s fusils marquaient la<br />

cadence, et sur un ordre donné par <strong>le</strong> meneur de jeu, ils tiraient tous ensemb<strong>le</strong>,<br />

faisant un vacarme (baroud), très fort, auquel s’ajoutaient <strong>le</strong>s « youyous »<br />

poussés par <strong>le</strong>s spectatrices. Le spectac<strong>le</strong> durait une à deux heures, puis tout <strong>le</strong><br />

monde se dispersait.<br />

44


De plus, on célébrait <strong>le</strong>s fêtes religieuses musulmanes, aïd elkebir,<br />

aïd el seghir, et mouloud, occasions de faire des repas copieux, auxquels,<br />

souvent, <strong>le</strong>s amis européens sont conviés.<br />

Enfin, comme il y a beaucoup de légionnaires, la fête de la Légion<br />

n’est pas oubliée, en tenue blanche et rouge, avec la célèbre marche du<br />

Boudin. (Voir photo page suivante).<br />

Les Aallils<br />

Pendant <strong>le</strong>s nuits de printemps, d’été, et d’automne, une fête revenait<br />

fréquemment, et se déroulait dans un vieux ksar en ruines, au sommet de la<br />

palmeraie. Cette fête s’appelait l’ «aallil», (lill signifiant nuit, en arabe). Ce<br />

spectac<strong>le</strong>, est uniquement donné, dans un ksar en ruines, par <strong>le</strong>s « Zenneths »<br />

(noyau de population berbère), et se dérou<strong>le</strong> pendant <strong>le</strong>s nuits de p<strong>le</strong>ine lune,<br />

dans ce cadre magique de ruines, sur fond de palmiers, et de clair de lune.<br />

Ces chants très nostalgiques durent plusieurs heures, la température est<br />

idéa<strong>le</strong>, et <strong>le</strong>s visiteurs apportent des tapis, <strong>le</strong> thé, quelques dattes sèches et<br />

quelques gâteaux, et s’instal<strong>le</strong>nt sur des tapis et coussins, étalés sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong><br />

encore chaud. C’est vraiment un spectac<strong>le</strong> folklorique exceptionnel. Le <strong>le</strong>ver<br />

des cou<strong>le</strong>urs, et la messe, dite lorsqu’un Père blanc était de passage, et <strong>le</strong>s<br />

mariages, ainsi que <strong>le</strong>s fêtes religieuses, étaient aussi des occasions de se<br />

réunir, tantôt chez <strong>le</strong>s amis européens, tantôt, chez <strong>le</strong>s amis arabes<br />

Timimoun festival du cinéma saharien en 2004<br />

45


Tête de l'ancienne pompe recta que nous avions installée dans <strong>le</strong><br />

nouveau puits Timimoun en 1952<br />

Photo prise en 2006 lors de notre voyage à Timimoun, abandonnée<br />

au sol, à côté du puits de l’aérodrome.<br />

Légionnaire en tenue de Sapeur (Photo Légion internet)<br />

46


Timimoun festival du film saharien en 2004 – Homme habillé de lif<br />

47


Timimoun festival du film Saharien en décembre 2003<br />

Le marché au bois de chauffage à Timimoun<br />

48


Extractions de roses des sab<strong>le</strong>s dans la sebkhra de Timimoun<br />

Les Roses des sab<strong>le</strong>s :<br />

Ces concrétions, très nombreuses et qui se forment dans des<br />

conditions très particulières dans la plupart des sebkhras, méritent quelques<br />

explications sur <strong>le</strong>ur genèse.<br />

Tout d’abord, <strong>le</strong>urs caractéristiques physico-chimiques : Ce sont<br />

essentiel<strong>le</strong>ment des grains de sab<strong>le</strong>s siliceux, très répandus dans la plupart des<br />

déserts chauds, qui, dans <strong>le</strong> fond de cuvettes, où aff<strong>le</strong>ure une nappe aquifère<br />

fortement minéralisée, sont cimentés, essentiel<strong>le</strong>ment par des sulfates, qui, du<br />

fait de l’évaporation intense atteignent <strong>le</strong>ur point de saturation, et cristallisent<br />

sous forme de gypse, en agglomérant <strong>le</strong>s grains de sab<strong>le</strong>.<br />

Le système de cristallisation en forme de péta<strong>le</strong>s de roses est<br />

caractéristique.<br />

Ces concrétions peuvent atteindre des épaisseurs de plusieurs<br />

mètres.<br />

El<strong>le</strong>s rappel<strong>le</strong>nt cel<strong>le</strong>s de la barytine crêtée, se formant à partir du<br />

sulfate de baryum cristallisé dans des conditions analogues, mais sont d’âge<br />

plus ancien , du lias par exemp<strong>le</strong> dans la Lozère.<br />

49


Chameliers Reguibat nomades<br />

Ce sont de vrais hommes des déserts, ayant un sens aigu de<br />

l’orientation, et connaissant tous <strong>le</strong>s points d’eau de <strong>le</strong>ur trajet.<br />

Ils savent parfaitement s’orienter d’après la position du so<strong>le</strong>il<br />

et des étoi<strong>le</strong>s<br />

50


La faune et la flore loca<strong>le</strong> :<br />

La Faune :<br />

Du point de vue de la faune domestiquée, dans <strong>le</strong>s villages de la<br />

région, on trouve, bien entendu, des pou<strong>le</strong>ts éthiques, vivant en semi liberté,<br />

pondant directement sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, ce qui a pour conséquence, qu’en été, <strong>le</strong>s<br />

œufs ramassés sont tous « mol<strong>le</strong>ts », précuits par <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il.<br />

Les chiens, assez rares, sont « racistes », <strong>le</strong>s chiens arabes<br />

défendant furieusement l’accès de « <strong>le</strong>ur » dom<strong>ici</strong><strong>le</strong>, pour <strong>le</strong>s européens, et<br />

vice- versa.<br />

Quelques chats, éga<strong>le</strong>ment, mais assez rares.<br />

Des ânes, en assez grand nombre, moyen de transport entre la<br />

palmeraie et <strong>le</strong> village. Souvent, on voit l’homme sur l’âne, et, suivant à pied,<br />

la femme, avec <strong>le</strong>s fardeaux sur <strong>le</strong> dos, comme <strong>le</strong> veut la coutume.<br />

Les chameaux (dromadaires), souvent en transit entre <strong>le</strong> village et <strong>le</strong><br />

pâturage, ou pour al<strong>le</strong>r chercher <strong>le</strong> bois de chauffage.<br />

Nous avons eu, plusieurs fois, l’occasion d’utiliser cet animal pour<br />

quelques tournées dans l’erg, et nous devons informer <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur que<br />

l’utilisation de cette monture mérite quelques explications :<br />

Al<strong>le</strong>r à chameau est un peu un euphémisme : En fait, cela consiste à<br />

monter l’animal sur <strong>le</strong>s parcours assez peu accidentés, et pendant, environ, un<br />

tiers du trajet, <strong>le</strong> reste s’effectuant à pied, en tirant l’animal avec une longe.<br />

En effet, celui-ci est endurant, mais perd rapidement sa bosse, qui contient ses<br />

réserves nutritives, et doit donc, être ménagé. Dans <strong>le</strong>s dunes de l’erg, on <strong>le</strong><br />

monte dans <strong>le</strong>s feidjs (parcours parallè<strong>le</strong>s à la ligne des dunes, mais <strong>le</strong>s<br />

parcours d’une dune à l’autre, perpendiculaires à ces alignements, s’effectuent<br />

à pied, en tirant <strong>le</strong> chameau derrière soi.<br />

Monter un chameau, pour la première fois est assez étonnant, et se<br />

termine, en général, allongé sur <strong>le</strong> cou de la bête, ou, parfois, allongé au sol.<br />

On vous a pourtant fait voir, et commenté, comment il fallait s’y prendre, en<br />

trois phases successives. L’originalité de cet exercice réside dans <strong>le</strong> fait que<br />

pour la première phase, lorsqu’on approche un chameau qui est debout sur ses<br />

pattes, il faut, <strong>le</strong> faire baraquer , en tenant sa longe, accrochée à un anneau<br />

qui traverse son muf<strong>le</strong>, et, avec de nombreux « Kss, Kss, Kss »,<br />

d’encouragement, en tirant sa longe vers <strong>le</strong> bas.<br />

Après, la monte, s’effectue en trois temps, bien marqués<br />

1° - La bête s’accroupit à genoux sur ses pattes avant.<br />

2° - El<strong>le</strong> se pose sur ses pattes arrière repliées<br />

3°- El<strong>le</strong> relève, enfin, ses deux pattes avant, et se trouve alors en<br />

position pour être montée. Il faut, ensuite, se placer contre <strong>le</strong> chameau, poser<br />

son pied droit, nu, en travers du cou de l’animal, empaumer, de la main<br />

gauche, la base de la croix en bois gainée de cuir, fixée à l’avant de la sel<strong>le</strong><br />

(ralah), passer la jambe gauche au dessus du dos du chameau, et s’asseoir,<br />

bien en équilibre, <strong>le</strong>s deux pieds posés en travers, sur <strong>le</strong> cou de sa monture.<br />

51


C’est alors, seu<strong>le</strong>ment, que <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> commence :<br />

Avec des kss, kss, kss, d’encouragement, et des pressions des<br />

jambes sur <strong>le</strong>s flancs, on lui indique qu’il lui faut se re<strong>le</strong>ver, car <strong>le</strong> chameau<br />

baraqué doit se redresser, en trois temps rapides :<br />

1°- La bête se met a genoux sur son train avant, ce qui a pour<br />

conséquence immédiate que <strong>le</strong> chamelier se trouve projeté en arrière.<br />

2°- Tout de suite, el<strong>le</strong> se relève complètement sur son train arrière,<br />

et vous êtes alors projeté en avant.<br />

-3°- Aussitôt après, el<strong>le</strong> se met debout sur ses pattes avant, et, vous<br />

vous retrouvez enfin en position horizonta<strong>le</strong>, sur la sel<strong>le</strong>, posée au sommet de<br />

la bosse de l’animal, et fixée sous son ventre par une simp<strong>le</strong> sang<strong>le</strong> en toi<strong>le</strong> …<br />

si vous ne tombez pas au cours de ces phases.<br />

Si vous avez réussi cette première épreuve, la promenade n’est plus<br />

qu’une question d’équilibre, et, assez rapidement, vous pourrez vous lancer au<br />

trot, allure chaloupée qui, pour certains, assez rares d’ail<strong>le</strong>urs peut provoquer<br />

<strong>le</strong> mal de mer. Imaginez vous-mêmes, la suite.<br />

Les moutons : Le mouton à laine est peu courant au Sahara, et <strong>le</strong>s<br />

quelques uns qu’on y trouve sont réservés pour <strong>le</strong>s fêtes ou <strong>le</strong>s méchouis, et<br />

pour recevoir des hôtes de marque. Les Sidaoun : Ce sont des moutons, à poil<br />

de chèvres, d’origine soudanaise, à viande noire et sèche, seu<strong>le</strong> viande<br />

consommée, avec cel<strong>le</strong> des chameaux, aussi noire, sèche et filandreuse. Vous<br />

ne pouvez imaginer <strong>le</strong> plaisir que nous éprouvions, en rentrant en France à<br />

pouvoir commander un gros Chateaubriand aux pommes !<br />

Les poissons : Il faut mentionner que, dans <strong>le</strong>s foggaras, et <strong>le</strong>s séguias<br />

importantes, vivent des barbillons de dix à quinze cm. que nous péchions la<br />

nuit, pieds dans l’eau, équipés en tout et pour tout d’une épuisette, et de deux<br />

morceaux de grillage à mail<strong>le</strong> fine de 0m50 X 0m50, qui servaient à barrer la<br />

séguia, en aval, et en amont de la portion pêchée, et en déplaçant <strong>le</strong>s grillages<br />

entre <strong>le</strong>squels <strong>le</strong> poisson était prisonnier. C’était une distraction des nuits<br />

d’été, pratiquée seu<strong>le</strong>ment, de temps à autre, car <strong>le</strong> barbillon est p<strong>le</strong>in d’arêtes,<br />

et sa chair peu savoureuse. C’était, malgré tout du poisson frais.<br />

Les serpents : Très rares, je n’en ai vu que trois, pendant tout mon<br />

séjour de sept ans, un Ourane , ou « Fouette queue », non venimeux, et deux<br />

vipères à cornes, ou vipère Céraste, dont une sur laquel<strong>le</strong> je faillis m’asseoir,<br />

lors d’une tournée dans <strong>le</strong> reg. Il était l’heure de manger, vers 13 heures, au<br />

printemps. Nous avions stoppé la Jeep au pied d’une petite dune de sab<strong>le</strong> sur<br />

laquel<strong>le</strong> se trouvait une grosse touffe de tamaris, pour nous mettre à l’ombre.<br />

Je me dirigeais avec ma musette vers <strong>le</strong> pied des arbustes, lorsque j’entendis<br />

mon graisseur Rabah me crier : ba<strong>le</strong>k el Faaa (attention, <strong>le</strong> serpent) . Il ne<br />

l’avait pas encore vue, ni moi non plus, mais el<strong>le</strong> se trouvait à deux mètres,<br />

devant moi. Rabah, très observateur, et habitué du b<strong>le</strong>d avait tout de suite<br />

repéré <strong>le</strong>s traces en S, très marquées sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> par l’animal, et avait aussitôt<br />

crié. Je regardai attentivement, et vis effectivement la vipère, sa tête dressée<br />

au pied de la touffe, dont el<strong>le</strong> avait à peu près la cou<strong>le</strong>ur. Alors que Rabah<br />

s’approchait avec une branche pour la chasser, et que je reculais<br />

précipitamment, el<strong>le</strong> s’enfuit sur <strong>le</strong> côté, et disparut sur <strong>le</strong> reg, aussi vite<br />

52


qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong> pouvait. Cet incident m’apprit à reconnaître ses traces sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>,<br />

et, une fois ou deux, j’en repérai, mais sans voir <strong>le</strong> serpent.<br />

Les scorpions (agreb) : Ces insectes sont fréquents, dans <strong>le</strong>s lieux<br />

humides des maisons, <strong>le</strong>s puits, <strong>le</strong>s trous de murs, mais ne sont pas agressifs,<br />

et de plus, bien que mesurant huit à dix centimètres, ce sont des scorpions<br />

jaunes, beaucoup moins venimeux que <strong>le</strong>s noirs. Les piqûres des scorpions<br />

noirs de hauts plateaux algériens sont beaucoup plus dangereuses, et, parfois<br />

mortel<strong>le</strong>s.<br />

Les araignées : La seu<strong>le</strong> espèce dont je me souvienne, mais qu’on ne<br />

peut oublier de citer, car el<strong>le</strong>s sont nombreuses sont <strong>le</strong>s agreb el riah<br />

(araignées du vent, en français). Ce sont de gros arachnides, de cinq à six<br />

centimètres de diamètre, de cou<strong>le</strong>ur marron clair, a longues pattes, très<br />

rapides, non venimeuses, mais impressionnantes pour <strong>le</strong>s personnes qui,<br />

comme mon épouse craignent toutes <strong>le</strong>s araignées. El<strong>le</strong>s ne sortent que par <strong>le</strong>s<br />

nuits de vent fort, et il est courant que, alors qu’on joue aux cartes ou qu’on<br />

boit <strong>le</strong> thé, sur <strong>le</strong>s tapis, qu el<strong>le</strong>s <strong>le</strong> traversent en courant, passant parfois sur<br />

votre corps, sans vous faire <strong>le</strong> moindre mal.<br />

Les mouches : Je me suis toujours posé la question de savoir si ces<br />

insectes ne sont pas issus d’une génération spontanée !! : En effet, lorsque<br />

vous vous arrêtez en p<strong>le</strong>in désert, sec, sans arbres, en quelques minutes, vous<br />

commencez à être importunés par ces bestio<strong>le</strong>s, qui sortent d’on ne sait où,<br />

même pas de la voiture souvent entièrement décapotée, et se nourrissant de<br />

quoi ?<br />

Les souris, (el far ) : petites souris grises, abondantes dans <strong>le</strong>s maisons.<br />

Les lézards : Ils sont représentés par 2 espèces : Le dob , gros lézard<br />

ventru à queue épaisse, hérissée de protubérances pointues, épineuses, très<br />

recherchés par <strong>le</strong>s habitants qui en sont friands, et <strong>le</strong> considèrent comme un<br />

véritab<strong>le</strong> médicament, très bénéfique. Un proverbe arabe dit : ras a dob, fiah<br />

miet tob », ce qui signifie : Une tête de dob, vaut mieux que cent remèdes.<br />

La deuxième espèce est un genre de gecko, dont j’ai oublié <strong>le</strong> nom<br />

en arabe. C’est un petit lézard à queue courte et épaisse, aux pattes à<br />

ventouses, qui lui permettent de grimper aux murs et aux vitres.<br />

Les oiseaux, sont essentiel<strong>le</strong>ment représentés par de très<br />

nombreuses tourterel<strong>le</strong>s, (hammam ) qui font un concert agréab<strong>le</strong>, dans toutes<br />

<strong>le</strong>s palmeraies, où el<strong>le</strong>s abondent, et <strong>le</strong>s pies grièches ; quelques oiseaux plus<br />

petits, noirs et blancs, sont moins courants. Il s’agit de passereaux, dont je<br />

n’ai jamais connu <strong>le</strong> nom.<br />

Les fennecks: Petits renards des sab<strong>le</strong>s, assez rares, sur <strong>le</strong>s regs ou<br />

dans <strong>le</strong>s sebkhas et palmeraies, mais fréquents dans <strong>le</strong>s zones de pâturages à<br />

chameaux.<br />

Les Gazel<strong>le</strong>s : Très rares à Timimoun, j’avais l’occasion d’en<br />

chasser à Igly, lorsque je me rendais à Béchar. En effet, Igly est proche de la<br />

grande Hamada du Guir, oued à sec, mais avec une petite nappe aquifère intra<br />

alluvia<strong>le</strong>, avec une végétation d’épineux assez abondante où <strong>le</strong>s gazel<strong>le</strong>s<br />

pullulaient par troupeaux de plusieurs centaines de têtes. Je n’aime pas la<br />

chasse, car j’ai une passion pour <strong>le</strong>s animaux et <strong>le</strong>s plantes. Malheureusement,<br />

53


la viande de gazel<strong>le</strong> est excel<strong>le</strong>nte et tendre. Nous partions avec ma jeep ou<br />

ma Land Rover, avec <strong>le</strong> père Walther, dont j’ai parlé plus haut.<br />

La Flore<br />

Les Palmiers : A tout seigneur, tout honneur. C’est, de très loin,<br />

l’arbre <strong>le</strong> plus répandu dans <strong>le</strong>s oasis sahariennes. Il en existe plusieurs<br />

espèces, la plus courante, étant cel<strong>le</strong> du palmier dattier. Dans cette espèce, on<br />

distingue des sous espèces, dont <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s, par ordre gustatif croissant,<br />

sont : La deg<strong>le</strong>t nour, en français, la datte muscade. Puis vient la takarbouch »<br />

qui ne porte pas de nom français. Enfin, la plus répandue est la tamra el bahir,<br />

ou datte à chameaux.<br />

A Timimoun, il n’y avait pas de deg<strong>le</strong>t Nour, et la takarbouch était<br />

la meil<strong>le</strong>ure. Il s’agit d’une datte assez grosse, et courte, parfumée, qui sèche<br />

très bien, et se conserve, fraîche, séchée a l’ombre, ou emballée dans une peau<br />

de chèvre cousue.<br />

La datte à chameaux est plus petite, plus allongée, mais<br />

contrairement à son nom, el<strong>le</strong> est couramment consommée par <strong>le</strong>s habitants,<br />

et c’est la base de la nourriture des messakins <strong>le</strong>s pauvres. Les palmiers ne<br />

sont pas hermaphrodites, et présentent donc <strong>le</strong>s deux sexes. Les palmiers<br />

mâ<strong>le</strong>s sont plus rares que <strong>le</strong>s femel<strong>le</strong>s, du fait qu’ils ne servent qu’à la<br />

fécondation. On <strong>le</strong>s distingue faci<strong>le</strong>ment car <strong>le</strong>s palmes (Jerids) , du mâ<strong>le</strong> sont<br />

droites, alors que cel<strong>le</strong>s des femel<strong>le</strong>s sont courbes. Compte tenu de la<br />

dispersion des espèces mâ<strong>le</strong>s, l’autofécondation ne se fait pas correctement,<br />

ce qui donne lieu, au printemps à de véritab<strong>le</strong>s rituels : Du matin au soir, <strong>le</strong>s<br />

ouvriers chargés de féconder <strong>le</strong>s palmiers femel<strong>le</strong>s, vont couper sur <strong>le</strong> palmier<br />

mâ<strong>le</strong>, <strong>le</strong> dakkar, long fuseau oblong contenant des petites tiges présentant des<br />

petites excroissances en grappes, supportant <strong>le</strong> pol<strong>le</strong>n, obtenues en l’ouvrant<br />

longitudina<strong>le</strong>ment. Ils en prennent une poignée, montent alors au sommet des<br />

palmiers femel<strong>le</strong>s, et, en chantant une prière implorant la bénédiction d’Allah<br />

(bismilla arahman arahim, ils déposent un fragment de la f<strong>le</strong>ur mâ<strong>le</strong> dans<br />

chacune des f<strong>le</strong>urs femel<strong>le</strong>s. Comme ils sont nombreux, et que cela dure<br />

pendant une quinzaine de jours, là palmeraie retentit de <strong>le</strong>ur chants, et ce<br />

spectac<strong>le</strong> concertal est très pittoresque. Après la récolte, <strong>le</strong>s régimes de dattes<br />

sont suspendus dans la maison, et se consomment à toute occasion, jusqu’à<br />

cel<strong>le</strong> de l’année suivante.<br />

Le blé, et <strong>le</strong>s légumes: Le blé est cultivé dans <strong>le</strong>s jardins, sous <strong>le</strong>s<br />

palmiers, en même temps que <strong>le</strong>s légumes, salades, tomates, aubergines,<br />

piments doux et forts, persil, etc. C’est, avec <strong>le</strong>s soins apportés aux palmiers,<br />

<strong>le</strong> travail habituel des propriétaires de jardins, qui <strong>le</strong>ur consacrent un soin<br />

jaloux. Ils boivent <strong>le</strong> thé entre voisins, mangent des dattes, fument une pipe<br />

de kif. Ils prennent tout <strong>le</strong>ur temps, et ne s’acharnent pas au travail. Le blé est<br />

ramassé à la faucil<strong>le</strong>, et <strong>le</strong>s produits du jardin sont, soit consommés par <strong>le</strong>s<br />

propriétaires, soit vendus au souk .Nous étions donc, sauf en p<strong>le</strong>in hiver,<br />

ravitaillés en légumes frais, ce qui était très agréab<strong>le</strong>.<br />

Les autres végétaux<br />

Dans la palmeraie, et sur <strong>le</strong> reg ou dans <strong>le</strong>s ergs, on trouve, assez<br />

fréquemment, <strong>le</strong>s fersigs, (Tamaris), et quelques lauriers roses<br />

54


On ne trouve pas d’oliviers, ni d’orangers ou de citronniers à<br />

Timimoun.<br />

Il pousse quelques rares grenadiers, dans la palmeraie.<br />

Sur <strong>le</strong> reg, comme nous en avons parlé, plus haut, dans <strong>le</strong>s zones de<br />

dépressions, on trouve de nombreux arbustes épineux, hauts de plusieurs<br />

mètres, utilisés pour <strong>le</strong> chauffage.<br />

Quelques jours après <strong>le</strong>s pluies, qui, malheureusement, sont très<br />

rares (Deux épisodes en sept ans de séjour), on trouve, dans <strong>le</strong>s pâtures à<br />

chameaux, des truffes blanches terfès, champignons, très parfumés,<br />

excel<strong>le</strong>nts, qui poussent en grandes zones circulaires, de plusieurs mètres de<br />

diamètre, sous la surface du sol, qui se craquel<strong>le</strong>. Heureusement qu’il existe<br />

un indice de <strong>le</strong>ur présence : une herbe assez abondante, vert clair, à très<br />

petites feuil<strong>le</strong>s appelée <strong>le</strong> r’guig .<br />

La récolte est souvent fructueuse (plusieurs kilos en 1 à 2 heures), et est<br />

très appréciée au retour à la maison. je n’en ai ramassé que deux fois, en sept<br />

ans de séjour.<br />

J’espère que vous n’aurez pas trouvé trop longs <strong>le</strong>s chapitres<br />

précédents, mais j’ai supposé qu’il était indispensab<strong>le</strong> de planter <strong>le</strong> décor,<br />

avant de vous par<strong>le</strong>r de notre existence et des activités, souvent très<br />

anecdotiques que nous y avons vécu, et qui ont émaillé notre séjour.<br />

Une fois, pendant une dizaine de jours, je me suis rendu dans la<br />

palmeraie de Tinoumeur , située à une quinzaine de km de Timimoun, pour,<br />

avec l’aide des habitants, et aidé par Rabah, creuser un puits, celui qui<br />

alimentait <strong>le</strong>s habitants étant presque tota<strong>le</strong>ment ensablé.<br />

Le Kebir, chef du village, était très content, et nous buvions <strong>le</strong> thé<br />

avec <strong>le</strong>s habitants, tous <strong>le</strong>s jours.<br />

A la fin des travaux, <strong>le</strong> puits avait retrouvé une bonne capacité de<br />

production, et on nous demanda de venir <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain pour manger un<br />

couscous et <strong>le</strong> méchoui. J’en profitai, avec <strong>le</strong>s moyens modestes dont je<br />

disposais, pour perfectionner la Khattara, qui <strong>le</strong>ur servait à puiser l’eau.<br />

Je suis retourné à Tinoumeur, environ six mois après, et, à ma<br />

grande déception, j’ai trouvé <strong>le</strong> nouveau puits presque ensablé, et <strong>le</strong>s habitants<br />

manquant à nouveau d’eau.<br />

Un peu d’entretien de l’ouvrage, par exemp<strong>le</strong> : <strong>le</strong> protéger des<br />

vents de sab<strong>le</strong>, ou <strong>le</strong> nettoyer, de temps à autre, <strong>le</strong>ur aurait permis de <strong>le</strong> garder<br />

en état. Mais, non, ils étaient très fatalistes, et, puisque ALLAH en avait décidé<br />

ainsi, ils acceptaient sa volonté, ne mettent pas en pratique <strong>le</strong> proverbe aide<br />

toi, <strong>le</strong> ciel t’aidera. J’en ai été très déçu, et n’ai entrepris aucun autre puits,<br />

ail<strong>le</strong>urs, dans ces petites palmeraies.<br />

Que la lumière soit : Anecdote.<br />

Un jour, j’ai, avec Léo, Rabah, et Joulkov, décidé d’al<strong>le</strong>r<br />

reconnaître une vieil<strong>le</strong> piste, dite du Foum l’kheneg , qui raccourcissait de<br />

près de cent kms, <strong>le</strong> trajet de Timimoun à Béchar. En effet, la bonne piste<br />

obligeait à descendre vers <strong>le</strong> sud, jusqu’à SBA, où el<strong>le</strong> débouchait sur la piste<br />

impéria<strong>le</strong> Adrar Béchar, et de remonter vers <strong>le</strong> Nord jusqu’à Ksabi, ou<br />

débouchait la vieil<strong>le</strong> piste en question. La raison pour laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> avait été<br />

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abandonnée est qu’el<strong>le</strong> traversait, sur prés de soixante km, <strong>le</strong>s reliefs rocheux<br />

d’âge Dévonien, où el<strong>le</strong> était très mauvaise, et peu adaptée pour <strong>le</strong>s camions.<br />

De plus, il n’y à aucune palmeraie à proximité et <strong>le</strong> roulage sur ces cailloux<br />

est une rude épreuve pour <strong>le</strong>s pneus.Nous avons donc effectué <strong>le</strong> trajet, sans<br />

incidents, avons mangé à Ksabi, avec <strong>le</strong> gardien que nous connaissions<br />

depuis notre premier voyage Béchar Timimoun, et, au retour, nous avons<br />

décidé d’al<strong>le</strong>r dans une petite palmeraie située en bordure du Grand Erg<br />

Occidental, à mi parcours, entre Ksabi et Timimoun, et à une trentaine de<br />

Kms au Nord de cette vieil<strong>le</strong> piste. Nous sommes donc partis sur <strong>le</strong> reg, avec<br />

l’aide du compas avion, que j’avais mis en place, et dûment réglé, sur <strong>le</strong><br />

montant supérieur du pare brise de la Jeep (et qui m’a servi plus tard sur ma<br />

Land Rover), et sommes arrivés a cette palmeraie, à la tombée de la nuit.<br />

Bien entendu, comme l’hospitalité saharienne est une règ<strong>le</strong> d’or,<br />

nous avons été reçus avec une affabilité d’autant plus grande que<br />

pratiquement aucun européen n’y allait, et qu’ils vivaient exclusivement de<br />

<strong>le</strong>urs ressources, et des produits que <strong>le</strong>ur amenaient rarement quelque<br />

caravane de nomades. Nous étions en train de boire <strong>le</strong> thé traditionnel,<br />

accompagné de dattes sèches, sur un tapis étalé sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> et, nous avions<br />

distribué des bonbons et biscuits, ainsi que des cigarettes. J’avais laissé <strong>le</strong>s<br />

veil<strong>le</strong>uses de la Jeep allumées, pour nous éclairer, lorsque, tout à coup, je vis<br />

un Chibanih (vieil homme) se pencher sur l’un des phares de la voiture pour<br />

y allumer la cigarette que je lui avais offerte. Je me <strong>le</strong>vai donc, allai vers lui,<br />

et lui expliquai que cette lumière était enfermée dans <strong>le</strong> phare, et ne chauffait<br />

pas, et c’est avec un peu d’appréhension qu’il consentit à plaquer sa main sur<br />

la vitre, craignant de se brû<strong>le</strong>r, a la grande joie des hommes voisins, qui<br />

devaient déjà avoir vu quelque voiture, et à la grande curiosité des enfants qui<br />

se livrèrent à la même expérience. C’est cependant la seu<strong>le</strong> fois que pareil<strong>le</strong><br />

chose nous est arrivée.<br />

Les visiteurs<br />

Nous recevions fréquemment la visite de touristes, dont certains un peu<br />

sans gêne, profitaient de l’hospitalité qui <strong>le</strong>ur était offerte, qui restaient à<br />

Timimoun pendant parfois une dizaine de jours, ou plus.<br />

Nous nous mettions alors d’accord, avec <strong>le</strong>s autres européens pour <strong>le</strong>s<br />

recevoir à tour de rô<strong>le</strong>, mais surtout pas <strong>le</strong> dernier soir de <strong>le</strong>ur séjour, car<br />

Certains demandaient qu’on <strong>le</strong>ur prépare un casse croûte pour emporter avec<br />

eux, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain. Nous avons, entre autres, reçu Ml<strong>le</strong> Marvingt, vieil<strong>le</strong> anglaise<br />

qui venait presque tous <strong>le</strong>s ans, et qui se targuait d’avoir été la première femme à<br />

avoir obtenu son brevet de vol en ballon libre. Il est très dommage qu’el<strong>le</strong> ne<br />

soit jamais venue avec cet engin volant, car el<strong>le</strong> aurait, alors, fait la joie des<br />

habitants qui auraient été tout heureux de survo<strong>le</strong>r <strong>le</strong> Gourara. Nous avons eu<br />

deux fois la visite du Commandant Audouin Dubreuil, qui avait organisé la<br />

Croisière noire Citroën, et habitait, depuis, à Djerba, en Tunisie. Il nous a<br />

longuement raconté tous <strong>le</strong>s incidents et aventures relatifs à cette épopée. Mon<br />

confrère et ami, Monsieur Michel Lescure, qui nous a fait l’honneur et <strong>le</strong> grand<br />

plaisir de préfacer cet ouvrage, nous a dit qu’il avait connu son fils.<br />

Environ tous <strong>le</strong>s mois, venait à Timimoun, un Père blanc, <strong>le</strong> Père Geoffroy,<br />

basé à Adrar, qui restait trois ou quatre jours, et apportait la bonne paro<strong>le</strong>.<br />

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Il était logé, en hiver, dans une des chambres d’hôtes du Bordj, mais, à la<br />

bonne saison, il couchait sur notre terrasse, et y disait sa messe matina<strong>le</strong>, <strong>le</strong> plus<br />

souvent tout seul, car nous dormions encore. Cet excel<strong>le</strong>nt homme, que nous<br />

retrouverons à Adrar, lorsque plus tard nous y habiterons, était d’origine<br />

alsacienne et il se flattait d’avoir été danseur mondain, avant d’entrer dans <strong>le</strong>s<br />

ordres. Il arrivait, en général au milieu de la semaine, afin de pouvoir dire une<br />

messe du dimanche à l’église. Souvent, il m’accompagnait dans mes tournées, et<br />

aimait beaucoup cela. Il parlait très bien l’arabe, entrait en conversation avec <strong>le</strong>s<br />

gens que nous rencontrions, mais je ne sais pas s’il faisait beaucoup d’adeptes.<br />

Périodiquement, nous recevions monseigneur Mercier, évêque du<br />

Sahara, basé à Adrar, dont sa jeune sœur, Mimi, gérait la base des Pères et<br />

Sœurs Blanches d’Adrar, qui souvent l’accompagnait. Je <strong>le</strong>s emmenais<br />

souvent dans mes déplacements, et nous en étions tous très contents.<br />

Nous avons connu, pendant notre long séjour à Timimoun,<br />

beaucoup de personnalités, qui nous étaient annoncées par télégramme de<br />

l’ingénieur en chef, et que nous recevions et promenions en Jeep, parfois en<br />

touristes, plus rarement pour examiner sur place quelques problèmes<br />

géologiques ou hydrogéologiques. Cela m’a été uti<strong>le</strong>, plus tard, car c’était un<br />

bon carnet d’adresses. J’ai reçu, entre autres <strong>le</strong> Directeur Général des<br />

Télécommunications, <strong>le</strong> P.D.G. de la Mobil, <strong>le</strong> Général Roy, avec qui, plus<br />

tard j’ai eu d’autres contacts, et qui ont eu l’occasion de me renvoyer la bal<strong>le</strong>.<br />

Nous recevions, aussi Mr et Mme Brochet, l’Ingénieur en chef, et sa<br />

femme, qui restaient quelques jours, et qui venaient, un peu pour <strong>le</strong> travail, et<br />

aussi pour <strong>le</strong> tourisme. Il en était de même avec Mr et Mme Salva, notre<br />

Ingénieur d’Arrondissement, qui, en général venaient deux fois par an, que<br />

nous avons, sur sa demande, conduits jusqu’à Tamanrasset, ce qui nous a<br />

permis de connaître ce beau pays qu’est <strong>le</strong> Hoggar, où nous ne sommes restés<br />

quatre jours seu<strong>le</strong>ment.<br />

Au début, Pagès ne venait que très rarement, accompagné de son<br />

fidè<strong>le</strong> Loukan.<br />

Nous attendions toujours <strong>le</strong>s meub<strong>le</strong>s promis, mais la situation ne<br />

s’est très rapidement réglée, qu’à la première visite de Mr Brochet, que nous<br />

avons reçu à la maison, et a profité de nos caisses pour s’asseoir, de la tab<strong>le</strong><br />

losangique noire, et qui a vu <strong>le</strong> lit avec paillasse en lif. Une huitaine de jours<br />

après son retour à Oran, un camion est arrivé, avec, enfin, du mobilier neuf.<br />

Quelques mois après notre arrivée à Timimoun, nous avions enfin<br />

de bons amis, surtout <strong>le</strong> Docteur, <strong>le</strong> Chef de poste radio, l’adjudant chef<br />

Robert, et plusieurs commerçants arabes, surtout Bourras, très européanisé, et<br />

sa jeune femme Touna, ainsi que Larbi.<br />

Les repas du soir étaient l’occasion de passer d’excel<strong>le</strong>ntes soirées,<br />

chez l’un ou l’autre d’entre nous, et nous jouions aux dominos ou au bridge,<br />

et plus rarement à la canasta ; nous allions assister ensemb<strong>le</strong> aux Aallils. Au<br />

total, la vie était très agréab<strong>le</strong>, <strong>le</strong> travail intéressant, et nous nous sommes vite<br />

habitués aux coutumes loca<strong>le</strong>s, au manque d’é<strong>le</strong>ctr<strong>ici</strong>té, au courrier qui<br />

n’arrivait et ne partait que deux fois par mois, au vin au bromure, et au<br />

ravitail<strong>le</strong>ment local, peu diversifié. Je ne sais pas si <strong>le</strong> bromure calmait <strong>le</strong>s<br />

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ardeurs des militaires, mais, il ne nous a pas empêchés d’avoir mes deux fils,<br />

Patrick, l’ainé, et de Philippe, <strong>le</strong> plus jeune.<br />

Les vents de sab<strong>le</strong> du printemps, et <strong>le</strong>s zizanies entre<br />

européens<br />

La période des vents de sab<strong>le</strong> (Avril à juin), entraîna, comme<br />

chaque année à pareil<strong>le</strong> époque, comme on nous l’avait annoncé, une tension<br />

soudaine, et durab<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong>s relations entre habitants européens.<br />

Il faut savoir, que, dans ces pays de sécheresse extrême, <strong>le</strong>s<br />

phénomènes d’é<strong>le</strong>ctr<strong>ici</strong>té statique, ont une importance considérab<strong>le</strong>, aggravée<br />

par <strong>le</strong>s charges é<strong>le</strong>ctrostatiques dues au transport du sab<strong>le</strong> par <strong>le</strong> vent. Par<br />

exemp<strong>le</strong>, on avait droit à une bonne secousse en descendant de voiture, en<br />

touchant un grillage moustiquaire de porte, etc. Si on approchait <strong>le</strong>ntement la<br />

main, tenant un objet métallique, on en tirait des étincel<strong>le</strong>s continues, comme<br />

avec un allumage de moteur à essence.<br />

Par voie de conséquence, cela portait sur <strong>le</strong>s nerfs de tout <strong>le</strong> monde,<br />

et <strong>le</strong>s moindres contrariétés, étaient source de conflits, et se traduisaient par<br />

des formations de groupes antagonistes, ce qui rendait la vie plus diff<strong>ici</strong><strong>le</strong>.<br />

<strong>Pour</strong> exemp<strong>le</strong> je citerai <strong>le</strong>s conflits engendrés lors des distributions de denrées<br />

de l’Ocado, gérées par <strong>le</strong>s off<strong>ici</strong>ers, qui s’octroyaient <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures parts, et<br />

surtout l’iso<strong>le</strong>ment des européens, par clans, surtout évident lors de l’arrivée<br />

de l’avion qui venait une fois par mois, un vieux Junker de l’armée al<strong>le</strong>mande<br />

qui partait d’Alger, et faisait <strong>le</strong> tour des palmeraies : In salah, Aou<strong>le</strong>f, Adrar,<br />

Timimoun, Colomb Bechar, Alger, en deux jours, et faisait <strong>le</strong> circuit inverse,<br />

<strong>le</strong> mois suivant. A l’arrivée de l’avion, qui amenait aussi du ravitail<strong>le</strong>ment, et<br />

<strong>le</strong> courrier, nous montions tous au terrain d’aviation et <strong>le</strong>s groupes d’<strong>accueil</strong><br />

ne se saluaient même pas, ce qui devait faire un drô<strong>le</strong> d’effet aux membres de<br />

l’équipage, qui couchaient à Timimoun, pour repartir <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin.<br />

Les Junkers (« Toucans ») du GMMTA<br />

Voyager dans ces avions était très folklorique : Certaines fois, <strong>le</strong>s<br />

moteurs ne voulaient pas démarrer, et, après avoir décapoté <strong>le</strong>s moteurs et<br />

remplacé quelques bougies, <strong>le</strong>s batteries s’étant déchargées, il fallait que <strong>le</strong><br />

mécan<strong>ici</strong>en du bord monte sur un escabeau, introduise une grande manivel<strong>le</strong><br />

sur <strong>le</strong> côté du moteur, et, <strong>le</strong> pilote étant aux commandes pour mettre <strong>le</strong>s<br />

contacts et déc<strong>le</strong>ncher <strong>le</strong> système à inertie actionné par la manivel<strong>le</strong>, arriver à<br />

lancer ce moteur. Cela, quelquefois à plusieurs reprises. Les passagers<br />

montaient alors dans l’avion, dont <strong>le</strong>s sièges rudimentaires étaient disposés en<br />

travers, perpendiculairement au sens du vol. Entre <strong>le</strong>s sièges, et souvent<br />

pendus à un câb<strong>le</strong> en acier allant de l’avant à l’arrière, tout un bric à brac des<br />

sacs, de colis, encombrait l’espace entre <strong>le</strong>s sièges, du sol au plafond, arrimés<br />

à la diab<strong>le</strong>, et l’on pouvait penser à ce qui se serait passé en cas d’accident.<br />

Pendant tout notre séjour dans <strong>le</strong> Sahara, nous n’avons jamais appris qu’il y<br />

ait eu un quelconque, car <strong>le</strong>s pilotes étaient vraiment chevronnés, et habituées<br />

à ces avions.<br />

J’ai utilisé <strong>le</strong>s Junkers à plusieurs reprises, sans encombre, souvent<br />

au poste de pilotage, où <strong>le</strong> commandant de bord m’acceptait, parfois en me<br />

laissant <strong>le</strong> manche, pendant <strong>le</strong> vol, et, la seu<strong>le</strong> fois où un incident s’est<br />

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produit, un jour de très mauvais temps, l’antenne HF de l’appareil s’est<br />

détachée de sa fixation arrière et pendouillait sous l’avion, sans pour autant<br />

interdire <strong>le</strong>s communications radios. L’équipage a pris cela à la rigolade, et<br />

avant d’arriver à Maison blanche, pendant la procédure d’approche du terrain,<br />

où l’on survolait la mer, la conversation avec la tour de contrô<strong>le</strong> a été très<br />

drô<strong>le</strong>, <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong>ur nous disant « Vo<strong>le</strong>z en rase, flotte, vous aurez peut être<br />

une chance de pêcher un gros poisson ».<br />

Nous avons eu, quelquefois la visite de Goelands, vieux avions<br />

bimoteurs, de l’armée de l’air, basés à Béchar, venus, en vols d’entraînement<br />

des nouveaux pilotes. Ils ne repartaient que <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, dans la matinée, si<br />

ce n’était dans l’après midi ; en effet, pratiquement deux fois sur trois, à la<br />

mise en marche des moteurs, Renault , en ligne, il <strong>le</strong>ur fallait changer<br />

plusieurs bougies, ce qui durait parfois plusieurs heures (je me suis souvent<br />

demandé, si ce n’était pas un prétexte pour pouvoir revenir au village, passer<br />

quelques heures de plus, <strong>le</strong> mécan<strong>ici</strong>en et <strong>le</strong> copilote effectuant la réparation,<br />

<strong>le</strong> reste de l’équipage pouvant alors se promener tranquil<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong><br />

village.<br />

Mon stage occasionnel à la maternité d’Alger.<br />

Naissance de notre deuxième enfant, notre premier fils, Patrick, notre<br />

première fil<strong>le</strong>, Annie France étant née lors d’un séjour à Géryvil<strong>le</strong>, dont<br />

nous par<strong>le</strong>rons plus loin.<br />

A la fin de la deuxième grossesse de mon épouse, <strong>le</strong>s premières<br />

dou<strong>le</strong>urs débutèrent, un soir, et je fis venir notre ami, <strong>le</strong> docteur, pour l’en<br />

aviser. Après deux jours de piqures et de médicaments, sans succès, il<br />

m’indiqua qu’il avait contacté ses supérieurs par télégramme, qu’il fallait<br />

l’évacuer sur Alger, par un avion sanitaire. Nous avons pris toutes <strong>le</strong>s<br />

dispositions pour ce transfert : ma fil<strong>le</strong> Annie, âgée de douze mois devait<br />

rester à Timimoun, sous la garde du chef d’annexe, du docteur, et de<br />

Mabrouka. <strong>Pour</strong> ma part, après avoir télégraphié à mes supérieurs, il fut<br />

décidé que je partirais, avec l’avion sanitaire, pour accompagner mon épouse.<br />

L’appareil se posa <strong>le</strong> soir vers vint et une heure sur <strong>le</strong> terrain, balisé par<br />

une dizaine de goose necks , arrosoirs métalliques aux becs munis d’une<br />

grosse mèche, remplis de pétro<strong>le</strong>, seul balisage de fortune dans <strong>le</strong>s esca<strong>le</strong>s du<br />

Sud Saharien. Bien entendu, Léo était sur un brancard surveillée par <strong>le</strong><br />

docteur, <strong>le</strong> chef d’annexe, et une dizaine d’amis nous y avaient accompagnés,<br />

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et, au moment du départ, mon ami Larbi, s’est approché de moi, et m’a glissé<br />

dans la main une petite liasse de bil<strong>le</strong>ts, à peu près l’équiva<strong>le</strong>nt de mon salaire<br />

mensuel en me disant : Prends cela, tu me <strong>le</strong> rendras, si tu <strong>le</strong> peux, mais je<br />

pense que cela vous dépannera .J’avoue que cela nous a beaucoup émus, Léo<br />

et moi, car je n’avais qu’un salaire modeste, et cet argent a été <strong>le</strong> bienvenu.<br />

Nous avons voué une gratitude particulière à Larbi, et j’ai été très peiné, à<br />

mon retour à Timimoun, d’apprendre son décès survenu quelques années<br />

avant. Cette grande délicatesse nous a conduits à apprécier, d’autant plus,<br />

cette fraternité, désintéressée de ces populations lointaines, et du plaisir que<br />

j’éprouve, chaque fois que je puis retourner dans ces pays.<br />

Nous avons décollé, et, à notre arrivée vers minuit, à Maison Blanche,<br />

il y avait un temps exécrab<strong>le</strong>, qui a motivé deux atterrissages avortés, avant<br />

que l’avion puisse enfin se poser. Une ambulance et un médecin nous<br />

attendaient à l’aérogare, ainsi que quelques journalistes, et nous sommes<br />

rapidement partis pour l’hôpital Mustapha, ou une chambre était préparée, où<br />

Léo fut immédiatement conduite, et examinée par <strong>le</strong> chef de clinique qui avait<br />

attendu son arrivée. Tout ce remue ménage pour l’arrivée d’une malade, peut<br />

paraitre excessif, mais, il faut se mettre dans <strong>le</strong>s conditions de cette époque,<br />

où <strong>le</strong> Sahara était encore une région mythique, perdue, où la plupart des gens<br />

n’étaient jamais allés. Le <strong>le</strong>ndemain matin, <strong>le</strong>s journaux en parlaient en<br />

première page, et tous <strong>le</strong>s médecins et infirmiers nous interrogeaient sur la vie<br />

et <strong>le</strong>s coutumes de ces lointaines oasis. Cela nous valut de profiter<br />

d’exceptionnel<strong>le</strong>s conditions de séjour à l’hôpital, car <strong>le</strong> chef de clinique me<br />

logea dans une chambre attenante à cel<strong>le</strong> de mon épouse, dont la vie, me dit il<br />

n’était pas en danger, mais dont <strong>le</strong> processus d’accouchement risquait de se<br />

prolonger pendant plusieurs jours.<br />

Lorsque je lui ai précisé que j’avais choisi la profession de médecin,<br />

avant de choisir cel<strong>le</strong> de géologue, il me proposa de me considérer comme un<br />

externe stagiaire et de rester dans <strong>le</strong> service d’obstétrique jusqu'à la délivrance<br />

de Léo. En fait, cel<strong>le</strong>-ci n’intervint qu’une vingtaine de jours après notre<br />

arrivée et nous n’avons repris l’avion, pour rejoindre Timimoun qu’un mois<br />

après notre départ forcé.<br />

J’ai alors fait connaissance avec la vie d’externe, en blouse blanche,<br />

suivant <strong>le</strong> chef de clinique dans toutes ses interventions, ce qui me valut de<br />

voir de nombreux accouchements, du plus classique, jusqu’avec <strong>le</strong>s forceps,<br />

impressionnants par la force avec laquel<strong>le</strong> il faut tirer très fortement sur<br />

l’appareil, et voir fina<strong>le</strong>ment apparaitre l’enfant, la tête aplatie, toute engluée<br />

de mucus, finit par se dégager, <strong>le</strong> reste du corps, suivant, ensuite, avec une<br />

beaucoup plus grande facilité. J’ai, éga<strong>le</strong>ment assisté à des curetages, sans<br />

anesthésie, car à cette époque, <strong>le</strong>s avortements étaient très mal acceptés par <strong>le</strong><br />

corps médical, sauf ceux qui nécessitaient, en cas de grave dystocie, de<br />

sacrifier la vie du fœtus, pour sauver cel<strong>le</strong> de la mère.<br />

Un jour, dans l’ascenseur qui montait au troisième étage, j’ai reçu dans<br />

mes bras, l’enfant qui venait subitement de sortir de sa mère, et ai aidé la<br />

parturiente à rejoindre la sal<strong>le</strong> de travail, avec l’enfant dans mes bras, toujours<br />

relié à la mère par <strong>le</strong> cordon ombilical.<br />

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Je n’ai cependant pas eu l’occasion de voir un accouchement par<br />

césarienne, opération assez rarement pratiquée à cette époque.<br />

Le retour à Timimoun<br />

Enfin, un matin, <strong>le</strong> chef de clinique décida que <strong>le</strong> moment était venu de<br />

délivrer Léo, en lui injectant des produits pour favoriser la dilatation du col, et<br />

d’accélérer <strong>le</strong> processus, ce qui entraina une incision du col, la tete du bébé<br />

étant trop grosse pour s’engager. Fina<strong>le</strong>ment, notre fils vint au monde, au<br />

grand soulagement de tous. Il nous fallut rester encore six jours à l’hôpital,<br />

pour attendre de pouvoir embarquer dans <strong>le</strong> Junker du GMMTA.<br />

Nous avons quitté <strong>le</strong> service, en remerciant chaudement <strong>le</strong> chef de<br />

clinique et tout son personnel, pour <strong>le</strong>s soins attentifs qu’ils nous avaient<br />

prodigués, et en <strong>le</strong>s invitant à venir nous voir à Timimoun, s’ils <strong>le</strong><br />

souhaitaient. Nous avons embarqué dans l’avion bourré de marchandises<br />

hétéroclites, et il à été nécessaire de trouver un hamac, accroché au toit de la<br />

cabine, qui faisait partie des équipements de l’équipage, car, <strong>le</strong>s seuls<br />

strapontins inconfortab<strong>le</strong>s, ne permettaient pas de garder <strong>le</strong> nouveau né sur <strong>le</strong>s<br />

genoux.<br />

Le vol de retour, qui se faisait avec une esca<strong>le</strong> à El Goléa, une à In<br />

salah, une à Aou<strong>le</strong>f, une autre à Adrar, pour , fina<strong>le</strong>ment, se poser à<br />

Timimoun, dura près de sept heures, avec un incident qui aurait pu être grave,<br />

car a l’occasion d’un fort trou d’air , <strong>le</strong> hamac se détacha, et Patrick tomba<br />

sur <strong>le</strong>s ballots de marchandises qui encombraient la travée centra<strong>le</strong> de l’avion,<br />

heureusement sans se faire de mal. A notre arrivée à Timimoun, tous nos amis<br />

nous attendaient, <strong>le</strong> docteur, Mabrouka avec notre fil<strong>le</strong> Annie, Larbi, Bourras<br />

et quelques autres, et il y eut une effusion de larmes de joie et de très<br />

nombreuses questions sur notre séjour à Alger.<br />

Les sauterel<strong>le</strong>s<br />

Par un chaud après midi d’automne, nous avons entendu un fort<br />

bruit, sourd, et continu, et, rapidement <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il se voila. Une nuée de millions<br />

de criquets pè<strong>le</strong>rins, s’abattirent, pendant près de deux heures, sur la<br />

palmeraie, et sur <strong>le</strong>s arbres voisins, qui furent aussitôt attaqués par ces<br />

prédateurs. Toute la population, armée de tô<strong>le</strong>s, de poteries, de tambours, et<br />

poussant des cris se répandit dans <strong>le</strong>s jardins, pour essayer de chasser <strong>le</strong>s<br />

sauterel<strong>le</strong>s. Ils n’y parvinrent pas, et <strong>le</strong>s insectes restèrent toute la nuit dans<br />

<strong>le</strong>s arbres et <strong>le</strong>s cultures. Les habitants se répandirent dans la palmeraie pour<br />

ramasser <strong>le</strong>s insectes dans des sacs de jute, et <strong>le</strong>s rapporter chez eux, pour <strong>le</strong>s<br />

faire bouillir, puis, au jour, étalés sur <strong>le</strong>s terrasses pour <strong>le</strong>s faire sécher au<br />

so<strong>le</strong>il. Le spectac<strong>le</strong> était désolant : Presque toutes <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s de palmier et<br />

toute la végétation des jardins avaient été dévorées. Le <strong>le</strong>ndemain matin, à<br />

l’aurore, <strong>le</strong>s cris et <strong>le</strong>s tambours, finirent par provoquer l’envol de la nuée.<br />

Cela nous valut de ne plus avoir de légumes ou produits frais, et la récolte de<br />

dattes fut fortement compromise, mais, par chance, si l’on peut dire, <strong>le</strong>s<br />

régimes étaient encore dans <strong>le</strong>ur gaine, ce qui en a épargné une partie. Les<br />

sauterel<strong>le</strong>s séchées, remises en sacs, dans <strong>le</strong>s maisons ont remplacé la viande,<br />

pour beaucoup, pendant plusieurs mois. Bouillies et séchées, ce n’était<br />

vraiment pas fameux, mais, comme dit <strong>le</strong> dicton, Tout fait ventre . Nous avons<br />

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tout de même consommé ces bestio<strong>le</strong>s, en friture, et, avec un peu<br />

d’imagination, cela ressemblait au goût des crevettes. Heureusement ce fut la<br />

seu<strong>le</strong> fois, pendant notre long séjour, que cette véritab<strong>le</strong> catastrophe se<br />

produisit.<br />

Lors d’une des visites de Mr Salva, notre Ingénieur<br />

d’Arrondissement, il nous demanda de l’amener chasser au Soudan, mais<br />

nous avons, avec quelques difficultés, refusé cette proposition, arguant d’un<br />

travail à terminer pour l’étude des foggaras, et avons envoyé Joulkov et<br />

Montoya, qui l’avait amené d’Oran, avec une jeep, et ils partirent avec <strong>le</strong><br />

Command car. Ils avaient chassé, mais n’avaient réussi qu’à tuer quelques<br />

« Pintardes », comme nous l’a raconté Montoya.<br />

Je me dois de m’excuser auprès de mes <strong>le</strong>cteurs de faire un retour<br />

chronologiquement, en arrière, pour <strong>le</strong>ur par<strong>le</strong>r, maintenant, de notre séjour à<br />

Géryvil<strong>le</strong>, sur <strong>le</strong>s hauts plateaux, aux confins nord du Sahara, à climat semi<br />

désertique. <strong>Pour</strong> notre premier été à Timimoun, il fut décidé, par Mr Brochet,<br />

que nous partirions passer <strong>le</strong>s deux mois, de Juil<strong>le</strong>t et d’Août, dans cette petite<br />

vil<strong>le</strong>, située sur <strong>le</strong>s Hauts Plateaux, où je retrouverais <strong>le</strong> géologue Cornet, dont<br />

je dépendais, en principe, pour <strong>le</strong>s programmes d’études.<br />

Notre séjour d’été a Geryvil<strong>le</strong> (el bayod), la blanche.<br />

Ma femme était alors enceinte de huit mois, et à accouché de notre<br />

premier enfant, notre fil<strong>le</strong> Annie France, dans cette localité.<br />

Géryvil<strong>le</strong> n’était plus dans <strong>le</strong>s Territoires Militaires, et était géré par un<br />

Administrateur Civil, de sinistre réputation, (l’un de ceux qui comme<br />

quelques chefs d’annexe militaires, ont fortement contribué à la soif<br />

d’indépendance de l’Algérie, et à la naissance des fellagas)<br />

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Nous étions logés dans <strong>le</strong> bordj des Off<strong>ici</strong>ers, et prenions nos repas à<br />

<strong>le</strong>ur mess. Notre petit logement avait trois pièces, et donnait sur la cour du<br />

bordj : Il y avait une petite cuisine, une petite sal<strong>le</strong> à manger attenante, une<br />

chambre avec un bon lit, et un cabinet de toi<strong>le</strong>tte avec douche A propos de<br />

cel<strong>le</strong>-ci, deux jours après notre aménagement, je faillis mettre <strong>le</strong> pied sur un<br />

gros scorpion noir, espèce très venimeuse, ayant souvent, entraîné mort<br />

d’hommes, parfois une vingtaine de jours après la piqûre Syndrome des vingt<br />

jours). J’appelai aussitôt <strong>le</strong> cuisinier que nous avions embauché la veil<strong>le</strong>.<br />

J’avais, bien entendu, tué <strong>le</strong> scorpion, et il me dit qu’à Géryvil<strong>le</strong>, ces animaux<br />

étaient assez fréquents dans <strong>le</strong>s pièces humides. Il ajouta, aussitôt : Si tu veux,<br />

je vais partir pendant une heure, et je te ramènerai un Ghemfout (Hérisson),<br />

et, avec cet animal dans la maison, comme il mange tous <strong>le</strong>s insectes, y<br />

compris <strong>le</strong>s scorpions, tu n’en verras plus <strong>ici</strong>. Je doutais un peu de ces<br />

affirmations, mais, après tout, comme nous aimions beaucoup <strong>le</strong>s animaux,<br />

comme vous <strong>le</strong> verrez, par la suite, je lui donnai mon accord. Il revint à la<br />

maison, environ deux heures plus tard, avec, non pas un, mais deux hérissons<br />

de tail<strong>le</strong> moyenne, qui, je dois <strong>le</strong> dire, se montrèrent très efficaces, et<br />

s’apprivoisèrent parfaitement.<br />

Mon confrère Cornet, arriva à Géryvil<strong>le</strong> <strong>le</strong> sur<strong>le</strong>ndemain. Il m'indiqua<br />

que nous devions partir pour faire <strong>le</strong> <strong>le</strong>ver géologique de la carte de la région,<br />

et qu'il se chargerait du ravitail<strong>le</strong>ment. Nous devions rester une semaine<br />

environ pour travail<strong>le</strong>r dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres pour <strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>ver des aff<strong>le</strong>urements de terrain. Nous étions accompagnés d'un arabe, et<br />

devions emporter chacun une couverture, et, en principe, loger chez<br />

l’habitant. En fait, comme nous étions en p<strong>le</strong>in été, nous couchions, <strong>le</strong> soir,<br />

parfois dans de petits villages où sous une raima (grande tente en toi<strong>le</strong><br />

épaisse, utilisée par <strong>le</strong>s arabes pasteurs, qui se déplaçaient en gardant <strong>le</strong>urs<br />

troupeaux de moutons, où l'on nous offrait l'hospitalité. Éga<strong>le</strong>ment à l'heure<br />

du midi, nous nous mettions à l'abri du so<strong>le</strong>il, sous un arbre, ou dans une<br />

pièce réservée aux gens de passage. Il y avait un général dans cette pièce un<br />

tapis, et <strong>le</strong>s gens nous offraient parfois un plat local, qui complétait <strong>le</strong> casse<br />

croûte frugal, prévu par Cornet. Ensuite on nous offrait <strong>le</strong> thé à la menthe, on<br />

nous apportait deux ou trois coussins, et nous faisions la sieste.<br />

Au passage, une petite anecdote, Cornet lorsqu'il dormait avait<br />

l'habitude de chasser <strong>le</strong>s nombreuses mouches qui se posaient sur nous, et<br />

entre autres sur <strong>le</strong> visage, en passant sa langue autour de sa bouche, pour <strong>le</strong>s<br />

aspirer, et, <strong>le</strong>s soufflait ensuite, loin de lui.<br />

Le ravitail<strong>le</strong>ment qu’il avait apporté, était vraiment des plus<br />

rudimentaires : quelques dattes, quelques vermicel<strong>le</strong>s, des biscottes, et c'était<br />

tout. Je lui dis que si l'on devait repartir ensemb<strong>le</strong>, en tournée, c'est moi qui<br />

me chargerais du ravitail<strong>le</strong>ment. Heureusement, j'avais pris ma carabine 22<br />

long rif<strong>le</strong> ce qui nous permettait d’améliorer l’ordinaire, car, comme il y avait<br />

beaucoup de perdrix, et, bien qu'aimant <strong>le</strong>s animaux, j'en tuais une, chaque<br />

jour, pour <strong>le</strong> repas de midi. C’est <strong>le</strong> boy arabe que nous avions amené avec<br />

nous qui se chargeait de <strong>le</strong>s plumer et de <strong>le</strong>s cuire sur de la braise pendant que<br />

nous étudiions <strong>le</strong> terrain.<br />

63


Nous sommes restés une dizaine de jours pour effectuer <strong>le</strong> travail, et<br />

sommes retournés à Géryvil<strong>le</strong>.<br />

Cornet repartit alors pour Alger, par un car, puis avec <strong>le</strong> train, car je ne<br />

l'ai jamais vu, au volant d'une auto.<br />

La naissance de notre première fil<strong>le</strong> : Annie France<br />

Le 7 août, mon épouse commença à avoir <strong>le</strong>s premières<br />

contractions annonçant son accouchement. J’appelai donc <strong>le</strong> Médecin de<br />

Géryvil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> Docteur Gabillon, qui vint à la maison pour l’examiner.<br />

Après cet examen, il me dit qu’il ne pensait pas que ce soit<br />

immédiat, et que ce serait, en principe, pour <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain ou <strong>le</strong> sur<strong>le</strong>ndemain,<br />

et que je l’appel<strong>le</strong>, si <strong>le</strong>s dou<strong>le</strong>urs se rapprochaient. Il prit donc congé de nous,<br />

après une quinzaine de minutes, pendant <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il nous parla de son<br />

travail, de l’hôpital, dont il était <strong>le</strong> responsab<strong>le</strong>, et me questionna sur <strong>le</strong> mien.<br />

Au milieu de l’après midi, il me rappela par téléphone, pour nous inviter à<br />

dîner, <strong>le</strong> soir, chez lui avec sa femme et ses six fil<strong>le</strong>s. Je lui dis que ce serait<br />

avec grand plaisir, mais que si l’accouchement débutait, cela risquait de fort<br />

perturber <strong>le</strong>ur repas ; ce à quoi il me répondit qu’il habitait dans <strong>le</strong>s<br />

dépendances de l’hôpital, et que nous serions, alors, sur place pour<br />

l’évènement. Nous acceptâmes donc l’invitation, et, <strong>le</strong> soir, vers vingt heures,<br />

nous arrivions chez lui. Madame Gabillon nous reçut fort cordia<strong>le</strong>ment, ainsi<br />

que ses enfants, fort contents de voir de nouvel<strong>le</strong>s têtes arriver dans <strong>le</strong>ur<br />

maison.<br />

Le docteur, Jacques Gabillon,, était un homme grand et sec, au<br />

visage glabre, toujours illuminé par un sourire rayonnant, catholique très<br />

convaincu, avec de longs bras minces, des cheveux assez longs bruns clair. Sa<br />

femme, Maguy, était de tail<strong>le</strong> moyenne, éga<strong>le</strong>ment très souriante et très<br />

avenante. Ils étaient, aussi habillés de sérouals» blancs, avec chemisette pour<br />

lui, et corsage blanc pour el<strong>le</strong>. Il en était de même pour <strong>le</strong>s trois fil<strong>le</strong>s aînées,<br />

et, <strong>le</strong>s deux plus jeunes portaient des barboteuses blanches, et la dernière,<br />

âgée de six mois était encore dans des langes. Ils étaient mariés depuis onze<br />

ans, l’aînée avait dix ans. On se serait crus dans une nursery. Les Gabillon<br />

étaient de fervents chrétiens, et recevaient fréquemment l’évêque du Sahara,<br />

Monseigneur Mercier, ainsi que <strong>le</strong>s Pères et Sœurs blanches de Géryvil<strong>le</strong>.<br />

Le repas, très simp<strong>le</strong>, était très bien préparé par la cuisinière et<br />

Maguy. Nous nous racontâmes notre vie, et la soirée se termina vers <strong>le</strong>s deux<br />

heures du matin, Léo se sentant fatiguée, et Jacques promit de passer à la<br />

maison, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin. En fait, Léo n’accoucha que <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain dans la<br />

nuit, à l’hôpital, sans problèmes, et nous rentrâmes à la maison, <strong>le</strong> jour<br />

suivant, dans l’après midi. A partir de ce moment là, ma femme, et cel<strong>le</strong> du<br />

docteur, sont devenues inséparab<strong>le</strong>s, et el<strong>le</strong>s passaient <strong>le</strong>urs journées<br />

ensemb<strong>le</strong>, la plupart du temps chez Maguy, où nous prenions nos repas en<br />

commun, et, où, tous <strong>le</strong>s matins el<strong>le</strong>s s’occupaient de la toi<strong>le</strong>tte, du lavage du<br />

linge, du repassage, des biberons, etc. La maison du docteur était une<br />

véritab<strong>le</strong> nursery annexe de l’hôpital : Parfois <strong>le</strong> docteur amenait pour<br />

quelques jours, des nourrissons de pauvres femmes, nés dans <strong>le</strong> service, et son<br />

dom<strong>ici</strong><strong>le</strong> devenait presque un dispensaire.<br />

Les distractions étaient assez rares, car nos femmes s’occupaient<br />

64


Mr BROCHET ingénieur en chef du service de la colonisation et de<br />

l'hydraulique à Oran.<br />

65


Au fond <strong>le</strong> grand Erg. Le bateau en arrière plan à été construit pour <strong>le</strong> film<br />

Timimoun-Festival du film saharien en décembre 2004<br />

des enfants, de <strong>le</strong>urs promenades, des courses, de la cuisine, <strong>le</strong> Docteur avait<br />

son travail à l’hôpital, et pour moi, je partais <strong>le</strong> matin, et revenais <strong>le</strong> soir, pour<br />

continuer mes <strong>le</strong>vers de terrains, commencés avec Cornet.<br />

Nous prenions tous nos repas ensemb<strong>le</strong>, bien entendu, nous<br />

part<strong>ici</strong>pions aux frais, et, de temps à autre, nous allions manger au mess des<br />

off<strong>ici</strong>ers. Bien entendu, tout Géryvil<strong>le</strong> était au courant de notre vie en<br />

commun, <strong>le</strong> docteur étant très apprécié pour son travail, et pour son<br />

dévouement aux malades. De ce fait, il avait de très bonnes relations avec la<br />

population loca<strong>le</strong>, ce qui était mal vu par l’administrateur, avec qui il avait eu<br />

rapidement de nombreux accrochages, ce qui eut pour conséquence, que <strong>le</strong>s<br />

miennes <strong>le</strong> devinrent éga<strong>le</strong>ment. De cette inimitié, découla une vacherie que<br />

celui-ci me fit. Un jour, je fus convoqué à son bureau, pour « recel d’un tapis<br />

volé » (un tapis que j’avais acheté au mess). Je fus donc reçu comme un<br />

malfaiteur, on me confisqua, bien entendu l’objet du délit, un procès verbal<br />

fut rédigé, et transmis par lui au procureur de la république de Mascara, pour<br />

suite à donner, et, c’est tout juste s’il ne me fit pas mettre en prison préventive<br />

Le Docteur était furieux, il téléphona à Monseigneur Mercier ; de mon<br />

côté, je téléphonai à Monsieur Brochet, mon Ingénieur en Chef, à qui<br />

j’expliquai <strong>le</strong>s faits, et qui me dit de ne pas me faire de souci, et qu’il allait<br />

arranger <strong>le</strong>s choses.<br />

Monseigneur Mercier débarqua à Géryvil<strong>le</strong> quatre jours plus tard, et<br />

nous avons mangé ce soir là, avec lui, et un Père qui l’accompagnait, chez <strong>le</strong><br />

Docteur. Il connaissait ses relations tendues avec l’administrateur, et me dit<br />

aussi, de ne pas me faire de mauvais sang, car ma bonne foi ne pouvait être<br />

mise en doute. A son arrivée, je commis une bel<strong>le</strong> gaffe, en lui demandant si<br />

sa « fil<strong>le</strong> » se portait bien. Cela jeta un froid, et je n’ai pas réalisé aussitôt,<br />

puis, ayant compris <strong>le</strong> quiproquo, je m’excusai auprès de l’Evêque, qui en<br />

66


iant me répondit mais, Monsieur Orengo, vous savez bien que vous êtes tous<br />

mes enfants, devant Dieu !<br />

Nous avons appris, par la suite, que <strong>le</strong> vo<strong>le</strong>ur n’avait même pas été<br />

arrêté, et qu’aucune plainte pour vol n’avait été enregistrée. L’affaire avait été<br />

intégra<strong>le</strong>ment montée par l’administrateur, pour nuire au docteur. El<strong>le</strong> eut<br />

cependant une suite, dont je vous par<strong>le</strong>rai plus loin, après notre retour à<br />

Timimoun.<br />

Quelquefois, <strong>le</strong> soir, nous partions en jeep, avec deux off<strong>ici</strong>ers,<br />

parcourir <strong>le</strong>s steppes à alfa à une dizaine de km du bordj, chasser quelques<br />

lièvres, qui pullulaient dans <strong>le</strong>s Daias (sortes de dépressions herbeuses, sans<br />

alfa). Cela améliorait l’ordinaire du mess, et ils m’en donnaient un ou deux,<br />

que nous mangions chez <strong>le</strong> docteur.<br />

Le deux septembre, nous sommes retournés à Timimoun, après de<br />

adieux très tristes a Jacques, Maguy, et toute sa petite famil<strong>le</strong>. Ils nous avaient<br />

promis d’essayer de venir nous voir, mais cela ne s’et pas réalisé.<br />

Nous nous écrivions souvent, mais nous ne nous sommes revus que<br />

vingt ans après, à Alès, où il était <strong>le</strong> Directeur de l’hôpital. Dans ses<br />

correspondances, il nous avait fait part de la naissance d’une autre fil<strong>le</strong>, puis,<br />

enfin, de deux garçons.<br />

Retour a Timimoun<br />

Après une halte de deux jours à Béchar, pour examiner avec Pagès<br />

<strong>le</strong>s problèmes de véhicu<strong>le</strong>s, toujours suscités par Loukan, et par<strong>le</strong>r de mes<br />

futurs travaux à Timimoun, et dans la région (en fait, ils devenaient moins<br />

géologiques, et tournaient au Génie Civil : puits pour alimenter Timimoun,<br />

réseau d’adduction d’eau, forages, et lutte antipaludique), ce qui ne me<br />

déplaisait aucunement, et m’aida à me perfectionner dans ces nouvel<strong>le</strong>s<br />

spécialités.<br />

Nous recevions, aussi Mr et Mme Brochet, l’Ingénieur en chef, et<br />

son épouse, qui restaient quelques jours, et qui venaient, un peu pour <strong>le</strong><br />

travail, et aussi pour <strong>le</strong> tourisme. Il en était de même avec Mr et Mme Salva,<br />

notre Ingénieur d’Arrondissement, qui, en général venaient deux fois par an,<br />

que nous avons, sur sa demande, conduits jusqu’à Tamanrasset, ce qui nous a<br />

permis de connaître ce beau pays qu’est <strong>le</strong> Hoggar, où nous sommes restés<br />

quatre jours.<br />

En panne sur la piste, sans eau<br />

En repartant de Timimoun avec sa jeep et son chauffeur, il me fit part<br />

de son désir d’emprunter la viel<strong>le</strong> piste du « Foum el kheneg », dont j’ai parlé<br />

plus haut, et me demanda de <strong>le</strong> précéder avec ma Jeep, équipée, comme je l’ai<br />

souvent dit, de deux roues de secours et de deux guerbas , p<strong>le</strong>ines d’eau<br />

fixées sur <strong>le</strong>s cotés de la jeep.<br />

A peu près à mi parcours, la jeep de mon supérieur éclata un pneu, car<br />

la piste était très mauvaise. Il me demanda de lui prêter une des deux miennes,<br />

qu’il me renverrait à son arrivée à Colomb Béchar. Nous sommes arrivés à la<br />

grande piste Impéria<strong>le</strong> d’Adrar à Colomb Béchar, où nous nous sommes<br />

quittés, et j’ai repris la vieil<strong>le</strong> piste pour rentrer à Timimoun.<br />

Il faisait très chaud, la piste était très mauvaise, et j’ai crevé deux pneus<br />

sur un trajet d’une vingtaine de kilomètres. N’ayant plus de roue de secours,<br />

67


nous ne pouvions plus rou<strong>le</strong>r pour rejoindre Timimoun. Comme cette piste<br />

n’était pratiquement plus empruntée par <strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s, nous avons passé toute<br />

la journée en p<strong>le</strong>in so<strong>le</strong>il, sur un reg de rochers noirs du dévonien, forcés<br />

d’attendre qu’un véhicu<strong>le</strong> de l’annexe, que j’avais prévenue de mon départ et<br />

de mon retour vers dix neuf heures, nous soit envoyé pour nous dépanner.<br />

Un malheur n’arrivant jamais seul, <strong>le</strong>s deux guerbas d’eau, très<br />

secouées par cette mauvaise piste, s’étaient crevées, de sorte que nous nous<br />

sommes retrouvés sans eau, allongés sous la Jeep, seu<strong>le</strong> protection contre <strong>le</strong><br />

so<strong>le</strong>il brulant, avec la perspective d’attendre, plus d’une douzaine d’heures, <strong>le</strong><br />

véhicu<strong>le</strong> de secours. Après sept ou huit heures d’attente, complètement<br />

déshydratés, nous avons, Rabah, et moi, décidé de boire de l’eau du radiateur<br />

de la Jeep pour essayer de calmer notre soif inextinguib<strong>le</strong>.<br />

Cette eau, tiédasse, avait un gout affreux, et, après quelques gorgées,<br />

nous avons été pris de nausées, et en avons restitué la plus grande partie.<br />

Les heures d’attente nous parurent durer une éternité, jusqu’à l’arrivée,<br />

enfin !, de la jeep de secours, conduite par Grabartz, vers une heure du matin.<br />

Inuti<strong>le</strong> de préciser qu’avant toute conversation, nous nous sommes<br />

précipités sur <strong>le</strong>ur réserve d’eau, et qu’il nous fallut près d’un quart d’heure,<br />

pour rafraichir nos gorges brulantes et desséchées, avant d’expliquer ce qui<br />

nous était arrivé.<br />

Grabartz nous passa sa roue de secours, car il n’y en avait qu’une sur<br />

son véhicu<strong>le</strong>, et après un bon casse croute, qu’il avait amené, nous avons pu<br />

reprendre la piste, très <strong>le</strong>ntement, et précautionneusement, car nous n’avions<br />

plus de roue de secours. Heureusement, que, de nuit, à la lumière oblique des<br />

phares, <strong>le</strong>s pierres se distinguaient mieux qu’avec cel<strong>le</strong> du so<strong>le</strong>il à son zénith.<br />

Nous sommes arrivés Timimoun, vers cinq heures du matin, complètement<br />

épuisés.<br />

Cette triste aventure m’a servi de <strong>le</strong>çon : depuis ce jour, en plus des<br />

guerbas, j’emportais pour tous nos déplacements, un jerrycan d’eau et je ne<br />

suis plus retourné sur la piste du Foum el kheneg, de sinistre mémoire.<br />

Nos recherches préhistoriques dans <strong>le</strong> Gourara<br />

Bien que la préhistoire ne concerne que la période récente de<br />

l’histoire de la terre, j’en avais gardé quelques notions, et avais éga<strong>le</strong>ment,<br />

pendant mes travaux spéléologiques, trouvé quelque pierres taillées, et<br />

surtout, j’avais découvert, dans la grotte de Saint Marcel d’Ardèche, un<br />

sque<strong>le</strong>tte néolithique qui se trouve, depuis, au musée d’histoire naturel<strong>le</strong> de<br />

Nîmes.<br />

Quelque temps après mes débuts à Timimoun, lors d’une étude de<br />

foggara, en bordure Nord de la sebkra, en examinant des aff<strong>le</strong>urements de<br />

grès albiens, je trouvai, par hasard, mes premières fléchettes de si<strong>le</strong>x taillés,<br />

outils d’âge néolithique, ce qui me conduisit à en chercher d’autres, et,<br />

fina<strong>le</strong>ment, à en trouver une dizaine, et de nombreux éclats, racloirs et bijoux<br />

en œuf d’autruches sur <strong>le</strong> même site. En arrivant à Timimoun, je montrai ma<br />

récolte à ma femme et à mes bons amis, ce qui fut <strong>le</strong> début d’une quête<br />

passionnante qui aboutit à réunir une importante col<strong>le</strong>ction d’objets<br />

préhistoriques, et à rechercher, pendant une grande partie de nos loisirs, des<br />

68


sites, fina<strong>le</strong>ment assez nombreux, dans tout <strong>le</strong> Gourara, et <strong>le</strong> Touat, lorsque<br />

nous avons déménagé pour Adrar.<br />

Quelques explications sont uti<strong>le</strong>s pour répondre aux questions que<br />

mes <strong>le</strong>cteurs se poseront certainement, et qui m’ont déjà été demandées par<br />

<strong>le</strong>s gens a qui je montrais mes col<strong>le</strong>ctions. Comment, il y à quelques milliers<br />

d’années, des gens pouvaient ils vivre, et comment, dans ces immenses<br />

espaces désertiques. Ces phénomènes de désertification sont une évolution<br />

des climats tropicaux, vers une aridité, de plus en plus sévère, qu’el<strong>le</strong> est liée<br />

à la disparition progressive de la flore, qui entraîne cel<strong>le</strong> des arbres et<br />

végétaux, et, par voie de conséquence, conduit à une diminution des pluies<br />

(Nous citerons, pour exemp<strong>le</strong>, ce processus, qui affecte actuel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong><br />

Sahel.)<br />

Il y a quelques centaines de milliers d’années, et même, quelques<br />

millions d’années, <strong>le</strong> Sahara actuel présentait une végétation importante,<br />

comme en témoigne l’abondance des bois sil<strong>ici</strong>fiés, dans la majeure partie<br />

des regs de tout <strong>le</strong> Touat et <strong>le</strong> Gourara. Une modification faib<strong>le</strong> du climat, par<br />

ail<strong>le</strong>urs de type très continental, peut être aggravée par la déforestation due<br />

aux hommes, <strong>le</strong> processus de désertification amorcé, devenant irréversib<strong>le</strong>, et<br />

l’homme à progressivement déserté ces régions, pour émigrer vers <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s<br />

zones habitab<strong>le</strong>s : <strong>le</strong>s palmeraies, où il y avait de l’eau, condition essentiel<strong>le</strong><br />

pour la vie. Les sites d’habitats, et <strong>le</strong>s restes de nombreux foyers, éparpillés<br />

sur <strong>le</strong>s regs et hammadas, ainsi que l’outillage utilisé par ces hommes, il y à<br />

quelques milliers d’années, sont <strong>le</strong>s témoins de ces peuplades nomades.<br />

C’étaient, vraisemblab<strong>le</strong>ment des pasteurs, é<strong>le</strong>vant des troupeaux, et vivant<br />

aussi, sûrement, de la cueil<strong>le</strong>tte de la flore sauvage. (Graminées, baies, fruits<br />

et herbes).Dans <strong>le</strong> Sahara Occidental, on distingue trois chronologies<br />

différentes, identifiées par <strong>le</strong>s outils utilisés.<br />

A :Le néolithique. Les outils <strong>le</strong>s plus récents, correspondent à une industrie<br />

de la pierre taillée, si<strong>le</strong>x éclatés par percussion, et finement retouchés, pour<br />

<strong>le</strong>ur donner <strong>le</strong>ur forme définitive : pointes de flèches en forme de tour Eiffel,<br />

harpons en feuil<strong>le</strong>s de laurier, haches polies en quartzite ou jadéite, lames<br />

plates ou incurvées, racloirs, poinçons, bijoux et meu<strong>le</strong>s et broyeurs<br />

cylindriques, <strong>le</strong> tout mélangé à de très nombreux éclats de tail<strong>le</strong>, ou aux<br />

pièces cassées pendant <strong>le</strong>ur fabrication. Ces habitats étaient localisés autour<br />

des foyers, plus nombreux, et on y voit une abondance de tessons de poteries,<br />

de coquil<strong>le</strong>s d’œufs d’autruches, et d’artic<strong>le</strong>s d’encrines (Fossi<strong>le</strong>s de la classe<br />

des crinoïdes, provenant des reliefs d’âge dévonien, aff<strong>le</strong>urant sur de grandes<br />

surfaces sur la bordure des regs et des ergs de toute la région). Ces coquil<strong>le</strong>s<br />

d’œufs, brisées, et ces encrines, <strong>le</strong>ur servaient pour fabriquer des bijoux en<br />

pierre, dont on pouvait faci<strong>le</strong>ment déduire <strong>le</strong>ur procédé de fabrication, car on<br />

trouvait beaucoup de ces pièces, à différents stades de réalisation. Ils<br />

procédaient d’abord à la perforation des morceaux de coquil<strong>le</strong>s ou des artic<strong>le</strong>s<br />

d’encrines, avec <strong>le</strong>s poinçons, qui restaient souvent sur place, puis ils<br />

arrondissaient <strong>le</strong>s ang<strong>le</strong>s des morceaux de coquil<strong>le</strong>s d’œufs, et, fina<strong>le</strong>ment, ils<br />

enfilaient plusieurs de ces bijoux, déjà bien travaillés, sur un boyau d’animal,<br />

et terminaient ces pièces en <strong>le</strong>s faisant tourner, sur une meu<strong>le</strong> dormante (bloc<br />

de grés arrondi et poli en cuvette au centre, pesant plusieurs kilos), en <strong>le</strong>s<br />

69


saupoudrant peut être, de sab<strong>le</strong>, jusqu’à obtenir des per<strong>le</strong>s toriques parfaites.<br />

Les bijoux et fragments cassés, étaient abandonnés sur place. A la suite de<br />

nombreuses recherches, j’avais reconstitué deux colliers.<br />

Après quelques ateliers trouvés, au hasard, j’avais remarqué qu’en<br />

roulant en jeep, sur <strong>le</strong> reg, <strong>le</strong> matin, ou <strong>le</strong> soir, lorsque <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il était bas sur<br />

l’horizon, en se dirigeant vers cet astre, <strong>le</strong>s outils et éclats de si<strong>le</strong>x des anciens<br />

ateliers préhistoriques, brillaient fortement, ce qui permettait alors, de ne plus<br />

avoir à <strong>le</strong>s chercher en étant obligé de m’arrêter pour <strong>le</strong>s repérer au «pif ».<br />

B- : Le mésolithique :<br />

C’est, au Sahara, une période plus ancienne, l’ »Atérien »,<br />

caractérisée par des outils en pierre, entre autre <strong>le</strong>s flèches, réalisés à partir de<br />

pierres de grès, et non de si<strong>le</strong>x, retouchées par percussion, pour obtenir des<br />

outils nettement moins perfectionnés que ceux du néolithique.<br />

J’en ai souvent trouvé, près de foyers, à peine visib<strong>le</strong>s, associées à des<br />

éclats grossiers de grès. Seuls instrument caractéristiques de l’atérien, des<br />

flèches, bien travaillées à 3 grandes pointes, en forme de feuil<strong>le</strong>s courtes, et<br />

assez larges, avec un pédoncu<strong>le</strong> triangulaire, raccordé, au sommet, à la pointe<br />

trifoliée.<br />

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Timimoun Atelier Néolithique dans la Sebkhra- Au fond <strong>le</strong> grand Erg Occidental<br />

C- : Le paléolithique :<br />

Je n’ai trouvé aucun site paléolithique dans <strong>le</strong> Gourara.<br />

Nouvel<strong>le</strong>s chroniques sur la vie à Timimoun.<br />

Le jour où <strong>le</strong> Capitaine a pensé que « j’avais voulu <strong>le</strong> tuer » :<br />

<strong>Pour</strong> étudier la piézométrie (mesures des niveaux de l’eau dans <strong>le</strong>s<br />

ouvrages de captages, puits et foggaras, rattachés à une même référence<br />

d’altitude, de la surface de la nappe aquifère qui <strong>le</strong>s alimente, à partir<br />

desquels, on peut tracer des courbes, dites isopièzométriques, permettant de<br />

vérifier <strong>le</strong> sens des différents écou<strong>le</strong>ments souterrains). <strong>Pour</strong> effectuer ces<br />

mesures, on utilise un appareil à lunette (Tachéomètre), avec <strong>le</strong>quel on vise<br />

une mire graduée tenue vertica<strong>le</strong>ment par un aide opérateur, sur <strong>le</strong>s différents<br />

points à mesurer. Le tachéomètre est placé sur un point haut, d’où l’on peut<br />

apercevoir un maximum de ces repères.<br />

Il me fallait choisir un endroit assez haut, pour mettre <strong>le</strong> tachéomètre en<br />

station pour viser <strong>le</strong> puits situé dans l’enceinte du bordj (caserne enceinte de<br />

murs), et plusieurs autres points, à l’extérieur.<br />

<strong>Pour</strong> éviter de nombreuses mises en station de l’appareil, je décidai de<br />

monter sur <strong>le</strong> minaret situé entre <strong>le</strong>s deux porches d’entrée dans la cour de ce<br />

bordj, plaqué au mur d’enceinte, et surplombant cette cour d’environ huit<br />

mètres. On y montait par un escalier étroit, et on débouchait sur une plate<br />

forme de 4mx4m occupée, en son centre par une coupo<strong>le</strong> circulaire de deux<br />

mètres de diamètre, au sommet de laquel<strong>le</strong> était pendue une jante de roue de<br />

camion, sur laquel<strong>le</strong> un militaire cognait avec une barre de fer, pour annoncer<br />

l’arrivée de personnalités attendues. La plate forme était entourée de murs en<br />

briques d’argi<strong>le</strong>, hauts de cinquante cm, servant de garde fou, et la coupo<strong>le</strong><br />

était édifiée sur un soc<strong>le</strong> de même hauteur, ce qui me permettait de me mettre<br />

debout, un pied sur <strong>le</strong> mur, et l’autre sur cette plateforme, pour pouvoir viser,<br />

un peu acrobatiquement, <strong>le</strong>s points à mesurer, avec <strong>le</strong> tachéomètre. J’avais fait<br />

plusieurs mesures, sans problèmes, lorsque, tout à coup, <strong>le</strong> garde fou en<br />

briques céda, ce qui eut pour conséquence que je faillis dégringo<strong>le</strong>r, mais<br />

71


aussi, et ce fut beaucoup plus grave, que <strong>le</strong> capitaine venait, quelques<br />

secondes auparavant, de passer au pied du minaret, accompagné d’un de ses<br />

militaires. Au bruit que firent <strong>le</strong>s quelques briques qui tombèrent dans la cour,<br />

derrière eux, ils se retournèrent brusquement, <strong>le</strong>vèrent la tête, et m’aperçurent<br />

<strong>le</strong>s jambes dépassant hors de la brèche, n’ayant pas encore eu <strong>le</strong> temps de me<br />

re<strong>le</strong>ver. Par ail<strong>le</strong>urs, Rabah, <strong>le</strong> porte mire, qui m’avait vu tomber, arrivait en<br />

courant pour savoir ce qui m’était arrivé.<br />

Le capitaine, furieux, pensant que c’était volontaire, me demanda, sur<br />

<strong>le</strong> champ, de descendre, et me dit Qu’est ce que vous foutiez là haut, vous<br />

avez failli nous tuer !; J’essayai bien de lui expliquer que j’avais utilisé cette<br />

plate forme pour effectuer des visées de nivel<strong>le</strong>ment, et, bien entendu je lui<br />

présentai mes plus plates excuses, mais je pris un savon que je n’oublierai<br />

jamais, et, de plus, cela n’aida pas à arranger nos relations.<br />

L’incident était clos, mais tous mes supérieurs en ont entendu par<strong>le</strong>r, ce<br />

qui <strong>le</strong>s fit plus rire qu’autre chose.<br />

Ma demande de démission, a la suite des problèmes de matériel :<br />

Vers la fin de notre deuxième hiver à Timimoun, <strong>le</strong>s problèmes de<br />

véhicu<strong>le</strong>s, causés par Loukan, soutenu par Pagès, me valaient, trop souvent de<br />

recevoir des notes de service très désagréab<strong>le</strong>s, que j’avais précieusement<br />

conservées, en étant profondément ulcéré. La dernière, me décida, après avoir<br />

essayé vainement, et, à plusieurs reprises, d’en discuter avec Pagès à présenter<br />

ma démission, dans un courrier circonstancié que j’adressai, directement à<br />

Monsieur Brochet. Quelques jours plus tard, un télégramme de l’Ingénieur en<br />

Chef, m’avisait de sa venue, accompagné de Mr Salva, et de Pagès. Bien<br />

entendu, je languissais de savoir qu’el<strong>le</strong> serait la suite qui serait donnée à cette<br />

affaire, et attendis impatiemment <strong>le</strong>ur arrivée. J’ai su, bien après, par Pagès,<br />

lui-même, qu’il y avait eu une mise au point à Béchar, où Loukan s’était fait<br />

sérieusement houspil<strong>le</strong>r, et, où, fina<strong>le</strong>ment, Pagès avait réalisé <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> qu’il<br />

avait joué dans cette affaire.<br />

Lorsqu’ils arrivèrent à Timimoun, je me rendis compte<br />

immédiatement que, ma démission avait été refusée, par mes ingénieurs en<br />

chef, et d’arrondissement, et l’on me précisa que personne n’avait apporté de<br />

critiques sur mon travail, ce qui mit un point final a ces regrettab<strong>le</strong>s incidents<br />

qui modifièrent radica<strong>le</strong>ment l’attitude de Pagès, a mon égard.<br />

Ils restèrent trois jours à Timimoun, je <strong>le</strong>s conduisis dans <strong>le</strong>s<br />

palmeraies voisines, et obtins que l’on mette à ma disposition une sondeuse,<br />

pour pouvoir réaliser quelques forages de reconnaissance et de dépannage<br />

dans <strong>le</strong>s zones à problèmes. Nous verrons plus loin, que ce vœu se réalisa, et<br />

ce qui en résulta. Ils repartirent, apparemment satisfaits d’avoir résolu <strong>le</strong><br />

problème que je <strong>le</strong>ur avais posé, et, pour nous, ce fut un vrai soulagement, et<br />

une grande satisfaction de pouvoir rester à Timimoun.<br />

Quelques jours après, Pagès, qui depuis notre arrivée n’était venu que<br />

très rarement, m’annonça sa visite. Il fut d’une amabilité extrême, resta trois<br />

jours avec nous, mangeant à la maison, et couchant en chambre d’hôtes,<br />

m’accompagna sur <strong>le</strong> terrain, laissant Loukan à Timimoun, avec Joulkov,<br />

pour mettre au point <strong>le</strong>s problèmes de matériel. Depuis ce jour, il devint, pour<br />

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nous, un véritab<strong>le</strong> ami, et notre travail, devint alors une véritab<strong>le</strong><br />

collaboration. Il prit l’habitude de venir une fois par mois, et nous avons alors<br />

pu obtenir des crédits pour réaliser un tout autre travail : adduction d’eau de<br />

Timimoun, puits à Kerzaz, à Adrar, et petites palmeraies etc. Il s’était très lié<br />

avec mes enfants, surtout avec ma fil<strong>le</strong> Annie France, qu’il appelait<br />

Nanouchka.<br />

Le Diplodocus :<br />

Je reçus, un jour un télégramme de Pagès, m’annonçant son arrivée<br />

<strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, avec deux camions qui, m’amenait <strong>le</strong> «Diplodocus ». Il<br />

devenait maintenant très familier, avec moi, et cela m’intrigua fortement, car<br />

mes <strong>le</strong>cteurs connaissent bien ce dinosaure du Jurassique, qui à cette époque,<br />

n’avait pas encore été diffusé par <strong>le</strong>s médias, avec jurassic park. Cette<br />

vulgarisation de la paléontologie, qui a valu à ces animaux une réputation<br />

internationa<strong>le</strong> digne des plus grandes vedettes politiques ou de stars.<br />

J’attendis donc l’arrivée du dit Diplodocus, tout en conjecturant sur cette<br />

définition, bien à la hauteur des plaisanteries chères à Pagès. Dans la fin de<br />

l’après midi, <strong>le</strong>s camions arrivèrent, enfin, et je vis sur l’un d’eux, un engin<br />

bizarre, avec un mat replié, des engrenages, poulies, courroies de transmission<br />

en cuir, massif, qui, à la réf<strong>le</strong>xion me parut être une machine de forage, qui<br />

aurait pu, avantageusement, figurer dans un musée d’antiquités<br />

moyenâgeuses.<br />

Un Pagès, hilare, descendit de l’autre camion, et ses premiers mots<br />

furent : Voyez, <strong>le</strong> Service vous a gâté, on vous apporte un Diplodocus,<br />

machine de forage, digne d’un géologue. J’avoue que je restai un long<br />

moment pensif, en me demandant ce que je pourrais bien tirer d’un tel tas de<br />

ferrail<strong>le</strong>, d’ail<strong>le</strong>urs bien repeint, cou<strong>le</strong>ur jaune sab<strong>le</strong>, et qui devait peser<br />

plusieurs tonnes.<br />

Nous partîmes à la maison, avec un Pagès, toujours aussi rigolard, pour boire<br />

un pot, pendant que Loukan, et <strong>le</strong> reste du personnel s’affairaient à décharger<br />

<strong>le</strong>s camions, sur un terrain vague, jouxtant <strong>le</strong> garage de l’annexe, car il n’était<br />

pas question de <strong>le</strong> rentrer dans la cour. Bien entendu ces véritab<strong>le</strong>s opérations<br />

de débarquement, se firent au milieu d’une vingtaine de badauds, accourus<br />

pour essayer de savoir à quoi ce monstre pourrait être utilisé.<br />

Pendant que nous buvions <strong>le</strong> pot, rejoints par <strong>le</strong> Toubib, Bourras, et<br />

l’adjudant radio, notre voisin direct, <strong>le</strong>s conversations, <strong>le</strong>s plaisanteries, <strong>le</strong>s<br />

supputations sur l’emploi du diplodocus, allèrent bon train. Pagès, qui ne<br />

perdait pas <strong>le</strong> nord, me dit : On vous a fait un beau cadeau, cela ne manquera<br />

pas de vous intéresser, mais, réel<strong>le</strong>ment, je pense qu’au niveau du rendement,<br />

vous n’avez pas à espérer des résultats mirobolants, surtout que pour,<br />

seu<strong>le</strong>ment démarrer <strong>le</strong> moteur, que nous avons fait tourner à Béchar, il va<br />

falloir que vous embauchiez quelques ouvriers que nous qualifierons de<br />

foreurs, sur <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s d’attachement du personnel de la subdivision ». Ceci<br />

posé, « Rangou », (c’était <strong>le</strong> nouveau pseudonyme à consonance arabe qu’il<br />

m’avait donné, depuis <strong>le</strong> début de nos relations amica<strong>le</strong>s), vous arriverez peut<br />

être, avec votre amour des mécaniques, et beaucoup de patience, à réaliser<br />

deux ou trois forages, pour occuper vos moments de loisir. Et il ajouta: Je me<br />

demande où Mr Salva a pu trouver un pareil engin. Si je ne me trompe, il doit<br />

73


venir de la Subdivision de Bel Abbès, qui dépend de lui, et devait s’y trouver<br />

dans un coin du parc à matériel depuis quelques lustres.<br />

Le Diplodocus, bien baptisé par Pagès, fut souvent l’objet de<br />

conversations dans tout <strong>le</strong> service, où il resta célèbre, comme l’ancêtre du<br />

Loup Blanc.<br />

Lorsque Pagès fût reparti pour Béchar, j’allai voir de plus près,<br />

comment on pourrait tirer partie de la « machine », et essayer de comprendre<br />

son fonctionnement. Il s’agissait d’une foreuse, de marque Foraki, fabriquée<br />

en Belgique au sièc<strong>le</strong> dernier, montée sur un châssis à quatre roues à bandage<br />

caoutchouc, qui dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> ou <strong>le</strong> fechfech s’enfonçaient profondément, au<br />

point qu’il fallut la déplacer avec l’aide des trois véhicu<strong>le</strong>s tous terrains,<br />

opération qui était presque un exploit.<br />

Le mât, re<strong>le</strong>vé, supportait deux poulies, placées à la vertica<strong>le</strong> du<br />

trou foré. Le trépan grosse pièce métallique en acier en forme de rectang<strong>le</strong>,<br />

épais d’une dizaine de cm. biseauté à la base, pour entail<strong>le</strong>r la roche à forer,<br />

pesant environ 150 kilos, et était muni à son sommet, d’un gros anneau de<br />

suspension, animé d’un mouvement de percussion, commandé par un bras<br />

muni d’une poulie, qui tendait et relâchait <strong>le</strong> câb<strong>le</strong>, provoquant la percussion<br />

du taillant au fond du forage. Ce bras était animé d’un mouvement alternatif,<br />

grâce à un gros pivot, de longueur réglab<strong>le</strong>, fixé sur une grosse roue dentée de<br />

1mètre de diamètre, entraînée par un pignon de 0m10, lui-même actionné par<br />

la courroie du moteur. Il fallait, pour <strong>le</strong> démarrer, d’abord, allumer la<br />

cigarette, à introduire dans une bou<strong>le</strong> placée au dessus de l’unique cylindre,<br />

puis manœuvrer, un bouton, pour <strong>le</strong> décompresser, <strong>le</strong> lancer, en tournant une<br />

grosse manivel<strong>le</strong>, et, fina<strong>le</strong>ment lâcher <strong>le</strong> bouton décompresseur, ce qui était<br />

couronné de succès, à peu près une fois sur deux.<br />

Le lancement de l’engin, à lui seul, comme nous l »avons écrit,<br />

nécessitait trois ouvriers, dont deux pour tourner la manivel<strong>le</strong>, et un, pour<br />

manœuvrer <strong>le</strong> décompresseur.<br />

Après avoir foré, environ 50 cm. il fallait remonter l’outil, pendu au<br />

gros câb<strong>le</strong> qui <strong>le</strong> supportait et lui donnait son mouvement de percussion,<br />

l’allonger à côté du trou, et, au moyen d’un treuil auxiliaire, muni d’un câb<strong>le</strong><br />

plus petit, introduire dans <strong>le</strong> forage, à plusieurs reprises un tube épais, long de<br />

1m50, muni à sa base (nommé soupape) d’un clapet, par <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s débris de<br />

roche forée, étaient remontés. Tous <strong>le</strong>s axes et engrenages de la machine<br />

devaient être graissés plusieurs fois par jour, machine en fonctionnement,<br />

opération très dangereuse, pour laquel<strong>le</strong> un seul ouvrier était responsab<strong>le</strong>. Je<br />

lui avais longuement expliqué, qu’il fallait mettre la graisse au bout d’un long<br />

bâton plat, et la placer sur la grande roue dentée, en faisant très attention de ne<br />

pas s’approcher trop près car c’était donc une opération très délicate, dont je<br />

faisais faire, au début, la manipulation, en ma présence, en détaillant<br />

soigneusement <strong>le</strong>s gestes à effectuer. Il y avait donc, en permanence, cinq<br />

ouvriers sur <strong>le</strong> chantier, trois affectés aux manœuvres des lourds outils, un au<br />

graissage, et un, chargé du nettoyage journalier de la machine, et du chantier.<br />

Ils étaient supervisés par un chef de chantier, nommé Belkacem, ancien<br />

militaire, arabe, alors que <strong>le</strong>s autres étaient noirs.<br />

J’ai été un peu prolixe dans la description et <strong>le</strong> mode d’emploi du<br />

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diplodocus, mais el<strong>le</strong> était nécessaire pour l’édification du <strong>le</strong>cteur, et pour<br />

expliquer <strong>le</strong>s causes de l’accident qui arriva à l’ouvrier chargé du graissage de<br />

l’engin. Nous avions entrepris, pour essayer la machine, un forage situé à<br />

quelques centaines de mètres au sud du village. Après avoir réussi à<br />

remorquer <strong>le</strong> Diplodocus, à l’aide de nos trois véhicu<strong>le</strong>s, à la ca<strong>le</strong>r avec des<br />

madriers, et à démarrer <strong>le</strong> moteur, la matinée s’était écoulée, et, l’après midi<br />

seu<strong>le</strong>ment, nous avons pu descendre d’à peu près un mètre, mais nous avions<br />

peu à peu appris la façon de procéder. Après un mois de travail, nous avions<br />

réussi l’exploit de descendre à une trentaine de mètres. Lorsque l’on sait que<br />

<strong>le</strong>s ouvriers des foggaras parviennent au même résultat en quinze jours, pour<br />

faire un puits de plus grand diamètre, à la même profondeur, il devenait<br />

évident que <strong>le</strong> « Diplodocus » ne pouvait pas être un progrès par rapport aux<br />

méthodes anciennes.<br />

Quelques jours plus tard, nous étions cependant parvenus à une<br />

profondeur d’une quarantaine de mètres, et j’étais sur <strong>le</strong> chantier, pour<br />

surveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong> travail, lorsque j’entendis un grand cri, et je vis arriver vers moi<br />

<strong>le</strong> graisseur, qui, avait sa main droite, p<strong>le</strong>ine de sang et de graisse ; il me<br />

dit : Monsieur, la machine m’a mangé la main. Nous l’avons immédiatement<br />

transporté à l’hôpital où <strong>le</strong> Docteur dût l’amputer de trois doigts. Bien<br />

entendu, malgré mes recommandations souvent renouvelées, car je craignais<br />

ce genre d’accident, il avait directement graissé l’engrenage avec sa main, au<br />

lieu d’utiliser la planchette destinée à cet usage.<br />

Malgré ce triste accident, et ayant à justifier de l’embauche des<br />

quatre ouvriers, et de ce malheureux accidenté, nous avons convenu avec<br />

Pagès, de poursuivre, un peu, <strong>le</strong>s expériences, pour <strong>le</strong>s justifier, en attendant<br />

de <strong>le</strong>s utiliser à la réalisation de puits, avec une équipe de trois ouvriers<br />

espagnols, qui devaient d’abord, terminer un puits dans la région de Béchar,<br />

où je dus me rendre pour décider des possibilités d’obtenir un débit plus<br />

important, ce qui me permit, pendant <strong>le</strong>s quelques jours où je suivis ce<br />

chantier, d’améliorer <strong>le</strong> débit de l’ouvrage, et, surtout, de convaincre Pagès de<br />

l’efficacité de l’hydrogéologie.<br />

De plus, cela me permit de diriger <strong>le</strong> travail des puisatiers qui<br />

s’habituèrent à mes directives, ce qui facilita <strong>le</strong>ur adhésion, sans réserves, aux<br />

projets de travaux des nouveaux puits, que nous avions décidé, avec Pagès,<br />

dans <strong>le</strong> Touat et <strong>le</strong> Gourara.<br />

Cela peut paraître, un peu étonnant, mais démontre, si besoin était, la<br />

nécessité des contacts humains, entre <strong>le</strong> personnel chargé de durs travaux, et<br />

<strong>le</strong>s cadres, qui partagent <strong>le</strong>ur iso<strong>le</strong>ment et <strong>le</strong>urs efforts, et y part<strong>ici</strong>pent<br />

activement. Souvent, je descendais avec eux, dans <strong>le</strong>s puits ou ga<strong>le</strong>ries<br />

drainantes, n’hésitant pas à <strong>le</strong>s aider, de temps à autre, pour <strong>le</strong>ur démontrer<br />

que j’étais moi aussi, capab<strong>le</strong> de collaborer au travail que je <strong>le</strong>ur demandais<br />

de faire. Cela peut paraître sans grande importance, mais l’une des meil<strong>le</strong>ures<br />

façons de pouvoir diriger des hommes est de se mettre à <strong>le</strong>ur portée. J’ai<br />

toujours, dans ma vie, utilisé cette méthode : ce que l’on demande aux autres,<br />

on doit, soi même, capab<strong>le</strong> de <strong>le</strong> faire. Diriger, c’est prévoir, mais c’est, tout<br />

autant, démontrer que <strong>le</strong>s ordres donnés ne sont pas une preuve d’autorité,<br />

mais une collaboration constante, entre ceux qui <strong>le</strong>s donnent, et ceux qui <strong>le</strong>s<br />

75


exécutent. Cette méthode, je l’ai toujours recommandée, comme principe<br />

essentiel, à tous <strong>le</strong>s jeunes ingénieurs stagiaires que j’ai formés.<br />

De retour à Timimoun, nous avons terminé <strong>le</strong> forage d’essai, pour <strong>le</strong><br />

principe, et nous avons définitivement abandonné, <strong>le</strong> diplodocus, <strong>le</strong> mois<br />

suivant, sur <strong>le</strong> reg, où quelque géologue se réjouira peut être, dans quelques<br />

millénaires, d’avoir trouvé un fossi<strong>le</strong> du quaternaire ancien. .<br />

Pendant <strong>le</strong> reste de notre séjour au Sahara, je n’entendis plus par<strong>le</strong>r de<br />

forages, car nous avions démontré que la nature tendres des grès aquifères de<br />

perméabilité assez faib<strong>le</strong>, de toute cette région, se prête plutôt à la réalisation<br />

de puits de grand diamètres, avec ga<strong>le</strong>ries drainantes, au fond, que de forages,<br />

qui n’auraient pu être effectués qu’avec des machines plus modernes,<br />

nécessitant un gros entretien, et du personnel très qualifié .<br />

Du danger des travaux de creusement de puits, dans <strong>le</strong>s sab<strong>le</strong>s.<br />

Toujours dans <strong>le</strong> récit de mon travail relatif aux ouvrages de<br />

captage, après l’abandon du Diplodocus, nous avions réalisé plusieurs puits<br />

dans toute la région, sans problèmes particuliers, lorsqu’un jour, Pagès me<br />

demanda, avec l’équipe de nos puisatiers, de refaire un puits, à Kerzaz, poste<br />

militaire, situé en bordure de la Grande Piste Impéria<strong>le</strong>, entre Adrar et Igly, à<br />

200 km de Timimoun, par la mauvaise piste du Foum el kheneg, dont j’ai<br />

parlé dans un précédent chapitre, mais à 400 kilomètres en passant par Sbaa.<br />

Cela fut à l’origine d’une malheureuse expérience, de cel<strong>le</strong>s que l’on ne peut<br />

oublier, ou passer sous si<strong>le</strong>nce.<br />

En vo<strong>ici</strong> donc <strong>le</strong> récit détaillé : Je me rendis, dans un premier temps à<br />

Kerzaz, où je fus très bien reçu par <strong>le</strong> Lieutenant Dugros, que je n’avais<br />

jamais rencontré, mais nous nous connaissions par <strong>le</strong> canal de Radio<br />

Foggara , chronique verba<strong>le</strong>, très efficace des européens des Territoires du<br />

Sud. Nous avons immédiatement sympathisé, et, sommes restés en excel<strong>le</strong>ntes<br />

relations, par la suite. Nous nous rendions, périodiquement, et mutuel<strong>le</strong>ment<br />

visite pour passer deux ou trois jours ensemb<strong>le</strong>s, avec épouses, et enfants,<br />

l’hospitalité et <strong>le</strong>s amitiés, étant des caractéristiques essentiel<strong>le</strong>s, de ces pays,<br />

dont la rigueur rapproche beaucoup <strong>le</strong>s hommes, et, j’ose l’écrire, éga<strong>le</strong>ment<br />

<strong>le</strong>s hommes, des animaux qui y vivent. Kerzaz, est situé sur la bordure sud<br />

ouest du Grand Erg Occidental,, à quelques kilomètres seu<strong>le</strong>ment à l’est de la<br />

Piste Impéria<strong>le</strong>, sur des aff<strong>le</strong>urements rocheux noirs de dévonien, recouverts,<br />

à quelques centaines de mètres des bâtiments du Bordj militaire, par <strong>le</strong>s<br />

grandes dunes de sab<strong>le</strong> orange, avec quelques palmier. L’ancien puits, creusé<br />

dans <strong>le</strong>s sab<strong>le</strong>s, était situé à peu de distance des bâtiments, et ne produisait<br />

presque plus. Nous devions, donc, en creuser un autre, à côté<br />

Les travaux débutèrent avec mes trois puisatiers, qui logeaient dans une<br />

grande tente de chantier, et étaient ravitaillés, une fois tous <strong>le</strong>s dix jours, par<br />

un véhicu<strong>le</strong> de la Subdivision de Béchar.<br />

Le puits, entièrement creusé dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, devait atteindre l’eau vers 17<br />

mètres. Comme <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> est un matériau très meub<strong>le</strong>, la technique<br />

couramment utilisée, consistait à avancer, mètre par mètre, en creusant à la<br />

pel<strong>le</strong>, à la base d’une première buse en béton, de deux mètres de diamètre, sur<br />

un mètre de haut, posée sur <strong>le</strong> sol, et qui s’enfonçait progressivement, du fait<br />

76


de son poids, au fur et à mesure que l’on creusait <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, à sa base. Les<br />

ouvriers, descendaient donc dans <strong>le</strong>s buses, pour travail<strong>le</strong>r, et un treuil à<br />

moteur avec un câb<strong>le</strong> en acier de 10mm, auquel était suspendu une sorte de<br />

bidon, en tô<strong>le</strong> épaisse, servait, d’une part, à descendre <strong>le</strong>s hommes pour<br />

travail<strong>le</strong>r au fond, et, aussi, pour remonter <strong>le</strong>s déblais. Aussitôt qu’une buse<br />

était en place, <strong>le</strong>s ouvriers remontaient, et une autre buse, était posée,<br />

s’emboîtant sur la précédente, grâce à des saignées circulaires de <strong>le</strong>urs bords,<br />

supérieur, et inférieur.<br />

Ce travail est, évidemment dangereux, et nécessite une grande habitude,<br />

surtout de la part de l’ouvrier chargé des manœuvres du treuil. Mon rô<strong>le</strong>, était<br />

de me rendre à Kerzaz une ou deux fois par semaine, pour vérifier<br />

l’avancement des travaux, et, ultérieurement, de faire procéder aux essais de<br />

débit de l’ouvrage, à la fin de sa réalisation, avec une pompe à axe vertical, et<br />

à turbines placées au bas du tube de la canalisation d’exhaure mue par un<br />

moteur diésel. Quelques jours après <strong>le</strong> début des travaux, alors que l’ouvrage<br />

avait atteint, environ, 17 m. de profondeur, je reçus un télégramme urgent et<br />

laconique, du Chef de poste de Kerzaz, me demandant de me rendre, aussitôt<br />

que possib<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> chantier, où un grave accident venait de se produire. Je me<br />

mis immédiatement en route, après que Rabah eut vérifié <strong>le</strong>s guerbas et <strong>le</strong>s<br />

deux roues de secours, et après avoir expédié un télégramme à Kerzaz, pour<br />

signa<strong>le</strong>r mon heure de départ, et cel<strong>le</strong> d’arrivée prévue. J’arrivai vers seize<br />

heures, passai prendre Dugros, et nous partîmes aussitôt pour <strong>le</strong> chantier, où<br />

nous trouvâmes <strong>le</strong>s deux rescapés, catastrophés, qui nous attendaient. Entre<br />

temps, <strong>le</strong> Lieutenant m’avait donné quelques détails sur l’accident : Les deux<br />

ouvriers chargés du creusement du puits, travaillaient au fond, lorsqu’une<br />

remontée subite du sab<strong>le</strong>, par <strong>le</strong> fond, <strong>le</strong>s avait ensevelis ; l’un avait réussi à<br />

se dégager, mais <strong>le</strong> deuxième avait disparu dans la masse sab<strong>le</strong>use. Aussitôt,<br />

<strong>le</strong> Chef de chantier, Rojo, ( <strong>le</strong> Rouquin, en espagnol), qui était en surface pour<br />

manœuvrer <strong>le</strong> treuil, qui avait donné l’a<strong>le</strong>rte, me donna des détails sur ce qui<br />

s’était passé.En fin de matinée, alors que <strong>le</strong> travail s’effectuait norma<strong>le</strong>ment,<br />

il vit, en l’espace de quelques secondes une excavation s’ouvrir, en surface,<br />

contre la buse en béton supérieure, <strong>le</strong> treuil se coucher, <strong>le</strong> sol s’étant dérobé<br />

sous l’un de ses côtés, et il n’avait eu que tout juste <strong>le</strong> temps de s’écarter<br />

rapidement, puis, fortement choqué par ce qui venait de se produire, il avait<br />

alors réalisé <strong>le</strong>s conséquences de l’accident, aussi subit, qu’imprévu , et en<br />

avait aussitôt avisé Dugros. A notre arrivée sur <strong>le</strong>s lieux nous avons vu,<br />

autour du puits, qu’une sorte d’entonnoir circulaire était ouvert, formant un<br />

tronc de cône, de quatre mètres, environ de profondeur, et <strong>le</strong>s quatre buses<br />

supérieures, en ciment, du cuvelage du puits, en occupaient <strong>le</strong> centre,<br />

penchant d’un côté, mais sans s’être déboîtées. L’accès au puits était devenu<br />

très dangereux, du fait de l’instabilité extrême du sab<strong>le</strong>; l’ouvrier rescapé,<br />

avait pu remonter avec la grosse corde qui servait à descendre <strong>le</strong>s outils, puis,<br />

avait émergé à la partie supérieure de la dernière buse, et ne pouvant<br />

descendre dans l’entonnoir béant, ouvert dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, avait hélé Rojo, qui<br />

l’encouragea à ne pas bouger, pendant qu’il allait mettre en place, un madrier<br />

de bois, long de six mètres, qui était sur <strong>le</strong> chantier . Il fut obligé de partir au<br />

bordj, avec son véhicu<strong>le</strong>, car <strong>le</strong> madrier était lourd, et la manœuvre, pour <strong>le</strong><br />

77


placer en travers de l’excavation, et poser son extrémité sur <strong>le</strong> haut de la<br />

dernière buse, était très délicate. Heureusement, l’al<strong>le</strong>r retour ne lui prit<br />

qu’une quinzaine ce minutes, et <strong>le</strong> lieutenant et quatre sauveteurs arrivèrent<br />

quelques minutes après, avec des cordes et des perches de bois, pour, enfin,<br />

pouvoir permettre à l’ouvrier rescapé, dûment encordé, de revenir sur <strong>le</strong> sol<br />

ferme, au grand soulagement de tous <strong>le</strong>s part<strong>ici</strong>pants au sauvetage.<br />

Après examen des conséquences de cet accident, je retournai au Bordj,<br />

pour télégraphier à Pagès, qui vint me rejoindre à Kerzaz, au petit matin.<br />

La situation à laquel<strong>le</strong> nous avions à faire face était très délicate :<br />

1°/- Un ouvrier, mort au fond du puits, à dégager de la masse sab<strong>le</strong>use très<br />

instab<strong>le</strong>.<br />

2°/- Un accès au puits rendu impossib<strong>le</strong>, du fait du grand entonnoir béant<br />

et instab<strong>le</strong>.<br />

3°/ - Pas de grue pour pouvoir al<strong>le</strong>r au dessus du puits, et examiner son<br />

état.<br />

Dans ces conditions, la seu<strong>le</strong> chose à entreprendre, était, en premier lieu,<br />

de reboucher l’entonnoir, mais, pas avec du sab<strong>le</strong>, qui, vu sa granulométrie très<br />

fine, coulait, comme une masse de boue, très liquide. Après une longue<br />

réf<strong>le</strong>xion, avec Pagès, nous avons mis en place, dans l’excavation, un coulis de<br />

ciment et de sab<strong>le</strong>, par injections successives, assez espacées pour laisser au<br />

ciment un temps de prise suffisant. Nous n’avions pas d’autre choix pour<br />

pouvoir ressortir <strong>le</strong> corps de l’ouvrier, autre opération délicate, mais qui nous<br />

laissait un long temps pour y réfléchir.<br />

Pagès télégraphia à Béchar pour nous envoyer un camion, avec ciment,<br />

bétonnière, outils, un cercueil pour la malheureuse victime, et, éga<strong>le</strong>ment, trois<br />

nouveaux ouvriers, pour nous aider à réaliser ces travaux. Le camion et <strong>le</strong><br />

personnel n’arrivèrent que <strong>le</strong> sur<strong>le</strong>ndemain, dans la matinée. Il est inuti<strong>le</strong> de<br />

s’étendre sur l’atmosphère lourde qui pesait sur tous, et qui ne prit fin qu’avec <strong>le</strong><br />

commencement des travaux. Ceux-ci, nous firent un peu oublier <strong>le</strong> malheureux<br />

qu’il fallait dégager de son linceul de sab<strong>le</strong>.<br />

Après deux jours et nuits, par équipes postées, l’excavation fut enfin<br />

rebouchée. Nous attendîmes encore une demi-journée, pour laisser prendre<br />

suffisamment <strong>le</strong> ciment. Entre temps, nous avions déplacé <strong>le</strong> treuil, après l’avoir<br />

redressé, et recalé sur une plateforme de madriers.<br />

Ceci terminé, nous pouvions, enfin, parvenir jusqu’à la gueu<strong>le</strong> du<br />

puits, et voir <strong>le</strong> fond, et la hauteur de sab<strong>le</strong> qui était, fina<strong>le</strong>ment remontée<br />

jusqu’à une dizaine de mètres dans <strong>le</strong> puits; Il fallait donc, maintenant,<br />

descendre, pour dégager <strong>le</strong> corps qui était enseveli dans la masse du sab<strong>le</strong>, soit<br />

entre <strong>le</strong> fond atteint avant l’accident (17m, environ), et <strong>le</strong> sommet du sab<strong>le</strong>,<br />

actuel (sept m, environ. Je me proposai de descendre pour voir la consistance du<br />

sab<strong>le</strong>, mais Pagès s’y refusa, et envoya un des nouveaux ouvriers, dûment<br />

encordé, <strong>le</strong>s trois autres tenant l’extrémité de la corde, prêts à <strong>le</strong> tirer, en cas de<br />

nouvel incident, bien que estimions, cependant, que <strong>le</strong> remblai cimenté du trou,<br />

devait pouvoir maintenir <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> en place. Peu après, un deuxième ouvrier,<br />

encordé, lui aussi, rejoignait <strong>le</strong> premier, et <strong>le</strong> déblaiement put s’effectuer, <strong>le</strong><br />

sab<strong>le</strong> étant remonté par <strong>le</strong> bidon fixé au câb<strong>le</strong> du treuil. Après plusieurs heures,<br />

<strong>le</strong>s pieds de l’ouvrier apparurent, avec une forte odeur de décomposition.<br />

78


Enfin, il fût tota<strong>le</strong>ment dégagé, au prix d’un travail très éprouvant,<br />

79


emonté par <strong>le</strong> treuil, et aussitôt mis en bière, et ramené à Béchar, où il fut<br />

inhumé. Nous avons, ensuite, du reboucher <strong>le</strong> puits, et y avons posé une dal<strong>le</strong><br />

avec <strong>le</strong> nom de l’ouvrier, et la date de l’accident.<br />

Cette douloureuse expérience nous conduisit à ne plus effectuer de puits,<br />

dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, au-delà d’une dizaine de mètres de profondeur, et nous avons<br />

réalisé, sur mes conseils, un autre ouvrage, distant de 200 m. du précédent,<br />

creusé dans <strong>le</strong> calcaire dévonien, aff<strong>le</strong>urant, que je pensai être fissuré, mais qui à<br />

dû être foré au marteau piqueur, et à l’explosif. Il donna satisfaction, l’aquifère<br />

fournissant quelque dizaine de m3/h., largement suffisant pour alimenter Kerzaz.<br />

Les travaux, avaient duré deux mois, et nous avions malheureusement perdu un<br />

brave ouvrier.<br />

Du danger de peindre à la lumière d’une lampe à acétylène.<br />

Un soir, au bureau, j’ai voulu peindre une nouvel<strong>le</strong> étagère que je venais<br />

de fabriquer, et je travaillais sur une tab<strong>le</strong> où se trouvait posé <strong>le</strong> quinquet servant<br />

à m’éclairer. La peinture étant trop épaisse, j’ai pris une bouteil<strong>le</strong> d’essence pour<br />

la diluer, et, soudain, l’essence s’est enflammée. Heureusement, qu’il y avait des<br />

chiffons dans <strong>le</strong> bureau, et que j’ai pu, fina<strong>le</strong>ment, étouffer <strong>le</strong> feu, non sans<br />

m’être sérieusement brulé <strong>le</strong>s doigts. Le bureau était tout enfumé, et je dus me<br />

rendre précipitamment à l’hôpital pour me faire nettoyer et panser <strong>le</strong>s deux<br />

mains. Cet incident m’a valu de me <strong>le</strong>s faire soigner pendant une dizaine de<br />

longs jours.<br />

Du danger de se pencher avec une cigarette au bec, sur une<br />

batterie en train de se recharger.<br />

Quelques mois après, j’ai voulu, comme je <strong>le</strong> faisais tous <strong>le</strong>s matins,<br />

vérifier l’état des batteries qui servaient, <strong>le</strong> soir, à nous éclairer. Je rechargeais<br />

ces accus, avec un petit groupe é<strong>le</strong>ctrogène, placé sur <strong>le</strong> parvis, a droite de<br />

l’entrée de la maison. Je me suis donc penché sur <strong>le</strong>s orifices de contrô<strong>le</strong> de<br />

niveau, dont <strong>le</strong>s bouchons, dévissés, étaient posés sur <strong>le</strong> sol, lors qu’une<br />

explosion subite, due, à l’hydrogène dégagé par la charge, me projeta un jet<br />

d’acide sulfurique sur tout <strong>le</strong> visage, m’aveuglant et me causant une dou<strong>le</strong>ur<br />

insupportab<strong>le</strong>. Je me mis à crier, et Mabrouka, qui sortait de la maison, avec un<br />

bac de <strong>le</strong>ssive, vint vers moi, et, instinctivement, je pris l’eau de ce récipient<br />

pour m’en asperger <strong>le</strong> visage. On me conduisit aussitôt à l’hôpital, où <strong>le</strong> docteur<br />

me soigna, puis me ramena à la maison, avec un pansement sur <strong>le</strong>s deux yeux, et<br />

de la crème adoucissante sur tout <strong>le</strong> visage. Deux fois par jour, il m’instillait des<br />

gouttes d’atropine dans <strong>le</strong>s yeux, pour dilater <strong>le</strong>s pupil<strong>le</strong>s, et cela pendant près<br />

d’un mois. Nous avions pensé que j’avais eu la grande chance de me projeter<br />

l’eau de <strong>le</strong>ssive de Mabrouka, ce qui avait neutralisé aussitôt l’acide sulfurique<br />

de la batterie. Le pansement fut en<strong>le</strong>vé quelques jours après, mais <strong>le</strong>s<br />

instillations d’atropine continuèrent, jusqu'à ce que la conjonctivite ait<br />

tota<strong>le</strong>ment disparu.Comme mes pupil<strong>le</strong>s étaient dilatées, je voyais tout flou, et<br />

étais ébloui par la lumière; je me fis confectionner par Joulkov des « lunettes »,<br />

avec une bande de carton percé de deux petits trous, qui faisaient office de<br />

diaphragme, et me permettait de sortir au so<strong>le</strong>il, et même de pouvoir lire un peu.<br />

Grace au Ciel, tout est rentré dans l’ordre, et j’ai conservé une vue excel<strong>le</strong>nte.<br />

Depuis cet accident, je ne m’approche jamais plus, d’une batterie en<br />

charge, avec une cigarette allumée. Dont acte.<br />

80


Ici se termine notre séjour à Timimoun.<br />

NOUVELLE AFFECTATION : ADRAR PERLE DU TOUAT.<br />

Lors d’une visite à Timimoun de l’Ingénieur en chef, Monsieur<br />

Brochet, en octobre 1952, vint m’apprendre que la base du Service de<br />

l’hydraulique de Timimoun, que je dirigeais depuis trois ans et demi, était<br />

maintenant transférée à Adrar, sans pour autant, cesser toutes nos activités à<br />

Timimoun, qui dépendrait maintenant d’Adrar, distant, seu<strong>le</strong>ment de 150<br />

kilomètres.<br />

Je pense que cette décision avait été consécutive aux difficultés<br />

administratives survenues au cours du séjour de deux mois, en juil<strong>le</strong>t et aout,<br />

pendant <strong>le</strong>squels <strong>le</strong> Service m’avait envoyé à Geryvil<strong>le</strong>, et à cette malheureuse<br />

affaire de tapis soi disant volés, et, éga<strong>le</strong>ment avec <strong>le</strong>s tracasseries<br />

continuel<strong>le</strong>s que nous occasionnait, à tous propos, <strong>le</strong> Chef d’annexe de<br />

Timimoun, qui prenait souvent ombrage du fait que de nombreuses<br />

personnalités administratives m’étaient directement adressées par <strong>le</strong> Service,<br />

sans, volontairement l’en aviser.<br />

Monsieur Brochet resta cependant discret sur <strong>le</strong>s motivations<br />

réel<strong>le</strong>s de sa décision, mais Pagès, me confirma, plus tard, que mes<br />

suppositions étaient bien fondées et que notre service désirait conserver son<br />

indépendance à l’égard des militaires. Comme <strong>le</strong> chef d’annexe d’Adrar, <strong>le</strong><br />

commandant Favergeat, était infiniment plus apprécié que celui de Timimoun,<br />

son choix avait été à l’origine de notre migration à Adrar.<br />

81


Carte topographique de la région sud d'Adrar<br />

En vert <strong>le</strong>s points cités dans <strong>le</strong> texte<br />

82


Départ de Timimoun, et débuts à Adrar<br />

Le service me demanda de préparer, avec l’aide de Pagès, notre<br />

futur logement à Adrar, aussi rapidement que possib<strong>le</strong>, sur un terrain situé<br />

juste derrière <strong>le</strong> souk. Il fut réalisé en un mois, et nous avons donc commencé<br />

de déménager, avec l’aide d’un camion de la subdivision de Colomb Béchar,<br />

ce qui nous permit, deux jours après, de quitter la maison de Timimoun, pour<br />

cel<strong>le</strong> d’Adrar. Cependant, d’autres voyages furent nécessaires, pour transférer<br />

<strong>le</strong> matériel : atelier et bureau, dans <strong>le</strong>s jours qui suivirent.<br />

L’affaire des tapis volés de Géryvil<strong>le</strong><br />

Deux jours plus tard, étant de retour à Timimoun, pour un autre voyage,<br />

<strong>le</strong> Chef d’annexe me fit appe<strong>le</strong>r par un chaouch (militaire faisant office<br />

d’ordonnance), m’invitant à me rendre d’urgence à son bureau. Je m’y rendis<br />

donc aussitôt, et, sans même me proposer un siège, avec un demi-sourire aux<br />

lèvres, il me fit savoir qu’à la suite de mon inculpation de recel de tapis, je<br />

devais me présenter dès <strong>le</strong> sur<strong>le</strong>ndemain au tribunal de Mascara, pour y<br />

comparaitre, pour cette affaire.<br />

Je repartis aussitôt pour Adrar, après avoir envoyé un télégramme à<br />

mon Ingénieur en Chef, pour l’en aviser.<br />

J’ai quitté Adrar, <strong>le</strong> soir même, avec ma Jeep, pour Colomb Béchar, où<br />

je me rendis à la Subdivision du Service. Pagès m’attendait, et me dit que<br />

Monsieur Brochet me demandait de lui téléphoner dès mon arrivée pour me<br />

donner des instructions sur cette regrettab<strong>le</strong> affaire. Je <strong>le</strong> contactai donc,<br />

aussitôt, et il m’indiqua que <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, au Tribunal de Mascara, un avocat<br />

du Service devait m’attendre, pour assurer ma défense. De plus, il me<br />

réconforta, me dit de ne pas me faire de mauvais sang pour ces incidents, et<br />

que nous en repar<strong>le</strong>rions lors d’une de ses prochaines visites à Adrar. Pagès<br />

me réconforta aussi, me rappelant qu’il était, de son coté, en mauvais termes<br />

avec <strong>le</strong> colonel commandant <strong>le</strong>s Territoires du Sud, qui ne pouvait admettre<br />

que <strong>le</strong>s administrations civi<strong>le</strong>s ne se soumettent pas à ses directives.<br />

Je repris ma Jeep, <strong>le</strong> même soir pour me rendre à Mascara, où j’ai<br />

dormi à l’hôtel, et je me suis présenté, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin au greffe du<br />

Tribunal, où m’attendaient <strong>le</strong>s gendarmes, et <strong>le</strong> Procureur. Quelques dizaines<br />

de minutes après, <strong>le</strong>s gendarmes me passèrent <strong>le</strong>s menottes (à ma grande<br />

honte), pour me conduire devant <strong>le</strong>s juges. En fait, la séance fut vite <strong>le</strong>vée, et<br />

je fus relaxé, à mon grand soulagement, sans même que <strong>le</strong> Tribunal ait<br />

entendu <strong>le</strong> soi disant vo<strong>le</strong>ur de tapis, ni même qu’une plaidoirie quelconque,<br />

ait eu lieu. Parodie de justice, qui eut cependant une suite, devant la Cour<br />

d’appel d’Alger, <strong>le</strong> Procureur de la République ayant trouvé anormal que <strong>le</strong><br />

vo<strong>le</strong>ur ne se soit pas présenté et n’ait pas été entendu. <strong>Pour</strong> mon compte,<br />

j’étais entièrement mis hors de cause, et je n’ai appris, que plus tard, par<br />

monsieur Brochet, que la Cour d’appel l’avait éga<strong>le</strong>ment acquitté.<br />

Après cette longue parenthèse, sitôt rentré à Timimoun, nous avons<br />

terminé <strong>le</strong> déménagement vers Adrar, et commencé <strong>le</strong>s aménagements de<br />

notre nouvel<strong>le</strong> maison.<br />

83


Aménagements de notre nouveau dom<strong>ici</strong><strong>le</strong>.<br />

La maison, en rez de chaussée, avait une grande terrasse, occupant<br />

tout <strong>le</strong> toit, et était entourée d’un muret circulaire, destiné à éviter <strong>le</strong>s chutes<br />

des enfants, et présentait un escalier d’accès extérieur donnant sur la grande<br />

cour devant la façade.<br />

Sur <strong>le</strong> coté opposé, il y avait un grand espace, où nous avons<br />

commencé a apporter de la bonne terre pour y aménager un grand jardin, avec<br />

un bassin, servant de piscine pour nous et <strong>le</strong>s enfants. Comme il n’y avait<br />

aucun arbre, je fis planter deux grands palmiers et des r<strong>ici</strong>ns. De plus, je mis<br />

en place une grande antenne d’une vingtaine de mètres de longueur, entre<br />

deux mats adossés contre <strong>le</strong>s deux murs opposés de la maison, pour recevoir<br />

quelques émetteurs de radio sur un petit poste à pi<strong>le</strong>s et à lampes que nous<br />

avions acquis récemment.<br />

Comme <strong>le</strong>s étés étaient très chauds, et qu’il n’existait à cette époque,<br />

aucun dispositif de climatisation, il y avait, en moyenne, dans la maison, une<br />

température de plus de 35 degrés, en été, ce qui rendait <strong>le</strong>s siestes très<br />

pénib<strong>le</strong>s. En effet, <strong>le</strong>s journées de travail commençaient vers six heures du<br />

matin, se terminaient à midi, et ne reprenaient, facultativement, que <strong>le</strong> soir de<br />

17h30 à 19 heures.<br />

Je décidai donc, de faire creuser une cave, sous la cour de la maison,<br />

pour pouvoir nous reposer, pendant <strong>le</strong>s heures chaudes, dans un local où<br />

régneraient une température et une hygromètrie agréab<strong>le</strong>s.<br />

J’embauchai, donc, une dizaine d’ouvriers, <strong>le</strong>s équipai de petits pics à<br />

deux têtes pointues, tout indiqués pour creuser <strong>le</strong>s grès rouges, substratum de<br />

toute la région, immense réservoir aquifère local, qui alimentait tous <strong>le</strong>s puits<br />

et foggaras du Touat. Le niveau de la nappe se situait, sous Adrar, à une<br />

dizaine de mètres de profondeur. Le sol de la cave était à six mètres sous la<br />

surface, et sa hauteur de plafond était de deux mètres. El<strong>le</strong> comprenait trois<br />

pièces communicantes, avec notre chambre à coucher, de cinq mètres sur<br />

trois, une sal<strong>le</strong> à manger de même surface, et la chambre des enfants. La sal<strong>le</strong><br />

à manger était occupée, en son centre, par un pilier en grès, supportant une<br />

dal<strong>le</strong> de deux mètres sur deux. <strong>Pour</strong> <strong>le</strong>s chambres, j’avais fait creuser des<br />

alcôves dans <strong>le</strong>s parois gréseuses, dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s nous avons ensuite posé <strong>le</strong>s<br />

matelas. On accédait à la cave par un tunnel d’accès donnant dans <strong>le</strong> jardin.<br />

El<strong>le</strong> nous a permis de passer agréab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s heures chaudes, et même<br />

quelques nuits, lorsque <strong>le</strong> ciel était plombé, sans aucun souff<strong>le</strong> d’air, et où<br />

l’atmosphère était étouffante. (Ce phénomène était appelé la cloche). El<strong>le</strong><br />

était devenue notre résidence secondaire et fut réalisée en une dizaine de<br />

jours. Lorsqu’el<strong>le</strong> fut terminée, je décidai, peu après de creuser un puits<br />

s’ouvrant sur la cour, devant la maison, pour améliorer son aération, pendant<br />

la nuit, juste au centre du plafond de la sal<strong>le</strong> à manger.<br />

<strong>Pour</strong> que cela soit plus rapide, je fis exécuter, en surface, trois petits<br />

forages profonds d’un mètre, que je chargeai avec une demi-cartouche de<br />

poudre noire. Je posai une grande bâche, au dessus, pour éviter <strong>le</strong>s<br />

projections de cailloux, puis, j’allumai la mèche!<br />

Le résultat fut assez différent de ce que j’avais escompté.<br />

84


Le puits était bien ouvert, <strong>le</strong>s cailloux étaient bien restés sous la bâche,<br />

comme prévu, mais quatre carreaux des fenêtres s’étoilèrent, ce qui amusa<br />

beaucoup <strong>le</strong>s ouvriers, mais ne me satisfit pas particulièrement. Inuti<strong>le</strong> de dire<br />

que nous avons terminé <strong>le</strong> puits, à la pioche, comme cela se fait<br />

traditionnel<strong>le</strong>ment.<br />

Au repas de midi, nous avions invité <strong>le</strong> docteur Joseph et son épouse, qui<br />

avaient déjà été mis au courant, car s’il n’y avait pas de téléphone, <strong>le</strong>s<br />

nouvel<strong>le</strong>s circulaient très vite (radio Foggaras) , et germa, alors l’idée de<br />

faire une plaisanterie au brave menuisier Jordan, qui avait fourni et posé <strong>le</strong>s<br />

vitres de la maison. Cet excel<strong>le</strong>nt homme, ancien légionnaire, très compétent<br />

et très consciencieux fut aussitôt après <strong>le</strong> repas appelé par notre cuisinier, qui<br />

l’accompagna. Nous étions autour de la tab<strong>le</strong>, buvant <strong>le</strong> café, lui en avons fait<br />

servir une tasse, en gardant diff<strong>ici</strong><strong>le</strong>ment notre sérieux, puis je lui dis,<br />

innocemment : Vous n’avez n’avait jamais eu de problèmes avec son<br />

fournisseur de carreaux? Il parut être tout déconcerté par ma question, et<br />

finit par m’en demander <strong>le</strong> pourquoi ? Je lui dis alors de venir voir <strong>le</strong>s fenêtres<br />

qu’il avait posées quelques jours avant, et nous sommes sortis dans la cour.<br />

Le brave homme vit <strong>le</strong>s quatre carreaux cassés, et en resta tout interloqué,<br />

répétant c’est la première fois que ça m’arrive, je n’y comprends rien, mais<br />

ne vous inquiétez pas, je vais <strong>le</strong>s remplacer tout de suite<br />

Je l’invitai à venir boire un digestif avec nous pour <strong>le</strong> réconforter, et, avec un<br />

grand sourire, <strong>le</strong> docteur lui raconta ma mésaventure du matin.<br />

Bien entendu, el<strong>le</strong> fit vite <strong>le</strong> tour d’Adrar, et cela me valut la visite de<br />

nombreux curieux pour visiter ma fameuse cave, et son devenu célèbre puits<br />

d’aération. Même Le personnel du Service, Pagès, Mr Brochet, Mr Salva,<br />

mon Ingénieur d’Arrondissement et bien d’autres me fél<strong>ici</strong>tèrent, assez<br />

ironiquement, pour mes excel<strong>le</strong>nts ta<strong>le</strong>nts d’artif<strong>ici</strong>er. J’ai donc payé la casse.<br />

Ces «ta<strong>le</strong>nts», je <strong>le</strong>s mis en pratique, quelque temps après, dans des<br />

circonstances dont je par<strong>le</strong>rai plus loin.<br />

<strong>Pour</strong> <strong>le</strong>s courses, et la préparation de la cuisine, nous avions un Boy,<br />

appellation non péjorative, habituel<strong>le</strong> dans ce pays, pour désigner un fidè<strong>le</strong><br />

serviteur, qui avait toute notre confiance. Le personnel, à l’époque ne coutait<br />

que très peu cher, et il était très content de trouver une place, car <strong>le</strong>s emplois<br />

étaient rares. Celui que nous avons gardé, pendant tout notre séjour à Adrar,<br />

s’appelait Ahmed, était un grand noir costaud, toujours souriant, qui gérait<br />

tous nos problèmes domestiques.<br />

Nous avons été très étonnés de voir venir, pour l’aider, des sous boys ,<br />

payés par lui, et, parfois, des sous sous boys , payés par <strong>le</strong> sous boy. En fait,<br />

ce personnel était très content, car il profitait des restes de repas, et du thé que<br />

nous <strong>le</strong>ur donnions, et ils avaient un travail régulier, et part<strong>ici</strong>paient à nos<br />

sorties, en voiture quand ils <strong>le</strong> demandaient.<br />

L’hiver, nous jouions et mangions dans la sal<strong>le</strong> à manger, et parfois<br />

dans la cave, ou la température était d’une vingtaine de degrés, donc plus<br />

chaude que dans la maison.<br />

Depuis mon arrivée à Adrar, il m’avait été demandé, par <strong>le</strong><br />

Commandant Favergeat, un célibataire d’une cinquantaine d’années, très<br />

<strong>accueil</strong>lant, et débonnaire, à qui je rendais souvent visite lors de mes<br />

85


déplacements de Timimoun à Adrar, et que nous invitions souvent à partager<br />

nos repas, d’organiser des chantiers de drainage, dans <strong>le</strong>s palmeraies voisines,<br />

pour lutter contre <strong>le</strong> paludisme, qui sévissait dans la région.<br />

Mes supérieurs, ayant donné <strong>le</strong>ur accord, j’avais embauché une<br />

centaine d’ouvriers, et ouvert un premier chantier débuta, dans l’oasis de<br />

Boudah, située à une quinzaine de kilomètres au nord ouest d’Adrar.<br />

Cette palmeraie était voisine d’une sebkhra, sorte de marécage de<br />

quelques kilomètres carrés, drainant, naturel<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s eaux d’irrigation des<br />

jardins qui l’entouraient. Dans ces eaux, saumâtres, et stagnantes, pullulaient<br />

<strong>le</strong>s anophè<strong>le</strong>s, moustiques responsab<strong>le</strong>s de nombreux cas de paludisme.<br />

Ces travaux de creusements de drains ont duré plusieurs années, et <strong>le</strong><br />

Docteur Joseph, médecin chef de l’hôpital d’Adrar, <strong>le</strong>s suivait avec beaucoup<br />

d’intérêt, m’accompagnant souvent sur <strong>le</strong>s chantiers. Nous n’avons pas<br />

éradiqué tota<strong>le</strong>ment la maladie, mais cel<strong>le</strong>-ci régressa fortement dès la<br />

première année de travaux.<br />

Ma femme devint alors régisseur comptab<strong>le</strong> du service, et nous allions<br />

toutes <strong>le</strong>s semaines effectuer sur place la paye des ouvriers. Un de ces jours<br />

là, un assez fort vent de sab<strong>le</strong> se <strong>le</strong>va, et emporta quelques bil<strong>le</strong>ts que nous<br />

avons du rembourser.<br />

Un autre jour, <strong>le</strong> service m’envoya un sac d’une dizaine de kilos de<br />

DDT en poudre, pour traiter <strong>le</strong>s eaux stagnantes, là où s’évacuaient <strong>le</strong>s drains,<br />

assez loin de la palmeraie. Il ne m’avait été envoyé aucun dispositif de<br />

pulvérisation, ce qui me conduisit à imaginer de fabriquer une sorte de<br />

bombe, en carton, pour pouvoir disperser la poudre sur une grande zone.<br />

Jamais à court d’idées origina<strong>le</strong>s, je suis allé chez <strong>le</strong> responsab<strong>le</strong> météo<br />

d’Adrar, pour lui demander de me procurer un de ses gros ballon de météo,<br />

qu’il gonflait à l’hélium, comme ceux qu’il utilisait tous <strong>le</strong>s jours pour faire<br />

des aérosondages, en <strong>le</strong> suivant, avec des jumel<strong>le</strong>s montées sur un pied, et,<br />

dont il transmettait, tous <strong>le</strong>s jours, par radio, <strong>le</strong> résultat à Alger.<br />

Nous partîmes donc, un beau matin, à Boudah, avec deux beaux ballons<br />

rouges, une petite nacel<strong>le</strong> en grillage, pour supporter la bombe, munie d’un<br />

courte mèche et d’un détonateur, la bouteil<strong>le</strong> d’hélium comprimé, pour<br />

gonf<strong>le</strong>r <strong>le</strong> ballon , et des jumel<strong>le</strong>s pour suivre et observer <strong>le</strong> résultat de l’essai.<br />

Le vent était très faib<strong>le</strong>, et après avoir gonflé <strong>le</strong> ballon, nous l’avons<br />

lâché. Il monta assez <strong>le</strong>ntement, mais, <strong>le</strong> vent, toujours faib<strong>le</strong>, changea<br />

brusquement de direction, et se dirigea vers la palmeraie ; Ce sont <strong>le</strong>s<br />

habitants qui profitèrent du nuage de DDT, ce qui n’était pas prévu à<br />

l’origine.<br />

Le système avait fonctionné correctement, mais affola un peu <strong>le</strong>s<br />

populations, qui profitèrent du nuage de DDT, en lieu et place des<br />

moustiques de la sebkhra proche. Inuti<strong>le</strong> d’ajouter que cet essai resta sans<br />

suite…<br />

Une vocation naissante : l’aviation.<br />

Un beau jour, <strong>le</strong> père Harmel, dont j’avais fait la connaissance à<br />

Géryvil<strong>le</strong>, chez <strong>le</strong> docteur Gabillon, vint se poser à Adrar, et, après s’être<br />

rendu chez <strong>le</strong>s sœurs blanches, il vint me voir à la maison, accompagné de<br />

86


Mimi Mercier, la sœur de monseigneur, l’évêque des pères blancs, et du père<br />

Geoffroy, père blanc d’Adrar.<br />

Nous <strong>le</strong>s avons alors invités à venir prendre <strong>le</strong> repas du soir avec nous,<br />

ce qu’ils acceptèrent avec plaisir. Comme il n’était que 17 heures, <strong>le</strong> père<br />

Harmel me proposa de me faire survo<strong>le</strong>r la région. Nous sommes donc partis<br />

avec ma Jeep jusqu‘au terrain d’aviation distant de 1500 mètres, environ. Je<br />

laissai ma Jeep dans <strong>le</strong> hangar, et nous avons sorti l’avion, un Fairchild<br />

racheté à l’armée par l’Aéro club de Colomb Béchar, dont <strong>le</strong> père Harmel<br />

était <strong>le</strong> Président fondateur. Le Père perdit tout de sa réserve ecclésiastique,<br />

sitôt qu’il s’installa dans l’appareil, en place droite (place du passager), et,<br />

comme je m’en étonnais, il me dit que l’avion était à doub<strong>le</strong> commande, et<br />

que nous profiterions de ce vol pour qu’il m’initie, sommairement, au<br />

pilotage, ce qui me remplit tout à la fois, d’une grande joie, mais, aussi, d’une<br />

certaine appréhension, sa réputation de casse cou étant connue dans tout <strong>le</strong><br />

sud saharien. Il était, bien entendu, un excel<strong>le</strong>nt pilote, ancien engagé dans la<br />

RAF, lors de la dernière guerre, ayant part<strong>ici</strong>pé a de nombreux combats<br />

aériens aux commandes de Spitfires, ce dont il nous parla pendant tout <strong>le</strong><br />

repas du soir. Il prit quelques dizaines de minutes pour me donner une<br />

première <strong>le</strong>çon sur la mécanique du vol, sur <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> des commandes, sur la<br />

<strong>le</strong>cture des instruments du tab<strong>le</strong>au de bord, me fit mettre <strong>le</strong> moteur en marche,<br />

me laissa diriger l’avion, (avec quelques zigzags), et il me fit l’aligner pour <strong>le</strong><br />

décollage. Il m’avait bien précisé que, lorsque je mettrais <strong>le</strong>s gaz, il faudrait<br />

que je contre, avec <strong>le</strong> palonnier, <strong>le</strong> coup<strong>le</strong> de réaction du à la rotation de<br />

l’hélice. Il me précisa éga<strong>le</strong>ment, que je n’avais pas à m’inquiéter, et qu’il<br />

corrigerait, sans problème, <strong>le</strong>s erreurs que je pourrais commettre.<br />

Puis, il me dit qu’avant de décol<strong>le</strong>r, il fallait effectuer la check list,<br />

pour vérifier <strong>le</strong>s réglages des instruments de vol, la pression d’hui<strong>le</strong> etc. ce<br />

que j’appris ensuite, quand j’ai commencé <strong>le</strong>s <strong>le</strong>çons de pilotage sur un avion<br />

d’éco<strong>le</strong> qu’il envoya du club de Béchar, <strong>le</strong> mois suivant. Nous avons donc<br />

décollé, (avec son aide), et, fina<strong>le</strong>ment, après une demi-heure environ de vol,<br />

il me mit l’avion en mains, ce qui, en vol, est très faci<strong>le</strong>.<br />

A l’atterrissage, il me fit descendre, et aligner dans l’axe de la piste,<br />

mais c’est lui, qui, pratiquement, posa l’avion, car c’est la phase la plus<br />

délicate de la fin d’un vol.<br />

Bien sur, au diner, <strong>le</strong> soir, on reparla aéronautique, et il nous fit part<br />

de son intention de créer une éco<strong>le</strong> de pilotage, avec un moniteur, et un avion<br />

de l’Aéro club de Colomb Béchar, s’il parvenait à convaincre une dizaine<br />

d’adeptes. Il profita de ses quelques jours passés à Adrar et recruta une<br />

dizaine de jeunes militaires, et <strong>le</strong> météo. Ma femme, qui, <strong>le</strong> soir, au diner à la<br />

maison, ne souhaitait pas me voir apprendre à piloter, ce qui me désolait,<br />

mais, avec l’aide du Ciel et cel<strong>le</strong> du Père, et aussi de monseigneur,(ils étaient<br />

bien placés pour l’obtenir), finit par se laisser convaincre , et accepta de me<br />

laisser pousser des ai<strong>le</strong>s.<br />

L’avion éco<strong>le</strong> se posa, donc, un jour, et nous l’attendions avec impatience,<br />

sur <strong>le</strong> terrain d’aviation, car un télégramme de Colomb Béchar, nous avait<br />

annoncé son décollage pour Adrar. Tous <strong>le</strong>s élèves pilotes étaient présents,<br />

pour l’<strong>accueil</strong>lir, et se présenta <strong>le</strong> moniteur, nommé Charpil<strong>le</strong>t, un<br />

87


sympathique garçon d’une trentaine d’années, petit, bien en chair, et assez<br />

rigolard, qui nous fit part de son bon voyage, me donna <strong>le</strong> bonjour cordial du<br />

Père Harmel, et nous fit part de son désir de nous réunir tous, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain<br />

matin, pour organiser notre programme de travail ;<br />

Il nous donna, à tous, une brochure à consulter dès que possib<strong>le</strong>, nous<br />

fournissant <strong>le</strong>s connaissances élémentaires à connaitre par tous <strong>le</strong>s pilotes.<br />

Cette brochure, d’une cinquantaine de pages, comprenait <strong>le</strong>s notions de la<br />

mécanique du vol, de la mécanique moteur avion, de l’utilisation et du<br />

principe des instruments de vol, de l’effet des différentes gouvernes de<br />

l’avion, au sol, et en vol, des procédures d’éco<strong>le</strong>, des visites prévol, et des<br />

check list, obligatoires après mise en marche du moteur, du roulage au sol<br />

avant <strong>le</strong> décollage, et <strong>le</strong> point fixe, pour contrô<strong>le</strong> du bon fonctionnement des<br />

magnétos. Nous fîmes connaissance avec l’avion, un Tiger moth anglais,<br />

fabriqué en Ang<strong>le</strong>terre par l’usine de Havilland, ce type d’appareil ayant été<br />

l’avion éco<strong>le</strong> utilisé par <strong>le</strong>s pilotes de la RAF<br />

* Le long paragraphe qui suit, peut être sauté par <strong>le</strong>s <strong>le</strong>cteurs non avertis, mais<br />

rappel<strong>le</strong>ra de bons souvenirs à tous ceux qui ont eu la chance d’apprendre à vo<strong>le</strong>r de<br />

<strong>le</strong>urs propres ai<strong>le</strong>s.<br />

L’avion était un biplan de deux places, une en avant, pour <strong>le</strong> pilote, <strong>le</strong><br />

moniteur étant sur la place arrière, avec doub<strong>le</strong> commande. (Voir photo cidessous).<br />

La cabine n’était pas couverte, <strong>le</strong> torse des occupants étant donc en<br />

p<strong>le</strong>in air, et seul, un petit pare brise en p<strong>le</strong>xiglas, protégeait du courant d’air, <strong>le</strong><br />

visage des occupants. Les deux ai<strong>le</strong>s étaient soutenues par deux mats de bois,<br />

haubanés par des câb<strong>le</strong>s en métal. L’avion ne possédait aucun système de<br />

freinage, sinon sa béquil<strong>le</strong> arrière, lame d’acier recourbé. Sur <strong>le</strong> mat de l’ai<strong>le</strong><br />

gauche, une simp<strong>le</strong> pa<strong>le</strong>tte en métal fixée sur un ressort, et fixée par son<br />

extrémité supérieure, perpendiculairement au sens du vol, se déplaçant donc, en<br />

fonction de la vélocité, devant une petite plaque graduée, indiquait cette vitesse,<br />

en nœuds. Devant <strong>le</strong> pilote, sous <strong>le</strong> capot du moteur, était placé <strong>le</strong> réservoir<br />

d’essence, de 45 litres, sur <strong>le</strong>quel, sur sa partie haute, était un petit trou qui<br />

laissait passer une tige métallique, munie à sa base d’un simp<strong>le</strong> flotteur, et a son<br />

sommet, d’une petite bou<strong>le</strong> ronde, en bois rouge. La tige était graduée, et servait<br />

de jauge à essence, indiquée en gallons. Le tab<strong>le</strong>au de bord n’était équipé que<br />

d’un altimètre, gradué en pieds, d’un variomètre gradué en pieds par minutes,<br />

qui fournissait la va<strong>le</strong>ur du taux de montée ou de descente, d’un compas fixé au<br />

dessus du tab<strong>le</strong>au de bord, et d’une bil<strong>le</strong> se déplaçant dans un tube en verre<br />

arrondi vers <strong>le</strong> bas, indiquant l’inclinaison latéra<strong>le</strong> de l’avion, ou son taux de<br />

dérapage ou de glissade. En vol normal, correct, la bil<strong>le</strong> devant être maintenue<br />

au milieu, entre deux petits repères noirs. Pendant <strong>le</strong>s premières heures d’éco<strong>le</strong>,<br />

cette bil<strong>le</strong> était <strong>le</strong> cauchemar de l’élève pilote, surtout dans <strong>le</strong>s virages, <strong>le</strong><br />

moniteur rappelant très souvent la bil<strong>le</strong> !<br />

Dès <strong>le</strong> premier vol, vers mil<strong>le</strong> mètres d’altitude, il en faisait la<br />

démonstration, en déc<strong>le</strong>nchant une mise en vril<strong>le</strong> volontaire de l’avion, figure<br />

classique en éco<strong>le</strong>, que l’élève devait rattraper seul, impérativement avant d’être<br />

lâché pour son premier vol en solo.<br />

Comme <strong>le</strong> Père Harmel lui avait parlé de mon premier vol avec lui, il fut<br />

décidé que je serais son premier élève, et comme chaque <strong>le</strong>çon durait une demi<br />

88


heure, environ, il donna aux autres <strong>le</strong>ur tour de vol, disant que ceux qui<br />

voulaient attendre pouvaient rester sur <strong>le</strong> terrain, et commencer à étudier sa<br />

brochure, ou revenir, ensuite, pour effectuer <strong>le</strong>ur premier vol.<br />

Je m’assis en place pilote, et, comme l’avion n’avait pas de démarreur, <strong>le</strong><br />

moniteur alla placer deux ca<strong>le</strong>s en avant des roues, revint vers moi m’indiquant<br />

comment mettre <strong>le</strong> contact sur la première magnéto, puis sur <strong>le</strong>s deux<br />

magnétos, après <strong>le</strong> démarrage du moteur. Il me fit couper <strong>le</strong>s contacts, mettre<br />

un peu de gaz, avec <strong>le</strong>ur commande, me fit m’attacher avec <strong>le</strong>s cinq sang<strong>le</strong>s de<br />

sécurité, me recommanda de tenir <strong>le</strong> manche à fond, vers moi, et revenant à<br />

l’avant, il tourna plusieurs tours d’hélice pour alimenter <strong>le</strong>s cylindres,<br />

positionna l’hélice, cria Contact sur un , et tira rapidement, la pa<strong>le</strong> d’hélice<br />

vers <strong>le</strong> bas, <strong>le</strong> moteur démarrant aussitôt, puis nous avons commuté sur <strong>le</strong>s<br />

deux contacts, car il y a sur tous <strong>le</strong>s avions un doub<strong>le</strong> allumage. Il me demanda<br />

tout d’abord d’apprendre à rou<strong>le</strong>r, tourner, ra<strong>le</strong>ntir, accélérer, et, toutes ces<br />

évolutions au sol, durèrent dix bonnes minutes; je dois dire que je fus<br />

désagréab<strong>le</strong>ment surpris par la difficulté de ces manœuvres, nécessitant<br />

l’utilisation des palonniers (commandés par <strong>le</strong>s deux pieds), du manche, qui<br />

actionne la gouverne de profondeur et, éga<strong>le</strong>ment l’inclinaison de l’avion, en<br />

vol. (Je dois préciser, <strong>ici</strong>, qu’avec <strong>le</strong>s avions modernes, munis d’une rou<strong>le</strong>tte<br />

avant, reliée aux palonniers, cela rend plus faci<strong>le</strong> <strong>le</strong>s manœuvres au sol, surtout<br />

par vent de travers, où <strong>le</strong> comportement naturel de la machine est comparab<strong>le</strong> à<br />

celui d’une girouette, tendant à se placer toujours face au vent.<br />

Ce long commentaire, peut paraitre indigeste, mais il incite à se<br />

demander si ,fina<strong>le</strong>ment, la voiture ou <strong>le</strong> vélo, sont, ne sont pas plus pratiques<br />

et plus agréab<strong>le</strong>s pour se déplacer sur terre. C’est parfaitement vrai, mais ils<br />

ne vo<strong>le</strong>nt pas.<br />

<strong>Pour</strong> revenir à la <strong>le</strong>çon, je finis tout de même par m’aligner<br />

correctement sur la piste, et, enfin, Charpil<strong>le</strong>t, m’ayant rappelé, qu’à la mise<br />

des gaz, je devais impérativement contrer, avec <strong>le</strong> palonnier, <strong>le</strong> coup<strong>le</strong> de<br />

réaction du moteur, il me dit « Bon, maintenant que tu as fait connaissance<br />

avec la rétivité de ton avion pour évoluer au sol, tu vas être bien surpris de<br />

son obéissance en vol ». Tu vas donc décol<strong>le</strong>r, et applique toi à rester dans<br />

l’axe de la piste après <strong>le</strong> décollage ». Je mis donc <strong>le</strong>s gaz, et l’avion prit<br />

rapidement de la vitesse, avec, je dois <strong>le</strong> dire, quelques petites embardées,<br />

sans, toutefois la quitter , cette va<strong>le</strong>ur atteinte, <strong>le</strong> moniteur me dit de tirer,<br />

doucement <strong>le</strong> manche, et l’avion décolla enfin !!<br />

Aussitôt qu’il eut quitté <strong>le</strong> sol, son comportement changea tota<strong>le</strong>ment,<br />

et autant il était rétif, au sol, autant il était devenu doci<strong>le</strong> », après <strong>le</strong><br />

décollage. Cela devenait presque magique. Charpil<strong>le</strong>t me laissa monter à 1000<br />

mètres , puis me fit réduire <strong>le</strong>s gaz, pour vo<strong>le</strong>r en palier, à cette altitude, et<br />

m’apprit à virer, (bil<strong>le</strong> au milieu, et variomètre à zéro), puis a réduire ou<br />

augmenter <strong>le</strong>s gaz, pour descendre ou monter, et me dit d’essayer d’évoluer<br />

jusqu’à la vertica<strong>le</strong> d’un point précis du sol, d’où il me fit commencer la<br />

descente, dans l’axe de la piste, me faisant doser <strong>le</strong>s gaz, pour arriver jusqu’à<br />

la vertica<strong>le</strong> de l’entrée de la piste, puis me dit de <strong>le</strong>s couper, en tirant très<br />

<strong>le</strong>ntement <strong>le</strong> manche vers moi (cela s’appel<strong>le</strong> l’arrondi ), et fina<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s<br />

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oues touchèrent <strong>le</strong> sol, et toujours manche au ventre, la béquil<strong>le</strong> arrière traina<br />

sur <strong>le</strong> sol, freinant ainsi la vitesse.<br />

Charpil<strong>le</strong>t tout souriant me dit c’est bien, ce qui me fit <strong>le</strong> plus grand<br />

plaisir. Je roulai donc vers <strong>le</strong> hangar ou nous attendait l’élève suivant, et<br />

quittai l’avion, tout enchanté de cette première <strong>le</strong>çon.<br />

Figure 1 Le tiger moth d'éco<strong>le</strong> à Adrar<br />

J’allais au terrain, tous <strong>le</strong>s matins, et ce fut très vite <strong>le</strong> stade des<br />

atterrissages- décollages, Touch and go, en argot aviation. J’en faisais cinq ou<br />

six pendant la même séance. Le cinquième jour, après deux bons<br />

atterrissages-décollages, <strong>le</strong> moniteur descendit de l’avion, et me dit : tu<br />

décol<strong>le</strong>s, monte à 1500 pieds, te promènes sur la palmeraie, puis tu te reposes<br />

et me reprends en bout de piste. J’avoue que je ne m’attendais pas à être<br />

lâché , si tôt, mais j’en fus ravi. Je roulai donc, pour reprendre <strong>le</strong> point de<br />

décollage, mis <strong>le</strong>s gaz, et m’envolai. Je tournai pendant un bon quart d’heure<br />

au dessus de la palmeraie, puis je revins vers <strong>le</strong> terrain. Au moment où je<br />

décidai de me poser, je réalisai, soudain que j’étais seul à bord, et que <strong>le</strong><br />

moniteur n’étant plus avec moi, je devais atterrir par mes seuls moyens. Je<br />

dois avouer, que, malgré ces quelques secondes d’appréhension, mon atterro<br />

fut très convenab<strong>le</strong>.<br />

Charpil<strong>le</strong>t me dit que, <strong>le</strong> même soir, il nous invitait à son hôtel pour<br />

fêter <strong>le</strong>s ai<strong>le</strong>s de son premier élève, avec tous <strong>le</strong>s autres futurs pilotes, comme<br />

<strong>le</strong> veut la tradition, et ceci fut renouvelé après que chaque nouvel élève soit<br />

lâché, à son tour. Pendant <strong>le</strong>s quinze jours qui suivirent, je continuai a vo<strong>le</strong>r,<br />

parfois seul, parfois avec mon moniteur, qui en profitait pour me faire des<br />

pannes de moteur, en vol, me laissant rejoindre la piste, sans remettre <strong>le</strong>s gaz,<br />

ce que j’arrivai à faire correctement, après quelques essais, puis, il m’apprit à<br />

90


faire quelques loopings, et des mises en vril<strong>le</strong>, et la procédure pour en sortir<br />

etc. Pendant <strong>le</strong>s jours suivants, tous <strong>le</strong>s autres pilotes furent éga<strong>le</strong>ment lâchés,<br />

avec pot traditionnel, <strong>le</strong> soir. Un seul de ces élèves, <strong>le</strong> sergent, Bedouret,<br />

n’osait pas partir tout seul, et nous dit qu’il reprendrait des <strong>le</strong>çons lors d’un<br />

prochain stage à Adrar, Charpil<strong>le</strong>t devant retourner à Béchar, pour un stage<br />

avec d’autres élèves, mais il nous avait promis de revenir avec l’avion, après<br />

la fin de son autre stage. Nous verrons, plus loin, comment, pour lui se<br />

terminèrent ses projets.<br />

Mon travail, <strong>le</strong>s chantiers de routine,<br />

Je continuais, bien entendu, à assurer mon travail d’Ingénieur, qui<br />

était toujours aussi prenant : Une ou deux fois par semaine, j’allais sur <strong>le</strong>s<br />

chantiers de lutte antipaludique de Boudah, souvent accompagné, soit par <strong>le</strong><br />

Docteur Joseph, ou par mon épouse Leo, parfois par Pagès, mon ingénieur<br />

subdivisionnaire de Béchar, où, une fois ou deux, par an, par l’ingénieur en<br />

chef , monsieur Brochet, ou par l’Ingénieur d’arrondissement , Mr Salva .<br />

Parfois, éga<strong>le</strong>ment, j’emmenais visiter <strong>le</strong> chantier à des personnalités de<br />

passage, envoyées par <strong>le</strong> service, et que je promenais en jeep ou en<br />

Landrover. Le réseau des drains réalisés, dépassa rapidement la dizaine de<br />

kilomètres. Parallè<strong>le</strong>ment à ces ouvrages, nous aménagions, sur <strong>le</strong>urs déblais,<br />

une piste sommaire, pour <strong>le</strong> passage des véhicu<strong>le</strong>s tous terrains. Aussitôt que<br />

j’ai eu mon brevet de pilote, je fis réaliser, en une journée, une piste<br />

d’atterrissage pour m’y poser avec l’avion de Béchar, lorsqu’il revenait à<br />

Adrar.<br />

Au printemps, en automne, et en hiver, <strong>le</strong>s horaires de travail<br />

étaient de huit heures à midi, et de 14 heures à 17 heures 30. L’été, nous<br />

commencions à six heures, et finissions à midi, et nous retrouvions, en<br />

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généra<strong>le</strong>ment là, entre amis, a l’hôtel de la Transsaharienne, situé à l’ang<strong>le</strong><br />

nord est de la grande place d’Adrar, (réputée être aussi grande que la place de<br />

la Concorde), géré par Andréani, un ancien légionnaire , d’origine corse,<br />

d’une soixantaine d’années, qui assumait son rô<strong>le</strong> d’hôtelier avec beaucoup de<br />

compétence et de bonne humeur, sauf, comme cela lui arrivait quelquefois,<br />

avec son personnel, où avec un client de passage récalcitrant, qu’il traitait de<br />

tous <strong>le</strong>s noms d’oiseaux : ces colères étaient, cependant de courte durée, et<br />

tout rentrait vite dans l’ordre, souvent autour d’un verre d’anisette, boisson<br />

traditionnel<strong>le</strong> du pays.<br />

Nous arrivions donc, à midi, et j’attendais mon épouse qui avait été<br />

embauchée à l’annexe, et deux tab<strong>le</strong>s étaient déjà mises, avec <strong>le</strong>s verres, et<br />

une assiette de kémia, (amuse bouches), traditionnel<strong>le</strong>ment olives et anchois,<br />

et cacahouètes (caoucaou); dès qu’il nous voyait arriver, il apportait deux<br />

canettes de bière pour chacun de nous. La première était consommée illico, et<br />

la deuxième était dégustée tranquil<strong>le</strong>ment, pendant que l’on commentait <strong>le</strong>s<br />

dernières nouvel<strong>le</strong>s du pays, généreusement alimentées Radio Foggaras,<br />

transmises par <strong>le</strong> bouche à oreil<strong>le</strong>s, chacun apportant la sienne, ou, provenant<br />

de chauffeurs de passage, de méharistes au retour de missions, et de toutes<br />

autres origines. Il faut savoir que, si <strong>le</strong> Sahara était très étendu, au bout de<br />

quelques mois de séjour, on se retrouvait membre actif de cette communauté,<br />

et, à ce titre, connu dans tout <strong>le</strong> Sahara occidental, depuis <strong>le</strong> sud des hauts<br />

plateaux, au nord, Colomb béchar, à l’ouest, Tamanrasset à l’est, et la<br />

frontière soudanaise, au Sud.<br />

Tout déplacement sur <strong>le</strong>s pistes était régi par une tacite tradition, qui<br />

voulait que l’on s’arrête, systématiquement pour boire un thé, et se donner<br />

fraternel<strong>le</strong>ment des nouvel<strong>le</strong>s de toute cette co-fraternité saharienne, avant de<br />

reprendre la piste, <strong>le</strong> cœur réchauffé par ces haltes, dues à, la rigueur, pourtant<br />

magique de ces pays asséchés, ou la nature minéra<strong>le</strong> hosti<strong>le</strong> impose une<br />

fraternité à nul<strong>le</strong> autre pareil<strong>le</strong>, pourtant parfois contraignante, mais toujours<br />

présente et réconfortante.<br />

Le bridge<br />

Les soirées et <strong>le</strong>s après midi de bridge, en été, comme en hiver,<br />

étaient très longues et passionnantes. Les partenaires étaient <strong>le</strong> docteur<br />

Delbru, puis <strong>le</strong> docteur Joseph et <strong>le</strong>urs épouses, <strong>le</strong>ur adjoint, <strong>le</strong> docteur<br />

Foyer, qui était arrivé depuis peu de temps, ma femme, Léo, qui n’y avait<br />

jamais joué, et dont <strong>le</strong>s débuts furent diff<strong>ici</strong><strong>le</strong>s, mais qui, après une vingtaine<br />

de séances, devint une partenaire honorab<strong>le</strong>. Nous jouions, à cette époque là,<br />

avec la méthode de Culbertson, améliorée avec des conventions à nous, ce<br />

qui, comme nous avions toujours <strong>le</strong>s mêmes partenaires, nous permettait de<br />

réaliser de très beaux contrats. <strong>Pour</strong> bénéf<strong>ici</strong>er de donnes ayant des<br />

répartitions particulières, nous battions longuement <strong>le</strong>s cartes, ce qui<br />

agrémentait encore l’intérêt du jeu. L’été, nous jouions sur la terrasse<br />

occupant tout <strong>le</strong> toit de la maison, sur laquel<strong>le</strong> nous montions une tab<strong>le</strong> pour<br />

<strong>le</strong>s repas et <strong>le</strong> jeu, des chaises, un tapis, et des coussins, sur <strong>le</strong>quel nous nous<br />

installions pour boire <strong>le</strong> thé.<br />

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Atterrissage manqué : ma talonnade.<br />

Un jour de fin de printemps, je décidai, pour faire de l’ombre dans la<br />

cour d’entrée située devant la maison, de tendre des fils de fer, genre tonnel<strong>le</strong>,<br />

soutenant un entrelacs d’écorce de troncs de palmiers, lif , en arabe local.<br />

Je fis donc préparer par un artisan, cet ersatz de bâche, plus lourd que<br />

je ne <strong>le</strong> pensais, long de dix mètres, et large de six mètres ; puis, <strong>le</strong>s fils de fer<br />

de support, solidement fixés au sommet du mur, qui avait une hauteur de<br />

quatre mètres, nous avons, avec difficulté, monté, à l’aide de deux échel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong><br />

lif, enroulé, sur <strong>le</strong> sommet du mur. J’en avais attaché, une extrémité avec<br />

trois cordes, éga<strong>le</strong>ment confectionnées en lif, pour me permettre de tirer<br />

l’ensemb<strong>le</strong> depuis <strong>le</strong> mur opposé, où deux des ouvriers aidant au déroulage.<br />

Tout étant soigneusement préparé, je pris une échel<strong>le</strong>, et je montai<br />

debout, sur <strong>le</strong> mur, et commençai à tirer <strong>le</strong>s cordes. Tout se passa bien, au<br />

début, mais la corde cassa subitement, et je fis un saut péril<strong>le</strong>ux, en arrière, et<br />

tombai, debout, sur <strong>le</strong> sol, sur <strong>le</strong>s talons, ce qui me fit très mal ; Je m’étais fait<br />

une talonnade, accident spécifique et fréquent des parachutistes, qui se<br />

produit lors d’un atterrissage raté. J’ai du marcher, en boitant, pendant une<br />

quinzaine de jours. C’est mon ouvrier qui a terminé <strong>le</strong> travail, mais, je me<br />

dois de dire que nous avons pu ensuite profiter agréab<strong>le</strong>ment de l’ombre,<br />

d’autant plus, que, par la suite, j’avais planté des liserons grimpants, qui la<br />

décorèrent rapidement.<br />

Léo apprend à conduire<br />

Léo, qui n’avait pas <strong>le</strong> permis de conduire, décida d’apprendre la<br />

conduite, et m’accompagna souvent, au volant de ma jeep, ou de ma<br />

Landrover, pour s’entrainer. Les débuts furent hésitants, mais el<strong>le</strong> apprit<br />

assez vite, et même, trop vite, appuyant inconsidérément sur l’accélérateur,<br />

malgré mes nombreuses objurgations. Un jour, où nous arrivions au chantier<br />

de Boudah, sur la piste qui longeait <strong>le</strong>s drains, el<strong>le</strong> dérapa dans un petit<br />

virage, et la voiture tomba dans <strong>le</strong> drain, sans se renverser, heureusement,<br />

mais nous étions trempés. Il fallut l’aide d’une vingtaine d’ouvriers du<br />

chantier pour la remonter sur la piste, une heure d’efforts, et plusieurs heures<br />

de travail, pour remettre <strong>le</strong> drain en état. Au retour, c’est moi qui repris <strong>le</strong><br />

volant, et j’ai confié à mon mécan<strong>ici</strong>en la suite de son apprentissage. El<strong>le</strong><br />

passa, plus tard, son examen avec succès, avec <strong>le</strong> Capitaine Vallée, de<br />

l’annexe, chargé de l’octroi des permis militaires et civils. Bien entendu, ce<br />

fut encore l’occasion d’un pot, avec tous nos amis, chez Andréani.<br />

Le méhariste b<strong>le</strong>ssé dans l’Erg Chech :<br />

Un jour, vers 9 heures du matin, je fus appelé au bureau du capitaine<br />

qui commandait <strong>le</strong>s pelotons méharistes du Touat, et, il me demanda, sachant<br />

que je connaissais bien toute la région, et que j’avais mon brevet de pilote,<br />

d’aider à mener à bien, une évacuation sanitaire, concernant un de ses<br />

hommes, un sergent, qui commandait un peloton de douze méharistes, en<br />

tournée dans l’Erg Chech, et qui avait été accidentel<strong>le</strong>ment b<strong>le</strong>ssé par un coup<br />

de mousqueton tiré par un de ses hommes. Il m’indiqua que <strong>le</strong> Commandant<br />

du Territoire en poste à Colomb Béchar, avait pris contact avec la base<br />

aérienne d’Oran, qui se proposait d’envoyer un avion sanitaire, Morane<br />

Saulnier, avec un infirmier, pour <strong>le</strong> prendre en charge et <strong>le</strong> ramener à l’hôpital<br />

93


d’Oran. Le problème était de repérer un terrain de fortune où l’avion pourrait<br />

atterrir, sur la bordure orienta<strong>le</strong> de l’erg Chech, entre la grande piste impéria<strong>le</strong><br />

d’Adrar à Gao, à une centaine de kilomètres au sud de Reggan.<br />

J’ai accepté la mission, et il nous fallut une bonne partie de l’après midi,<br />

pour en mettre au point, cette opération, par échanges successifs de<br />

télégrammes radio, entre nous, à Adrar, et <strong>le</strong> pilote à Oran.<br />

Le point de rendez vous lui serait communiqué, par radio à Adrar,<br />

où il devrait refaire son p<strong>le</strong>in de carburant.<br />

Nous sommes donc partis d’Adrar, vers minuit, avec ma Jeep, et mon<br />

fidè<strong>le</strong> graisseur mécan<strong>ici</strong>en, Ben Salah, en convoi avec un Dodge 6x6 de la<br />

compagnie méhariste, équipé d’une radio, et de son télégraphiste, sur <strong>le</strong>quel, en<br />

plus d’eau et de vivres, destinés aux méharistes du peloton, j’avais demandé<br />

que l’on emporte une dizaine de chèches (longs foulards en tissu kaki), blancs,<br />

qui, étalés au sol, seraient d’excel<strong>le</strong>nts repères pour <strong>le</strong> pilote. Nous avions<br />

repéré, sur une carte, la position du peloton, et rechercherions <strong>le</strong> terrain<br />

d’atterrissage, <strong>le</strong> plus près possib<strong>le</strong> de la ligne droite, jalonnée de dunes, que<br />

devait suivre ce peloton des méharistes; Ils feraient ce parcours pendant la<br />

nuit, avec <strong>le</strong> b<strong>le</strong>ssé sur un brancard, pour nous rejoindre sur l’endroit repéré, <strong>le</strong><br />

plus près possib<strong>le</strong> .près de <strong>le</strong>ur point de sortie de l’erg. Ces méharistes avec<br />

<strong>le</strong>ur télégraphiste, restèrent toutes <strong>le</strong>s heures de la nuit, en contact radio avec<br />

nous. Nous sommes arrivés faci<strong>le</strong>ment, de nuit, sur <strong>le</strong> point de rendez vous,<br />

avec de l’avance, peu avant l’aube, et, après deux heures de repos, nous avons<br />

eu un contact radio, avec <strong>le</strong>s eux, vers cinq heures du matin. Ils nous ont fait<br />

savoir qu’ils allaient bientôt arriver à la bordure de l’erg.<br />

Nous avons attendu que <strong>le</strong> jour soit bien <strong>le</strong>vé, puis, seul avec la Jeep et<br />

mon mécan<strong>ici</strong>en, je suis parti à la recherche d’un terrain propice, pour y poser<br />

l’avion. La recherche ne fut pas très longue, et nous avons trouvé une longue<br />

bande de reg, convenab<strong>le</strong>, sur laquel<strong>le</strong> nous avons fait plusieurs va et vient, en<br />

Jeep, pour contrô<strong>le</strong>r que sa portance était bonne. El<strong>le</strong> se situait à une quinzaine<br />

de kilomètres au sud-sud-est du point de rendez vous initial. Je revins ensuite,<br />

vers <strong>le</strong> 6x6. Nous y avons trouvé <strong>le</strong> peloton et son b<strong>le</strong>ssé, et nous avons envoyé<br />

aussitôt un message radio à Adrar, pour donner au pilote, la position du point<br />

d’atterrissage, lui dire que tout était OK, et que l’état du malade était bon. On<br />

nous préviendrait alors, de l’heure du décollage de l’avion sanitaire.<br />

Comme nous nous trouvions sur une zone parsemée de buissons<br />

d’épineux, nous allumerions un grand feu pour qu’il nous repère faci<strong>le</strong>ment.<br />

Nous sommes partis, aussitôt, avec la Jeep et <strong>le</strong> Dodge, près de la piste<br />

choisie, et nous avons déployé <strong>le</strong>s chèches, sur <strong>le</strong> sol, en <strong>le</strong>s maintenant avec<br />

des cailloux, pour que <strong>le</strong> vent ne <strong>le</strong>s déplace pas. Nous en avons même, fixé un,<br />

par une de ses extrémités, sur un bâton, pour servir de biroute, (manche à air),<br />

donnant au pilote une indication sur la direction, et la force du vent. Après<br />

avoir fait quelques va et vient supplémentaires avec la jeep, et <strong>le</strong> dodge, sur<br />

cette piste improvisée, nous avons attendu l’arrivée de l’avion.<br />

Un message radio nous parvint enfin d’Adrar (Nous avions décidé d’une<br />

vacation radio tous <strong>le</strong>s quart d’heures), nous indiquant que l’avion venait de<br />

décol<strong>le</strong>r et devrait arriver environ une heure quinze plus tard.<br />

94


Comme nous étions nombreux, nous avons empilé un gros tas de bois, à<br />

une vingtaine de mètres de la piste, en tenant compte de la direction du vent<br />

pour que la fumée se dirige à l’opposé, donnant donc au pilote, des<br />

renseignements supplémentaires sur la direction et la force du vent. Le feu, fut<br />

allumé peu avant l’heure prévue de l’arrivée de l’avion, qui se présenta<br />

quelques minutes après, décrivit un cerc<strong>le</strong> au dessus de la piste, puis se posa,<br />

sans aucun problème. Pendant que <strong>le</strong> b<strong>le</strong>ssé était soigné par l’infirmier, qui fit<br />

un pansement rationnel sur la plaie, nous avons longuement discuté avec <strong>le</strong><br />

pilote, <strong>le</strong> Capitaine Bomo, qui me remercia pour <strong>le</strong> choix et la préparation du<br />

terrain. Il me dit que notre dispositif de repérage était excel<strong>le</strong>nt, et que, s’il<br />

revenait dans la région, il ne manquerait pas de se poser à Adrar, pour me<br />

revoir. De plus, il me fél<strong>ici</strong>ta d’avoir mon brevet de pilote, ce qui me donnait<br />

accès à la confrérie des gens de l’aviation, et j’eus l’occasion d’en profiter<br />

pendant toute ma vie d’aviateur.<br />

*Cette opportunité ne se présenta pas, mais, une quinzaine d’années<br />

plus tard, lors d’un atterrissage sur l’aérodrome de Castres, nous nous<br />

sommes rencontrés, par hasard, et il me dit, qu’il avait pris sa retraite, qu’il<br />

habitait, maintenant ce pays, et m’invita à prendre un repas au restaurant de<br />

terrain. Bien entendu, nous avons reparlé de la mission d’évacuation du b<strong>le</strong>ssé,<br />

et de ses activités de loisir, la principa<strong>le</strong>, étant qu’il donnait des <strong>le</strong>çons de<br />

pilotage aux élèves de l’Aéro club local.<br />

A mon retour de cette mission, <strong>le</strong> Commandant de la compagnie<br />

méhariste me fit appe<strong>le</strong>r, me remercia chaudement, et m’apprit que <strong>le</strong> b<strong>le</strong>ssé<br />

était hors de danger. Il me dit, aussi, que <strong>le</strong> méhariste qui avait tiré sur lui,<br />

avait été interné, pour quelques mois, l’accident ayant été provoqué par une<br />

attaque de délirium trémens.<br />

Anecdotes concernant <strong>le</strong>s méharistes du Touat.<br />

<strong>Pour</strong> clore ce chapitre, il me parait opportun de par<strong>le</strong>r, <strong>ici</strong>, du travail de<br />

ces méharistes de la compagnie du Touat, et de relater quelques anecdotes,<br />

strictement véridiques, sur la vie solitaire de ces hommes, isolés dans<br />

l’immensité du désert, chargés de missions, dans des pelotons itinérants,<br />

longues d‘un millier de kilomètres, durant parfois deux mois, avec un seul<br />

contact radio journalier, pour donner <strong>le</strong>ur position , ou quelques indications<br />

sur <strong>le</strong>s tribus nomades, ou sur <strong>le</strong>s caravanes qu’ils rencontraient. L’itinéraire à<br />

parcourir était décidé à la compagnie, parfois, de façon routinière, parfois en<br />

fonction de renseignements d’ordre militaire, pour confirmer ou infirmer ces<br />

informations.<br />

Le peloton était sous <strong>le</strong>s ordres d’un sergent chef, ou d’un adjudant,<br />

comprenait un radioté<strong>le</strong>graphiste, un homme ayant fait un stage rapide<br />

d’infirmier, et une dizaine de méharistes, en général, des arabes du pays. La<br />

mission s’effectuait, avec un trajet d’environ quarante kilomètres par jour,<br />

calculée en fonction des puits qui <strong>le</strong> jalonnaient, et était ravitaillée en vivres,<br />

tous <strong>le</strong>s quinze jours, environ, à des points de rendez vous fixés, sur des<br />

pistes, où un Dodge 6x6, parti d’Adrar, <strong>le</strong>s attendait, avec du ravitail<strong>le</strong>ment.<br />

Parfois, en cours de mission, s’ils traversaient des zones à végétation<br />

d’épineux (pâturages à dromadaires), <strong>le</strong> peloton faisait une pause d’un ou<br />

deux jours, pour que <strong>le</strong>urs animaux, très sobres, mais travaillant sur <strong>le</strong>s<br />

95


éserves contenues dans <strong>le</strong>ur bosse, (qui fondait de jour en jour), puissent la<br />

refaire, pour rester continuel<strong>le</strong>ment en forme.<br />

On pourrait imaginer que <strong>le</strong>s méharistes passaient <strong>le</strong>ur journée entière<br />

sur <strong>le</strong>urs montures, mais, en fait, ils faisaient la plus grande partie de <strong>le</strong>ur<br />

trajet, à pied, suivant <strong>le</strong>s animaux, surtout dans <strong>le</strong>s ergs, où ils s’efforçaient de<br />

suivre <strong>le</strong>s feidjs, dépressions allongées entre <strong>le</strong>s dunes, l’escalade de cel<strong>le</strong>sci,<br />

étant très pénib<strong>le</strong>, tant pour <strong>le</strong>s animaux que pour <strong>le</strong>s hommes.<br />

Oual<strong>le</strong>n<br />

La compagnie méhariste gérait, éga<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> poste d’Oual<strong>le</strong>n, situé à<br />

250 kilomètres au sud d’Adrar, et à 40 kilomètres à l’ouest de la piste<br />

impéria<strong>le</strong>, dans une zone de reliefs abrupts, de cou<strong>le</strong>ur noire, zone stratégique<br />

par laquel<strong>le</strong> passaient <strong>le</strong>s caravanes de marchandises en provenance du Niger.<br />

Un fortin de pierres avait été édifié, et un petit peloton de six hommes,<br />

commandés par un sergent chef, assisté d’un radiotélégraphiste, et d’un météo<br />

militaire, y résidaient en permanence, ravitaillés en eau par un puits situé dans<br />

la cour intérieure, et en vivres, tous <strong>le</strong>s mois, par un 4x4 de la compagnie<br />

d’Adrar. Ils étaient remplacés tous <strong>le</strong>s trois mois par un nouveau peloton,<br />

souvent choisi par mesure disciplinaire. Oual<strong>le</strong>n était particulièrement<br />

sinistre, avec tout ce paysage de roches noires, très sec, et presque sans<br />

végétation, si ce n’est quelques plants de r<strong>ici</strong>ns, et deux palmiers étiques,<br />

plantés dans la cour intérieure du fort. Les méharistes fabriquaient <strong>le</strong>ur pain<br />

tous <strong>le</strong>s trois jours, dans un four, attenant au bâtiment principal.<br />

Un jour, <strong>le</strong> commandant de la compagnie fut informé, par un nomade qui<br />

était passé par Oual<strong>le</strong>n, que trois fil<strong>le</strong>s occupaient <strong>le</strong>s loisirs du peloton,<br />

vivant avec <strong>le</strong>s hommes, dans <strong>le</strong> fort. Ce brave commandant, décida aussitôt,<br />

de se rendre sur place, sans <strong>le</strong>s prévenir. Il partit donc en Jeep, un matin,<br />

accompagné d’un seul chauffeur, et d’un lieutenant, pour mettre un terme à<br />

ce manquement grave à la discipline. A son arrivée au poste, il fut <strong>accueil</strong>li<br />

rég<strong>le</strong>mentairement par <strong>le</strong>s militaires, mais ils parurent surpris lorsque <strong>le</strong>ur<br />

supérieur demanda des nouvel<strong>le</strong>s des trois fil<strong>le</strong>s. Ils finirent par avouer que,<br />

dès qu’ils avaient vu arriver la Jeep, ils <strong>le</strong>s avaient cachées dans <strong>le</strong> four à<br />

pain, d’où <strong>le</strong>s malheureuses furent extraites, toutes rouges, et mal en point.<br />

La punition pour <strong>le</strong> peloton ne se fit pas attendre, <strong>le</strong> commandant reconduisit<br />

pour trois nouveaux mois, <strong>le</strong>ur séjour à Oual<strong>le</strong>n, et il remmena <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s à<br />

Adrar, où <strong>le</strong> chef d’annexe <strong>le</strong>s <strong>accueil</strong>lit très fraichement, et <strong>le</strong>ur interdit de<br />

pratiquer toute activité de respectueuses, pendant trois mois.<br />

Une autre fois, <strong>le</strong> chef de poste, responsab<strong>le</strong> du matériel, un plaisantin,<br />

un peu détraqué par son séjour, écrivit dans un compte rendu d’inventaire du<br />

matériel : qu’une enclume avait disparu, emportée par un fort vent de sab<strong>le</strong> ».<br />

Il paraitrait que son supérieur, ayant un certain humour, lui passa un savon,<br />

mais ne <strong>le</strong> punit pas.<br />

On racontait encore, mais ne l’ayant pas vécu, je ne me porte pas garant<br />

de la véracité de cette anecdote, qu’un certain méhariste de Oual<strong>le</strong>n, devenu<br />

un peu cinglé, se perchait sur <strong>le</strong> mur d’enceinte du bordj, équipé d’une canne<br />

à pêche en roseau, et péchait des harengs saurs, qu’un de ses copains noir<br />

accrochait au hameçon.<br />

96


Bidon 5<br />

Le poste de Bidon 5, était aussi géré par la compagnie méhariste du Touat,<br />

avec un peloton de méharistes, comme celui d’Oual<strong>le</strong>n. Il était situé, sur <strong>le</strong><br />

tracé de la piste impéria<strong>le</strong>, à 500 kilomètres au sud de Reggan, et il avait été<br />

ainsi baptisé, parce que, cette piste est balisée, tous <strong>le</strong>s cent kilomètres, par un<br />

bidon de 200 litres, rempli de sab<strong>le</strong>.<br />

Les hommes du peloton, avaient l’avantage, sur ceux de Oual<strong>le</strong>n, de<br />

d’être une étape, pour tous <strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s qui se rendaient à Gao, ou en<br />

revenaient.<br />

Je m’y suis arrêté, quelquefois, et j’ai connu <strong>le</strong>ur chien, un malheureux<br />

fox terrier rescapé, baptisé Jésus, et qui boitait assez bas.<br />

A Bidon 5, avait été édifiée une tour métallique d’une dizaine de mètres<br />

de haut, qui supportait un phare à gaz, et l’antenne radio des militaires.<br />

Un jour ceux-ci, qui utilisaient de fusées rouges de signalisation, récupérèrent<br />

deux parachutes de ces fusées, et décidèrent d’en équiper <strong>le</strong> malheureux<br />

animal, et de <strong>le</strong> lâcher du haut de la tour, ce qui fut aussitôt fait. Le parachute<br />

s’ouvrit bien, mais, trop petit pour <strong>le</strong> poids du chien, <strong>le</strong> pauvre animal se cassa<br />

une patte et se sortit de l’aventure avec une attel<strong>le</strong> de fortune. Quand aux<br />

militaires, ils eurent droit à un sérieux savon du commandant. Cette histoire,<br />

était connue de tous <strong>le</strong>s sahariens de l’époque, qui ne manquaient jamais,<br />

lorsqu’ils passaient à Bidon 5, de prodiguer quelques douces caresses à Jésus.<br />

Les visites à Reggan, chez <strong>le</strong> lieutenant Ponceau<br />

Tous <strong>le</strong>s deux ou trois mois, nous étions invités à Reggan, par <strong>le</strong> chef<br />

de poste, <strong>le</strong> lieutenant Ponceau, pour par<strong>le</strong>r de futurs chantiers de drainage,<br />

de puits, ou de foggaras à réaménager dans son secteur. Léo, m’accompagnait<br />

lors de ces petits déplacements, de 500 kilomètres al<strong>le</strong>r et retour.<br />

La femme du lieutenant était une magnifique blonde, très allumeuse,<br />

mais très bonne cuisinière et maitresse de maison, aimant beaucoup recevoir,<br />

car à Reggan il n’y avait qu’une dizaine d’européens, dont un sergent chef, un<br />

radioté<strong>le</strong>graphiste, et un météo, et <strong>le</strong>s visiteurs étaient rares<br />

Le lieutenant Ponceau, était un homme de tail<strong>le</strong> moyenne, râblé et beau<br />

garçon, portant très bien l’uniforme, très fantaisiste, mais efficace dans son<br />

travail. Il avait été nommé à Reggan quelques mois avant notre arrivée à<br />

Adrar et il faisait souvent <strong>le</strong> déplacement Reggan Adrar, pour des réunions<br />

avec <strong>le</strong> commandant de l’annexe, qui était son supérieur hiérarchique direct.<br />

Lors de notre première visite à Reggan, il me demanda si j’étais un bon<br />

tireur, car il avait, lui-même, la passion des armes. Comme je l’avais<br />

éga<strong>le</strong>ment, il me dit que nous allions prendre sa jeep, accompagnés d’un de<br />

ses hommes, pour al<strong>le</strong>r tirer quelques cartouches sur <strong>le</strong> reg, à quelques<br />

kilomètres du poste.<br />

Nous avons mis, immédiatement ce projet à exécution, et, arrivés sur ce<br />

site, nous avons, chacun, vidé quelques chargeurs sur des rochers, avec une<br />

assez bonne précision. Après ces tirs, il me demanda si j’avais déjà eu l’occasion<br />

d’utiliser un fusil mitrail<strong>le</strong>ur. Sur me réponse négative, il me proposa d’essayer<br />

celui qu’il avait amené. Il mit un chargeur, visa des rochers, puis rechargea<br />

l’arme, et me la donna, pour l’essayer à mon tour. Innocemment, je la pris, visai<br />

97


un rocher, …et me sentis irrésistib<strong>le</strong>ment partir en arrière sous l’effet du recul,<br />

sans avoir <strong>le</strong> réf<strong>le</strong>xe de relâcher la détente ; je tombai sur <strong>le</strong>s fesses, continuant<br />

toujours à tirer. Ponceau et son homme, riaient aux éclats, sans réaliser que, ne<br />

contrôlant plus mon tir, j’aurais pu <strong>le</strong>s atteindre, involontairement. Je lui<br />

reprochai de ne pas m’avoir prévenu que <strong>le</strong> recul de ce fusil, nécessitait de bien<br />

se stabiliser, avec une jambe en avant, pour éviter pareil<strong>le</strong> mésaventure. Après<br />

cet essai peu glorieux, il reprit l’arme, et me montra quel<strong>le</strong> était la bonne<br />

position à adopter. Ayant remis un chargeur, j’essayai à nouveau, et je réussis,<br />

tant bien que mal, à toucher <strong>le</strong> rocher servant de cib<strong>le</strong>. Je n’ai plus jamais eu<br />

d’autres occasions d’utiliser une arme de ce genre, mais je n’ai jamais oublié<br />

cette <strong>le</strong>çon.<br />

Au retour au poste, je lui dis que je lui réservais un chien de ma chienne, et<br />

l’occasion se présenta, quelques mois plus tard, un jour où je vins me poser à<br />

Reggan avec un autre avion Tiger moth de l’Aéro club, qui était maintenant basé<br />

à Adrar, et que j’utilisais sans moniteur, pour mes déplacements sur <strong>le</strong>s<br />

chantiers, ou pour me rendre assez souvent à Colomb Béchar. J’avais déjà, à<br />

mon actif une cinquantaine d’heures de vol, et commençais à me sentir très à<br />

l’aise aux commande s du Tigre. Je pilotais, maintenant, la machine aux fesses,<br />

sans plus avoir à me préoccuper de la bil<strong>le</strong> ou du variomètre, et j’avais acquis<br />

des réf<strong>le</strong>xes qui me permettaient, en vol, de pouvoir profiter du paysage, de faire<br />

des photos etc. (Il faut dire que <strong>le</strong> pilotage d’un avion ne nécessite pas,<br />

contrairement à celui d’une voiture, d’avoir, en permanence <strong>le</strong>s yeux fixés sur la<br />

route, et que l’avion , bien réglé en palier, vo<strong>le</strong> tout seul, même si on lâche <strong>le</strong>s<br />

commandes).<br />

Je proposai donc à Ponceau de lui faire survo<strong>le</strong>r la palmeraie et ses<br />

a<strong>le</strong>ntours, ce qu’il accepta aussitôt. Nous avons fait un vol d’une vingtaine de<br />

minutes, sagement, d’abord, puis, sans <strong>le</strong> prévenir, j’ai effectué quelques<br />

loopings et mises en vril<strong>le</strong>, et, tout content, nous nous sommes posés. Ponceau<br />

était pâlichon, et me passa un savon. Je lui rappelai, alors mes mésaventures<br />

avec <strong>le</strong> fusil mitrail<strong>le</strong>ur et ma satisfaction de lui avoir rendu la pareil<strong>le</strong>. Il en<br />

rigola franchement, après avoir repris ses esprits, puis il me demanda de faire<br />

vo<strong>le</strong>r son épouse, mais sans aucune fantaisie, plus ou moins acrobatique.<br />

Ce qui fut aussitôt fait et lui donna toute satisfaction d’avoir vu son<br />

b<strong>le</strong>d, d’en haut.<br />

L’accident de Bedouret<br />

Un jour, en début d’après midi, je décidai d’al<strong>le</strong>r en avion, visiter,<br />

mon chantier de Boudda. Le matin, j’avais demandé au moniteur si cela<br />

était possib<strong>le</strong> en début d’après midi, et il me dit qu’il devait, vers 14 heures,<br />

lâcher, enfin ! , Bedouret qui avait toujours hésité à se décider, et que je<br />

pouvais disposer de l’avion, vers 15 heures.<br />

Je suis donc parti vers <strong>le</strong> terrain, un peu avant cette heure là, et juste<br />

avant d’y parvenir, je vis une grande fumée noire en dehors de la piste, à une<br />

cinquantaine de mètres du hangar; c’était l’avion qui était en flammes.<br />

En dehors des heures d’arrivée des avions de ligne, aucune<br />

permanence n’était assurée. Je décidai, sur <strong>le</strong> champ, de rentrer dans <strong>le</strong><br />

hangar, avec la Jeep, pour accrocher la remorque incendie, munie de gros<br />

extincteurs à mousse, et me rendis vers l’avion. Je n’ai pu m’en approcher<br />

98


qu’à une quinzaine de mètres, tel<strong>le</strong>ment la cha<strong>le</strong>ur était intense. J’ai bien<br />

essayé de me servir du gros extincteur, mais étant trop loin du brasier, la<br />

mousse carbonique n’atteignait pas l’avion. Je ne pouvais plus rien faire que<br />

de retourner à Adrar, pour chercher des secours. Pendant que je décrochais la<br />

remorque incendie, je vis arriver deux Jeeps, dont une, cel<strong>le</strong> du docteur, avec<br />

un brancard, assisté de son infirmier, et cel<strong>le</strong> du chef d’annexe, avec un<br />

lieutenant et un de ses hommes. Ceux-ci, furent aussi choqués que moi. La<br />

fumée noire très visib<strong>le</strong> depuis <strong>le</strong> village, avait immédiatement déc<strong>le</strong>nché<br />

l’a<strong>le</strong>rte. Nous ne pouvions rien faire qu’attendre que <strong>le</strong> brasier s’atténue, pour<br />

constater <strong>le</strong>s dégâts. Nous pensions que <strong>le</strong> moniteur et son élève brulaient<br />

dans l’avion, car <strong>le</strong> terrain semblait désert. Lorsqu’enfin <strong>le</strong> feu s’atténua,<br />

nous avons pu utiliser <strong>le</strong> gros extincteur à mousse, et, nous approchant de<br />

l’épave, nous avons pu éteindre <strong>le</strong>s braises, avec la mousse carbonique.<br />

Il ne restait que la carcasse en tubes métalliques tordus, <strong>le</strong> bois et la toi<strong>le</strong><br />

ayant entièrement brulé. Nous pensions trouver <strong>le</strong>s corps du moniteur et de<br />

l’élève dans cette carcasse, quand nous avons, soudain, vu quelqu’un, bouger<br />

dans l’épave, et nous sommes précipités, docteur et infirmiers en tête, pour <strong>le</strong><br />

sortir et commencer à <strong>le</strong> soigner. Il n’y avait pas <strong>le</strong> corps du moniteur dans<br />

<strong>le</strong>s débris, et, nous avons supposé qu’il avait été éjecté au moment du choc.<br />

Le médecin s’occupa de soigner Bedouret, qui, bien qu’atteint de nombreuses<br />

brulures, avait repris conscience, et il fut aussitôt transporté à l’hôpital.<br />

Nous restions sur <strong>le</strong> terrain, avec <strong>le</strong> chef d’annexe, et plusieurs autres<br />

personnes arrivées entre temps, et avec la jeep, je partis vers la piste, pensant<br />

y trouver <strong>le</strong> moniteur, je finis par l’apercevoir, allongé, à son extrémité, très<br />

choqué, et je l’embarquai aussitôt et <strong>le</strong> conduisis à l’hôpital, où <strong>le</strong> docteur put<br />

<strong>le</strong> soigner.<br />

Un avion sanitaire, arriva <strong>le</strong> soir même à Adrar, et transporta Bedouret à<br />

Alger.<br />

Nous avons eu, plus tard de bonnes nouvel<strong>le</strong>s sur son état de santé.<br />

Que s’était il passé, exactement, pour expliquer ce dramatique accident ?<br />

Une longue enquête, auprès des camarades de la malheureuse victime, des<br />

dires du moniteur, qui resta plusieurs jours en état de choc psychologique, se<br />

sentant responsab<strong>le</strong> du désastre, et des dires de quelques autres témoins,<br />

relations de Bedouret, <strong>le</strong>s raisons de l’accident finirent par être connues<br />

clairement.<br />

En vo<strong>ici</strong> <strong>le</strong>s circonstances : tout d’abord, <strong>le</strong> moniteur nous expliqua<br />

que, depuis longtemps, Bedouret souhaitait vivement être lâché, et que, la<br />

veil<strong>le</strong> de l’accident il lui avait dit que cela se ferait <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain. Il en avait<br />

parlé avec ses camarades, avec beaucoup de conviction, <strong>le</strong>ur disant que, s’il se<br />

voyait mal en point, seul à bord, il rejoindrait <strong>le</strong> sol, au plus vite, même si son<br />

atterrissage devait être mauvais.<br />

<strong>Pour</strong> <strong>le</strong> moniteur : il avait bien ressenti l’appréhension de son élève,<br />

mais, comme il avait fait de nombreux atterrissages très corrects, il avait<br />

décidé de <strong>le</strong> laisser partir seul, n’imaginant pas qu’il allait s’affo<strong>le</strong>r, au point<br />

de, précipiter son avion au sol, comme il <strong>le</strong> vit faire, en spectateur impuissant<br />

de la catastrophe.<br />

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Les conséquences de ce sinistre, furent que l’Aéro club perdit son<br />

avion, qui n’a été remplacé que quelques mois plus tard, que <strong>le</strong> malheureux<br />

Charpil<strong>le</strong>t, en fut très longtemps affecté, et que mon épouse, ayant pensé que<br />

c’était moi qui étais dans l’avion, jusqu’au moment où je revins à la maison,<br />

me fit promettre d’abandonner l’aviation, ce que j’acceptai, vraiment à<br />

contrecœur, et cela pendant quelques mois, jusqu'à l’arrivée d’un nouvel<br />

avion, et sur l’insistance du Père Harmel, venu pour quelques jours à Adrar,<br />

avec Verrut, un nouveau moniteur, Charpil<strong>le</strong>t ayant décliné l’offre du Père, de<br />

revenir à Adrar. Léo accepta, fina<strong>le</strong>ment de me délier de ma promesse, ce qui<br />

me remit du baume au cœur.<br />

En ce qui concerne Bedouret, il s’en sortit très bien, et après six mois<br />

passés à l’hôpital d’Alger, il se remit tota<strong>le</strong>ment de son accident, épousa son<br />

infirmière, et quitta l’Armée.<br />

Premières vacances en France<br />

Pendant tout notre séjour au Sahara, <strong>le</strong> service ne me paya qu’une seu<strong>le</strong><br />

fois, un voyage en France, pour un mois, avec ma famil<strong>le</strong>.<br />

A la fin de ce séjour, j’avais réservé nos places dans un avion de la<br />

compagnie Alpes Provence, pour un départ de Montpellier vers Oran, avec<br />

une esca<strong>le</strong> à Perpignan. Nous étions en liste d’attente, et, trois jour avant la<br />

date fixée, par téléphone, la compagnie nous avisa que pour ce vol, l’avion<br />

était comp<strong>le</strong>t, et nous demanda de prendre un avion qui partait la veil<strong>le</strong> et<br />

faisait esca<strong>le</strong> à Marseil<strong>le</strong>, et Alger, avant de se poser à Oran. Ce contretemps<br />

nous faisait perdre un jour de congé, mais il fallut bien l’accepter.<br />

Nous avons donc fait ce voyage, et, comme j’avais alors, <strong>le</strong> brevet de<br />

pilote, j’ai pu rester, avec l’équipage, au poste de pilotage. Après <strong>le</strong> décollage<br />

d’Alger, il y eut une légère odeur d’essence dans ce poste, ce qui motiva <strong>le</strong><br />

pilote à allumer <strong>le</strong> panneau lumineux Défense de fumer, qui était dans la<br />

cabine des passagers.<br />

Nous nous sommes posés, fina<strong>le</strong>ment posés sur <strong>le</strong> terrain d’Oran, et,<br />

après avoir pris congé de l’équipage qui rentrait <strong>le</strong> soir même, sur C<strong>le</strong>rmont<br />

Ferrand, nous avons rejoint la vil<strong>le</strong>, où nous devions passer deux jours pour<br />

rencontrer Monsieur Brochet. Nous avions une chambre à l’hôtel Martinez, où<br />

nous descendions habituel<strong>le</strong>ment.<br />

Le sur<strong>le</strong>ndemain matin, au réveil, on nous montait <strong>le</strong> petit déjeuner, et<br />

<strong>le</strong> journal du jour. Je pris <strong>le</strong> journal, et en gros titres, sur la première page était<br />

imprimé : Sans nouvel<strong>le</strong>s du F- BEIZ, De la Compagnie Alpes Provence,<br />

perdu en Méditerranée, au large des Baléares. Cela nous fit sursauter, car<br />

c’était <strong>le</strong> même appareil que nous avions pris, l’avant-veil<strong>le</strong>, à notre retour de<br />

vacances. Aucune autre information ne fut donnée sur cette disparition, et j’ai<br />

toujours supposé que l’odeur d’essence que nous avions sentie pendant notre<br />

vol de retour vers Oran, avait du, fina<strong>le</strong>ment provoquer l’explosion de ce<br />

DC3, sur la méditerranée.<br />

Ce jour là, <strong>le</strong> Ciel n’avait pas voulu de nous, et ce n’est pas la seu<strong>le</strong><br />

fois, lors de mes nombreuses heures de pilotage, que j’ai eu la même chance.<br />

100


Khattara dans la palmeraie d’Adrar<br />

Avec un taxi, <strong>le</strong> soir de notre arrivée en 2.006 ans la sebkha de Timimoun<br />

101


1<br />

.<br />

Eolienne et puits d’Adrar réalisés par nous en 1955<br />

Photo prise lors de notre de notre visite en 2006<br />

102


103


Le puits et l’éolienne d’Adrar : (Voir photos)<br />

Lors d’une tournée de messieurs Brochet, Pagès et Salva ils me firent<br />

part de la décision du service, d’instal<strong>le</strong>r une grande éolienne, sur un terrain<br />

d’Adrar, en accord avec <strong>le</strong> chef d’annexe, qui, informé par ses supérieurs,<br />

devrait s’occuper, en collaboration avec <strong>le</strong> service, de définir la zone où<br />

serait installé cet appareil, et <strong>le</strong>s jardins qu’il irriguerait.<br />

Nous avons donc eu une réunion préliminaire à l’annexe, à laquel<strong>le</strong><br />

assistaient mes supérieurs, et un envoyé du ministère de l’agriculture, ainsi que<br />

du colonel commandant <strong>le</strong>s territoires du sud. Ce projet, assez grandiose, fut<br />

adopté, et, sa réalisation commença très vite. J’avais la responsabilité de<br />

diriger, tous ces travaux, avec <strong>le</strong> concours de Pagès. La zone retenue, d’une<br />

superf<strong>ici</strong>e de près de deux hectares, jouxtait <strong>le</strong> coté sud de la palmeraie ; c’était<br />

du reg, bien plat, présentant une épaisseur d’une trentaine de centimètres de<br />

sol meub<strong>le</strong>, d’origine éolienne, mais vierge de toute culture.<br />

Les travaux commencèrent par <strong>le</strong> creusement d’un puits dans l’aquifère<br />

sous-jacent, pouvant débiter une cinquantaine de mètre cubes à l’heure, adapté<br />

à la puissance développée par l’éolienne. Pagès m’envoya une équipe de<br />

puisatiers, qui s’installèrent dans une grande guitoune, et j’avais la charge de<br />

diriger <strong>le</strong>s travaux, de ravitail<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s ouvriers et plusieurs manœuvres, chargés<br />

des taches courantes d’entretien et d’aménagement préliminaire du terrain.<br />

La commande de l’éolienne al<strong>le</strong>mande, de marque Nordwind, dont nous<br />

par<strong>le</strong>rons plus tard, avait déjà été passée, et c’était un prototype, jamais encore<br />

essayé en Algérie.<br />

Commença, alors, <strong>le</strong> creusement du puits, d’un diamètre de deux mètres,<br />

dont <strong>le</strong>s déblais étaient extraits avec un treuil motorisé, équipé d’un épais bidon<br />

basculant, que nous utilisions pour descendre dans l’ouvrage, et en remonter.<br />

L’avancement était effectué au pic, et avec de faib<strong>le</strong>s charges d’explosifs,<br />

placées au fond de petits forages réalisés à la barre à mines. La tenue du grès<br />

étant excel<strong>le</strong>nte, je décidai de ne pas utiliser de buses en béton pour soutenir <strong>le</strong>s<br />

sols. Je descendais tous <strong>le</strong>s jours dans l’ouvrage pour contrô<strong>le</strong>r l’avancement,<br />

et sa bonne tenue. Arrivés à une profondeur de 25 mètres, <strong>le</strong> débit de l’ouvrage<br />

étant encore insuffisant, je décidai de creuser latéra<strong>le</strong>ment, au fond du puits,<br />

deux ga<strong>le</strong>ries latéra<strong>le</strong>s, pour drainer la roche et augmenter son débit. Ces deux<br />

ga<strong>le</strong>ries de dix mètre de long, nous permirent d’obtenir un débit d’une<br />

soixantaine de mètre cubes heure, largement suffisant. <strong>Pour</strong> travail<strong>le</strong>r au fond,<br />

il fallait pomper l’eau au moyen d’une grosse pompe d’exhaure, qui la rejetait à<br />

une trentaine de mètres du puits où el<strong>le</strong> s’étalait largement, et se réinfiltrait<br />

dans <strong>le</strong> sol, qui présentait un bon coeff<strong>ici</strong>ent de perméabilité<br />

Les travaux durèrent deux mois. Le puits, en surface, s’ouvrait dans une<br />

buse en béton armé de 2m50 de diamètre, fabriquée à Colomb Bechar, scellée<br />

au sol, et munie d’un lourd couverc<strong>le</strong> éga<strong>le</strong>ment en béton, percé en son centre<br />

pour permettre la mise en place de la pompe.<br />

De nombreux curieux venaient nous rendre visite, et cela nous obligea,<br />

dès <strong>le</strong> début, et, pour éviter tous risques d’accident, à clôturer <strong>le</strong> chantier, avec<br />

une grande palissade en bois. Pagès, très intéressé par ce projet, venait passer<br />

104


un ou deux jours par quinzaine, à la maison, et nous étions devenus de très<br />

bons amis.<br />

Le puits terminé, nous attendions toujours, avec impatience, l’arrivée de<br />

l’éolienne, qui finit par nous parvenir, avec une équipe de quatre ouvriers<br />

al<strong>le</strong>mands, baragouinant, seu<strong>le</strong>ment, quelques mots de français. L’engin était<br />

transporté par trois gros camions, dont l’un s’ensabla et ne fut dégagé qu’avec<br />

l’aide des deux autres, déchargés sur <strong>le</strong> chantier.<br />

*Cette description, très technique peut être négligée par <strong>le</strong>s <strong>le</strong>cteurs non avertis<br />

Cette éolienne, bel<strong>le</strong> réussite de l’usine Nordwind, mérite une assez<br />

longue description, qu’il me semb<strong>le</strong> jud<strong>ici</strong>eux de faire, pour <strong>le</strong>s <strong>le</strong>cteurs<br />

intéressés, au fur et à mesure de son assemblage.<br />

El<strong>le</strong> était supportée par une tour métallique, étrésillonnée, avec quatre<br />

pieds disposés en carré, distants d’environ cinq mètres, solidement ancrés au<br />

sol sur des massifs de béton armé.<br />

La tour était couronnée par une plate forme circulaire, de cinq mètres,<br />

environ de diamètre, accessib<strong>le</strong> par une échel<strong>le</strong> métallique entourée d’une<br />

crinoline circulaire, à l’intérieur de laquel<strong>le</strong>, on pouvait, sans risques, pour<br />

accéder à la plate forme.<br />

Sur cette dernière, était posé <strong>le</strong> mécanisme de support de l’hélice, <strong>le</strong><br />

pignon d’ang<strong>le</strong> de rotation, actionnant l’arbre de l’axe vertical, qui<br />

transmettait ce mouvement vertical à une boite multiplicatrice de vitesse de<br />

vitesse, placée à un mètre du sol, entre <strong>le</strong>s quatre pieds, munie d’une poulie à<br />

cinq gorges trapézoïda<strong>le</strong>s, qui , entrainait la pompe du forage par cinq longues<br />

courroies. L’hélice était constituée de trois pa<strong>le</strong>s en duralumin, d’un diamètre<br />

de quinze mètres, profilées comme des ai<strong>le</strong>s d’avion.<br />

El<strong>le</strong> était orientée perpendiculairement à la direction du vent par un<br />

dispositif comp<strong>le</strong>xe, au moyen d’une hélice multipa<strong>le</strong>s mobi<strong>le</strong>, d’un mètre de<br />

diamètre. Si la vitesse du vent était trop forte, la partie située sur <strong>le</strong> tiers<br />

extérieur des pa<strong>le</strong>s de l’hélice, se mettait, plus ou moins, en « drapeau », ce<br />

qui freinait automatiquement sa rotation. En cas de tempête, l’hélice était<br />

automatiquement mise dans <strong>le</strong> fil du vent, et stoppée par un système de<br />

freinage, à tambour. *<br />

Son montage dura presque un mois, et je passais une grande partie de<br />

mes journées sur ce chantier. Le dernier jour, pour fêter cet évènement,<br />

j’organisai un repas chez Andréani, auquel, part<strong>ici</strong>pèrent <strong>le</strong>s off<strong>ici</strong>ers de<br />

l’annexe, Pagès, à qui j’avais télégraphié, et tout <strong>le</strong> personnel du chantier.<br />

Après <strong>le</strong> repas, nous sommes partis pour mettre en marche cette<br />

machine, qui fit l’admiration de tous.<br />

El<strong>le</strong> développait une puissance de 35 chevaux, à partir de vents d’une<br />

vitesse de 40 kilomètres/heure, correspondant à un débit moyen de 45 mètre<br />

cubes heure de la pompe d’exhaure de marque Recta, à axe vertical et 4quatre<br />

turbines, dont nous avons tout de suite équipé <strong>le</strong> puits.<br />

(Cette éolienne, fonctionnait toujours, une cinquantaine d’années après<br />

sa mise en place, et, bien entendu, je fus invité à me rendre à Adrar, pour fêter<br />

son cinquantenaire, et je fus surpris par sa longévité).<br />

Un problème d’hélice qui faillit nous couter la vie.<br />

105


Un mois, environ après la mise en service, de l’éolienne, je fus appelé,<br />

un matin, par <strong>le</strong> nouveau jardinier qui dirigeait l’exploitation, et qui vivait dans<br />

une maison bâtie à une quarantaine de mètres de la machine. Il me signala de<br />

petits bruits anormaux, semblant provenir de l’hélice. M’étant rendu sur place,<br />

je suis monté sur la plate forme supérieure, j’ai constaté que ce bruit provenait<br />

bien de l’hélice, et décidai d’en informer aussitôt Pagès et l’ingénieur en chef,<br />

par télégramme, sans pour autant m’inquiéter outre mesure, <strong>le</strong> petit « clic clic »<br />

qu’el<strong>le</strong> faisait en tournant ne semblant pas être très inquiétant.<br />

Au moment de repartir pour Adrar, <strong>le</strong> jardinier, comme il était presque<br />

midi, m’invita à boire la traditionnel<strong>le</strong> anisette, sur la terrasse, qui donnait vers<br />

l’éolienne.<br />

A un moment donné, alors que nous dégustions cet apéritif, nous avons<br />

entendu un grand bruit, et, à notre stupéfaction, nous avons vu que l’hélice était<br />

tombée au sol, cassant <strong>le</strong>s courroies de transmission de la pompe. Nous avons,<br />

alors, réalisé que nous avions eu beaucoup de chance, car quelques minutes<br />

plus tôt, nous nous trouvions ensemb<strong>le</strong> sous cette hélice. Nous sommes<br />

directement allés l’examiner, et j’ai constaté, alors que <strong>le</strong>s cinq boulons de<br />

fixation de l’hélice sur son arbre s’étaient dévissés; ils se trouvaient encore<br />

dans <strong>le</strong>urs trous de fixation, et <strong>le</strong>urs fi<strong>le</strong>tages étaient fortement endommagés, ce<br />

qui expliquait <strong>le</strong> petit bruit anormal que nous avions entendu. Aussitôt rentré à<br />

Adrar, j’ai prévenu par télégramme messieurs Pagès et Brochet, de l’incident<br />

grave, qui venait de se produire.<br />

Un techn<strong>ici</strong>en de l’usine Nordwind fut envoyé à Adrar, et, nous avons<br />

conclu que <strong>le</strong>s freins insuffisants des boulons fixant l’hélice sur son arbre,<br />

devaient être modifiés. Une nouvel<strong>le</strong> hélice serait remise en place, dans <strong>le</strong>s plus<br />

brefs délais. El<strong>le</strong> arriva sur <strong>le</strong> chantier avec la même équipe de montage. Le<br />

freinage des boulons fixant l’hélice sur sa platine adopté, alors, fut celui qui<br />

est utilisé sur cel<strong>le</strong>s des avions : <strong>le</strong>s têtes des cinq boulons étaient percées, et<br />

reliées entre el<strong>le</strong>s par du fil à freiner en fil d’acier.<br />

Encore un problème d’hélice<br />

Quelque temps après <strong>le</strong> montage de l’éolienne, <strong>le</strong> moniteur me<br />

demanda s’il me serait possib<strong>le</strong> de faire un al<strong>le</strong>r retour à Colomb Béchar, pour<br />

remplacer l’hélice, en bois de l’avion, que des projections de petits cailloux,<br />

lors du roulage au sol avaient endommagée. Je partis donc un matin avec, à<br />

bord, une nourrice d’essence, nécessaire pour refaire <strong>le</strong> p<strong>le</strong>in, la distance<br />

d’Adrar à Colomb béchar étant de 750 kilomètres, et l’autonomie de l’appareil,<br />

que de 400 kilomètres, Il était nécessaire de se poser, à mi distance, sur une<br />

piste de secours, située à une dizaine de kilomètres ,de Kerzaz, , en bordure de<br />

la piste impéria<strong>le</strong>, déserte, et balisée par quelque vieux bidons d’hui<strong>le</strong> remplis<br />

de sab<strong>le</strong>. Bien entendu, il n’y avait pas de biroute pour indiquer <strong>le</strong> sens, et la<br />

force du vent, mais cela n’était pas indispensab<strong>le</strong>.<br />

Le seul ennui, était que pour remettre <strong>le</strong> moteur en marche, après avoir<br />

complété <strong>le</strong> p<strong>le</strong>in, la procédure était comp<strong>le</strong>xe, l’avion n’étant équipé, ni de<br />

frein de parking, ni de démarreur. Il fallait d’abord, attacher <strong>le</strong> manche vers<br />

l’arrière, en <strong>le</strong> maintenant avec la sang<strong>le</strong> du pilote, puis, vérifier que <strong>le</strong>s<br />

contacts des magnétos étaient coupés, mettre très peu de gaz, ca<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s roues du<br />

train d’atterrissage, avec deux cailloux de la grosseur d’un œuf,<br />

106


« brassser » l’hélice,( lui faire effectuer, quelques tours, à la main), pour<br />

alimenter <strong>le</strong>s cylindres en essence, car il n‘y avait pas, non plus de starter,<br />

monter au poste de pilotage, pour mettre <strong>le</strong> contact sur la magnéto1, et lancer<br />

l’hélice avec <strong>le</strong>s deux mains pour, enfin, démarrer <strong>le</strong> moteur, s’instal<strong>le</strong>r<br />

rapidement en place pilote, mettre <strong>le</strong>s contact sur <strong>le</strong>s deux magnétos, et<br />

fina<strong>le</strong>ment, commencer à rou<strong>le</strong>r au sol, en mettant presque p<strong>le</strong>in gaz, manche<br />

au ventre, pour que l’avion saute <strong>le</strong>s deux petits cailloux mis en place devant<br />

<strong>le</strong>s roues. Le dire, est une chose, <strong>le</strong> faire, en est une autre.<br />

Je me suis posé à Colomb Béchar, ou Pagès vint lui-même me chercher<br />

au terrain d’aviation, avec son fidè<strong>le</strong> chauffeur Yvanhof, et il nous amena pour<br />

manger, au restaurant de la Transsaharienne. L’après midi, Je conduisis Pagès,<br />

avec une Landrover du Service, pour mettre au point <strong>le</strong>s derniers réglages de la<br />

nouvel<strong>le</strong> station de pompage d’Ouagda, que <strong>le</strong> service venait de terminer, et<br />

pour laquel<strong>le</strong>, j’avais implanté et supervisé <strong>le</strong>s travaux de réalisation du puits.<br />

Le <strong>le</strong>ndemain, vers <strong>le</strong> milieu de l’après midi, je fus raccompagné au hangar, ou<br />

<strong>le</strong> mécano s’activait pour terminer de remonter la nouvel<strong>le</strong> hélice. Dès que ce<br />

fut terminé, je remontai dans l’avion, pour rejoindre Adrar.<br />

Le trajet durait un peu plus de trois heures, mais, ce jour là je pris plus<br />

d’une heure de retard : en effet, peu après être passé au dessus d’Igly,<br />

j’entendis un choc sur <strong>le</strong> capot moteur, et celui-ci se mit à vibrer fortement, je<br />

continuai cependant mon vol, à vitesse réduite, pour atténuer <strong>le</strong>s vibrations, en<br />

prenant soin de suivre <strong>le</strong> tracé, heureusement presque rectiligne de la piste<br />

impéria<strong>le</strong>. Arrivé sur <strong>le</strong> terrain de secours de Kerzaz, je me posai pour refaire <strong>le</strong><br />

p<strong>le</strong>in d’essence, stoppai <strong>le</strong> moteur, et allai examiner l’avant de l’avion pour<br />

trouver la raison des vibrations. Le bord d’attaque d’une des pa<strong>le</strong>s de l’hélice<br />

présentait un point d’impact d’une longueur de près de deux centimètres, et son<br />

cône aérodynamique, en tô<strong>le</strong>, qui protégeait ses boulons de fixation avait<br />

disparu. Tant bien que mal, à l’aide de mon couteau de poche, j’arrondis un<br />

peu <strong>le</strong>s bords du point d’impact, complétai mon p<strong>le</strong>in, remis <strong>le</strong> moteur en<br />

marche et redécollai pour rejoindre Adrar, où je me posai sans encombre, <strong>le</strong><br />

moteur vibrant beaucoup moins, à la tombée de la nuit. Le moniteur, prévenu,<br />

comme toujours, par un télégramme, de mon heure de décollage, commençait à<br />

s’inquiéter de mon retard.<br />

Apres examen des dégâts, du bon état du support du moteur, et une<br />

retouche plus fine, à la lime, du bord d’attaque de l’hélice, il décida de<br />

continuer <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain ses <strong>le</strong>çons d’écolage, et télégraphia à Béchar pour<br />

qu’on lui envoie une hélice, et son cône, que nous avons, nous même remontés<br />

quelques jours après, sur l’avion.<br />

Les traditions culinaires de la région du Touat<br />

Le thé : La tradition saharienne, (canoun),<br />

<strong>Pour</strong> cette quasi cérémonie, <strong>le</strong> rite, pour sa préparation, est immuab<strong>le</strong>,<br />

et très observé. Il faut en boire trois tasses, chacune de saveur différente,<br />

dégustées successivement. On se trouve réunis dedans, ou dehors, sur un tapis,<br />

<strong>le</strong> bras posé sur des coussins, autour d’une tab<strong>le</strong> basse, sur laquel<strong>le</strong> sont placés<br />

<strong>le</strong>s ustensi<strong>le</strong>s servant à son élaboration : -La théière, traditionnel<strong>le</strong>ment en<br />

étain, -la boite contenant <strong>le</strong> thé, -la menthe verte « nana », -<strong>le</strong> « chiba »<br />

(feuil<strong>le</strong>s vertes d’absinthe), ou l’armoise(cheihe), -la cassero<strong>le</strong> d’eau chaude,-<br />

107


<strong>le</strong> pain de sucre, et <strong>le</strong> petit marteau à deux tètes, pour <strong>le</strong> casser, -<strong>le</strong> plateau en<br />

cuivre rouge, ou en laiton, supportant <strong>le</strong>s tasses, mais pas de petites cuillères, <strong>le</strong><br />

sucre étant directement mis dans la théière. -Par terre sur <strong>le</strong> tapis, une aiguière<br />

en étain ou en laiton, du savon et une serviette de toi<strong>le</strong>tte, pour <strong>le</strong> lavage des<br />

mains. Le thé, est, en général, préparé, sur place, par <strong>le</strong> maitre de maison, ou, <strong>le</strong><br />

cas échéant, par un invité d’honneur, au courant de la coutume rituel<strong>le</strong> de<br />

préparation. Il se déguste en trois étapes :<br />

Première phase : <strong>le</strong> the (El whoul la teil) : L’off<strong>ici</strong>ant, met dans la théière la<br />

quantité de thé désirée, puis y verse un peu d’eau chaude, la secoue pendant<br />

quelques secondes pour laver <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s, et la rejette dans une cuvette. Il<br />

rajoute alors l’eau chaude, puis, ayant pris une tasse sur <strong>le</strong> plateau, il soulève<br />

la théière, de vingt ou trente centimètres au dessus de la tasse, en incline <strong>le</strong> bec,<br />

et laisse s’écou<strong>le</strong>r <strong>le</strong> liquide, en manœuvrant la théière, de haut en bas, à<br />

plusieurs reprises. Après quoi, <strong>le</strong>s tasses des convives sont à nouveau remplies<br />

par l’off<strong>ici</strong>ant.<br />

Deuxième phase :La menthe :( El tenin Nanah ): L’off<strong>ici</strong>ant rajoute un peu de<br />

thé, et un peu de sucre, dans la théière, puis des feuil<strong>le</strong> de menthe ou d’absinthe<br />

(Chibah) ou d’armoise fraiche (Cheihe), la remplit d’eau chaude, et refait <strong>le</strong><br />

deuxième breuvage, avec <strong>le</strong>s mêmes gestes. Cette deuxième tournée est donc<br />

très parfumée.<br />

Troisième phase : (Souker) Le sucre: Le même processus est repris pour la<br />

troisième fois, après avoir à nouveau rempli <strong>le</strong> théière avec l’eau chaude, et<br />

rajouté un peu de thé, et une bonne quantité de sucre.<br />

Bien entendu, il faut environ consacrer une heure pour cette quasi<br />

cérémonie, mais, lorsque <strong>le</strong> temps manque, par exemp<strong>le</strong> lors d’un arrêt pendant<br />

<strong>le</strong> travail, ou lors d’une rencontre sur <strong>le</strong>s pistes, une bonne demi d’heure y est<br />

cependant consacré.<br />

La chorba : C’est un plat éga<strong>le</strong>ment traditionnel , préparé avec de la<br />

viande, ou une boite de corned beef, <strong>le</strong> « singe » en argot militaire, avec des<br />

vermicel<strong>le</strong>s, de la sauce tomate, du poivre, du sel, et, souvent, du petit piment<br />

rouge très piquant, couramment cultivé dans la palmeraie. En tournée dans <strong>le</strong><br />

b<strong>le</strong>d, c’était <strong>le</strong> plat <strong>le</strong> plus consommé car il était vite préparé, et ses ingrédients<br />

ne s’abimaient pas pendant tout <strong>le</strong> temps du voyage.<br />

Les méchouis : Il était éga<strong>le</strong>ment traditionnel, si l’on était invité, soit à quelques<br />

cérémonies, à Adrar ou ail<strong>le</strong>urs, ou si l’on recevait des hôtes de marque, de<br />

préparer un méchoui de mouton, ou de gazel<strong>le</strong>, si on était allé à la chasse, ce qui<br />

nécessitait d’al<strong>le</strong>r à plus de deux cents kilomètres d’Adrar, et durait une bonne<br />

journée. Ce mets était toujours très apprécié par <strong>le</strong>s convives, et la viande de ces<br />

animaux, nous changeait, agréab<strong>le</strong>ment de cel<strong>le</strong> des moutons chèvres (Sidaoun),<br />

des dromadaires, ou des pou<strong>le</strong>ts étiques, seu<strong>le</strong>s viandes, vendues à l’étal des<br />

bouchers des souks.<br />

Le «mardoud, et <strong>le</strong> robz n’guellah »: C’étaient éga<strong>le</strong>ment deux plats<br />

traditionnels locaux. Le premier, était un plat confectionné avec une semou<strong>le</strong><br />

dont <strong>le</strong>s grains étaient plus gros, que ceux du couscous, sensib<strong>le</strong>ment de la tail<strong>le</strong><br />

d’une <strong>le</strong>ntil<strong>le</strong>, et <strong>le</strong> second était préparé avec de la pate à pain, très finement<br />

laminée, et cuite en l’étalant autour d’un récipient en terre cuite, sorte de cruche,<br />

« guella » en arabe, remplie de braises incandescentes.<br />

108


Ces deux préparations, étaient servies accompagnées d’une sorte de sauce<br />

« (marga ») de ragout, avec viande et légumes, fortement pimentée, avec,<br />

comme boisson, du « <strong>le</strong>ben », ou de l’eau.<br />

Le « <strong>le</strong>ben », était une boisson, très rafraichissante, du lait de chèvre,<br />

fermenté, fabriquée dans une outre en peau de chèvre, fortement agitée, et, plus<br />

ou moins additionnée d’eau, directement servie dans une cassero<strong>le</strong>, qui se<br />

passait de mains en mains, à laquel<strong>le</strong> chacun buvait à son tour ; c’était la seu<strong>le</strong><br />

boisson, avec l’eau et <strong>le</strong> thé, servie pendant <strong>le</strong>s repas.<br />

Quelques divertissements nocturnes :<br />

En dehors des soirées consacrées au bridge, nous avions, aussi, bien<br />

d’autres distractions :<br />

La pèche dans <strong>le</strong>s seguias :<br />

Nous avons déjà parlé, dans la première partie de notre <strong>roman</strong> des foggaras<br />

et séguias de Timimoun, mais il nous semb<strong>le</strong> nécessaire de donner quelques<br />

autres précisions, pour la bonne compréhension de nos <strong>le</strong>cteurs.<br />

Comme nous l’avons dit, <strong>le</strong>s foggaras sont des tunnels, longs de<br />

plusieurs kilomètres, creusés à la main dans <strong>le</strong>s grès du continental<br />

intercalaire, sur la pente des dépressions topographiques, qui drainent l’eau de<br />

la nappe aquifère qui imprègne ces roches relativement tendres. Cette eau, est<br />

col<strong>le</strong>ctée, à la sortie de la foggara, dans un canal, la (« séguia »).<br />

La séguia principa<strong>le</strong>, est large d’à peu près un mètre, et profonde de<br />

quarante centimètres, au maximum, à pente très faib<strong>le</strong>, serpentant plus ou<br />

moins entre <strong>le</strong>s palmiers et <strong>le</strong>s autres cultures maraichères, d’où partent de<br />

séguias secondaires.<br />

Dans <strong>le</strong>s années 1920, des poissons : « Barbus Figuigensis», provenant<br />

de l’oasis de Figuig, située au sud des hauts plateaux de l’Atlas, furent<br />

introduits dans <strong>le</strong>s eaux de certaines foggaras, où ils se reproduisirent très vite,<br />

atteignant parfois des poids de plusieurs centaines de grammes. Ces poissons,<br />

de la famil<strong>le</strong> des barbeaux ont une chair assez savoureuse, mais avec de<br />

nombreuses arêtes.<br />

Les autochtones ne <strong>le</strong>s péchaient pas, mais pour nous, <strong>le</strong>ur capture était<br />

un divertissement, sinon un aliment recherché. C’était du poisson frais, et,<br />

comme dit <strong>le</strong> proverbe : «A défaut de grives, on mange des mer<strong>le</strong>s». Nous ne<br />

gardions que <strong>le</strong>s plus gros, relâchant <strong>le</strong>s autres, avec précaution. Nous y<br />

partions à cinq ou six, avec nos épouses ou amis, et pratiquions, pour <strong>le</strong>s<br />

attraper, la méthode suivante : Deux d’entre nous, étaient équipés d’un grillage<br />

à mail<strong>le</strong> fine, un peu plus large que la séguia, <strong>le</strong>s autres avaient une épuisette,<br />

et un seau, où nous mettions <strong>le</strong>s poissons pour <strong>le</strong>s garder vivants, et, parfois,<br />

pour en relâcher dans d’autres foggaras des palmeraies voisines.<br />

Le premier des deux « grillagistes», mettait en place son grillage à la<br />

sortie de la foggara, attendait que son homologue instal<strong>le</strong> <strong>le</strong> sien, à une<br />

cinquantaine de mètres en aval, puis il poussait <strong>le</strong>s poissons devant lui en <strong>le</strong><br />

déplaçant <strong>le</strong>ntement, et on <strong>le</strong>s capturait, avec l’épuisette, lors qu’ils étaient<br />

prisonniers entre <strong>le</strong>s deux pièges. Ce genre de pèche aurait été qualifié de<br />

braconnage, en France, mais au Sahara, aucune contrainte n’existait pour ce<br />

genre de divertissement.<br />

La chasse au « tchibek » :<br />

109


Comme chacun <strong>le</strong> sait, mais pas toujours, lorsqu’une nouvel<strong>le</strong> recrue<br />

arrivait dans <strong>le</strong> pays, on lui proposait une battue de nuit pour chasser cet<br />

étrange animal, espèce de gros volati<strong>le</strong>, qui était décrit comme ayant une patte<br />

plus courte que l’autre, qui ne volait pas, mais courait très vite, et qu’on ne<br />

rencontrait que la nuit, sur <strong>le</strong>s pentes de petites dunes, ou reliefs, proches de la<br />

palmeraie.<br />

Cet animal, très peureux, se capturait de la façon suivante: des<br />

rabatteurs, aussi nombreux que possib<strong>le</strong> se dispersaient , aussi si<strong>le</strong>ncieusement<br />

que possib<strong>le</strong>, pour repérer un ou plusieurs tchibeks, et <strong>le</strong> pousser en direction<br />

de l’innocent chasseur, qui, seul, accroupi sur <strong>le</strong> flanc de la dune, armé d’un<br />

gros lance pierres et de munitions adéquates, devait attendre ce gibier, dans <strong>le</strong><br />

plus grand si<strong>le</strong>nce, puis, <strong>le</strong> laisser s’approcher de lui, se redresser brusquement,<br />

et, l’animal effrayé, faisant un brusque demi tour, déséquilibré par sa patte plus<br />

courte que l’autre, tomberait, et il pourrait alors <strong>le</strong> tirer avec son lance pierres.<br />

Les rabatteurs se rejoignaient et rentraient boire <strong>le</strong> pot à Adrar, et<br />

n’allaient <strong>le</strong> récupérer qu’une ou deux heures plus tard, arrivant sans bruit puis<br />

lui demandant combien il en avait tirés, s’étonnant qu’il n’en ait vu aucun,<br />

alors qu’ils en avaient rabattu une dizaine.<br />

Cette grossière plaisanterie, très innocente fonctionnait <strong>le</strong> plus souvent ;<br />

cependant, quelquefois, la victime nous prenait à notre propre piège, et, suivant<br />

<strong>le</strong>s traces de ses pas, il retournait aussitôt à l’emplacement où on l’avait amené,<br />

en voiture, où il nous attendait avec un grand sourire.<br />

Dans tous <strong>le</strong>s cas, la chasse se terminait chez Andréani, devant un<br />

pot de bienvenue, offert pour fêter l’arrivée du « boujahdi », (<strong>le</strong> Nouvel<br />

Apprenti Saharien).<br />

La préhistoire dans <strong>le</strong> Touat<br />

Notions sommaires de préhistoire saharienne : Sorties de préhistoire à<br />

Timimoun, puis dans l’Oued Messaoud et l’atelier paléolithique de Bou<br />

Bernous.<br />

*Ce chapitre, rédigé pour des <strong>le</strong>cteurs avertis, peut être négligé par<br />

d’autres, que l’histoire ancienne des populations préhistoriques sahariennes<br />

n’intéresserait pas.<br />

Pendant <strong>le</strong>s années de notre séjour, nous avions repéré plusieurs<br />

sites préhistoriques, et allions souvent, lorsque nos temps de loisir <strong>le</strong><br />

permettaient, <strong>le</strong>s prospecter, et nous avons fait une col<strong>le</strong>ction, avec de<br />

nombreuses fléchettes en si<strong>le</strong>x, des haches polies, des meu<strong>le</strong>s de pierre avec<br />

<strong>le</strong>ur broyeur, parfois retrouvées avec <strong>le</strong> broyeur encore posé sur sa meu<strong>le</strong>, sur<br />

<strong>le</strong> reg, de nombreuses lames et pointes, de petits harpons en si<strong>le</strong>x éga<strong>le</strong>ment, et<br />

de nombreux « bijoux », des per<strong>le</strong>s en coquil<strong>le</strong>s d’œufs d’autruche, ce qui<br />

prouve que ces animaux étaient nombreux, à cette époque), ou bien d’(artic<strong>le</strong>s<br />

de tiges d’encrines), fossi<strong>le</strong>s très abondants dans <strong>le</strong>s calcaires du dévonien, qui<br />

avaient été col<strong>le</strong>ctées par ces populations sur ces aff<strong>le</strong>urements, souvent<br />

distants de plus d’une centaine de kilomètres des ateliers où nous <strong>le</strong>s trouvions.<br />

Ils avaient été percés avec des poinçons de pierre, et travaillés soigneusement<br />

pour <strong>le</strong>ur finition, en <strong>le</strong>s enfilant sur des intestins d’animaux séchés, puis<br />

rehumectés et polis par rotation sur une meu<strong>le</strong> dormante.<br />

110


J’avais fini par utiliser une technique, pour repérer ces sites, qui<br />

s’étalaient ça et là, a plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres <strong>le</strong>s un des<br />

autres. Au début, nous <strong>le</strong>s trouvions, par hasard, à l’occasion d’une halte, ou<br />

sur <strong>le</strong>s indications de certains anciens méharistes, à qui <strong>le</strong>ur, off<strong>ici</strong>ers avaient<br />

appris <strong>le</strong>ur origine préhistorique, et qu’ils appelaient du nom de « ajjar<br />

merci », comme nous l’avons écrit précédemment.<br />

Le néolithique:<br />

Le Sahara, il y a quelques millénaire, n’était pas l’immense désert que nous<br />

connaissons, de nos jours. C’était une immense zone de steppes, habitées par<br />

de nombreuses populations pastora<strong>le</strong>s de bergers, vivant de <strong>le</strong>urs cueil<strong>le</strong>tte de<br />

baies, et de graminées sauvages, car <strong>le</strong> climat était assez humide, avec des<br />

pluviométrie annuel<strong>le</strong>s qui devaient atteindre quelques centaines de<br />

millimètres, favorisant ce mode de vie de bergers nomades, ou, peut être, semi<br />

nomades.<br />

En sept années de prospection, nous avons trouvé plusieurs<br />

centaines d’ateliers de l’époque néolithique supérieur, caractérisée par des si<strong>le</strong>x<br />

taillés, finement retouchés bien polis, témoins d’une industrie de la tail<strong>le</strong> de la<br />

pierre très évoluée. Cette période de la préhistoire récente, peut avoir duré<br />

pendant, un à quelques millénaires, seu<strong>le</strong>ment, et <strong>le</strong>s traces de ces populations<br />

sont très nombreuses.<br />

Le mésolithique :(civilisation atérienne) :<br />

Cette civilisation, ne possédait pas une technique de tail<strong>le</strong> des si<strong>le</strong>x, ou des<br />

roches quartzitiques régiona<strong>le</strong>s, aussi fine, et donc, évoluée, que cel<strong>le</strong> des<br />

générations suivantes. Les outils atériens semb<strong>le</strong>nt avoir été réalisés à partir de<br />

petits éléments de rochers siliceux, ayant déjà une forme initia<strong>le</strong> adéquate,<br />

améliorée, ensuite, par des retouches moins fines que cel<strong>le</strong>s de <strong>le</strong>urs<br />

successeurs.<br />

Les pièces typiquement atériennes sont des pointes de plusieurs<br />

centimètres de diamètre, généra<strong>le</strong>ment en quartzites, en forme de feuil<strong>le</strong>s,<br />

épaisses de près d’un centimètre, au centre, allant en s’amincissant vers <strong>le</strong>urs<br />

bords, tranchants.<br />

A coté de ces pièces caractéristiques, se trouvaient éga<strong>le</strong>ment une<br />

abondance de fragments de coquil<strong>le</strong>s d’œufs d’autruches, des lames et pointes<br />

assez grossièrement travaillées, et de nombreux éclat de roches, parfois à peine<br />

ébauchés, ou d’outils cassés. Les traces de foyers, avec du charbon de bois<br />

partiel<strong>le</strong>ment consumé, jouxtaient toujours l’emplacement de tail<strong>le</strong>.<br />

Chose curieuse, nous n’avons jamais trouvé trace d’outils en os.<br />

Le paléolithique :<br />

Je n’avais trouvé, en dehors de quelques rares bifaces ou de haches<br />

paléolithiques, retouchées finement sur <strong>le</strong>urs arêtes, aucune trace d’ateliers<br />

paléolithiques, dans <strong>le</strong> Touat ou dans <strong>le</strong> Gourara. Ceci est vraisemblab<strong>le</strong>ment<br />

du, à une population beaucoup mois dense, et peut être, à des conditions<br />

climatiques différentes, à cette époque plus ancienne.<br />

Les outils qui en sont <strong>le</strong>s témoins, vieux de plusieurs milliers d’années,<br />

sont très rares dans <strong>le</strong> Sahara central, alors que de nombreux vestiges de cette<br />

civilisation sont fréquents dans <strong>le</strong> Hoggar, et <strong>le</strong> Tassili des Ajjer, situés sur la<br />

bordure orienta<strong>le</strong> du Sahara.<br />

111


Une seu<strong>le</strong> fois, alors qu’en fin d’après midi, je roulais sur une ancienne<br />

piste, abandonnée depuis la disparition du poste militaire de Bou Bernous, situé<br />

sur la bordure occidenta<strong>le</strong> de l’erg Chech, en partant de Sba et allant à<br />

Tabelbala, sur la frontière marocaine, mon attention fut attirée par un petit<br />

tertre circulaire, où scintillaient de nombreux éclats rocheux. J’étais<br />

accompagné de mon fidè<strong>le</strong> mécan<strong>ici</strong>en Ben Salah, qui, lui aussi, <strong>le</strong>s avait<br />

aperçus. Nous avons aussitôt stoppé, sommes descendus de la Jeep, et avons<br />

été littéra<strong>le</strong>ment époustouflés par l’abondance de bifaces paléolithiques<br />

répandus sur ce tertre. Il y en avait des centaines, posés à même <strong>le</strong> sol, comme<br />

s’ils avaient été travaillés <strong>le</strong>s jours précédents, alors qu’ils étaient là, sous nos<br />

yeux, ce qui nous a fortement impressionnés.<br />

Ces outils étaient à coup sur, de facture paléolithique typique, constitués<br />

de morceaux de quartzite, beige ou marron rougeâtre, parfois noirâtres, de<br />

toutes tail<strong>le</strong>s, de quelques centimètres pour <strong>le</strong>s plus petits, à une trentaine de<br />

centimètres, pour <strong>le</strong>s plus gros. La méthode de tail<strong>le</strong> était la suivante :Partant<br />

d’un éclat de roche de forme grossièrement convenab<strong>le</strong>, ils effectuaient <strong>le</strong>s<br />

retouches avec un gros bois arrondi , long d’une vingtaine de centimètres, avec<br />

<strong>le</strong>quel tenant d’une main l’ébauche de l’outil, ils frappaient vio<strong>le</strong>mment de<br />

l’autre main, sur <strong>le</strong>s bords de celui-ci, en <strong>le</strong> retournant ,de choc en choc,<br />

en<strong>le</strong>vant ainsi de gros éclats sur son pourtour, jusqu’à l’obtention de <strong>le</strong>ur<br />

forme en amande, très caractéristique : Vus sur <strong>le</strong>ur tranche, la forme obtenue<br />

était une série de zigzags dont chaque élément correspondait à un éclat de<br />

percussion.<br />

A part ces bifaces, nous n’avons trouvé que quelques percuteurs en<br />

pierre, une abondance d’éclats de tail<strong>le</strong>, mais aucun autre vestige d’autres<br />

outils, ce qui peut laisser supposer que cet atelier devait ne servir qu’à cette<br />

industrie primitive, sorte de monnaie de troc avec des groupes humains<br />

contemporains voisins, dont nous n’avons jamais retrouvé d’autres traces.<br />

Cela conduit à se demander si cette technique de tail<strong>le</strong>, d’âge<br />

paléolithique, ne se serait pas transmise aux groupes humains atériens et<br />

néolithiques, qui <strong>le</strong>ur ont succédé.<br />

L’Oued Messaoud :<br />

Le site préhistorique sur <strong>le</strong>quel nous allions assez souvent, en famil<strong>le</strong>, avec<br />

des amis (<strong>le</strong> docteur adjoint et sa compagne, <strong>le</strong> météo et son épouse, ou<br />

quelques hôtes de passage, était situé à 150 kilomètres au Nord Ouest d’Adrar,<br />

à une centaine de kilomètres de toute autre palmeraie. C’était une vallée<br />

fossi<strong>le</strong>, large d’une trentaine de kilomètres sur <strong>le</strong> tracé d’un ancien oued<br />

asséché, mais présentant encore une végétation d’épineux, et de graminées très<br />

rustiques, avec, çà et là, d’assez nombreux arbustes, « belbels et Talahs » .<br />

arbrisseaux épineux) , et des touffes de tamaris) : zone de pâturage à<br />

dromadaires , avec, de temps en temps quelques petits troupeaux de gazel<strong>le</strong>s, et<br />

quelques fennecs, trop loin des palmeraies pour être fréquentée par des<br />

autochtones.<br />

Nous partions d’Adrar, <strong>le</strong> samedi en début d’après midi, avec la Jeep ou<br />

la Landrover et <strong>le</strong> dodge 4X4, piloté par Ben Salah, sur <strong>le</strong>quel était chargée un<br />

grande tente militaire, sorte de marabout , de l’eau, des couvertures, des vivres<br />

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et cassero<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s couverts, et un tonneau d’eau, en plus de la traditionnel<strong>le</strong><br />

« guerba » en peau de chèvre, toujours fixée sur <strong>le</strong>s ridel<strong>le</strong>s de nos véhicu<strong>le</strong>s,<br />

remplie d’eau, qui restait toujours fraiche, grâce à l’évaporation. Nous<br />

amenions aussi, la caisse contenant <strong>le</strong>s bou<strong>le</strong>s de pétanque.<br />

Deux heures après, nous étions sur place. Le marabout était vite monté, et<br />

un grand tapis et des coussins étaient disposés. Un autre tapis était étendu,<br />

dehors, sur <strong>le</strong>quel nous prenions nos repas, cuits sur un petit réchaud de<br />

camping à gaz, mais, éga<strong>le</strong>ment sur la braise, <strong>le</strong> combustib<strong>le</strong> étant abondant<br />

dans <strong>le</strong> secteur.<br />

Les nuits y étaient dél<strong>ici</strong>eusement fraiches. Après <strong>le</strong> repas du soir, et <strong>le</strong><br />

thé à la menthe, nous regardions <strong>le</strong> ciel magnifiquement étoilé, nous<br />

recherchions longuement <strong>le</strong>s nombreuses constellations, puis nous nous<br />

endormions d’un sommeil paisib<strong>le</strong>, pendant <strong>le</strong>quel, en rêve, je me voyais<br />

souvent vo<strong>le</strong>r, décollant à la vertica<strong>le</strong>, avec des battements de bras, puis, <strong>le</strong>s<br />

bras étendus, une merveil<strong>le</strong>use sensation de vol plané, suivie d’un atterrissage à<br />

nouveau en position vertica<strong>le</strong>. Ces nuits merveil<strong>le</strong>uses, passées dans la solitude<br />

et <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce, sous ce ciel magnifiquement étoilé, étaient infiniment supérieures<br />

à tout ce qui peut être imaginé, et j’en garde toujours un souvenir ineffaçab<strong>le</strong>,<br />

empreint d’une grande nostalgie.<br />

Lorsque je pense, souvent, à ces années passées au désert, et que je vois<br />

<strong>le</strong> monde actuel, dit « civilisé », je ne puis m’empêcher de <strong>le</strong> comparer a celui<br />

de ce début du vingt et unième sièc<strong>le</strong>, tota<strong>le</strong>ment dépendant d’objets crées par<br />

ce que je ne puis qu’appe<strong>le</strong>r la « dé civilisation », qui est très loin de redonner<br />

<strong>le</strong> bonheur aux hommes, <strong>le</strong>s rendant tota<strong>le</strong>ment dépendants de gadgets dont ils<br />

deviennent <strong>le</strong>s esclaves, soumis à l’influence constante des médias et de la pub,<br />

en conflits continuels et quasi universels, « civilisation » qui ne peut aboutir<br />

qu’à <strong>le</strong>ur perte, entrainant, avec eux, cel<strong>le</strong> de la faune et de la flore de notre<br />

planète, vers l’apocalypse dont par<strong>le</strong> la Bib<strong>le</strong>. Je prie mes <strong>le</strong>cteurs de<br />

m’excuser pour ces réf<strong>le</strong>xions pessimistes, que j’ai évoquées plusieurs fois, du<br />

fait de l’opposition bruta<strong>le</strong> avec notre vie saharienne, <strong>le</strong>s plus bel<strong>le</strong>s années de<br />

notre existence, que je qualifie volontiers de paradis perdu, qui m’ont inspiré ce<br />

poème:<br />

Désert si imposant, vide, si p<strong>le</strong>in de vie,<br />

Paradis bien perdu, où j’ai vécu heureux,<br />

Solitudes divines, et qui m’on tant ravi,<br />

Exaltant de plaisirs, toujours plus merveil<strong>le</strong>ux,<br />

Où l’homme p<strong>le</strong>inement, donne tout de lui-même<br />

<strong>Pour</strong> vivre intensément, dans la nature hosti<strong>le</strong>.<br />

Tu m’as comblé de joies. De tout mon cœur je t’aime.<br />

De fortes sensations, tu te montres ferti<strong>le</strong>.<br />

A la cha<strong>le</strong>ur du jour, succède chaque nuit,<br />

Apportant la douceur des heures étoilées.<br />

<strong>Pour</strong> Toi, <strong>le</strong> firmament, d’étoi<strong>le</strong>s fut rempli,<br />

Par notre Créateur, un jour, très inspiré.<br />

Ces dunes modelées, aux formes arrondies,<br />

Sous nos yeux éblouis, par <strong>le</strong>ur immensité,<br />

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Déplacées par <strong>le</strong> vent auréolant <strong>le</strong>urs crêtes,<br />

Sont, pour <strong>le</strong>s voyageurs, un spectac<strong>le</strong> enchanté<br />

El<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s font rêver, et font tourner <strong>le</strong>urs tètes.<br />

Par sa monotonie, <strong>le</strong> reg, et son grand vide,<br />

Les écrase toujours, car de tous <strong>le</strong>s cotés,<br />

Le spectac<strong>le</strong> infini de ces plaines arides,<br />

Conduit à se pencher sur <strong>le</strong>ur réalité :<br />

Le grain de sab<strong>le</strong>, infime, qu’est une vie humaine,<br />

Un chainon d’un instant, dans une Eternité,<br />

Mis sur terre par Dieu, assumant, avec peine<br />

Son destin essentiel, celui de procréer.<br />

Le désert, cependant, est une rude éco<strong>le</strong>,<br />

Où l’homme apprend à vivre, toujours soll<strong>ici</strong>té<br />

Par la nature hosti<strong>le</strong>. Ce n’est pas toujours drô<strong>le</strong>,<br />

Mais c’est enrichissant, et par sa vacuité,<br />

Il donne des <strong>le</strong>çons, d’endurance, et de Paix,<br />

Sa solitude, alors, <strong>le</strong> remplit de bonté.<br />

Les dunes de Boudda figures acrobatiques en Jeep ou<br />

Landrover :<br />

A une dizaine de kilomètres à l’ouest d’Adrar, se trouvait, dans la petite<br />

palmeraie de Boudda, un cordon de grandes dunes, qui la bordaient sur son<br />

côté est, s’étalant sur deux kilomètres de longueur, et, deux cents mètres de<br />

mètres de largeur, environ.<br />

Dans <strong>le</strong>ur partie la plus haute, el<strong>le</strong>s atteignaient, environ une quarantaine<br />

de mètres de hauteur. Comme toutes <strong>le</strong>s dunes, el<strong>le</strong>s présentaient une face peu<br />

pentée, du coté des vents dominants, et sur <strong>le</strong>ur versant opposé, une pente très<br />

raide, de l’ordre de 70%, environ.<br />

Le sommet des dunes, est très effilé, et <strong>le</strong>s autochtones <strong>le</strong> nomment<br />

<strong>le</strong> « sif »,(<strong>le</strong> sabre). Il faut savoir, que, lors des forts vents de sab<strong>le</strong>, <strong>le</strong> vent<br />

emporte ce sab<strong>le</strong>, qui se dépose sur la pente raide, cel<strong>le</strong> qui est sous <strong>le</strong> vent, ce<br />

qui a pour effets: d’une part, de conserver au sif, son aspect tranchant, et,<br />

d’autre part, de provoquer un <strong>le</strong>nt déplacement de la dune, dans <strong>le</strong> sens du vent.<br />

Il est alors frappant, lors des forts vents de sab<strong>le</strong>, de voir littéra<strong>le</strong>ment,<br />

« fumer » <strong>le</strong> sommet des dunes.<br />

Je m’entrainais, souvent, à conduire dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, car j’avais quelquefois<br />

à me rendre dans des palmeraies qui bordaient l’erg, soit pour rég<strong>le</strong>r quelques<br />

« chicayas », concernant <strong>le</strong> partage des eaux fournies par <strong>le</strong>s foggaras, soit pour<br />

faire améliorer, ou creuser, des puits.<br />

Ayant découvert ces dunes de Boudda, si proches d’Adrar, j’y<br />

perfectionnais ma technique de conduite dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, surtout depuis que<br />

j’avais équipé Jeep et Landrover de nouveaux pneus, sab<strong>le</strong>, à boudins plus<br />

gros, et moins gonflés, ce qui améliorait considérab<strong>le</strong>ment la tenue des<br />

véhicu<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong>s terrains à faib<strong>le</strong>s coeff<strong>ici</strong>ents de portance.<br />

J’avais donc acquis, sur ces dunes une très bonne technique, ce qui me<br />

permit de mettre au point des sortes de figures acrobatiques. Entre autres, je<br />

grimpais sur <strong>le</strong> versant en pente douce, lancé à une quarantaine de km /heure,<br />

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diagona<strong>le</strong>ment à la ligne de pente, puis, arrivé presque au sommet, je virais<br />

assez rapidement, et, la voiture, du fait de la force centrifuge due au virage, se<br />

maintenait, bien qu’el<strong>le</strong> soit fortement inclinée, par rapport à la pente.<br />

Un jour j’ai découvert une nouvel<strong>le</strong> figure de voltige automobi<strong>le</strong> : Je me<br />

lançais rapidement sur la pente, jusqu’au sommet, et arrivé sur <strong>le</strong> «sif », je<br />

freinais bruta<strong>le</strong>ment, ce qui avait pour effet de déc<strong>le</strong>ncher une sorte de petite<br />

avalanche de sab<strong>le</strong>, avec laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong> était entrainé vers <strong>le</strong> bas. Cette<br />

manœuvre, que je renouvelais souvent, était toujours très impressionnante<br />

pour <strong>le</strong>, ou <strong>le</strong>s passagers du véhicu<strong>le</strong>, qui arrivés au sommet, découvraient<br />

subitement ce vide, dans <strong>le</strong>quel la voiture se précipitait.<br />

Les plus grands amateurs de cette fantaisie automobi<strong>le</strong>, étaient <strong>le</strong>s<br />

équipages des avions de ligne, qui se posaient à Adrar, tout contents de me<br />

demander de la faire partager, à <strong>le</strong>ur collègues de l’équipage, à de nombreuses<br />

reprises. Nous aurons l’occasion d’’en repar<strong>le</strong>r, plus loin.<br />

Un réveillon de Noel à la maison, avec <strong>le</strong> Père Geoffroy et<br />

l ‘adjudant F<strong>le</strong>urance :<br />

<strong>Pour</strong> ce réveillon, de l’année 1953, nous avions réuni plusieurs amis,<br />

dont <strong>le</strong> Père Geoffroy, un alsacien de souche, et fier de ses origines, qui, était<br />

toujours père blanc à Adrar, où il off<strong>ici</strong>ait comme prêtre résident, et, était,<br />

éga<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> confesseur, accompagné de Mimi Mercier, sœur de l’évêque,<br />

responsab<strong>le</strong> des Sœurs blanches d’Adrar. Se trouvait éga<strong>le</strong>ment invité,<br />

l’adjudant F<strong>le</strong>urance, de la compagnie méhariste du Touat, lorrain d’origine,<br />

qui, comme <strong>le</strong> père Geoffroy, était tout aussi fier et imbu de ses origines.<br />

La soirée commença par quelques apéritifs, et quelques en cas, assez<br />

substantiels ; <strong>le</strong> brave père blanc, ne pouvait pas part<strong>ici</strong>per entièrement au<br />

réveillon, car il devait off<strong>ici</strong>er pour la traditionnel<strong>le</strong> messe de minuit, et devait<br />

revenir ensuite pour <strong>le</strong> terminer avec nous et avec Mimi Mercier, qui était<br />

restée à l’église pour préparer la crèche. Les bouteil<strong>le</strong>s d’apéritif et de<br />

champagne, aidant, la soirée s’anima, et, <strong>le</strong> père et F<strong>le</strong>urance, assez échauffés<br />

par une controverse sur <strong>le</strong>s qualités de <strong>le</strong>urs provinces nata<strong>le</strong>s respectives, je<br />

<strong>le</strong>ur demandai très gentiment, s’ils ne pourraient pas envisager une<br />

réconciliation amiab<strong>le</strong>. Aussitôt demandé, aussitôt accepté, et il fut décidé, sur<br />

<strong>le</strong> champ, d’arroser cette réconciliation. L’arrosage fut abondant, et la soirée<br />

se poursuivit, jusqu’au moment où <strong>le</strong> Père se <strong>le</strong>va et dit : « Grand Dieu, il est<br />

l’heure de la messe, il faut que j’ail<strong>le</strong> au boulot ! ». Nous avons tous regardé<br />

l’heure : il était minuit dix. Tout <strong>le</strong> monde se <strong>le</strong>va pour l’accompagner jusqu’à<br />

la porte, et il partit en courant, pour rejoindre l’église, toute proche.<br />

Nous avons, après son départ, commencé <strong>le</strong> repas du Réveillon, puis, la<br />

soirée se prolongea tardivement, mais nous n’avons revu, ni <strong>le</strong> Père, ni Mimi,<br />

qui devait l’accompagner. Léo et F<strong>le</strong>urance ont alors décidé de partir en jeep<br />

vers la palmeraie de Tililane, située à quelques kilomètres, pour qu’el<strong>le</strong> se<br />

perfectionne en conduite (el<strong>le</strong> allait, alors, passer son permis), mais j’avais<br />

refusé cette suggestion, étant donné <strong>le</strong>ur état d’ébriété avancé. Donc, vers<br />

quatre heures du matin, tout <strong>le</strong> monde, assez émoustillé, regagna ses pénates.<br />

C’est <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, seu<strong>le</strong>ment, que nous avons appris ce qui s’était passé,<br />

la veil<strong>le</strong>, lorsque <strong>le</strong> Père Géoffroy était arrivé à l’église. Vers onze heures,<br />

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nous avons vu arriver à la maison, une Mimi Mercier, furieuse, qui nous<br />

reprocha vertement d’avoir fortement aviné <strong>le</strong> bon Père, et nous narra<br />

comment la messe de minuit s’était déroulée.<br />

Le père, alors que tous <strong>le</strong>s fidè<strong>le</strong>s s’impatientaient, arriva à l’église<br />

vers minuit un quart, tout rouge de sa course, et aussi des arrosages répétés<br />

pour la réconciliation de l’Alsace, et de la Lorraine, revêtit ses habits de<br />

cérémonie, et commença à off<strong>ici</strong>er. D’après Mimi, ce fut assez<br />

catastrophique, pour ne pas dire cocasse. L’off<strong>ici</strong>ant, un peu perdu, ne<br />

trouvait pas <strong>le</strong>s bonnes pages du Livre, s’embrouillait, se penchait vers ses<br />

acolytes, revenait en arrière, bafouillait plus ou moins, et <strong>le</strong>s fidè<strong>le</strong>s se<br />

regardaient effarés tant et si bien qu’à la fin de l’office, ils reprochèrent à<br />

Mimi, <strong>le</strong>s cafouillages de l’off<strong>ici</strong>ant, qui était parti se coucher, dès la fin de la<br />

cérémonie.<br />

Cela me rappela, alors <strong>le</strong> conte de Daudet, et <strong>le</strong>s trois messes basses de<br />

Dom Balaguer, dont l’office célébré à l’abbaye du mont Ventoux, fut saboté<br />

par Garrigou, <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc, inspiré par Satan. Cette réminiscence amena, malgré<br />

moi, un large sourire sur mon visage, ce qui ne fit qu’aggraver <strong>le</strong><br />

mécontentement de Mimi, qui repartit aussitôt.<br />

El<strong>le</strong> resta fâchée pendant quelques jours, mais <strong>le</strong> Père, revint nous voir<br />

<strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, très à son aise, nous racontant lui-même sa mésaventure, nous<br />

précisant que, s’il avait fait <strong>le</strong> vœu de chasteté, il n’avait pas fait celui de<br />

d’abstinence, et l’affaire en resta là.<br />

Nous n’avons revu Mimi que quelques jours après, pour nous<br />

réconcilier autour d’un pot. A quelques temps de là, <strong>le</strong> Père Harmel vint se<br />

poser à Adrar, pour y déposer Monseigneur Mercier qui devait y rester<br />

quelques jours. Je l’emmenais, <strong>le</strong> sur<strong>le</strong>ndemain, avec la Jeep, à Timimoun,<br />

lorsque, en cours de route, la conversation vint sur cette fameuse messe de<br />

minuit. Il me dit qu’il en avait bien ri, qu’il ne demandait pas à ses Pères<br />

blancs d’être des saints, mais des hommes solides, pour propager la<br />

connaissance de la religion, et assurer <strong>le</strong>s offices dans <strong>le</strong>s conditions diff<strong>ici</strong><strong>le</strong>s<br />

de ces pays au dur climat, précisant même que Dieu avait d’autres<br />

préoccupations que cette peccadil<strong>le</strong>.<br />

Je lui fis part du fait du fait que cela m’avait remis en mémoire la<br />

mésaventure de Dom Balaguer, et il me suggéra que cela pourrait, peut être,<br />

un jour, dans un autre monde, nous permettre de revivre cette soirée<br />

mémorab<strong>le</strong>.<br />

Complications survenues pendant la grossesse de mon<br />

épouse avant et après la naissance de notre fils Philippe:<br />

Cela commença au début du mois d’avril de l’année 1952, alors que<br />

Léo était enceinte depuis quatre mois, de notre fils Philippe.<br />

El<strong>le</strong> se plaignait, depuis quelque temps, de maux de reins, de plus en<br />

plus douloureux, et <strong>le</strong> médecin, <strong>le</strong> docteur Joseph, diagnostiqua une<br />

pyélonéphrite. Les crises survenaient, à peu près toujours, pendant la deuxième<br />

moitié de la nuit, et <strong>le</strong> seul calmant efficace que lui administrait alors <strong>le</strong> docteur<br />

était du chloral, médicament de la classe des hypnotiques, dument enfermé<br />

dans l’armoire des stupéfiants, dont, seul, il possédait la clé. Presque toutes <strong>le</strong>s<br />

nuits, vers une heure du matin, j’allais à l’hôpital, <strong>le</strong> réveillais, et il venait lui<br />

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administrer ce médicament, qu’el<strong>le</strong> prenait avec un grand verre d’eau. Cela<br />

devenait tel<strong>le</strong>ment contraignant, que <strong>le</strong> docteur, qui nous connaissait très bien,<br />

finit par me dire de me rendre moi-même à l’hôpital, lorsque survenait la crise,<br />

et de me faire remettre par l’infirmier de service, la dose de médicaments que<br />

je donnais à Léo, aussitôt rentré à la maison. Une nuit, en rentrant de l’hôpital,<br />

comme je la trouvais endormie, j’avais préparé <strong>le</strong> chloral dans un verre, pour<br />

<strong>le</strong> lui donner, si el<strong>le</strong> se réveillait. Je m’endormis à mon tour, mais pour de bon,<br />

car, au petit matin, comme j’avais soif, j’ai absorbé cette potion magique, et ne<br />

refis surface qu’en début d’après midi.<br />

Cela dura jusqu’au mois de juin, date à laquel<strong>le</strong> Monsieur Brochet, au<br />

courant de nos problèmes, mit à notre disposition à Oran, dans l’immeub<strong>le</strong> de<br />

fonction qu’il occupait, un appartement de quatre pièces, et me promit que sa<br />

femme, et lui, s’occuperaient de veil<strong>le</strong>r à ce que Léo ne manque de rien.<br />

El<strong>le</strong> quitta Adrar par l’avion du GMMTA (Groupe Mobi<strong>le</strong> de Transports<br />

Militaires), un Junker, militaire, qui effectuait deux rotations mensuel<strong>le</strong>s,<br />

partant d’Alger, et faisant esca<strong>le</strong> à El Goléa, In salah, Aou<strong>le</strong>f, Adrar, et Oran,<br />

d’où il retournait directement à sa base d’Alger.<br />

Léo partit donc avec Mabrouka, qui s’occupait des enfants, Annie<br />

France, âgée de quatre ans et demi, et Patrick, âgé de trois ans et demi. Je ne<br />

<strong>le</strong>s accompagnais pas, <strong>le</strong>s contraintes du service m’obligeant à rester à Adrar,<br />

jusqu’au mois de juil<strong>le</strong>t, date à laquel<strong>le</strong> je devais <strong>le</strong>s rejoindre à Oran.<br />

J’avais des bonnes nouvel<strong>le</strong>s, par courrier, tous <strong>le</strong>s quinze jours. J’ai<br />

rejoint Oran, comme prévu, avec ma Jeep, vers <strong>le</strong> 10 juil<strong>le</strong>t.<br />

A mon arrivée, Mr Brochet tint absolument à ce que je monte chez lui ,<br />

où il recevait quelques amis, dans ma tenue de saharien, encore couvert de la<br />

poussière de la piste, afin de <strong>le</strong>ur montrer ce qui <strong>le</strong>s attendaient, s’ils décidaient<br />

un prochain jour, de venir nous rendre visite à Adrar.<br />

Naissance de notre fils Philippe<br />

Quelques jours après mon arrivée, <strong>le</strong> médecin décida de faire rentrer Léo,<br />

en clinique, pour, avec notre accord, procéder à un accouchement prématuré, à<br />

son septième mois et demi de grossesse. L’accouchement se passa<br />

norma<strong>le</strong>ment : notre nouveau fils, Philippe, se portait bien, mais était très<br />

fragi<strong>le</strong>, et après quelques jours d’observation en couveuse, il fut décidé que<br />

nous pouvions rentrer dans notre appartement, en veillant, surtout à ce qu’il ne<br />

prenne pas froid. Comme nous étions à la fin de juil<strong>le</strong>t, nous l’avons é<strong>le</strong>vé dans<br />

une boite de chaussures en carton, bien au chaud, dans <strong>le</strong> placard de la<br />

chambre. Mon épouse et Madame Brochet s’occupèrent continuel<strong>le</strong>ment de lui,<br />

car je partais souvent en missions de deux ou trois jours, pour implanter ou<br />

surveil<strong>le</strong>r la réalisation de forages, ou de puits, sur <strong>le</strong>s hauts plateaux, dans la<br />

région de T<strong>le</strong>mcen.<br />

Nous sommes restés à Oran jusqu'au début de septembre, et j’ai rejoint<br />

Adrar par la piste, Monsieur et Madame brochet devant ramener mon épouse<br />

dans un avion Beechcraft de la Société Air Afrique, frété par <strong>le</strong> service, ce qui<br />

lui permit de faire une inspection de nos chantiers, ceux de Pagès, à Colomb<br />

Béchar, où ils firent esca<strong>le</strong> <strong>le</strong>s deux premiers jours, puis ceux d’Adrar, pendant<br />

trois autres jours.<br />

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Philippe, fina<strong>le</strong>ment, s’était remis pour <strong>le</strong> mieux de sa naissance<br />

prématurée, et il devint un nourrisson presque normal, de tail<strong>le</strong> plus petite que<br />

ceux du même âge. Mais il rattrapa vite son retard et ne présenta, plus tard,<br />

qu’une forte dys<strong>le</strong>xie, qu’il conserva, malgré <strong>le</strong>s soins qui lui furent prodigués<br />

par plusieurs orthophonistes.<br />

La disparition du père Walther, notre ami d’Igly.<br />

Lors d’un de mes voyages à Colomb Béchar, un soir où je faisais une<br />

esca<strong>le</strong> à Igly, pour prendre un repas avec mon compagnon de chasse Walther,<br />

à la fin du repas, très subitement, il me fit part de sa volonté de s’évader de<br />

notre bas monde, car sa santé se dégradait de plus en plus rapidement.<br />

J’ai passé toute la soirée avec lui, essayant de lui remonter <strong>le</strong> moral,<br />

puis, je pris congé de lui, en pressentant que <strong>le</strong> pire risquait de se produire.<br />

J’ai pris la piste en direction d’Adrar, puis, quelques kilomètres plus<br />

loin, j’ai fait demi tour, et je me suis rendu, vers deux heures du matin, chez<br />

son chef monsieur Vel<strong>le</strong>, directeur du Mer Niger, que je sortis de son lit, pour<br />

lui faire part de mes inquiétudes, lui demandant d’al<strong>le</strong>r à Igly, aussi<br />

rapidement que possib<strong>le</strong>, avec un médecin. Il fit <strong>le</strong> nécessaire aussitôt, et je<br />

repartis pour Adrar.<br />

En passant à Igly, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, tout était éteint, et pensant qu’ils<br />

dormaient je ne me suis pas arrêté, et suis arrivé chez moi sur <strong>le</strong> coup de dix<br />

heures du matin. Quelques jours après, j’appris que Walter avait mis fin à ses<br />

jours, dans son lit, en se tirant un coup de son fusil dans <strong>le</strong> dos, l’arme<br />

appuyée derrière lui contre <strong>le</strong> mur. Ce fut, pour nous, je dis nous, car tous <strong>le</strong>s<br />

sahariens l’appréciaient énormément, une bien triste nouvel<strong>le</strong>, et je ne suis<br />

plus jamais retourné à la chasse à Igly, ayant perdu celui qui m’y avait<br />

toujours accompagné.<br />

Je n’y fis plus que quelques rares esca<strong>le</strong>s, pour par<strong>le</strong>r de Lui, avec son<br />

personnel, qui lui avait gardé une très grande estime, et <strong>le</strong> regrettaient très<br />

sincèrement.<br />

Les soirées avec <strong>le</strong>s équipages d’Air France<br />

Chaque semaine, se posait à Adrar un avion d’Air France, venu<br />

d’Alger, qui arrivait vers17 heures, et ne repartait que <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin.<br />

J’avais rapidement fait connaissance avec <strong>le</strong>s équipages, et, ils avaient<br />

pris l’habitude de venir à la maison, dès <strong>le</strong>ur arrivée. Ils dormaient à l’hôtel de<br />

la transsaharienne, chez Andréani, mais prenaient <strong>le</strong> repas du soir à la maison.<br />

Ils étaient quatre : Le pilote, commandant de bord, <strong>le</strong> navigateur, <strong>le</strong> mécan<strong>ici</strong>en<br />

copilote, et un steward.<br />

J’allais <strong>le</strong>s récupérer a <strong>le</strong>ur arrivée, <strong>le</strong>s conduisais à l’hôtel, puis ils<br />

venaient chez nous, pour passer la soirée. Ils nous amenaient toujours des<br />

vivres et boissons, provenant des abondants approvisionnements du bord.<br />

Nous allions, <strong>le</strong> plus souvent, <strong>le</strong>ur faire visiter, en jeep, soit mes<br />

chantiers, soit quelques palmeraies voisines, et, souvent, à <strong>le</strong>ur demande, ils<br />

me demandaient, surtout si l’un d’eux venait pour la première fois à Adrar, de<br />

<strong>le</strong>s conduire dans <strong>le</strong>s dunes de Boudda.<br />

Une fois, un steward, qui n’était pas encore venu à Adrar, arrivé en<br />

haut de la dune, voyant soudain <strong>le</strong> vide devant lui, sauta de la voiture, fit un<br />

long roulé boulé jusqu’au bas de la dune, et se retrouva, indemne, couvert de<br />

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sab<strong>le</strong>, et tout éberlué, à la grande joie de ses camarades de vol. Anecdotique<br />

ment, il s’appelait Farcy, et se présentait toujours en se présentant : « Farcy,<br />

comme <strong>le</strong>s tomates ».<br />

Les soirées étaient toujours très agréab<strong>le</strong>s : Pots chez Andréani, thés<br />

rituels chez des amis, pèche dans <strong>le</strong>s foggaras, <strong>le</strong>s distractions ne manquaient<br />

pas, et nous n’allions dormir, seu<strong>le</strong>ment que vers minuit. Le <strong>le</strong>ndemain, ils<br />

redécollaient vers sept heures, et, en général, comme nous ne <strong>le</strong>s<br />

accompagnions pas au terrain, ils venaient faire un passage à très basse<br />

altitude, au dessus de la maison. Une fois, avec un DC3, <strong>le</strong> pilote, un casse<br />

cou, me dit qu’il décrocherait notre antenne avec son train d’atterrissage. Je<br />

lui dis « chiche », et <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, il <strong>le</strong> fit, sans aucun problème pour l’avion,<br />

mais en emportant <strong>le</strong> fil, que je dus remplacer.<br />

Plus tard, <strong>le</strong>s DC3 furent remplacés par des Breguet deux ponts, et ils<br />

me contèrent l’anecdote suivante, survenue avec un de ces appareils, en<br />

entrainement, sur <strong>le</strong> terrain de Maison Blanche, à Alger: Le Breguet, à ses<br />

débuts, excel<strong>le</strong>nt avion, présentait un défaut : en vol, subitement, <strong>le</strong> voyant<br />

d’alarme incendie du pont inférieur se déc<strong>le</strong>nchait, sans raison apparente,<br />

avec clackson et lumière rouge d’alarme, clignotante, au poste de pilotage. Au<br />

début, <strong>le</strong>s équipages envoyaient immédiatement <strong>le</strong> mécan<strong>ici</strong>en de bord, au<br />

pont inférieur, où se trouvaient des extincteurs, pour prendre toutes mesures<br />

pour arrêter <strong>le</strong> feu. Mais il n’y trouvait rien d’anormal, et <strong>le</strong>s pilotes avaient<br />

signalé à plusieurs reprises, ce défaut, à la compagnie, et au fabricant de<br />

l’appareil, mais, en attendant de futures modifications, qui ne se firent que<br />

plus tard, <strong>le</strong>s pilotes, informés, ne s’en préoccupèrent plus. Au début <strong>le</strong><br />

meccano continuait à se rendre au pont inférieur, puis, routine aidant, ils ne <strong>le</strong><br />

firent plus. Or, <strong>le</strong> jour de ce vol d’entrainement, à Alger, l’appareil évoluait,<br />

en tours de piste, et, soudain, la tour de contrô<strong>le</strong> signala à l’équipage que de la<br />

fumée sortait de l’avion. Aussitôt, <strong>le</strong> mécan<strong>ici</strong>en descendit au pont inférieur,<br />

et, ce jour là, il dut stopper <strong>le</strong> début d’incendie, avec succès, heureusement, au<br />

moyen des extincteurs de bord. A la suite de cet incident, tous <strong>le</strong>s appareils<br />

furent rapidement réparés par <strong>le</strong> constructeur, et ces avions ont fait une longue<br />

carrière et ont toujours été considérés comme très rentab<strong>le</strong>s et fiab<strong>le</strong>s.<br />

Il m’arrivait, parfois de voyager avec <strong>le</strong>s équipages, pour me rendre,<br />

soit à Colomb Béchar, soit à Alger, et je faisais habituel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> voyage en<br />

restant au poste de pilotage, avec l’équipage.<br />

Un jour, je suis monté à Colomb Béchar, et, <strong>le</strong> steward me dit que je ne<br />

pouvais pas me rendre au poste de pilotage, car <strong>le</strong> pilote, nouveau venu, était,<br />

pour ce voyage, contrôlé par un instructeur. J’ai donc, fait <strong>le</strong> voyage en<br />

cabine, tout en suivant, par <strong>le</strong>s hublots, <strong>le</strong> paysage qui défilait sous l’avion. A<br />

ma grande surprise, je m’aperçus que nous laissions Timimoun, où nous<br />

devions faire une courte esca<strong>le</strong>, sur notre gauche, nous dirigeant vers Adrar.<br />

J’ai, aussitôt, appelé <strong>le</strong> steward, pour lui signa<strong>le</strong>r <strong>le</strong> fait, et il se rendit au poste<br />

de pilotage, pour en aviser l’instructeur ; il revint alors me chercher, et je lui<br />

fis part de mes observations. Le mécan<strong>ici</strong>en qui me connaissait bien, me<br />

demanda si j’étais sûr de moi ; Je lui dis que oui, et lui indiquai, sur la carte,<br />

la position approximative de l’avion. Nous avons donc fait demi tour, et nous<br />

avons aperçu, devant nous, à une vingtaine de kilomètres la palmeraie de<br />

119


Timimoun. Nous nous sommes donc posés, et au départ pour Adrar, je fus<br />

autorisé à rester avec eux, au poste de pilotage. Je tiens à préciser, <strong>ici</strong>, qu’à<br />

cette époque il n’existait, pour <strong>le</strong>s avions de ligne qui traversaient <strong>le</strong> Sahara,<br />

aucun autre moyen de navigation, que <strong>le</strong> compas, la montre, et un appareil<br />

optique, <strong>le</strong> dérivomètre, qui permettait d’estimer la va<strong>le</strong>ur de la dérive, due<br />

aux vents de travers. Les vols étaient contrôlés, par liaison radio par <strong>le</strong> centre<br />

d’Alger contrô<strong>le</strong>, qui, à cette époque ne disposait d’aucun appareil de guidage<br />

des avions en vol.<br />

Il est certain que <strong>le</strong> pilote se serait très vite rendu compte de l’erreur de<br />

route de l’avion, et, qu’un point re<strong>le</strong>vé par <strong>le</strong> navigateur de bord, lui aurait<br />

permis de rectifier sa trajectoire, et retrouver Timimoun.<br />

Une autre fois, alors que je n’avais qu’une vingtaine d’heures de vol,<br />

avec <strong>le</strong> Tiger moth, j’avais repris <strong>le</strong> DC3 au décollage de Colomb Béchar,<br />

pour rejoindre Adrar, par Timimoun, et, j’étais au poste de pilotage, lorsque <strong>le</strong><br />

pilote, commandant de bord, me demanda de prendre sa place, s’installant<br />

alors sur cel<strong>le</strong> du copilote (l’avion était toujours équipé en doub<strong>le</strong><br />

commande),il me laissa <strong>le</strong>s commandes. Après quelques virages pour<br />

apprécier mes jeunes capacités de pilote, il me dit qu’il allait me laisser poser<br />

l’avion à Timimoun (tout en restant aux commandes lui même, au cas où ?...).<br />

Apparemment cela se passa assez bien, puisqu’il me fit effectuer,<br />

ensuite <strong>le</strong> décollage pour Adrar, et l’atterrissage éga<strong>le</strong>ment.<br />

Nos animaux de compagnie :<br />

Nous aimons beaucoup <strong>le</strong>s animaux, et, particulièrement lors de<br />

notre séjour au Sahara, nous avons beaucoup été gâtés par la diversité de nos<br />

animaux de compagnie, dont certains, je dois <strong>le</strong> dire, n’étaient pas<br />

particulièrement courants dans une maison. Mais je pense que, si, d’aucuns,<br />

nous trouveront assez farfelus pour cohabiter avec certaines espèces, (après<br />

tout, Noé en avait eu bien davantage dans son arche !), d’autres, amis de la<br />

nature, pourront, peut être regretter de n’avoir pas fait cette expérience).<br />

L’Ane « Boudda » Un beau jour, un jeune arabe, se présenta à la<br />

maison, avec un ânon, et toute la famil<strong>le</strong>, et surtout <strong>le</strong>s enfants, furent<br />

d’accord pour que nous l’achetions. Ce compagnon à quatre pattes vécut donc<br />

à notre dom<strong>ici</strong><strong>le</strong>, pendant plusieurs années, et il s’acclimata parfaitement à sa<br />

nouvel<strong>le</strong> existence, au point que, quelques mois plus tard, nous avions pu<br />

obtenir qu’il ne fasse plus ses besoins dans la maison.<br />

Les ânes ont la réputation d’être têtus, ce qui est faux, si l’on considère<br />

que Boudda nous obéissait parfaitement, était devenu <strong>le</strong> compagnon de jeu<br />

des enfants, et était considéré comme un hôte habituel, ainsi, d’ail<strong>le</strong>urs que<br />

tous <strong>le</strong>s autres animaux, avec qui nous avons cohabité. Il était très doux, jouait<br />

avec tout <strong>le</strong> monde, sans jamais avoir de mauvaises ruades, et prenait, souvent<br />

dans <strong>le</strong>s mains, la nourriture qui lui était offerte. Un seul ennui, quelquefois,<br />

alors que nous étions à tab<strong>le</strong>, il voulait partager <strong>le</strong> repas avec nous, et il lui<br />

est arrivé de vouloir poser ses deux pattes avant, sur la tab<strong>le</strong>, et, ses sabots,<br />

glissant sur la nappe, il envoyait promener une partie de ce qu’il y avait<br />

dessus. Heureusement, nous prenions ça à la rigolade, même <strong>le</strong> boy, qui<br />

venait vite réparer lui-même <strong>le</strong>s dégâts. Ce gentil animal a ainsi eu la grande<br />

chance d’échapper au triste sort de ses congénères, pour, qui la vie de bête de<br />

120


somme, dans ces pays, doit être un véritab<strong>le</strong> enfer, car ils sont mis à<br />

contribution pour porter de lourdes charges sur de grandes distances, sans<br />

aucun ménagement, contrairement aux chameaux, qui sont mieux considérés.<br />

Les gazel<strong>le</strong>s , <strong>le</strong>s fennecks, l’autruche la cigogne, et <strong>le</strong> crocodi<strong>le</strong> :<br />

Nous avons eu, toujours, à la maison, une ou deux jeunes gazel<strong>le</strong>s, qui<br />

vivaient en permanence avec <strong>le</strong>s enfants ; el<strong>le</strong>s jouaient avec eux, comme<br />

avec des jeunes chiens, et, chose curieuse, el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s défendaient, si par<br />

exemp<strong>le</strong>, nous <strong>le</strong>s grondions, au sujet d’une quelconque bêtise, el<strong>le</strong>s<br />

attaquaient avec de petits coups de corne, ce qui était très dissuasif, car cel<strong>le</strong>sci,<br />

longues de quelques centimètres, seu<strong>le</strong>ment, étaient très acérées. Même<br />

notre chien, Dick, ne <strong>le</strong>ur cherchait pas de noises, craignant <strong>le</strong>s piques<br />

qu’el<strong>le</strong>s lui prodiguaient, s’il <strong>le</strong>s tarabustait.<br />

Nous avons éga<strong>le</strong>ment eu des fennecs, petits renard des sab<strong>le</strong>s, très<br />

affectueux, qui jouaient aussi avec <strong>le</strong>s enfants et <strong>le</strong> chien, mais qui avaient la<br />

particularité très curieuse, de courir de tous <strong>le</strong>s côtés, pendant <strong>le</strong>s nuits de<br />

p<strong>le</strong>ine lune, au point que l’on aurait crû, qu’ils étaient au moins une dizaine à<br />

mener la sarabande, dans toute la maison, ou dans tout <strong>le</strong> jardin, et sur la<br />

terrasse. Nous ne <strong>le</strong>s gardions que quelques mois, car, parvenus à l’âge<br />

adultes, ils s’échappaient, et nous <strong>le</strong>s remplacions, aussitôt par de jeunes<br />

sujets, que nous amenaient <strong>le</strong>s chameliers qui rapportaient, à dos de chameau,<br />

<strong>le</strong> bois qu’ils récoltaient dans <strong>le</strong>s zones de pâture à chameau, où ils étaient très<br />

nombreux. Un jour, un chamelier nous fut envoyé par un de nos ouvriers, et<br />

nous donna une autruche, que j’acceptai, et que nous avons lâchée dans <strong>le</strong><br />

jardin ; Une autruche, c’est assez pittoresque, et peu courant, mais, c’est un<br />

animal qui a un caractère très ombrageux, et vous décoche de grands coups<br />

de pattes, d’ai<strong>le</strong>, ou de bec, qui sont très douloureux. C’est pratiquement<br />

inapprivoisab<strong>le</strong>, et nous nous en sommes séparés dans <strong>le</strong> mois qui a suivi, en<br />

la donnant à un jardinier, qui la lâcha dans la palmeraie.<br />

Certain jour, ce même jardinier, nous amena une cigogne blanche<br />

adulte, oiseau migrateur, qui fait souvent esca<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s palmeraies du<br />

Sahara ; el<strong>le</strong> avait une ai<strong>le</strong> cassée, et était restée dans <strong>le</strong>s jardins. Nous l’avons<br />

mise dans <strong>le</strong> notre, après l’avoir bien soignée, lui avons mis une attel<strong>le</strong>, pour<br />

immobiliser <strong>le</strong> membre cassé, et l’avons nourrie avec des œufs cuits, et des<br />

restes de nos repas ; el<strong>le</strong> est restée chez nous pendant plusieurs mois, puis, un<br />

matin, el<strong>le</strong> s’est envolée, et nous avons supposé, car c’était au mois d’avril,<br />

qu’el<strong>le</strong> avait rejoint un vol migrateur, pour retrouver une vie plus norma<strong>le</strong>, de<br />

cigogne libre.<br />

Le crocodi<strong>le</strong> : Celui a effectué <strong>le</strong> voyage, en camion, de Gao à Adrar,<br />

avec un camion de la SATT, conduit par un des chauffeurs, qui connaissant<br />

notre passion pour <strong>le</strong>s animaux avait pensé que ce petit animal (il mesurait<br />

une vingtaine de centimètres de long), pourrait nous faire plaisir; j’avoue que<br />

l’idée d’apprivoiser un crocodi<strong>le</strong> ne m’avait jamais eff<strong>le</strong>uré, et était très<br />

farfelue. Devant mon hésitation, il me dit de <strong>le</strong> garder pendant quelques jours,<br />

et que, s’il nous causait quelque problème, il viendrait <strong>le</strong> reprendre, et <strong>le</strong><br />

ramènerait à Gao, ou, parait il, quelques colons en é<strong>le</strong>vaient quelques uns,<br />

dans <strong>le</strong>s grands bassins de <strong>le</strong>urs domaines. Cet animal, dans son jeune âge, ne<br />

paraissait pas risquer de b<strong>le</strong>sser un de nos enfants, avec <strong>le</strong>squels ils jouaient et<br />

121


se baignaient, dans <strong>le</strong> bassin du jardin; Il ne <strong>le</strong>ur a jamais fait aucun mal, se<br />

contentant de mordre <strong>le</strong>s morceaux de bois qu’ils lui donnaient ; du point de<br />

vue de sa nourriture, cela ne posa pas de problème, car il mangeait <strong>le</strong>s déchets<br />

de viande que lui apportait notre boy. Il n’avait, d’ail<strong>le</strong>urs pas un gros appétit,<br />

et on ne l’a pas gardé vivant, assez longtemps, pour qu’il atteigne une tail<strong>le</strong><br />

suffisante pour risquer de devenir dangereux. Il avait très vite pris l’habitude<br />

de sortir de son bassin, où nous avions disposé une planche sur laquel<strong>le</strong> il<br />

pouvait se reposer, et il se tenait souvent sur <strong>le</strong> pas de la porte de la cuisine,<br />

dont il interdisait l’entrée en claquant des mâchoires, ce qui était assez<br />

impressionnant, car il montrait une denture bien développée. Le seul moyen<br />

de lui faire dégager la porte, était de prendre un manche à balai par une de ses<br />

extrémités, et de lui présenter l’autre, qu’il saisissait solidement dans sa<br />

gueu<strong>le</strong>, de <strong>le</strong> sou<strong>le</strong>ver, et de <strong>le</strong> transporter dans son bassin.<br />

Ce malheureux animal a fini écrasé par un gros caillou que nos enfants<br />

avaient posé sur <strong>le</strong> bord du bassin, et qu’ils lui ont fait, involontairement<br />

tomber sur la tête. Triste fin pour <strong>le</strong> pauvre crocodi<strong>le</strong>, qui fut enterré dans <strong>le</strong><br />

jardin.<br />

Notre chien Dick<br />

Un jour, lors d’une esca<strong>le</strong> à Igly, <strong>le</strong> lieutenant chef du poste, me<br />

demanda, incidemment, si je ne souhaitais pas adopter un jeune chien de trois<br />

ans, abandonné par un de ses hommes, parce qu’il était assez méchant, et<br />

avait mordu deux personnes. Il connaissait bien ma passion pour <strong>le</strong>s animaux,<br />

et supposait que je voudrais peut être l’en débarrasser.<br />

Je demandai alors à faire connaissance avec lui ; il était enfermé dans<br />

un chenil grillagé, dont je me suis approché <strong>le</strong>ntement en l’appelant par son<br />

nom ; arrivé contre <strong>le</strong> grillage, ne voyant aucun signe d’hostilité de sa part,<br />

j’ai tendu <strong>le</strong>ntement la main vers lui, et, fina<strong>le</strong>ment, je suis rentré dans son<br />

enclos, où il vint me la lécher, tout de suite. Cette preuve d’affection m’a<br />

ému, et j’ai accepté d’emmener notre nouveau compagnon à Adrar. A mon<br />

arrivée, Dick se montra, tout de suite, affectueux avec toute la maisonnée,<br />

s’habitua a cohabiter avec nos autres animaux, sauf avec <strong>le</strong> crocodi<strong>le</strong>, qu’il<br />

ignorait avec dédain. Il devint très vite <strong>le</strong> défenseur, et <strong>le</strong> gardien de la<br />

maison, et un compagnon inséparab<strong>le</strong> des enfants.<br />

Un soir, il est sorti, comme cela lui arrivait parfois, et a passé la nuit<br />

dehors, ce qui ne lui était encore jamais arrivé. Le <strong>le</strong>ndemain matin, vers sept<br />

heures, notre cuisinier m’appela pour me dire qu’un habitant du village<br />

voulait me par<strong>le</strong>r. Il m’expliqua, alors, que pendant toute la nuit, <strong>le</strong> chien lui<br />

avait interdit , en grognant, et en lui montrant ses crocs, de redescendre <strong>le</strong>s<br />

escaliers du cabinet d’aisance, situé dans <strong>le</strong> souk, tout proche de la maison.<br />

Une parenthèse, est <strong>ici</strong>, indispensab<strong>le</strong>, pour expliquer à mes <strong>le</strong>cteurs,<br />

comment ces édicu<strong>le</strong>s sont aménagés : Accolé au mur d’enceinte du souk, un<br />

escalier conduit, à une hauteur de trois mètres, environ, au dessus du sol, à<br />

une petite cabine dont <strong>le</strong> plancher est muni d’un orifice, au dessus duquel se<br />

place celui qui veut se soulager. Au dessous, un tonneau reçoit <strong>le</strong>s matières,<br />

qui sont col<strong>le</strong>ctées tous <strong>le</strong>s matins, pour fertiliser la terre des jardins de la<br />

palmeraie.<br />

122


Le malheureux homme, accepta mes excuses accompagnées d’un<br />

copieux petit déjeuner, une petite pièce d’un douro, et repartit, tout content.<br />

L’incident ne s’est jamais reproduit.<br />

Lorsqu’il nous fallut rentrer en France, Dick est resté à Adrar, chez<br />

Andréani, <strong>le</strong> gérant de l’hôtel, qui <strong>le</strong> connaissait bien, et nous avons eu de ses<br />

bonnes nouvel<strong>le</strong>s de lui, à plusieurs reprises.<br />

Chapitre 19 : Une soirée entre célibataires<br />

Une seu<strong>le</strong> fois, pendant notre séjour à Adrar, j’y ai passé tout l’été,<br />

alors que ma femme, mes enfants et Mabrouka étaient retournés en France, en<br />

vacances. Je suis donc resté seul pendant deux mois, et j’ai bien supporté la<br />

cha<strong>le</strong>ur, grâce à la cave, où je passais <strong>le</strong>s heures chaudes de l’après midi, soit<br />

en faisant une longue sieste, soit en jouant aux cartes avec <strong>le</strong> Docteur, dont<br />

femme avait éga<strong>le</strong>ment rejoint la France, soit avec d’autres amis.<br />

Un beau jour, <strong>le</strong> docteur, qui était chargé de la surveillance médica<strong>le</strong><br />

des « respectueuses » d’Adrar, nous proposa de réunir quatre de ces fil<strong>le</strong>s à la<br />

maison, pour agrémenter une de nos longues soirées. La proposition fut vite<br />

acceptée, et donc, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, el<strong>le</strong>s arrivèrent, toutes souriantes, avec un<br />

bon repas, que nous avons pris à la maison.<br />

Je dois dire à mes <strong>le</strong>cteurs, que ce fut la seu<strong>le</strong> fois de ma vie, que j’ai<br />

fréquenté ce genre de personnes, bien que <strong>le</strong>s ayant souvent croisées dans <strong>le</strong><br />

village, et bien que Mabrouka, qui avait fait ce métier à Timimoun, avant que<br />

nous ne l’embauchions, ait souvent été <strong>le</strong>ur rendre visite, avec notre jeune fils<br />

Patrick, qu’el<strong>le</strong>s ont, sans aucun doute déniaisé.<br />

La soirée fut des plus agréab<strong>le</strong>s, et el<strong>le</strong>s se retrouvèrent très vite, en<br />

tenue très légère. J’avais, pour moi, choisi une certaine métisse, nommée<br />

Aicha, issue d’un père hawaïen, et d’une mère arabe, que j’avais souvent<br />

croisée, échangeant, parfois quelques mots avec el<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong>s rues du village;<br />

C’était une petite brune piquante, aux yeux d’un noir profond, très<br />

aguicheuse, avec une poitrine très provocante, de petits seins arrogants, et un<br />

dos bien cambré : el<strong>le</strong> avait, comme on <strong>le</strong> dit vulgairement « beaucoup de<br />

conversation, et de la distinction » ce qui ne manquait pas d’attirer <strong>le</strong>s regards<br />

de tout homme norma<strong>le</strong>ment constitué. Nous avons donc passé une excel<strong>le</strong>nte<br />

nuit, avec nos invitées, qu’après <strong>le</strong> repas, nous avons emmenées dans <strong>le</strong>s<br />

jardins de la palmeraie, chacun avec la fil<strong>le</strong> de son choix, et nous ne sommes<br />

rentrés qu’à l’aube à nos dom<strong>ici</strong><strong>le</strong>s respectifs. Ce fut la seu<strong>le</strong> fois de ma vie,<br />

que j’ai eu des relations intimes avec des fil<strong>le</strong>s pratiquant <strong>le</strong> plus vieux métier<br />

du monde. Je me dois de dire que j’en ai toujours gardé un très bon souvenir,<br />

au point d’en faire part à mes <strong>le</strong>cteurs, sans aucune honte, et sans autres<br />

détails croustillants.<br />

Morts de soif, sur <strong>le</strong>, reg<br />

J’ai eu deux fois la funèbre surprise de rencontrer en roulant sur <strong>le</strong> reg, un<br />

homme mort de soif. Cela s’est produit entre Adrar et Reggan, et j’avais quitté la<br />

piste où la tô<strong>le</strong> ondulée, due au roulage des véhicu<strong>le</strong>s, était très importante, car<br />

<strong>le</strong> motor grader du Mer Niger, qui passait périodiquement pour la nive<strong>le</strong>r, avait<br />

pris du retard. Sur ce tronçon, la piste longe une dépression d’axe nord sud, où<br />

se trouvent de nombreuses petites palmeraies, avec de petits villages habités par<br />

quelques dizaines d’autochtones. Les deux malheureux, je l’ai su plus tard,<br />

123


étaient des habitants d’un de ces villages.<br />

Dans <strong>le</strong>s deux cas, <strong>le</strong>s corps étaient tota<strong>le</strong>ment desséchés, ne dégageant<br />

aucune mauvaise odeur, la peau tendue et gonflée, comme cel<strong>le</strong> d’un tambour, et<br />

littéra<strong>le</strong>ment enroulés autour d’un petit buisson d’épineux, rempart dérisoire<br />

contre la morsure du so<strong>le</strong>il. A coté d’eux, il y avait une cruche en terre cuite,<br />

<strong>le</strong>ur fragi<strong>le</strong> réserve d’eau. Sitôt découvert <strong>le</strong>s corps, je partais dans <strong>le</strong> hameau <strong>le</strong><br />

plus proche, pour prévenir <strong>le</strong> « kebir » de l’agglomération, et je <strong>le</strong> conduisais, en<br />

voiture à l’endroit où ils gisaient, pour qu’ensuite, il <strong>le</strong>ur donne une sépulture<br />

dans <strong>le</strong> cimetière du hameau.<br />

Ces accidents arrivent fréquemment, car ces hommes sont des sédentaires,<br />

ignorant tout des dangers du désert, sans aucun sens de l’orientation par <strong>le</strong>s<br />

étoi<strong>le</strong>s, partis de nuit, pour rejoindre un village voisin, s’égaraient sur <strong>le</strong> reg,<br />

complètement désorientés. Jamais, un vrai nomade, ou un caravanier n’auraient<br />

subi pareil<strong>le</strong> mésaventure, car, « hommes du désert », ils avaient un sens aigu de<br />

l’orientation, et ne transportaient l’eau que dans des « guerbas » en peau de<br />

chèvre, donc incassab<strong>le</strong>s, et du ravitail<strong>le</strong>ment suffisant pour la durée de <strong>le</strong>ur<br />

voyage.<br />

La découverte du premier gisement pétrolier par la<br />

SNREPAL à Hassi Messaoud : (raison majeure, à mon humb<strong>le</strong><br />

avis, de la perte de l’Algérie, et de la venue des Fellagas)<br />

En mil neuf cent cinquante six, j’ai reçu une <strong>le</strong>ttre de mon ami<br />

Maurice Gottis, avec qui j’avais collaboré à la fac de Montpellier, pour<br />

travail<strong>le</strong>r des photos qui devaient être jointes à son diplôme d’agrégation en<br />

géologie. Après avoir obtenu ce beau titre universitaire, il avait été nommé<br />

professeur de géologie à Bordeaux, à la Faculté des sciences de Ta<strong>le</strong>nce, mais<br />

il collaborait éga<strong>le</strong>ment, comme Ingénieur Conseil, avec la CEP: Compagnie<br />

d’Exploration Pétrolière, dont <strong>le</strong> siège était à Chambourcy, près de Paris.<br />

Il me proposait, comme j’étais géologue, et que la CEP venait d’obtenir<br />

un permis au Sahara, et recherchait un chef de mission dans <strong>le</strong> Touat, de me<br />

faire embaucher par cette société, aussi rapidement que possib<strong>le</strong>, pour<br />

occuper ce poste, avec des conditions très intéressantes : un salaire égal au<br />

trip<strong>le</strong> de celui que je percevais dans l’administration, et, de plus, <strong>le</strong> titre<br />

d’Ingénieur, auquel je n’avais pas droit, du fait que je n’étais pas sorti de<br />

l’Eco<strong>le</strong> des Ponts et Chaussées, bien que j’en ai assumé <strong>le</strong>s fonctions, ce qui<br />

était aussi <strong>le</strong> cas de Pagès, qui, lui, était passé par l’Eco<strong>le</strong> Centra<strong>le</strong>.<br />

Je lui ai aussitôt répondu que sa proposition m’agréait, et que je lui<br />

confirmerais mon acceptation après en avoir référé à mon Ingénier en chef,<br />

Monsieur Brochet. Comme il n’y avait pas <strong>le</strong> téléphone à Adrar, je pris la<br />

route, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, avec ma Landrover, pour al<strong>le</strong>r à Colomb Béchar, et, ainsi,<br />

mettre d’abord Pagès au courant de cette proposition qu’il me conseilla de ne<br />

pas refuser, puis, pour en par<strong>le</strong>r au téléphone, avec Monsieur Brochet, et avec<br />

Monsieur Salva, mon Ingénieur d’arrondissement.<br />

Monsieur Brochet me conseilla, lui aussi, d’accepter cette proposition,<br />

mais, éga<strong>le</strong>ment, de bien vouloir, en même temps, et pour deux mois, mettre<br />

au courant de mon travail, pour <strong>le</strong> service, un remplaçant, qu’il allait<br />

m’envoyer sous quelques jours.<br />

124


Ce garçon nous arriva, accompagné de Pagès, et fut logé,<br />

provisoirement, dans une petite maison, en attendant que je libère la mienne,<br />

pour m’instal<strong>le</strong>r dans une autre, qui avait été louée sur mes indications, par la<br />

CEP.<br />

Cel<strong>le</strong>-là, était plus grande, avec deux bureaux, un garage entrepôt, pour<br />

<strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s, et cinq pièces pour loger <strong>le</strong>s ingénieurs géologues et <strong>le</strong>s<br />

chauffeurs, qui arrivèrent quelques jours après, en compagnie de mon<br />

nouveau patron, Monsieur Julian, qui me mit au courant de mes nouvel<strong>le</strong>s<br />

responsabilités.<br />

Je n’ai jamais regretté <strong>le</strong> choix d’une nouvel<strong>le</strong> carrière, mais bien<br />

souvent, malgré tout, j’ai gardé une intense nostalgie de ces années passées<br />

dans <strong>le</strong> service de l’hydraulique, qui nous avaient beaucoup marqués, mon<br />

épouse, <strong>le</strong>s enfants, et moi, ce qui m’a conduit à écrire ce <strong>roman</strong>, et été un<br />

grand tournant dans notre vie, car ma nouvel<strong>le</strong> profession, nous a forcés à<br />

revenir en France, et à avoir, pendant une dizaine d’années une vie très<br />

différente, effrénée, objet de vingt sept déménagements, et un travail<br />

tota<strong>le</strong>ment différent, auquel j’ai du, rapidement m’adapter.<br />

Nous ne sommes restés Adrar que six mois de plus, puis la CEP me<br />

suggéra de revenir en France, pour assumer <strong>le</strong>s fonctions d’ingénieur<br />

géologue de sonde.<br />

Comme, à cette époque, <strong>le</strong>s fellagas venaient parfois à Adrar, craignant<br />

pour la sécurité de nos enfants, nous avons accepté cette nouvel<strong>le</strong> proposition.<br />

Nous avons donc quitté ce beau pays, avec un profond regret, y laissant<br />

tous nos amis et nos animaux, <strong>le</strong> cœur bien gros, avec un avion d’Air France,<br />

notre mobilier devant nous être retourné chez mes parents à Montpellier.<br />

Il parvint en France, quelques jours plus tard, à l’exception de toutes<br />

mes col<strong>le</strong>ctions d’objets préhistoriques, que des collègues fort indélicats, ont<br />

conservé.<br />

Trois jours après avoir quitté Adrar, nous nous sommes retrouvés en<br />

Alsace, près de Mulhouse, ou je débutai dans mes nouvel<strong>le</strong>s fonctions.<br />

Mais ceci, est une autre histoire, que je raconterai, peut être<br />

un jour, si Dieu <strong>le</strong> veut. « Inch Allah ».<br />

125


Nouveaux jardin dans la palmeraie d'Adrar<br />

Puits de Foggaras sur <strong>le</strong> Reg - Au fond la palmeraie<br />

POSTFACE<br />

Avant de terminer cet ouvrage je voudrais exposer à mes <strong>le</strong>cteurs, la<br />

philosophie, acquise lors de notre long séjour au Sahara et qui nous a<br />

marqués pour tout <strong>le</strong> reste de notre existence<br />

A l’époque ou nous étions au Sahara, dans <strong>le</strong>s années 1950,<br />

comme nous l’avons écrit plus haut, la civilisation n’avait que très peu<br />

pénétré dans ce pays, où son iso<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> protégeait, et lui permettait de<br />

conserver toutes ses va<strong>le</strong>urs naturel<strong>le</strong>s humaines<br />

Il y avait, évidemment des gens pauvres, et d’autres, plus ou<br />

moins riches, mais la rigueur du climat, et son hostilité, contribuaient en<br />

126


faire une communauté très indépendante où, <strong>le</strong>s uns des autres<br />

partageaient l’ ensemb<strong>le</strong> des joies et des peines de la vie, chacun dépendant<br />

des autres ce qui créait un noyau humain très autonome, à l’abri des<br />

influences et des perversions des populations dites « plus civilisées »,qui<br />

commençaient, déjà à subir l’emprise des médias, du capitalisme délirant,<br />

de l’égoïsme des riches, qui, de plus en plus s’emparaient des richesses<br />

issues du travail de la plupart de <strong>le</strong>urs semblab<strong>le</strong>s, ne <strong>le</strong>ur laissant que <strong>le</strong><br />

strict minimum pour vivre, malgré des travaux de plus en plus<br />

contraignants, <strong>le</strong>s abandonnant à des conditions de vie, de plus en plus<br />

précaires, et l’empire de ces médias, de plus en plus puissants, ce qui a<br />

conduit à la société actuel<strong>le</strong> de consommation effrénée, qui crée de jour en<br />

jour, de plus en plus de nouveaux objets, auxquels la plupart des classes<br />

délaissées, <strong>le</strong>s plus pauvres, mais <strong>le</strong>s plus productives, ne peuvent plus<br />

accéder.<br />

Il y a cinquante ans, au début du XXème sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s petits salaires,<br />

fruits du seul travail du père, suffisaient à assurer <strong>le</strong>s besoins d’une famil<strong>le</strong>.<br />

L’épouse restait à la maison, et pouvait s’occuper d’é<strong>le</strong>ver <strong>le</strong>s enfants, en<br />

<strong>le</strong>ur inculquant <strong>le</strong> sens des va<strong>le</strong>urs, de la famil<strong>le</strong>, et des règ<strong>le</strong>s de la vie en<br />

société. Qu’en est-il de nos jours ? Les mères quittent <strong>le</strong> dom<strong>ici</strong><strong>le</strong> pour<br />

accroitre <strong>le</strong>s ressources du ménage, afin de subvenir aux besoins artif<strong>ici</strong>els<br />

nouveaux, et superfétatoires, fruits de la publ<strong>ici</strong>té de plus en plus pressante,<br />

véritab<strong>le</strong> pression insupportab<strong>le</strong> des médias, incitant à satisfaire de plus en<br />

plus de faux besoins, qui, fina<strong>le</strong>ment, conduisent <strong>le</strong>s plus pauvres, et surtout<br />

<strong>le</strong>s jeunes, a la délinquance croissante, et à une tota<strong>le</strong> insécurité.<br />

<strong>Pour</strong> l’exemp<strong>le</strong>, je suis conduit à expliquer que, au Sahara, cette<br />

délinquance était tota<strong>le</strong>ment impensab<strong>le</strong>. La police était inexistante, et <strong>le</strong><br />

moindre larcin était chose très rare, car <strong>le</strong> coupab<strong>le</strong> était très rapidement<br />

retrouvé par <strong>le</strong>s « chercheurs de traces », et sa punition était de ramener<br />

l’objet volé ou, au pire, il prenait une bonne raclée en présence du<br />

« Cadi », seul représentant civil, musulman, de l’ordre dans son village.<br />

En sept ans, nous n’avons entendu par<strong>le</strong>r d’aucun crime<br />

crapu<strong>le</strong>ux commis dans <strong>le</strong>s Territoires du Sud, sauf en fin de séjour, à<br />

l’apparition des « fellagas ».<br />

Nous pouvons, encore, en ce début de sièc<strong>le</strong>, retrouver ces<br />

solitudes, vierges de toute civilisation, mais, uniquement dans <strong>le</strong>s ergs, où<br />

<strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s des touristes ne peuvent pas pénétrer. Les zones de notre<br />

planète, même <strong>le</strong>s plus hosti<strong>le</strong>s, comme <strong>le</strong>s zones polaires, et <strong>le</strong>s déserts, ne<br />

sont plus à l’abri du tourisme et, de ce fait, <strong>le</strong>urs habitants, perdent<br />

progressivement <strong>le</strong>ur vie naturel<strong>le</strong>ment fruste, et deviennent dépendants des<br />

« civilisations extérieures ».<br />

Comme je l’ai indiqué tout au long de ce <strong>roman</strong>, nos échanges<br />

habituels s’effectuaient à l’intérieur de ces vastes étendues désertiques, où<br />

nous étions quasi isolés du reste du monde, à part nos <strong>le</strong>ttres bi mensuel<strong>le</strong>s<br />

avec notre famil<strong>le</strong> restée en France. Les rares petits postes de radio, sur<br />

pi<strong>le</strong>s (nous n’avions pas de réseau é<strong>le</strong>ctrique, sauf vers la fin de notre<br />

séjour), ne nous permettaient de recevoir que quelques émetteurs, en langue<br />

127


arabe, et, fina<strong>le</strong>ment, ils nous parvenaient d’un monde tota<strong>le</strong>ment extérieur<br />

au notre, et nous nous y sommes très vite habitués.<br />

Notre travail était passionnant, efficace, pas contraignant, car nous<br />

nous passions faci<strong>le</strong>ment de montres, et nous <strong>le</strong> faisions avec cœur, mais, à<br />

notre aise, au rythme des jours et des saisons.<br />

Le travail est un trésor qui donne aux hommes la satisfaction du<br />

devoir librement accepté, et accompli, qui nous enrichit de ses résultats<br />

concrets. « Vous ne pouvez pas travail<strong>le</strong>r comme des esclaves pour Dieu, et<br />

pour la richesse (Matthieu 6 :24). »<br />

« Rendez <strong>le</strong>s choses de César à César, mais <strong>le</strong>s choses de Dieu à<br />

Dieu.(Matthieu 22 :21) ».<br />

« Vous ne pouvez pas travail<strong>le</strong>r comme des esclaves pour Dieu, et<br />

pour la richesse (Matthieu 6 :24). »<br />

Même <strong>le</strong>s plus déshérités, <strong>le</strong>s plus pauvres, sont résignés, ne<br />

comptant que sur <strong>le</strong>urs semblab<strong>le</strong>s pour continuer à vivre d’où une<br />

solidarité, et un fatalisme, caractéristiques de <strong>le</strong>ur mode de vie.<br />

Les européens, qui y vivent, sont inconsciemment influencés par<br />

ce fatalisme, ce qui <strong>le</strong>s conduit à retrouver un mode de vie plus naturel, et à<br />

s’intégrer davantage à la nature, et à en profiter plus p<strong>le</strong>inement.<br />

<strong>Pour</strong> conclure, nous vous convions, par la pensée, l’esprit tota<strong>le</strong>ment<br />

libre, et dans un grand si<strong>le</strong>nce, à vous laisser transporter, un soir, comme<br />

sur un tapis volant magique dans un de ces paysages. Fermez <strong>le</strong>s yeux et<br />

imaginez, comme dans un rêve, vivre ce qui suit :<br />

A perte de vue, votre regard est irrésistib<strong>le</strong>ment attiré par un<br />

océan de sab<strong>le</strong>, aux courbes harmonieuses, avec des teintes passant des<br />

rouges orangés aux rouges très violacés. Le si<strong>le</strong>nce est total, la fraicheur du<br />

soir arrive, maintenant, en attendant que <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il se couche, et que la nuit<br />

vient ouvrez votre sac de couchage, cuisinez une chorba, avec quelques<br />

dattes séchées, prenez tout votre temps pour la déguster, puis, vous al<strong>le</strong>z<br />

vous allonger dans <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> et vous tortil<strong>le</strong>r un peu, pour qu’il épouse bien<br />

<strong>le</strong>s formes de votre corps, et, <strong>le</strong>s yeux tournés vers <strong>le</strong> firmament, vous<br />

assisterez au spectac<strong>le</strong> des astres de la nuit, qui vont s’allumer et devenir de<br />

plus en plus nombreux dans un ciel d’une clarté extraordinaire, car, <strong>ici</strong><br />

l’atmosphère est exempte de toute pollution, et ce sont, fina<strong>le</strong>ment des<br />

myriades de points lumineux, qui scintil<strong>le</strong>nt, et vous enveloppent, dans<br />

cette « faib<strong>le</strong> clarté qui tombe des étoi<strong>le</strong>s », dont a parlé Corneil<strong>le</strong>.<br />

C’est alors que vous réaliserez la féérie de ce spectac<strong>le</strong> gratuit, ce<br />

qui vous conduira à envisager que <strong>le</strong> seul hasard n’a pas pu permettre une<br />

tel<strong>le</strong> comp<strong>le</strong>xité, et à penser qu’une intelligence suprême, un Grand<br />

Architecte est à la source de cet univers qui, de l’infiniment grand, à<br />

l’infiniment petit, est à l’origine de cette comp<strong>le</strong>xité merveil<strong>le</strong>use.<br />

Vous vous endormirez, remplis du si<strong>le</strong>nce de la nuit, et, dès <strong>le</strong><br />

petit matin, vous verrez tous ces luminaires s’éteindre, pour assister à un<br />

nouveau spectac<strong>le</strong> : Les lignes sinueuses des dunes vont se préciser, petit à<br />

petit et <strong>le</strong>urs cou<strong>le</strong>urs, vont passer du jaune sombre, en s’éclaircissant<br />

<strong>le</strong>ntement, pour devenir jaune orangé clair, et pour retrouver, enfin, la<br />

grande clarté du jour.<br />

128


Vous vous apercevrez, que <strong>le</strong> désert est rempli de toute une vie<br />

nocturne, si vous prenez la peine d’observer <strong>le</strong>s traces qui s’entrecroisent<br />

sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>, vous verrez qu’une infinité de petites créatures se sont<br />

affairées, pendant toute cette nuit, recherchant <strong>le</strong>ur nourriture, ou<br />

batifolant, montrant à l’homme que <strong>le</strong> grand vide du désert, est, fina<strong>le</strong>ment<br />

rempli d’une vie intense. Avec attention, vous pourrez identifier ces<br />

créatures, nombreux coléoptères, bousiers, fennecs, oiseaux nocturnes,<br />

lézards, etc. qui sont passés tout près de vous, ignorant superbement votre<br />

présence, et sans aucune intention de troub<strong>le</strong>r votre sommeil.<br />

Puis, soudain, vous verrez, au sommet d’une dune, un homme,<br />

tenant son dromadaire en laisse, qui se dirige vers vous, seu<strong>le</strong> présence<br />

humaine, qui vient à la rencontre de son frère du désert. Il vous apporte un<br />

grand réconfort, bien entendu, réciproque, et, ensemb<strong>le</strong>, réunis par <strong>le</strong><br />

hasard, oubliant tota<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> temps qui passe, vous al<strong>le</strong>z partager un<br />

maigre petit déjeuner, suivi du thé traditionnel, en parlant de tout et de rien,<br />

tout contents de pouvoir échapper, un instant à la solitude de ce désert et de<br />

son immensité.<br />

Cette solitude, vous l’avez pourtant recherchée, et fortement<br />

appréciée, et vous savez que cette rencontre, qui vous à réchauffé <strong>le</strong> cœur,<br />

n’est qu’un entracte, pour tous <strong>le</strong>s hommes qui sont plongés dans<br />

l’immensité du désert, et qu’ils vont ensuite retrouver l’extraordinaire<br />

spectac<strong>le</strong> de l’infini, dans <strong>le</strong>quel ils seront, à nouveau entièrement noyés,<br />

ne pouvant plus compter que sur <strong>le</strong>ur volonté de poursuivre seuls, une route<br />

qu’ils ont choisie, mais qui, fina<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s ramènera, inexorab<strong>le</strong>ment, à se<br />

joindre, à nouveau, à <strong>le</strong>urs semblab<strong>le</strong>s.<br />

Par contre, cet endroit peut, soudain devenir un véritab<strong>le</strong> enfer, si,<br />

bruta<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> sirocco se lève et vous enveloppe dans une ha<strong>le</strong>ine brulante,<br />

chargée d’une infinité de grains de sab<strong>le</strong> qui vous frappent sans cesse,<br />

s’infiltrant dans tous vos vêtements, vous piquent <strong>le</strong>s yeux, et vous obligent<br />

alors à stopper <strong>le</strong> voyage, réfugié derrière la moindre petite butte ou maigre<br />

buisson d’épineux, ou derrière <strong>le</strong> chameau baraqué, asi<strong>le</strong> très précaire ,<br />

jusqu’à ce que <strong>le</strong> vent déchainé se calme, souvent pendant la nuit. C’est,<br />

alors, la soif, une soif inextinguib<strong>le</strong>, qui s’empare de vous, et, malheur à<br />

ceux qui manquent d’eau !!.<br />

Ici se termine ce <strong>roman</strong>, sur une note triste, qui suit<br />

bruta<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> paradis que nous avons évoqué au précédent paragraphe,<br />

empreints de la même tristesse qui nous a envahis semblab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> jour de<br />

notre retour vers notre France, ou nous attendait une existence tel<strong>le</strong>ment<br />

moins passionnante que cel<strong>le</strong> que nous venions de vivre pendant sept<br />

années, qui ont été <strong>le</strong>s plus bel<strong>le</strong>s de notre vie.<br />

129


Dans l'Erg au so<strong>le</strong>il couchant<br />

130


131


Photo aérienne de Reggan prise avec <strong>le</strong> Tiger Moth<br />

L'auteur (à droite) avec un de ses successeurs du service hydraulique en Décembre 2003 à Timimoun<br />

132


PLANCHE PHOTOS HORS TEXTE N° 1<br />

Tail<strong>le</strong>ur de pierre au travail<br />

133


OUEST<br />

Vue par satellite du Sahara (Goog<strong>le</strong> map)<br />

134

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