Décembre - Nervure Journal de Psychiatrie
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LIVRES<br />
■ COLLOQUE<br />
L’entreprise interrogée par<br />
le handicap psychique<br />
Claire Le Roy-Hatala et Jean-<br />
François Col<strong>de</strong>fy<br />
Coordinateurs du numéro<br />
FASM Croix-Marine, 14 €<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la rémunération qu’il apporte,<br />
le travail reste une source majeure<br />
<strong>de</strong> reconnaissance sociale et<br />
contribue à renforcer l’estime <strong>de</strong> soi,<br />
même si l’on confond souvent reconnaissance<br />
sociale et salariat. On<br />
assiste alors à ce paradoxe que <strong>de</strong>s<br />
personnes exclues du travail s’enferrent<br />
dans une recherche éperdue<br />
d’un emploi salarié, dans le déni <strong>de</strong><br />
leurs troubles ou le refus d’une reconnaissance<br />
<strong>de</strong> travailleur handicapé,<br />
tandis que dans le même temps<br />
les entreprises fabriquent du handicap,<br />
quitte à récupérer celui-ci pour<br />
valoriser leurs statistiques du nombre<br />
<strong>de</strong> personnes handicapées qu’elles<br />
accueillent comme l’évoquent plusieurs<br />
contributions <strong>de</strong> ce numéro.<br />
La Loi du 11 février affirme également<br />
que les personnes concernées<br />
ont droit à une compensation. Mais<br />
s’il faut reconnaître que pour les personnes<br />
en situation <strong>de</strong> handicap psychique,<br />
la mise en place <strong>de</strong>s GEM<br />
considérés comme une forme <strong>de</strong> compensation<br />
collective, constitue une<br />
avancée remarquable, il faut aussi<br />
s’interroger sur les formes <strong>de</strong> compensation<br />
qu’il faudrait inventer dans<br />
le champ du travail et <strong>de</strong> l’entreprise.<br />
C’est une contribution à cette réflexion<br />
que propose ce numéro qui montre<br />
que la seule expertise <strong>de</strong>s psy ne suffit<br />
pas et que <strong>de</strong> nouveaux partenariats<br />
doivent se développer.<br />
Gouvernement et<br />
gouvernance <strong>de</strong>s territoires<br />
Dossier réalisé par Patrick Le<br />
Galès<br />
Problèmes politiques et sociaux<br />
mars 2006 n°922<br />
La Documentation Française, 9,20€<br />
Les limites <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’action publique<br />
fondés sur une vision centralisée<br />
du rôle <strong>de</strong> l’Etat ont conduit à<br />
l’apparition d’autres mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pilotage<br />
que l’on désigne sous le terme<br />
<strong>de</strong> « gouvernance ».<br />
La gouvernance peut être définie<br />
comme un processus <strong>de</strong> coordination<br />
d’acteurs, <strong>de</strong> groupes sociaux,<br />
d’institutions pour atteindre <strong>de</strong>s buts<br />
discutés et définis collectivement.<br />
Dans un contexte <strong>de</strong> décentralisation,<br />
d’européisation et <strong>de</strong> mondialisation,<br />
elle amène à repenser les manières<br />
<strong>de</strong> gouverner, à construire un<br />
intérêt général rattaché à un territoire<br />
et à mettre en œuvre <strong>de</strong>s stratégies<br />
collectives. Dans ce cadre plus ouvert,<br />
les expérimentations se sont<br />
multipliées, qu’il s’agisse <strong>de</strong> pratiques<br />
<strong>de</strong> gestion, <strong>de</strong> concertation, d’élaboration<br />
<strong>de</strong> projets et d’un intérêt collectif<br />
territorialisé, <strong>de</strong> création <strong>de</strong><br />
réseaux et <strong>de</strong> coalitions. Des organisations<br />
variées participent au gouvernement<br />
ou à la gouvernance locale<br />
(sociétés d’économie mixte,<br />
associations, promoteurs, entreprises<br />
<strong>de</strong> services urbains, chambres <strong>de</strong> commerce<br />
et d’industrie, PME ou gran<strong>de</strong>s<br />
entreprises, artisans,...), à côté <strong>de</strong>s<br />
consultants désormais très présents.<br />
Tout ceci contribue à faire évoluer le<br />
rôle du politique.<br />
On assiste à une transformation dans<br />
le rapport entre élus et citoyens, entre<br />
régulation politique et intervention<br />
<strong>de</strong> la société civile qui va dans le sens<br />
<strong>de</strong> l’autonomie <strong>de</strong>s différents acteurs,<br />
<strong>de</strong> la juridicisation <strong>de</strong>s relations et<br />
<strong>de</strong>s conflits, <strong>de</strong> la concertation. Cependant,<br />
les gouvernements locaux<br />
restent bien présents, leur expertise<br />
et leur influence politique tendant<br />
plutôt à s’accroître.<br />
<br />
schizophrénie, la psychose maniacodépressive...)<br />
et les faits divers (dont le<br />
plus tristement célèbre est le double<br />
meurtre <strong>de</strong> Pau)...<br />
De fait, par la diversité <strong>de</strong>s sujets abordés,<br />
la psychiatrie a trouvé une place<br />
importante dans les médias. Elle occupe<br />
le terrain. Dans tous les cas, on ne<br />
peut certainement pas dire qu’elle en<br />
est absente, surtout si l’on compare à la<br />
place qu’elle avait il y a quinze ou vingt<br />
ans. A l’époque, la psychiatrie était très<br />
peu abordée. Quand elle l’était, les<br />
reportages privilégiaient son côté spectaculaire<br />
: la folie, le fou dangereux,<br />
l’enfermement dans <strong>de</strong>s unités spécialisées...<br />
Aujourd’hui, les médias privilégient<br />
davantage une santé mentale plus<br />
« banale », plus dédramatisée dans les<br />
rubriques « psycho » <strong>de</strong> la presse féminine,<br />
comme dans certaines émissions<br />
<strong>de</strong> télévision, les patients racontent leur<br />
dépression, leurs troubles bipolaires,<br />
leur boulimie. Ils témoignent <strong>de</strong> la<br />
maladie mentale comme ils parleraient<br />
du psoriasis ou du cancer. Sans honte,<br />
sans gêne. A <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />
écoute. Dans <strong>de</strong>s émissions où l’audimat<br />
« cartonne » : Envoyé spécial, Ça se<br />
discute, Zone interdite... Dans <strong>de</strong>s<br />
magazines au tirage très important :<br />
Marie-Claire, Elle etc. Un tabou est<br />
donc tombé. Certains troubles mentaux<br />
sont même surmédiatisés : l’hyperactivité<br />
<strong>de</strong> l’enfant ou la dépression,<br />
par exemple, car ils sont aussi, il faut<br />
bien le dire, l’objet d’un marketing sousjacent<br />
et très actif.<br />
Revers <strong>de</strong> la médaille <strong>de</strong> cette médiatisation<br />
<strong>de</strong> la santé mentale : certains<br />
troubles, à force d’être banalisés, paraissent<br />
peut-être plus anodins qu’ils ne le<br />
sont. L’anorexie en est sans doute<br />
l’exemple le plus frappant : tant <strong>de</strong><br />
jeunes filles sont venues raconter<br />
<strong>de</strong>vant les caméras leurs difficultés à<br />
se nourrir, leur mal-être, on a tant pointé<br />
du doigt l’anorexie <strong>de</strong>s top-mo<strong>de</strong>ls,<br />
que l’on a presque fait <strong>de</strong> cette maladie<br />
une maladie <strong>de</strong> civilisation, le symptôme<br />
d’une jeunesse qui se cherche. Estce<br />
que l’anorexie est toujours perçue<br />
par le public comme une maladie mentale<br />
? Une maladie mentale grave, qui<br />
nécessite une prise en charge médicale<br />
? Qui peut conduire à la mort ? Ou<br />
n’est-elle plus, aux yeux <strong>de</strong>s néophytes,<br />
qu’un désir <strong>de</strong> maigreur <strong>de</strong> jeunes filles<br />
victimes <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> ? On peut se poser<br />
la question.<br />
Quels enjeux pour la psychiatrie<br />
d’aujourd’hui ? Quel avenir pour<br />
la psychiatrie ?<br />
Pour Richard Rechtman, psychiatre et<br />
anthropologue, il est vrai que la santé<br />
mentale est très présente dans le débat<br />
actuel, dans les magazines et les conversations<br />
quotidiennes. De ce point <strong>de</strong><br />
vue, on peut considérer qu’il s’agit<br />
d’une bonne nouvelle pour les psychiatres.<br />
Cependant, cette soudaine<br />
visibilité <strong>de</strong> la santé mentale traduit un<br />
changement <strong>de</strong> société. Il convient ainsi<br />
<strong>de</strong> relever un paradoxe apparent :<br />
jamais les psychiatres n’ont été, à ce<br />
point, sollicités sur la scène sociale,<br />
jamais la psychiatrie n’a connu une<br />
telle visibilité publique, mais non plus le<br />
sort <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s mentaux n’a semblé<br />
plus incertain.<br />
Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la société, la santé<br />
mentale est un enjeu majeur <strong>de</strong> gouvernance.<br />
Il n’existe pas <strong>de</strong> définition<br />
précise <strong>de</strong> la souffrance psychique, mais<br />
on peut l’envisager comme « la souffrance<br />
expérimentée par quelqu’un qui<br />
n’est pas mala<strong>de</strong> mental ». Le <strong>de</strong>venir<br />
<strong>de</strong>s nouvelles formes d’une souffrance<br />
psychique touchant préférentiellement<br />
les sujets réputés « normaux »<br />
semble ainsi cristalliser les espérances<br />
d’une santé mentale positive.<br />
Aujourd’hui, on s’adresse à une population<br />
réputée normale, dont on entend<br />
la souffrance, laquelle va également<br />
permettre <strong>de</strong> légitimes <strong>de</strong>s actions<br />
publiques. Cependant, certains restent<br />
exclus <strong>de</strong> ce nouveau langage, comme<br />
les chômeurs ou les mala<strong>de</strong>s mentaux,<br />
qui ne réussissent pas à saisir les modalités<br />
contemporaines <strong>de</strong> l’expression<br />
publique. Ceux dont on ne parle pas,<br />
bien qu’ils souffrent, restent donc totalement<br />
invisibles dans notre société.<br />
La psychiatrie a longtemps servi cette<br />
conception en gérant la maladie mentale,<br />
la déviance, la folie. Ainsi, on a<br />
traité le problème <strong>de</strong> la maladie mentale<br />
comme celui <strong>de</strong> la misère. En tant<br />
que clinicien et citoyen, Richard Rechtman<br />
estime que l’action principale à<br />
mener consiste à restaurer une cruciale<br />
part <strong>de</strong> subjectivité.<br />
Un regard sur la folie<br />
Patrick Coupechoux (journaliste, auteur<br />
<strong>de</strong> Un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> fous. Comment notre<br />
société maltraite ses mala<strong>de</strong>s mentaux,<br />
Ed Seuil 2006) a indiqué en préambule<br />
qu’au terme d’une longue enquête<br />
menée pour réaliser son ouvrage, il<br />
n’a quasiment entendu parler du problème<br />
<strong>de</strong> la folie autrement que par<br />
le biais <strong>de</strong> la dangerosité. Même les<br />
chaînes <strong>de</strong> télévision les plus respectables<br />
contribuent à ce phénomène.<br />
Quelle que soit leur responsabilité, la<br />
question du regard porté sur la folie<br />
ne dépend pas uniquement <strong>de</strong>s médias,<br />
mais <strong>de</strong> la société elle-même. Le regard<br />
posé par celle-ci sur la folie a, en effet,<br />
bien évolué <strong>de</strong>puis le Moyen Age. A<br />
partir du Front populaire et <strong>de</strong> l’après<strong>de</strong>uxième<br />
guerre mondiale, un fort<br />
mouvement <strong>de</strong> désaliénisme a vu le<br />
jour. Pour la première fois, il était clairement<br />
formulé que la folie appartenait<br />
à l’humanité et surtout, à la richesse<br />
<strong>de</strong> l’humanité. Il fallait donc faire en<br />
sorte que les fous puissent vivre avec les<br />
autres hommes.<br />
Il semble que la tendance actuelle<br />
consiste à revenir à l’enfermement, à<br />
une maîtrise <strong>de</strong> la folie. Cela n’est pas<br />
étranger au fonctionnement social<br />
actuel marqué par la compétition entre<br />
les individus, avec ses corollaires, l’exclusion<br />
et l’abandon <strong>de</strong>s plus faibles : la<br />
société ne sait que faire <strong>de</strong>s chômeurs,<br />
<strong>de</strong>s personnes âgées, <strong>de</strong>s handicapés,<br />
<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s mentaux. Le vieux thème<br />
<strong>de</strong> l’inutilité sociale refait surface.<br />
Comme toujours, la folie interroge.<br />
Cependant, celui-ci n’est plus une collectivité<br />
articulée autour <strong>de</strong> solidarités.<br />
Aujourd’hui, la société néolibérale place<br />
les individus dans une permanente<br />
concurrence, dans le « chacun pour<br />
soi ».<br />
Ainsi, la vision <strong>de</strong> l’homme est en train<br />
se modifier. La pensée dominante n’en<br />
fait que le produit <strong>de</strong> la physiologie ou<br />
<strong>de</strong> la génétique. Il ne s’agit pas, évi<strong>de</strong>mment,<br />
<strong>de</strong> nier l’importance <strong>de</strong>s<br />
recherches effectuées dans ce domaine.<br />
Mais la vision biologique <strong>de</strong> l’existence<br />
liée à <strong>de</strong> puissants intérêts économiques<br />
et à une vision managériale et technocratique<br />
qui recherche uniquement l’efficacité,<br />
conduit à la négation du sujet.<br />
A un moment donné, la personne disparaît<br />
au profit d’un simple profil, d’un<br />
objet qu’il faut « gérer ».<br />
L’un <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> cette gestion est<br />
la « criminalisation » <strong>de</strong> la folie. A été<br />
présenté récemment un projet <strong>de</strong> loi <strong>de</strong><br />
prévention <strong>de</strong> la délinquance, qui assimile<br />
mala<strong>de</strong>s mentaux et dangerosité.<br />
Ce projet produit un amalgame inquiétant<br />
entre mala<strong>de</strong> mental et délinquant,<br />
et remet au goût du jour l’idée du fou<br />
dangereux. Obsédée par la sécurité,<br />
notre société entend maîtriser la folie et<br />
ravive la peur du fou, en assimilant<br />
folie et dangerosité, en associant délinquants,<br />
criminels et mala<strong>de</strong>s mentaux.<br />
Ensuite, nous avons aujourd’hui une<br />
vision très technocratique <strong>de</strong> la maladie<br />
mentale. Pour faire face à l’urgence,<br />
on fait appel à l’hôpital et à la médication.<br />
Pour régler le problème <strong>de</strong> la<br />
« chronicité », on repousse ceux qui<br />
souffrent dans les bras du social. Les<br />
fous sont ainsi rejetés au bout <strong>de</strong> la<br />
longue chaîne <strong>de</strong>s exclus. On les retrouve<br />
dans les familles, dans la rue, en prison<br />
; laquelle prend la place, pas même<br />
<strong>de</strong> l’asile, mais <strong>de</strong> l’hôpital général, du<br />
« grand renfermement » du XVII e siècle,<br />
décrit par Michel Foucault dans son<br />
Histoire <strong>de</strong> la folie à l’âge classique.<br />
La question essentielle ne consiste donc<br />
pas à se figer sur le passé, mais à tenir<br />
bon sur la vision humaniste <strong>de</strong> la folie<br />
que les désaliénistes du secteur et <strong>de</strong> la<br />
psychothérapie institutionnelle d’aprèsguerre<br />
avaient développée. La société<br />
dans son ensemble doit prendre<br />
conscience <strong>de</strong> l’urgence à regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong><br />
nouveau le fou comme un autre soimême.<br />
L’enjeu <strong>de</strong> la réhabilitation <strong>de</strong>s<br />
patients en psychiatrie<br />
Pour Alain Nicolet, psychiatre et Prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> la Clinique Pen An Dalar, en<br />
réalité, le grand enfermement est notre<br />
regard sur la maladie. S’il est vrai que la<br />
presse spécialisée a accompli <strong>de</strong> grands<br />
progrès, la presse généraliste, quant à<br />
elle, a encore beaucoup à faire. Il<br />
conviendrait que cette <strong>de</strong>rnière change,<br />
pour faire évoluer l’information du fait<br />
divers vers le fait médical (ce qui intéresse<br />
actuellement la presse autour <strong>de</strong><br />
la maladie mentale est davantage le<br />
premier). De fait, il existe plusieurs<br />
manières <strong>de</strong> relater un même événement.<br />
Nous avons besoin d’être accompagnés<br />
sur le thème <strong>de</strong> l’éducation en<br />
matière <strong>de</strong> santé mentale.<br />
Par ailleurs, la notion <strong>de</strong> guérison doit<br />
être évoquée comme un noeud central<br />
: la guérison peut parfois consister<br />
à aller mieux, à faire le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> certaines<br />
ambitions. Toutes les personnes<br />
imprévisibles sont-elles <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />
mentaux ? Il s’agit là d’une question<br />
importante, qui renvoie à la stigmatisation<br />
<strong>de</strong> la maladie mentale.<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> leur propre maladie, les<br />
patients souffrent <strong>de</strong> troubles qui touchent<br />
à leur estime <strong>de</strong> soi et à leurs<br />
liens sociaux. Du fait <strong>de</strong> la peur <strong>de</strong> la<br />
récidive ou <strong>de</strong> la décompensation, les<br />
patients tombent alors dans les pathologies<br />
secondaires <strong>de</strong> la maladie que<br />
sont les stratégies d’adaptation, les<br />
échecs familiaux, les troubles cognitifs,<br />
les conduites antisociales et les échecs<br />
professionnels. Il faut apprendre aux<br />
patients à vivre avec et veiller à ne pas<br />
passer notre temps à leur renvoyer <strong>de</strong>s<br />
images non valorisantes.<br />
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />
On ne peut qu’être favorable à une<br />
déontologie <strong>de</strong> l’information psychiatrique<br />
et déplorer le très faible nombre<br />
d’étu<strong>de</strong>s sur les termes utilisés dans la<br />
maladie mentale. La presse doit nous<br />
ai<strong>de</strong>r à faire connaître les progrès réalisés<br />
et à confirmer que lorsqu’un<br />
patient est pris en charge, il va mieux et<br />
que son pronostic s’en trouve amélioré.<br />
Il convient aujourd’hui d’imaginer <strong>de</strong>s<br />
principes <strong>de</strong> réhabilitation psychosociale<br />
qui considèrent qu’au<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />
symptômes, l’évolution <strong>de</strong>s habilités<br />
sociales et relationnelles est essentielle.<br />
Le regard extérieur que les soignants et<br />
la société portent sur les maladies mentales<br />
est l’un <strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> la guérison<br />
et <strong>de</strong> l’amélioration <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong>s<br />
patients.<br />
Santé mentale : un<br />
avenir en forme <strong>de</strong> défi<br />
politique<br />
Une volonté politique<br />
Denis Reynaud (secrétaire général <strong>de</strong><br />
l’UNCPSY et Directeur <strong>de</strong> la Clinique<br />
du Mont Suplan) a énuméré les six<br />
défis essentiels qui ont été relevés par<br />
I’UNCPSY.<br />
• Convaincre le pouvoir politique <strong>de</strong><br />
donner une véritable priorité à la psychiatrie.<br />
Lorsque l’on examine ce qui se<br />
passe dans nos établissements, on<br />
constate un effet <strong>de</strong> ciseau entre une<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins en augmentation<br />
constante et une offre qui ne cesse<br />
d’être réduite.<br />
• Stopper la montée en puissance irraisonnée<br />
<strong>de</strong> la « psychiatrisation » <strong>de</strong> la<br />
société. Il faut distinguer ce qui relève<br />
du social <strong>de</strong> ce qui relève du psychiatrique.<br />
• Se gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> « judiciariser » la psychiatrie.<br />
Comme bien d’autres secteurs<br />
<strong>de</strong> la société, la psychiatrie est malheureusement<br />
<strong>de</strong> plus en plus soumise<br />
à une forme <strong>de</strong> « judiciarisation ».<br />
• Ne plus penser à la psychiatrie uniquement<br />
en termes <strong>de</strong> coûts. Il s’agit<br />
également d’envisager la psychiatrie en<br />
termes <strong>de</strong> ressources (nombre <strong>de</strong> journées<br />
<strong>de</strong> travail rendues à la société,<br />
nombre <strong>de</strong> personnes ayant quitté leur<br />
La dépression semble plus fréquente chez les<br />
femmes et chez les personnes isolées, selon une<br />
étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Drees<br />
Les femmes présentent entre 1,5 et <strong>de</strong>ux fois plus <strong>de</strong> risques <strong>de</strong> vivre un épiso<strong>de</strong><br />
dépressif que les hommes, montre une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong> la recherche<br />
<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’évaluation et <strong>de</strong>s statistiques (Drees)*, qui met aussi<br />
en évi<strong>de</strong>nce la vulnérabilité <strong>de</strong>s personnes isolées à cette pathologie.<br />
Pour étudier les facteurs <strong>de</strong> risque <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s dépressifs en population générale,<br />
la Drees a repris trois étu<strong>de</strong>s sur ce thème : l’enquête en santé mentale<br />
en population générale 1999-2003 (OMS et Drees), le baromètre santé<br />
2004-05 <strong>de</strong> l’Institut national <strong>de</strong> prévention et d’éducation à la santé (Inpes)<br />
et l’enquête décennale santé 2002-03 (Insee et Drees).<br />
L’analyse montre qu’à âge, formation, situation conjugale et professionnelle<br />
i<strong>de</strong>ntiques, une femme présente entre 1,5 et <strong>de</strong>ux fois plus <strong>de</strong> risques qu’un<br />
homme <strong>de</strong> vivre un épiso<strong>de</strong> dépressif. Cet écart entre hommes et femmes<br />
face aux troubles dépressifs doit cependant être nuancé, en raison d’un éventuel<br />
biais <strong>de</strong> sous-déclaration. Il semble que la situation économique et sociale<br />
soit étroitement liée au risque <strong>de</strong> dépression : le tissu familial et relationnel<br />
et l’insertion professionnelle diminuent le risque <strong>de</strong> troubles dépressifs.<br />
Le risque d’un célibataire <strong>de</strong> vivre un épiso<strong>de</strong> dépressif est entre 1,5 et 2,4<br />
fois plus élevé que pour une personne mariée. L’analyse montre aussi que<br />
les circonstances d’une rupture d’un couple (<strong>de</strong>uil ou séparation) influent sur<br />
le risque dépressif.<br />
Concernant l’impact <strong>de</strong> l’activité professionnelle, l’étu<strong>de</strong> montre que la prévalence<br />
<strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong> dépressif parmi les personnes qui occupent un emploi<br />
est <strong>de</strong> un ou trois points moins élevée que celle <strong>de</strong>s personnes qui ne travaillent<br />
pas. L’étu<strong>de</strong> montre également que le risque <strong>de</strong> vivre un épiso<strong>de</strong> dépressif<br />
n’est pas constant tout au long <strong>de</strong> la vie. Même si l’impact <strong>de</strong> l’âge sur<br />
la dépression est moins marqué que celui <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie personnelles<br />
et professionnelles, il semble que les personnes âgées <strong>de</strong> 60 à 75 ans sont<br />
moins vulnérables aux troubles dépressifs que les plus jeunes.<br />
Cette observation mérite cependant d’être nuancée, car les personnes vivant<br />
en institution (maison <strong>de</strong> retraite ou structures médicalisées) sont peu ou pas<br />
représentées dans les échantillons étudiés. Enfin, l’étu<strong>de</strong> montre que les facteurs<br />
<strong>de</strong> risque d’ordre économique et social restent prépondérants pour les<br />
épiso<strong>de</strong>s dépressifs majeurs. ■<br />
B.L.<br />
*Etu<strong>de</strong>s et résultats n°545, décembre 2006, Facteurs <strong>de</strong> risque <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s dépressifs en<br />
population générale