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Décembre - Nervure Journal de Psychiatrie

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18<br />

LIVRES<br />

■ HISTOIRE ■ HUMEUR<br />

Adultères<br />

Aldo Naouri<br />

Odile Jacob, 22,90 €<br />

Pédiatre nourri à l’enseignement <strong>de</strong>s<br />

textes bibliques et talmudiques, ainsi<br />

qu’à la psychanalyse (surtout Lacanienne),<br />

Aldo Naouri nous livre ici ses<br />

réflexions à propos <strong>de</strong>s adultères. Au<br />

pluriel parce que les histoires qu’il<br />

rapporte sont nombreuses et variées,<br />

tirées <strong>de</strong> son expérience <strong>de</strong> pédiatre<br />

qui, <strong>de</strong>puis longtemps, s’intéresse<br />

aussi à ce qui fait symptôme chez les<br />

parents, au-<strong>de</strong>là du symptôme <strong>de</strong><br />

l’enfant. Ici donc, les adultères, <strong>de</strong>s<br />

pères ou <strong>de</strong>s mères.<br />

On lui sait gré <strong>de</strong> laisser <strong>de</strong> côté les<br />

raisons apparentes souvent mises en<br />

avant (les différentes formes <strong>de</strong><br />

mésententes ou d’insatisfactions<br />

sexuelles). Mais on sera, sans doute,<br />

un peu déçu <strong>de</strong> l’interprétation assez<br />

univoque qu’il en donne, aussi bien<br />

chez l’homme que chez la femme, et<br />

pour <strong>de</strong>s situations apparemment<br />

très différentes les unes <strong>de</strong>s autres.<br />

Pour lui en effet, dans les <strong>de</strong>ux sexes,<br />

l’ombre <strong>de</strong> la mère est toujours présente.<br />

Chez l’homme, « la rencontre<br />

avec le corps d’une femme, -quel que<br />

soit son rang, met toujours cette femme<br />

en rang <strong>de</strong>ux, le rang un étant à jamais<br />

occupé par sa mère (...). Ce qui<br />

ne signifie pas (...) que l’accès à une<br />

femme ait été totalement interdit par<br />

la plupart <strong>de</strong> ces mères à leur fils. Mais<br />

un tel accès ne <strong>de</strong>vrait en aucun cas<br />

autoriser ces fils à installer durablement<br />

une telle femme dans leur vie ».<br />

Chez la femme adultère, « la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

apparente s’adresse bien à un homme,<br />

et même à <strong>de</strong>ux, mais elle sert aussi à<br />

se défendre <strong>de</strong> l’homosexualité inscrite<br />

dans l’histoire <strong>de</strong> la petite fille (...). La<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> hétérosexuelle continue à<br />

couvrir la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> homosexuelle<br />

inassouvissable ».<br />

Ce schéma est probablement souvent<br />

un jeu, mais résume-t-il pour autant<br />

toutes les notions inconscientes<br />

qui sous-ten<strong>de</strong>nt telle ou telle conduite<br />

adultère ?<br />

Il n’empêche que ce livre mérite d’être<br />

lu, pour la saveur <strong>de</strong> son écriture et<br />

la variété <strong>de</strong>s situations parfois étonnantes<br />

qu’il décrit.<br />

M. Goutal<br />

Jules Verne et la psyché<br />

Luc-Christophe Guillerm<br />

L’Harmattan, 17 €<br />

L.-Ch. Guillerm étudie la personnalité<br />

et les troubles psychopathologiques<br />

<strong>de</strong> certains personnages <strong>de</strong> Jules<br />

Verne, comme s’ils l’avaient consulté.<br />

Si Jules Verne fut visionnaire sur bien<br />

<strong>de</strong>s thèmes, il est tout à fait étonnant<br />

<strong>de</strong> constater la pertinence <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>scriptions<br />

psychopathologiques. Si le<br />

thème <strong>de</strong> la folie dans son œuvre est<br />

régulièrement étudié, Jules Verne décrivit<br />

avec ses personnages bien plus.<br />

Son œuvre est en fait une extraordinaire<br />

galerie <strong>de</strong> portraits psychologiques<br />

et psychopathologiques, <strong>de</strong>s<br />

hommes et femmes les plus valeureux<br />

aux plus perturbés <strong>de</strong>s héros délirants,<br />

en passant par <strong>de</strong>s anxieux,<br />

maniaques, déprimés et névrotiques.<br />

On retrouve par contre assez peu <strong>de</strong><br />

conduites addictives avérées, troubles<br />

où l’individu est dépendant d’une<br />

substance (alcool, toxique) ou d’un<br />

comportement (anorexie, boulimie,<br />

jeu pathologique...).<br />

Jules Verne n’émit pas d’hypothèses<br />

sur l’explication <strong>de</strong>s phénomènes psychologiques,<br />

à une époque il est vrai<br />

où l’on découvre tout juste l’inconscient<br />

au travers <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Freud<br />

et où la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s maladies mentales<br />

est purement sémiologique et<br />

médicale.<br />

<br />

Pour Denain, les services hospitaliers<br />

ont été rapi<strong>de</strong>ment individualisés : service<br />

double <strong>de</strong> Denain- Douchy-Trith<br />

(1973), services jumelés <strong>de</strong> Denain-<br />

Bouchain et Denain-Wallers (1977),<br />

hôpital <strong>de</strong> jour Le Duquesnoy à<br />

Denain (1984), service <strong>de</strong>s Quinze lits<br />

à l’hôpital <strong>de</strong> Denain (1987). S’inscrivent<br />

ici un regret et une joie : le grand<br />

regret que le nouvel hôpital <strong>de</strong> la Belle-<br />

Vue, et ses <strong>de</strong>ux services <strong>de</strong> psychiatrie,<br />

ne soient pas sortis <strong>de</strong> terre. La joie<br />

que la totalité <strong>de</strong>s lits et la totalité <strong>de</strong>s<br />

mala<strong>de</strong>s soient enfin transférés du<br />

CHUT vers l’actuel hôpital <strong>de</strong> Denain<br />

dans les prochains mois. Au total, l’équipement<br />

comporte 50 lits d’hospitalisation<br />

temps plein, 20 lits d’hospitalisation<br />

<strong>de</strong> jour, 14 places d’appartements associatifs.<br />

Il faut mentionner que le CHUT<br />

doit faire face, à trois reprises, à <strong>de</strong>s<br />

charges hospitalières exceptionnelles :<br />

transfert <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s venant <strong>de</strong> l’hôpital<br />

psychiatrique d’Armentières, alors<br />

que le taux d’occupation baisse au<br />

point <strong>de</strong> mettre en péril les finances<br />

<strong>de</strong> l’établissement, dans les années<br />

1970 ; internement (!) d’handicapés<br />

profonds originaires du département<br />

du Nord, vivant en Belgique <strong>de</strong>puis<br />

leur plus tendre enfance, qui, <strong>de</strong>venus<br />

adultes, se voient refuser la prolongation<br />

<strong>de</strong> leur séjour à l’étranger, à la fin<br />

<strong>de</strong>s années 1980 ; prise en charge <strong>de</strong>s<br />

« Sans Domicile Fixe » dont le nombre<br />

augmente au fur et à mesure que Lille<br />

prend le visage d’une métropole et que<br />

la crise économique s’aggrave, dans les<br />

années 1990...<br />

L’activité ambulatoire est <strong>de</strong>puis toujours<br />

un <strong>de</strong>s points forts du CHUT et<br />

ceci fait sa réputation ; la réunion <strong>de</strong>s<br />

budgets hospitaliers et sectoriels en<br />

1986 n’a été ici que <strong>de</strong> pure forme.<br />

Consultations et visites à domicile<br />

datent <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> l’établissement.<br />

Les interventions dans les hôpitaux<br />

généraux, hospices, maisons <strong>de</strong> retraite<br />

et autres établissements sanitaires et<br />

sociaux sont presque aussi précoces.<br />

Les Centres d’Accueil Thérapeutique à<br />

Temps Partiel naissent officiellement<br />

en 1986. La première maison communautaire<br />

est inaugurée en 1990.<br />

Enfin, le Centre d’Accueil Permanent<br />

<strong>de</strong> Lille ouvre en 1992 (CAP Ilôt-Psy).<br />

L’intersecteur <strong>de</strong> toxicomanie dispose,<br />

lui, <strong>de</strong> 25 places « méthadone » <strong>de</strong>puis<br />

1997. Par ailleurs, <strong>de</strong>puis 25 ans, les<br />

activités <strong>de</strong>naisiennes se développent à<br />

un rythme aussi soutenu qu’à Lille.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce double constat, fléchissement<br />

<strong>de</strong>s prestations à l’hôpital, développement<br />

sur les secteurs, on précisera<br />

que les responsables du CHUT<br />

optent dès 1970 pour l’intersectorialité<br />

(hôpital <strong>de</strong> jour 1970, départementalisation<br />

du Denaisis 1985, appartements<br />

thérapeutiques 1988, Centre<br />

d’Accueil Thérapeutique a Temps Partiel<br />

1992, les Lilas -unité pour polyhandicapés<br />

1994). Ils ten<strong>de</strong>nt actuellement<br />

à l’élargir (tentative d’extension<br />

du CAP en 1993, intersecteur <strong>de</strong> toxicomanie<br />

1994, réseau Diogène pour<br />

les mala<strong>de</strong>s en situation <strong>de</strong> précarité,<br />

auquel participent également le Centre<br />

Hospitalier Régional Universitaire et<br />

l’Etablissement <strong>de</strong> Santé Mentale Lille<br />

Métropole 1998...). Nul doute que la<br />

fusion avec le Centre Hospitalier <strong>de</strong><br />

Lommelet voisin, également situé à<br />

Saint-André, et qui <strong>de</strong>ssert les quatre<br />

secteurs <strong>de</strong> Roubaix et un <strong>de</strong>mi-secteur<br />

du Pas-<strong>de</strong>-Calais permette <strong>de</strong><br />

confirmer cette pratique mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la<br />

psychiatrie. Cette même intersectorialité<br />

se retrouve dans le Denaisis, où<br />

l’individualisation précoce <strong>de</strong>s services<br />

hospitaliers et une parfaite connaissance<br />

du terrain ont permis une<br />

implantation remarquable <strong>de</strong>s équipes,<br />

exceptionnelle pour la région Nord-<br />

Pas-<strong>de</strong>-Calais.<br />

En résumé, évoquer le CHUT, c’est<br />

ressortir un cliché et ouvrir une page<br />

d’histoire.<br />

Le cliché sera emprunté à l’écrivain J.<br />

Berroyer : « Le Centre <strong>de</strong> Soins et d’Hygiène<br />

Mentale, cet hôpital assez coquet<br />

d’apparence, avec une large cour inté-<br />

rieure, <strong>de</strong>s arbres et <strong>de</strong> la pelouse, un<br />

grand bâtiment en U comprenant huit<br />

unités qui abritent chacune une trentaine<br />

<strong>de</strong> personnes ».<br />

Quant à l’histoire, le temps en jugera.<br />

Mais, dès à présent, on peut écrire que<br />

si le CHUT a pâti <strong>de</strong> certaines rigueurs<br />

administratives et contraintes budgétaires,<br />

sa chance a été d’avoir été fondé<br />

par <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins missionnaires <strong>de</strong> la<br />

sectorisation, soutenus par <strong>de</strong>s gestionnaires<br />

compréhensifs et <strong>de</strong>s équipes<br />

ouvertes à tous les courants <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />

Post-scriptum<br />

En 2000, le CHUT et le Centre Hospitalier<br />

<strong>de</strong> Lommelet (CHL) <strong>de</strong>viennent<br />

ensemble l’Etablissement Public<br />

<strong>de</strong> Santé Mentale <strong>de</strong> l’Agglomération<br />

Lilloise (EPSMAL). Très vite, les responsables<br />

du nouvel établissement,<br />

Monsieur J. Noël, directeur et le docteur<br />

J.Y. Alexandre, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> CME,<br />

favorisent le pôle roubaisien, avec l’aval<br />

<strong>de</strong> l’Agence Régionale <strong>de</strong> l’Hospitalisation<br />

(ARH) : ouverture en 2006 <strong>de</strong> la<br />

Clinique du Nouveau-Mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong><br />

l’hôpital Lucien Bonnafé à Roubaix,<br />

orientation prioritaire <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s originaires<br />

<strong>de</strong> Roubaix et du Pas-<strong>de</strong>-Calais<br />

« L’ours polaire et la baleine, dit-on, ne<br />

peuvent se faire la guerre, car, étant<br />

chacun confiné dans son propre élément,<br />

ils ne peuvent se rencontrer. Il<br />

m’est tout aussi impossible <strong>de</strong> discuter<br />

avec les chercheurs qui, au domaine<br />

<strong>de</strong> la psychologie ou <strong>de</strong>s névroses,<br />

ne reconnaissent pas les postulats <strong>de</strong> la<br />

psychanalyse et tiennent ses résultats<br />

pour <strong>de</strong>s inventions <strong>de</strong> toutes pièces ».<br />

S. Freud (Extrait <strong>de</strong> l’histoire d’une<br />

névrose infantile, 1914-15)<br />

C’est respectueusement, bien qu’un<br />

tant soit peu amusé, que j’ai lu l’opinion<br />

<strong>de</strong> Monsieur Yves Ferroul parue<br />

dans le journal Le Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> mardi<br />

19 <strong>de</strong>rnier. Non, les psychanalystes<br />

n’ont pas peur <strong>de</strong> la confrontation<br />

scientifique. Ils se confrontent scientifiquement<br />

<strong>de</strong>puis le premier<br />

congrès <strong>de</strong> psychanalyse à Salzburg<br />

en 1908. Et c’est sans peur, comme<br />

il était <strong>de</strong> ses habitu<strong>de</strong>s, que Freud<br />

était allé parler <strong>de</strong> psychanalyse à la<br />

Clark University en 1909. Le problème<br />

– puisque problème il y a – se<br />

situe donc ailleurs. Les psychanalystes<br />

ne veulent pas être alliés <strong>de</strong>s<br />

gens qui veulent le bien <strong>de</strong>s patients<br />

(Que Dieu nous en gar<strong>de</strong> !). Cela<br />

signifie-t-il qu’ils leur veulent du mal ?<br />

Evi<strong>de</strong>mment non. La psychanalyse<br />

est, à un moment, thérapeutique, au<br />

sens médical du terme. Le psychanalyste<br />

peut tout à fait assurer cette<br />

démarche, il a la formation et la compétence<br />

pour cela. Et c’est justement<br />

cette compétence qui lui a appris à<br />

être modéré et pru<strong>de</strong>nt face à la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> suppression <strong>de</strong> la souffrance,<br />

ce qui n’est pas en faire peu<br />

<strong>de</strong> cas. Les mala<strong>de</strong>s et les patients<br />

ont le droit <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la guérison,<br />

mais il est très délicat <strong>de</strong><br />

répondre à cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sans<br />

prendre en considération les enjeux<br />

<strong>de</strong> celle-ci. Les psychanalystes ne se<br />

dérobent pas <strong>de</strong> leur responsabilité.<br />

Bien au contraire. Ils travaillent énormément.<br />

Ils sont à leurs consultations<br />

du matin au soir à rencontrer<br />

<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s patients et <strong>de</strong>s psychanalysants<br />

avec les plaintes, les<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, les désirs les plus variés et<br />

féconds. Tout cela exige un tri et<br />

d’être dirigé vers une voie possible <strong>de</strong><br />

vie ; il en est <strong>de</strong> la responsabilité clinique<br />

du psychanalyste. Comment,<br />

lorsqu’on est comportementaliste,<br />

vers le Département <strong>de</strong> PsychoRéhabilitation<br />

(DPR, issu <strong>de</strong> l’unité <strong>de</strong>s<br />

« polyhandicapés » du CHUT et <strong>de</strong>s<br />

travaux du docteur M. Breton), prise<br />

en charge par les seuls secteurs lillois du<br />

CAP, qui <strong>de</strong>ssert toute l’agglomération,<br />

investissements reportés ou annulés<br />

(maison communautaire, CMP du secteur<br />

59G23..).<br />

Au CHUT, en 2002, les secteurs<br />

jumeaux <strong>de</strong> Villeneuve-d’Ascq 59G11<br />

et <strong>de</strong> toxicomanie T02 s’installent dans<br />

les locaux libérés par les secteurs <strong>de</strong>naisiens,<br />

tandis que la clinique Jean-Varlet<br />

<strong>de</strong> Villeneuve d’Ascq, d’une capacité<br />

<strong>de</strong> 24 lits, s’ouvre à tous les mala<strong>de</strong>s<br />

anxio-dépressifs <strong>de</strong> Lille et <strong>de</strong>s environs.<br />

Mais la dangerosité <strong>de</strong>s bâtiments<br />

en peigne <strong>de</strong> la cour d’honneur - par<br />

risque <strong>de</strong> propagation d’incendie -, révélée<br />

par la commission d’accréditation,<br />

oblige à un transfert - en cours - <strong>de</strong><br />

trois <strong>de</strong>s six services à Lommelet, là<br />

où était antérieurement hospitalisé Roubaix.<br />

A l’aube du XXI ème siècle, l’espoir<br />

renaît, à la croisée <strong>de</strong> trois principes<br />

fondamentaux que sont une<br />

intersectorialité élargie (secteurs 59G22,<br />

59G23, 59G24 et 59G11), un adossement<br />

à l’hôpital général et une<br />

implantation <strong>de</strong>s services hospitaliers<br />

à Lille même. Si les volontés politiques<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à comparer sa clinique à<br />

celle d’un psychanalyste ? Elles sont<br />

incomparables. Des personnes viennent<br />

à notre consultation <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s<br />

années. Et, <strong>de</strong>puis, par effet <strong>de</strong> cette<br />

relation singulière avec le psychanalyste,<br />

elles tombent moins mala<strong>de</strong>s organiquement,<br />

ont trouvé un travail, voire<br />

un amour. Surtout, elles ne sont pas<br />

passées à l’acte ultime. Bien sûr, il y a<br />

toujours un quelqu’un qui, alors qu’il<br />

rencontrait un psychanalyste, s’est suicidé.<br />

Et qui, auparavant, avait rencontré<br />

un comportementaliste, et encore<br />

avant était allé consulter son mé<strong>de</strong>cin<br />

traitant et ainsi <strong>de</strong> suite. La faute au<br />

psychanalyste ? Au comportementaliste<br />

? Au généraliste ? Pas forcément. Il<br />

y a <strong>de</strong>s gens qui ne sont pas aptes pour<br />

la vie. Et vouloir leur bien n’est pas la<br />

voie thérapeutique la mieux indiquée.<br />

Reconnaître la présence du désir et<br />

opérer dans ce registre semble être une<br />

voie possible. C’est celle choisie par la<br />

psychanalyse. Elle opère dans un<br />

champ d’une particularité étonnante.<br />

Nous savons que les disciplines scientifiques<br />

– telles la physique ou la biologie<br />

– ont <strong>de</strong>s objets bien définis. Celui<br />

<strong>de</strong> la psychanalyse c’est le désir dont la<br />

particularité est qu’il se représente par<br />

le manque. C’est le manque qui met en<br />

route la dynamique pour que tout un<br />

chacun puisse se lever le matin et<br />

vaquer à ses activités journalières. La vie<br />

a cette dimension <strong>de</strong> répétition,<br />

presque d’ennui. Depuis la nuit <strong>de</strong>s<br />

temps les êtres se sont réfugiés dans<br />

l’aliénation (soit obsédante, soit délirante),<br />

dans la drogue, dans l’alcool.<br />

Face à ces <strong>de</strong>stinées, les psychanalystes<br />

essayent <strong>de</strong> construire, d’inventer, <strong>de</strong><br />

bricoler (dans cet ordre-là), <strong>de</strong>s voies<br />

possibles pour que l’être puisse être<br />

parmi nous. Les psychanalystes n’y parviennent<br />

pas toujours, certes. Et alors,<br />

les comportementalistes eux, y arrivent-ils<br />

toujours ? Les psychanalystes<br />

sont évalués tout le temps, partout, par<br />

leurs patients tout d’abord, puis par<br />

eux-mêmes et leur entourage, par la<br />

société civile enfin et ils s’y prêtent toujours<br />

volontiers. Mais pas n’importe<br />

comment. Qui vient remplir les salles<br />

d’attente <strong>de</strong>s psychanalystes, qui ne<br />

désemplissent pas d’ailleurs ? Ce ne<br />

sont pas <strong>de</strong>s cobayes, ce sont <strong>de</strong>s personnes<br />

qui travaillent et payent leurs<br />

impôts. Depuis ses débuts la psychanalyse<br />

travaille avec <strong>de</strong>s êtres humains.<br />

Comment croire à cette idée qu’on<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

soutiennent le projet formulé par les<br />

équipes psychiatriques et si les crédits<br />

le permettent, les prochaines années<br />

verront l’ouverture d’un Centre d’Accueil<br />

et d’Admission <strong>de</strong> 24 lits situé<br />

dans l’enceinte <strong>de</strong> l’hôpital Saint-Vincent<br />

<strong>de</strong> Paul, qui participe au service<br />

public et qui est bâti selon la formule<br />

<strong>de</strong> l’hôpital-rue (C2A, par association<br />

du CAP et <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier<br />

établissement). L’implantation <strong>de</strong> 120<br />

lits <strong>de</strong> psychiatrie et <strong>de</strong> toxicomanie<br />

en ville, probablement dans le sud-est<br />

<strong>de</strong> Lille, suivra rapi<strong>de</strong>ment (1).<br />

L’avenir ? Le CHUT sera mort, Lommelet<br />

se concentrera sur le médicosocial,<br />

DPR et Maison d’Accueil Spécialisé.<br />

Et, surtout Lille sera à Lille. ■<br />

Michel Cabal<br />

Secteur 59G23, Lille Sud<br />

(1) Concernant la restructuration <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

dans la métropole lilloise, différents<br />

scénarios ont été avancés où, chaque fois,<br />

le Centre Hospitalier Régional Universitaire<br />

(C.H.R.U.) joue un rôle important. Ce<br />

qui est présenté ici, pour Lille même, a le<br />

triple avantage <strong>de</strong> respecter l’unité territoriale<br />

<strong>de</strong> la commune, <strong>de</strong> reposer sur un<br />

projet médical ambitieux et cohérent et<br />

d’aller, comme une force tranquille, dans le<br />

sens <strong>de</strong> l’histoire.<br />

■ HUMEUR<br />

Même pas peur !<br />

Réponse à la question<br />

« Les psychanalystes auraient-ils peur <strong>de</strong> la confrontation scientifique ? »<br />

puisse calquer les résultats <strong>de</strong> la lecture<br />

du comportement animal sur<br />

le comportement humain ? Une telle<br />

transposition ne me choque pas<br />

outre mesure car il existe, il est vrai,<br />

<strong>de</strong>s personnes qui ont besoin <strong>de</strong><br />

cette i<strong>de</strong>ntification vétérinaire. Pour<br />

se distinguer du champ <strong>de</strong> la neurologie,<br />

Freud met en évi<strong>de</strong>nce un<br />

appareil psychique où nous pouvons<br />

trouver <strong>de</strong>s instances en conflit entre<br />

elles. Jusqu’à présent, aucune discipline<br />

n’a pu prouver que le surmoi,<br />

le moi et le ça n’existaient pas, pourquoi<br />

alors exiger <strong>de</strong>s psychanalystes<br />

qu’ils abandonnent une théorie qu’ils<br />

vérifient au quotidien ? Les patients<br />

et les psychanalysants apportent<br />

chaque jour dans nos consultations<br />

leurs relations complexes, difficiles,<br />

insupportables avec leur mon<strong>de</strong> psychique.<br />

Leur chance est <strong>de</strong> vivre à un<br />

moment <strong>de</strong> l’humanité où cela est<br />

traité dans un cadre civil, discrètement<br />

et non en étant brûlé pour sorcellerie<br />

ou en moisissant dans <strong>de</strong>s<br />

asiles, comme ce fut le cas pour<br />

Camille Clau<strong>de</strong>l. Les psychanalystes<br />

responsabilisent les êtres et les poussent<br />

à quitter les positions <strong>de</strong><br />

mala<strong>de</strong>s pour <strong>de</strong>venir patients, pour<br />

<strong>de</strong>venir psychanalysants, pour <strong>de</strong>venir<br />

sujets, dans cette logique-là. Les<br />

psychanalystes ne nourrissent pas<br />

chez leur patients ces fantasmes<br />

d’être toujours portés par l’autre<br />

(l’autre familial, l’autre social). Dans<br />

une psychanalyse on paye <strong>de</strong> sa<br />

poche pour ne pas payer avec sa<br />

peau. La science a beaucoup à<br />

apprendre <strong>de</strong> la psychanalyse – psychanalyse,<br />

ici, est l’autre nom <strong>de</strong> l’inconscient<br />

– et les psychanalystes ont<br />

aussi beaucoup à apprendre <strong>de</strong>s<br />

autres sciences. Pour conclure, voici<br />

quelques mots <strong>de</strong> Freud empruntés<br />

au même texte que l’exergue : « Il<br />

me semble par suite incomparablement<br />

plus indiqué <strong>de</strong> combattre <strong>de</strong>s<br />

conceptions divergentes en les expérimentant<br />

sur <strong>de</strong>s cas et <strong>de</strong>s problèmes<br />

particuliers ». Non, décidément, les<br />

psychanalystes n’ont pas peur <strong>de</strong> la<br />

confrontation scientifique ! ■<br />

Fernando <strong>de</strong> Amorim*<br />

* Directeur du service d’écoute téléphonique<br />

d’urgence et <strong>de</strong> la consultation publique <strong>de</strong><br />

psychanalyse du Réseau pour la psychanalyse<br />

à l’hôpital.

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