Décembre - Nervure Journal de Psychiatrie
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16<br />
■ CLINIQUE<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Autismes<br />
Etat <strong>de</strong>s lieux du soin<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Graciela C.<br />
Crespin<br />
Cahiers <strong>de</strong> Préaut<br />
L’Harmattan, 13 €<br />
Après les <strong>de</strong>ux premières livraisons,<br />
qui ont abordé la prévention et l’état<br />
actuel <strong>de</strong>s recherches et débats entre<br />
psychanalyse et neurosciences, cette<br />
troisième livraison <strong>de</strong>s Cahiers <strong>de</strong> Préaut<br />
abor<strong>de</strong> la délicate question du soin.<br />
Un premier état <strong>de</strong>s lieux donne la parole<br />
aux différentes approches, autant<br />
<strong>de</strong> la clinique <strong>de</strong> l’autisme que celle<br />
du bébé.<br />
Des praticiens <strong>de</strong> tous bords ont l’occasion<br />
<strong>de</strong> présenter leurs approches,<br />
qu’elles soient d’inspiration psychodynamique<br />
ou cognitivo-comportementale,<br />
et <strong>de</strong> les discuter. Les approches<br />
du soin mère/bébé, qu’il<br />
s’adresse aux difficultés relationnelles<br />
précoces ou aux problèmes <strong>de</strong> prématurité<br />
sont également présentées.<br />
La partie centrale <strong>de</strong> ce Cahier est<br />
consacrée à <strong>de</strong>s observations cliniques.<br />
Les femmes et la science<br />
Gérard Chazal<br />
Ellipses<br />
L’histoire <strong>de</strong>s femmes en science montre<br />
que le fait <strong>de</strong> les tenir à l’écart <strong>de</strong>s<br />
sciences tient à <strong>de</strong>s raisons idéologiques,<br />
religieuses, sociales et politiques.<br />
Lorsque les barrages et les<br />
contraintes imposées par ces raisons<br />
non biologiques cè<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong>s femmes<br />
peuvent <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s scientifiques exemplaires.<br />
Certes, cela ne va pas, encore<br />
aujourd’hui, sans difficulté. Si Marie<br />
Curie obtint <strong>de</strong>ux prix Nobel, si elle occupa,<br />
non sans mal, un poste à la Sorbonne,<br />
elle n’est pas entrée à l’Académie<br />
<strong>de</strong>s sciences. Pour voir une<br />
femme dans cette assemblée, il faudra<br />
attendre 1980 avec la mathématicienne<br />
Yvonne Choquet-Bruhat. Aujourd’hui,<br />
il y a seulement trois femmes<br />
sur 130 membres. La National Aca<strong>de</strong>my<br />
of Sciences aux Etats-Unis, avec<br />
33 femmes sur 1329 membres ne fait<br />
guère mieux. Pas mieux la Royal Society<br />
avec 29 femmes sur 909 membres.<br />
Ce livre retrace quelques grands moments<br />
<strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s femmes en<br />
science <strong>de</strong> l’Antiquité grecque à nos<br />
jours.<br />
Il se limite à l’occi<strong>de</strong>nt car c’est la science<br />
occi<strong>de</strong>ntale qui a triomphé et s’est imposée<br />
au mon<strong>de</strong> entier aujourd’hui et<br />
c’est par rapport à cette science que<br />
les femmes aujourd’hui peuvent définir<br />
leur place dans le mon<strong>de</strong> encore<br />
très masculin <strong>de</strong> la science.<br />
Les marques du corps<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Didier Lauru<br />
et Jean-Jacques Lemaire<br />
Enfances & Psy 2006 n°32<br />
Erès<br />
Ce numéro montre que l’inscription corporelle<br />
chez l’enfant ou l’adolescent<br />
(cicatrices, scarifications, tatouages,<br />
piercing...) revêt <strong>de</strong> nombreux aspects<br />
selon qu’elle est subie ou agie.<br />
Le rôle <strong>de</strong>s cicatrices dans la maladie<br />
<strong>de</strong> l’enfant est abordé au travers <strong>de</strong> la<br />
clinique <strong>de</strong> la maladie chronique <strong>de</strong><br />
l’enfant (Catherine Graindorge), <strong>de</strong>s lésions<br />
corporelles somatiques ou acci<strong>de</strong>ntelles<br />
(MarieThérèse Aeschbacher),<br />
dans le trauma à l’adolescence (Jean-<br />
Yves Le Fourn) ou dans la maladie somatique<br />
et le handicap, visible ou invisible<br />
(Patrick Alvin).<br />
Les coups et blessures sont autant<br />
d’autres traumatismes que l’enfant ou<br />
l’adolescent aura à intégrer dans sa<br />
psyché, et il est important alors <strong>de</strong> ne<br />
pas négliger les divers aspects <strong>de</strong> la<br />
prise en charge médicale et psychologique<br />
(Annie Soussy).<br />
Dans la pratique contemporaine, on<br />
a aussi affaire à <strong>de</strong> nombreuses histoires<br />
<strong>de</strong> scarifications (David Le Bre-<br />
ton) ou, autrement dit, à <strong>de</strong>s violences<br />
cutanées auto-infligées (Xavier Pommereau).<br />
Il peut s’agir symboliquement<br />
d’un sacrifice (Carina Basualdo) ou bien<br />
d’une démarque du regard inscrite<br />
dans la violence du politique comme<br />
du pubertaire (Véronique Bourboulon).<br />
Sur un autre plan, l’inscription corporelle<br />
est également « agie » quand il y<br />
a recours au tatouage et/ou piercing<br />
comme affirmation <strong>de</strong> soi, d’une saga<br />
infantile (Elisabeth Darchis), d’appartenance<br />
à un groupe social, religieux,<br />
ethnique, avec une place spécifique<br />
pour la circoncision (Philippe Scialom).<br />
Mais la marque corporelle peut aussi<br />
tenter <strong>de</strong> relayer une virilité défaillante,<br />
une position <strong>de</strong> lea<strong>de</strong>rship... ou encore<br />
soutenir une écriture symbolique<br />
(Catherine Grognard). Le registre sera<br />
différent selon qu’il relève d’effets <strong>de</strong><br />
mo<strong>de</strong>, <strong>de</strong> séduction, <strong>de</strong> crise i<strong>de</strong>ntitaire<br />
(Bruno Rouers) avec ses formes<br />
d’imitation, d’opposition, <strong>de</strong> provocation<br />
ou <strong>de</strong> défi.<br />
Imaginaire <strong>de</strong> la famille<br />
Imaginaire et inconscient 2006, n°18,<br />
L’Esprit du Temps, 21 €<br />
Une récente journée d’étu<strong>de</strong>s du Groupe<br />
International du Rêve Eveillé en Psychanalyse<br />
a été consacrée à la famille,<br />
pas d’un point <strong>de</strong> vue sociologique ou<br />
éthique, mais du point <strong>de</strong> vue où nous<br />
assistons au travail <strong>de</strong> l’imaginaire.<br />
Ce numéro publie les interventions <strong>de</strong><br />
la Journée d’étu<strong>de</strong>s auxquelles s’ajoutent<br />
<strong>de</strong> nouveaux articles. La mythologie<br />
constitue le socle <strong>de</strong> ce travail.<br />
Aux mythes venus <strong>de</strong> l’Antiquité et à<br />
la réflexion qu’ils suscitent, succè<strong>de</strong>nt<br />
diverses étu<strong>de</strong>s mettant en évi<strong>de</strong>nce<br />
dans nos vies d’aujourd’hui la construction<br />
<strong>de</strong> mythes auxquels nous participons,<br />
la construction du roman familial<br />
avec en écho l’étu<strong>de</strong> du roman<br />
familial, que ce soit chez le romancier<br />
ou dans les contes.<br />
La représentation <strong>de</strong> la maison comme<br />
symbole du vécu familial, est présenté<br />
comme révélateur à la fois d’une réalité<br />
et <strong>de</strong> ce qui s’en imagine.<br />
Quatre analyses <strong>de</strong> livres concernent<br />
certains aspects du vécu familial.<br />
Des « intermè<strong>de</strong>s » sont consitués par<br />
<strong>de</strong>s extraits <strong>de</strong> textes <strong>de</strong> Claudie Obin,<br />
conteuse, qui participe à la Journée<br />
d’étu<strong>de</strong>s et a séduit par sa manière <strong>de</strong><br />
parler <strong>de</strong>s mythes fondateurs <strong>de</strong> la<br />
Grèce antique, mythes dans lesquels<br />
nous assistons à la dramatique <strong>de</strong><br />
l’amour, <strong>de</strong> la haine, <strong>de</strong> la vie et <strong>de</strong> la<br />
mort, qui sillonnent nos vécus familiaux.<br />
Accompagner ou<br />
contraindre ?<br />
Psychotropes 2006 n°2<br />
De Boeck<br />
Comme à l’accoutumée, ce numéro se<br />
compose d’un dossier et <strong>de</strong> quelques<br />
articles hors thématique.<br />
Pour le dossier a été retenu le thème<br />
abordé par l’ASPSTA lors <strong>de</strong> ses journées<br />
nationales qui se sont tenues à<br />
Limoges les 20 et 21 octobre 2005 et<br />
dont le titre était : « Soigner ou punir ».<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la référence à Michel Foucault,<br />
le titre <strong>de</strong> ce congrès mettait en<br />
exergue le fait que « ce sont d’abord<br />
l’interdit, la répression et la punition qui<br />
ont marqué l’abord contemporain du<br />
phénomène <strong>de</strong> dépendance ou d’addiction<br />
: sous forme d’interdit et <strong>de</strong> pénalisation<br />
<strong>de</strong> l’usage », ainsi que le rappelle<br />
Jean Harbonnier.<br />
La loi <strong>de</strong> 1970, qui considère l’usage<br />
simple comme un délit, incarne cette<br />
tentation <strong>de</strong> l’éradication par l’interdit.<br />
Le législateur pourrait s’inspirer <strong>de</strong><br />
ce « précepte » émis dès le XVIII e siècle<br />
par les disciples <strong>de</strong> Cesare Beccaria :<br />
« Punir pas plus qu’il n’est juste, pas plus<br />
qu’il n’est utile », la punition <strong>de</strong> l’usage<br />
simple apparaissant à la fois injuste et<br />
inutile.<br />
Clau<strong>de</strong> Jacob présente la notion <strong>de</strong><br />
contrat dans son article, où il pose les<br />
questions nécessaires à une telle dé-<br />
<br />
marche : « Comment et pourquoi créer<br />
un espace spécifique, pourquoi le contrat,<br />
et quel contrat rend l’institution habitable,<br />
à quelles conditions, pourquoi et<br />
comment organiser les échanges ». En<br />
résumé, définir un lieu <strong>de</strong> rencontre, un<br />
lieu thérapeutique où « chacun y parle<br />
en son nom ».<br />
Pour éviter ces risques <strong>de</strong> confusion, intervenants<br />
en toxicomanie et représentants<br />
du système judiciaire ont souvent<br />
travaillé ensemble pour respecter<br />
la compétence <strong>de</strong> chacun afin que l’action<br />
<strong>de</strong>s uns ne nuise pas à la mission<br />
<strong>de</strong>s autres.<br />
Le dispositif POSS initié dans le département<br />
<strong>de</strong> la Marne, présenté par Alain<br />
Rigaux, participe <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> réflexion.<br />
Jean-Pierre Assailly présente un mo<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> lecture <strong>de</strong>s mises en danger <strong>de</strong> soi<br />
chez l’adolescent. Cette conduite est interprétée<br />
comme un modèle socio-<br />
jouer au cours du holding maternel<br />
et fait appel à <strong>de</strong>s vécus et <strong>de</strong>s mouvements<br />
très archaïques.<br />
Revenons, maintenant, au sujet traumatisé<br />
qui est profondément bouleversé,<br />
confronté à <strong>de</strong>s angoisses massives<br />
<strong>de</strong> mort, un vécu impossible à<br />
élaborer et assimiler. Le sujet perd une<br />
certaine conscience <strong>de</strong> soi et est en<br />
incapacité <strong>de</strong> pouvoir verbaliser son<br />
vécu. Son enveloppe psychique est<br />
mise à mal. Il serait intéressant, d’autant<br />
que le sujet témoigne d’une incapacité<br />
à pouvoir bénéficier d’un <strong>de</strong>briefing,<br />
<strong>de</strong> travailler à partir <strong>de</strong> cette<br />
enveloppe fragilisée en cherchant à la<br />
consoli<strong>de</strong>r. En reconstituant une enveloppe<br />
pare-exctitante, le sujet pourra<br />
peut-être retrouver plus facilement un<br />
sentiment <strong>de</strong> cohésion et d’existence.<br />
J’abor<strong>de</strong>rai la question <strong>de</strong> la mise en<br />
pratique après la présentation <strong>de</strong>s<br />
vignettes cliniques.<br />
Cas cliniques<br />
Une femme <strong>de</strong> 35 ans se présente<br />
pour un arrêt <strong>de</strong> travail. Elle est infirmière<br />
et a été, le jour même, victime<br />
d’une agression à l’hôpital. Un patient<br />
s’est jeté sur elle lorsqu’elle a refusé<br />
d’accé<strong>de</strong>r à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Il l’a prise par<br />
le cou, l’a jetée à terre et a commencé<br />
à la rouer <strong>de</strong> coups lorsque <strong>de</strong>s collègues<br />
alertés par le bruit sont venus<br />
la secourir. Elle est encore sous le choc.<br />
Elle a pensé mourir. Tout <strong>de</strong> suite après<br />
l’agression, elle a été conduite auprès du<br />
mé<strong>de</strong>cin du travail qui a tenté <strong>de</strong> lui<br />
faire verbaliser ses émotions. Pour l’heure,<br />
elle souhaite simplement avoir son<br />
arrêt <strong>de</strong> travail et retourner auprès <strong>de</strong>s<br />
siens. Elle accepte <strong>de</strong> revenir pour une<br />
réévaluation. C’est lors <strong>de</strong>s consultations<br />
suivantes qu’elle raconte son expérience.<br />
Face au mé<strong>de</strong>cin du travail, elle<br />
se sentait incapable <strong>de</strong> penser, encore<br />
moins <strong>de</strong> verbaliser. Elle trouvait, <strong>de</strong><br />
plus, incongru <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> cette expérience<br />
intime à un étranger. Son seul<br />
souhait était <strong>de</strong> retrouver ses proches,<br />
d’être entourée par eux sur un plan<br />
affectif et physique. Elle avait ressenti<br />
clairement le besoin d’être soutenue,<br />
rassurée, blottie dans les bras protecteurs<br />
d’un proche qui lui tiendrait <strong>de</strong>s<br />
propos rassurants.<br />
L’évolution fut rapi<strong>de</strong>ment favorable.<br />
Elle eut quelques cauchemars dont le<br />
contenu retraçait, en partie, le scénario<br />
<strong>de</strong> l’agression. Elle eut pendant<br />
quelques jours <strong>de</strong>s réminiscences <strong>de</strong><br />
l’épiso<strong>de</strong> sous forme <strong>de</strong> flashs lorsqu’elle<br />
croisait un homme au profil <strong>de</strong><br />
l’agresseur. Mais rapi<strong>de</strong>ment ce syndrome<br />
<strong>de</strong> répétition débutant a disparu.<br />
Elle reprit le travail et retrouva un<br />
fonctionnement habituel et satisfaisant.<br />
Je n’ai plus eu, ensuite, <strong>de</strong> ses nouvelles.<br />
La <strong>de</strong>uxième vignette clinique relate<br />
un traumatisme beaucoup plus grave. Il<br />
s’agit d’une femme âgée <strong>de</strong> 39 ans qui<br />
a subi durant son enfance et son adolescence<br />
<strong>de</strong>s viols répétés perpétrés par<br />
son père. Lors <strong>de</strong> sa première consultation,<br />
nous sommes à distance du trau-<br />
séquentiel dans lequel la causalité ne<br />
serait pas linéaire.<br />
Maurice Corcos, dans son texte « La force<br />
et le sens », montre que les conduites à<br />
risques, lorsqu’elles <strong>de</strong>viennent addictives,<br />
ne tiennent pas seulement lieu <strong>de</strong><br />
culpabilité comme dans la majorité <strong>de</strong>s<br />
névroses, « mais d’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> compensation<br />
face à un vi<strong>de</strong> i<strong>de</strong>ntificatoire » et<br />
installent « un néo-système <strong>de</strong> régulation<br />
du relationnel avec une source <strong>de</strong> jouissance<br />
perverse (dans la honte qui semble<br />
<strong>de</strong>venir l’excitant esentiel) qui fixe le sujet<br />
à ses objets infantiles ».<br />
Enfin, Marie-Ma<strong>de</strong>leine Jacquet abor<strong>de</strong><br />
le moment clé que représente la fin <strong>de</strong>s<br />
prises en charge ou <strong>de</strong>s psychothérapies,<br />
moment particulièrement intense<br />
réactivant ou réactualisant bien souvent<br />
les problématiques <strong>de</strong> séparation,<br />
<strong>de</strong> prise d’autonomie et <strong>de</strong> reconnaissance<br />
individuelle.<br />
matisme, il n’y a pas <strong>de</strong> symptomatologie<br />
évoquant un PTSD. En revanche,<br />
on retrouve une phobie du toucher et<br />
<strong>de</strong>s troubles d’ordre sexuel. Ces <strong>de</strong>rniers<br />
apparaissent lorsqu’elle rencontre<br />
<strong>de</strong>s hommes pour lesquels elle éprouve<br />
<strong>de</strong>s sentiments. Le toucher <strong>de</strong>vient<br />
impossible et l’acte sexuel insupportable.<br />
Elle a l’impression d’être une<br />
prostituée et se dégoûte. D’autre part,<br />
il existe un fonctionnement <strong>de</strong> clivage,<br />
avec une mise à distance <strong>de</strong> ses<br />
affects et le sentiment <strong>de</strong> ne plus reconnaître<br />
ni habiter son corps. Elle ne ressent<br />
plus rien. Elle tente un travail <strong>de</strong><br />
psychothérapie, mais il est laborieux,<br />
elle se défend... La première relation<br />
thérapeutique, vraie, vécue comme<br />
telle, est la rencontre avec un ostéopathe<br />
; il parle <strong>de</strong> lier le corps à la psyché.<br />
Il lui dit que son corps est un bout<br />
<strong>de</strong> bois mort, que son dos est comme<br />
une grille <strong>de</strong> métro. Puis, débute un<br />
travail avec une psychomotricienne qui<br />
la touche, la masse. Son corps est enfin<br />
pris en compte. La patiente travaille<br />
sur le contours <strong>de</strong> son corps et sa représentation.<br />
Progressivement, elle reconstitue<br />
ou se constitue une enveloppe<br />
physique. C’est à ce moment là que<br />
lors d’un exercice <strong>de</strong> respiration, elle<br />
est prise d’une violente angoisse, association<br />
refoulée d’une effraction ancienne.<br />
Elle parle pour la première fois <strong>de</strong><br />
ses agressions... d’abord dans un langage<br />
très cru puis plus nuancé et avec<br />
davantage <strong>de</strong> contrôle.<br />
Actuellement, elle reconnaît que parmi<br />
toutes les thérapeutiques dont elle a<br />
bénéficié, les plus opérantes pour elle<br />
ont été les traitements corporels ; sans<br />
elles, toute tentative d’élaboration en<br />
psychothérapie serait restée vaine...<br />
Ces exemples soulèvent <strong>de</strong> nombreuses<br />
questions. Il est possible que<br />
le besoin <strong>de</strong> passer à nouveau par le<br />
corps ait été d’autant plus prégnant<br />
qu’il y a eu atteinte physique dans les<br />
<strong>de</strong>ux cas. Y aurait-il eu la même<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> en cas d’absence d’atteinte<br />
corporelle ? On peut supposer que oui,<br />
puisque au-<strong>de</strong>là du traumatisme physique,<br />
c’est aussi d’une effraction psychique<br />
dont il est question.<br />
Une autre inconnue se pose : il semble<br />
que pour le premier cas, l’enveloppe<br />
psychique semblait d’assez bonne qualité<br />
avant d’avoir été mise à mal. Il ne<br />
s’agit que d’une agression ponctuelle<br />
survenant à l’âge adulte. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
du sujet était plutôt <strong>de</strong> consoli<strong>de</strong>r une<br />
enveloppe à priori bien constituée.<br />
Pour la <strong>de</strong>uxième femme, la problématique<br />
est différente. Le traumatisme<br />
a eu lieu durant une longue pério<strong>de</strong><br />
où l’enfant puis l’adolescente avait à<br />
se construire. Il est probable que la personnalité<br />
s’est organisée autour du trauma,<br />
et que son sentiment <strong>de</strong> soi s’en est<br />
trouvé fragilisé. Qu’a-t-elle trouvé dans<br />
ces séances <strong>de</strong> psychomotricité ? La<br />
consolidation ou la constitution d’une<br />
enveloppe physique et psychique ?<br />
Il est évi<strong>de</strong>nt que le soignant n’aura<br />
pas <strong>de</strong> réponse à ces questions lorsqu’il<br />
se trouve pour la première fois<br />
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />
Comprendre l’anxiété pour<br />
mieux la traiter<br />
Sous la coordination <strong>de</strong> Philippe<br />
Nuss<br />
Editions Médicales<br />
Ce recueil témoigne <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s<br />
situations cliniques dans lesquelles<br />
l’anxiété s’exprime, rend compte <strong>de</strong> la<br />
complexité <strong>de</strong>s tableaux rencontrés en<br />
pratique quotidienne. Plusieurs cliniciens<br />
illustrent, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> situations cliniques<br />
qu’ils ont rencontrées, les différents<br />
troubles anxieux. Ils font part <strong>de</strong><br />
démarches cliniques, diagnostiques et<br />
thérapeutiques tout en cheminant avec<br />
l’histoire immédiate du patient.<br />
Cette démarche, avec ses incertitu<strong>de</strong>s,<br />
ses anecdotes, ses paradoxes, fait partager<br />
la démarche intellectuelle <strong>de</strong> leurs<br />
auteurs et témoigne aussi <strong>de</strong> leur expertise.<br />
face à un traumatisé. C’est au cours<br />
du suivi que pourra être évaluée cette<br />
problématique et donc posé le type<br />
d’approche corporelle la mieux adaptée.<br />
Car elle reste aussi à définir : les<br />
bras d’un proche, un enveloppement<br />
dans une couverture, un pack, le tout<br />
en tachant <strong>de</strong> l’intégrer dans la relation<br />
à l’autre comme nous l’avons vu ?<br />
Réaliser, <strong>de</strong> manière systématique, une<br />
prise en charge corporelle est sûrement<br />
aussi inappropriée que d’imposer systématiquement<br />
un <strong>de</strong>briefing. Il est probable<br />
que si cela peut avoir un effet<br />
contenant et restructurant, pour<br />
d’autres cela peut correspondre à une<br />
nouvelle intrusion. Peut-être faut-il seulement<br />
proposer un soutien <strong>de</strong> cet<br />
ordre ; et ce aussi bien au décours<br />
immédiat qu’à distance du traumatisme.<br />
De même que le sujet a parfois besoin<br />
<strong>de</strong> temps pour verbaliser son expérience,<br />
il est peut-être opportun <strong>de</strong> respecter<br />
sa disponibilité physique.<br />
Il faut aussi être pru<strong>de</strong>nt sur le risque<br />
régressif que cette prise en charge<br />
implique. Peut-être cela peut-il se faire<br />
en ne prolongeant pas trop les séances.<br />
Il faudrait aussi veiller à les intégrer<br />
dans la relation à l’autre pour inciter<br />
le sujet à rétablir un contact et un lien<br />
au mon<strong>de</strong> extérieur. En réalité, avant<br />
<strong>de</strong> craindre d’accentuer un éventuel<br />
retrait défensif, il me semble surtout<br />
important <strong>de</strong> savoir reconnaître et<br />
accueillir cet état inhérent au traumatisme<br />
pour l’accompagner et permettre<br />
une mobilisation.<br />
Qui pourra réaliser cette approche ?<br />
La patiente du premier cas clinique a<br />
témoigné <strong>de</strong> son besoin d’être entourée<br />
<strong>de</strong>s siens.<br />
Est-ce imaginable <strong>de</strong> proposer et d’organiser<br />
un accompagnement par un<br />
proche ? Proche qu’il faudra aussi savoir<br />
accompagner... Quel type d’enveloppe<br />
ce proche pourra-t-il alors réaliser ?<br />
Probablement en fonction <strong>de</strong> ce qu’il<br />
est, <strong>de</strong> sa propre capacité à pouvoir<br />
contenir ... Encore beaucoup d’inconnues<br />
et <strong>de</strong> variables incertaines ... il<br />
s’agit en effet d’un facteur essentiellement<br />
humain. Mais ne sous-estimonsnous<br />
pas la force <strong>de</strong> ce soutien ?<br />
S’il ne s’agit pas <strong>de</strong> proches, on imagine<br />
difficilement le psychiatre spécialiste<br />
<strong>de</strong> l’urgence, assurer seul ce type <strong>de</strong><br />
prise en charge. Les infirmiers et les<br />
psychométriciens y auraient probablement<br />
toute leur place.<br />
Je terminerai sur cette réflexion : finalement,<br />
je n’ai soulevé qu’une hypothèse<br />
bien banale. Une main sur l’épaule<br />
est pour certains le geste le plus<br />
naturel du mon<strong>de</strong> lorsque l’on a à soutenir<br />
quelqu’un. Il est vrai que ce geste,<br />
le contact en général, est soumis aussi<br />
pour <strong>de</strong>s raisons culturelles à <strong>de</strong>s résistances<br />
multiples. Peut-être faudrait-il<br />
travailler pour revenir à <strong>de</strong>s actes naturels,<br />
archaïques pour faire face à <strong>de</strong>s<br />
choses qui relèvent du même ordre...■<br />
Dr E. Botvinik<br />
Service Dr G. Vidon, Hôpital Esquirol