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Décembre - Nervure Journal de Psychiatrie

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14<br />

LIVRES<br />

■ CLINIQUE<br />

De l’irritation et <strong>de</strong> la folie<br />

François-Joseph-Victor Broussais<br />

Introduction <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />

L’Harmattan, 45 €<br />

Il s’agit <strong>de</strong> la reproduction fac simile<br />

<strong>de</strong> l’édition originale du livre <strong>de</strong> 1828<br />

qui n’avait jamais été réédité.<br />

C’est en mai 1828 que Broussais a<br />

investi le champ philosophique enpubliant<br />

contre Cousin un traité De<br />

l’irritation et <strong>de</strong> la folie. Il s’agit <strong>de</strong> la<br />

première critique du point <strong>de</strong> vue<br />

« physiologique » <strong>de</strong> la psychologie<br />

éclectique. Une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l’ouvrage<br />

est consacrée à une critique<br />

<strong>de</strong>s « psychologistes » dont Théodore<br />

Jouffroy était le chef <strong>de</strong> file.<br />

Broussais voit dans le spiritualisme<br />

un obstacle à la science et le caractère<br />

pseudo-expérimental <strong>de</strong> la psychologie<br />

<strong>de</strong> Jouffroy le confirme pleinement.<br />

A travers le concept d’irritation, il combat,<br />

dans la première partie <strong>de</strong> son<br />

ouvrage, la psychologie <strong>de</strong> son temps.<br />

La secon<strong>de</strong> partie traite <strong>de</strong> la folie<br />

considérée selon la doctrine physiologique,<br />

et ralliée au phénomène <strong>de</strong><br />

l’irritation.<br />

La doctrine physiologique <strong>de</strong> Broussais<br />

s’était construite en opposition<br />

à la doctrine médicale idéologique<br />

fondée par Pinel, dominante au cours<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premières décennies du<br />

XIX e siècle. Broussais refuse toute nosographie<br />

en mé<strong>de</strong>cine mentale<br />

comme ailleurs, annulant ainsi la<br />

spécificité <strong>de</strong> la psychiatrie. Pour lui,<br />

l’irritation est la cause <strong>de</strong> la folie.<br />

Les thèses organicistes <strong>de</strong> Broussais<br />

n’eurent pas <strong>de</strong> succès dans le milieu<br />

psychiatrique où les nouveaux savants<br />

spiritualistes voulaient annexer<br />

la psychiatrie à la philosophie en renouant<br />

avec le vitalisme. La doctrine<br />

physiologique <strong>de</strong> Broussais se construisit<br />

ainsi en opposition à la nouvelle<br />

doctrine médicale éclectique développée<br />

par une génération <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins<br />

qui voyaient dans les conceptions<br />

philosophiques <strong>de</strong> Victor Cousin<br />

une voie prometteuse.<br />

Repenser le maintien à<br />

domicile<br />

Enjeux - Acteurs - organisation<br />

Bernard Ennuyer<br />

Dunod, 26 €<br />

Le maintien à domicile est l’objectif<br />

prioritaire <strong>de</strong> la « politique <strong>de</strong> la<br />

vieillesse ». pourtant, comme le confirme<br />

un récent rapport <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong>s<br />

comptes, il n’y a jamais eu <strong>de</strong> véritable<br />

mise en place d’une politique<br />

cohérente en France.<br />

Ce livre repense le maintien à domicile<br />

en l’articulant à sa finalité éthique :<br />

quelle place pour les « personnes<br />

âgées », et notamment pour les plus<br />

fragiles, celles qui ont <strong>de</strong>s difficultés<br />

<strong>de</strong> vie quotidienne et cumulent, bien<br />

souvent, santé dégradée, isolement<br />

social et faibles ressources ?<br />

Certaines notions sont interrogées :<br />

le vieillissement et la vieillesse, l’incapacité<br />

et le handicap, le domicile<br />

et le chez soi, l’ai<strong>de</strong> professionnelle<br />

et le soutien familial, la coordination,<br />

l’évaluation, la formation, les politiques<br />

publiques, leur choix et leur financement.<br />

En <strong>de</strong>rnier lieu, le questionnement<br />

sur les limites du maintien<br />

à domicile et sur ses coûts fait apparaître<br />

le déficit actuel <strong>de</strong>s politiques<br />

publiques. On se restreint, <strong>de</strong> jour en<br />

jour, à une technique instrumentale,<br />

à un arsenal <strong>de</strong> dispositifs réglementaires<br />

et <strong>de</strong> procédures normalisées,<br />

au détriment d’une perspective<br />

éthique du maintien <strong>de</strong>s personnes<br />

âgées dans leur cadre <strong>de</strong> vie et dans<br />

leur rôle d’acteur social.<br />

Le trouble schizoaffectif est une affection<br />

fréquente. Il représenterait<br />

entre 10 et 30% <strong>de</strong>s admissions pour<br />

trouble psychotique en milieu psychiatrique<br />

(1).<br />

Ce concept a connu <strong>de</strong> nombreux<br />

changements dans sa définition <strong>de</strong>puis<br />

la première <strong>de</strong>scription par Kasanin en<br />

1933 <strong>de</strong> la « psychose schizoaffective<br />

», entité spécifique par son apparition<br />

brutale, son évolution favorable<br />

et la présence simultanée <strong>de</strong> symptômes<br />

schizophréniques et affectifs (5, 8).<br />

Les troubles schizoaffectifs sont classiquement<br />

considérés comme <strong>de</strong>s<br />

formes intermédiaires entre la schizophrénie<br />

et les troubles bipolaires, tant<br />

sur le plan <strong>de</strong> la symptomatologie que<br />

du pronostic (8).<br />

Cependant, dans les classifications<br />

actuelles (DSM IV, CIM 10), ces <strong>de</strong>rniers<br />

paraissent clairement individualisés<br />

(2, 8). Il s’agit en fait d’une entité clinique<br />

parfaitement décrite en terme<br />

<strong>de</strong> catégorisation, mais toujours controversée<br />

quant à son appartenance au<br />

groupe <strong>de</strong>s schizophrénies ou celui <strong>de</strong>s<br />

troubles bipolaires.<br />

Son statut nosographique se trouve<br />

face à un dilemme : s’agit-il d’un continuum<br />

psychotique entre la schizophrénie<br />

et le trouble bipolaire ou d’une<br />

entité morbi<strong>de</strong> distincte et indépendante<br />

?<br />

Nous tenterons dans ce travail<br />

d’émettre quelques éclaircissements sur<br />

ce sujet à partir d’une étu<strong>de</strong> comparative<br />

<strong>de</strong> patients atteints <strong>de</strong> schizophrénie,<br />

<strong>de</strong> trouble bipolaire et <strong>de</strong> trouble<br />

schizoaffectif.<br />

Méthodologie<br />

Nous avons mené une étu<strong>de</strong> rétrospective,<br />

<strong>de</strong>scriptive et comparative dans<br />

laquelle nous avons inclu les patients<br />

présentant un trouble schizoaffectif <strong>de</strong><br />

type bipolaire, un trouble bipolaire <strong>de</strong><br />

type I ou une schizophrénie indifférenciée<br />

selon les critères du DSM IV,<br />

hospitalisés la première fois entre les<br />

mois <strong>de</strong> janvier 1988 et décembre<br />

2002, suivis pendant au moins 3 ans<br />

dans le service <strong>de</strong> psychiatrie « E » <strong>de</strong><br />

l’hôpital Razi.<br />

Les données ont été recueillies à partir<br />

du dossier médical et ont concerné les<br />

variables sociodémographiques, les<br />

antécé<strong>de</strong>nts familiaux psychiatriques,<br />

la personnalité prémorbi<strong>de</strong>, l’adaptation<br />

prémorbi<strong>de</strong> (par l’estimation <strong>de</strong><br />

l’EGF durant l’année précédant le début<br />

<strong>de</strong> la maladie : EGF1), les caractéristiques<br />

cliniques (l’âge <strong>de</strong> début <strong>de</strong> la<br />

maladie, la présence d’évènement précipitant<br />

dans les 4 semaines précédant<br />

le début <strong>de</strong>s troubles et le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

début <strong>de</strong> la maladie (aigu : < à 4<br />

semaines, subaigu : entre 1 et 6 mois,<br />

insidieux : > à 6 mois), les variables<br />

évolutives (le nombre d’hospitalisation,<br />

la qualité <strong>de</strong>s intervalles entre les hospitalisations,<br />

la qualité <strong>de</strong> l’insertion<br />

professionnelle et l’évaluation globale<br />

du fonctionnement à long terme :<br />

EGF2).<br />

L’échantillon a été réparti en trois<br />

groupes en fonction du diagnostic<br />

porté:<br />

G1 : schizophrénie, G2 : trouble bipolaire,<br />

G3 : trouble schizoaffectif. Nous<br />

avons procédé à la comparaison <strong>de</strong><br />

ces trois groupes en fonctions <strong>de</strong> ces<br />

divers paramètres.<br />

La saisie <strong>de</strong>s données ainsi que l’analyse<br />

statistique <strong>de</strong>scriptive et comparative<br />

ont été effectuées à l’ai<strong>de</strong> du logiciel<br />

SPSS dans sa 10ème version. Le seuil<br />

<strong>de</strong> significativité a été fixé à 5%<br />

(p < 0,05).<br />

Résultats<br />

90 patients ont été colligés et répartis<br />

équitablement sur les trois groupes.<br />

L’analyse <strong>de</strong>s variables sociodémographiques<br />

n’a pas objectivé <strong>de</strong> différences<br />

significatives concernant l’âge moyen, le<br />

sexe, le statut matrimonial et le niveau<br />

socioéconomique entre les trois<br />

groupes. (Voir tableau I)<br />

Concernant les antécé<strong>de</strong>nts familiaux<br />

psychiatriques, les 3 groupes étaient<br />

différents (p=0,001) : les schizophrènes<br />

avaient plus d’antécé<strong>de</strong>nts familiaux<br />

<strong>de</strong> schizophrénie (20%), les bipolaires<br />

avaient quant à eux plus d’antécé<strong>de</strong>nts<br />

familiaux <strong>de</strong> trouble bipolaire (20%),<br />

tandis que les schizoaffectifs avaient<br />

autant d’antécé<strong>de</strong>nts familiaux <strong>de</strong> schizophrénie<br />

que <strong>de</strong> trouble bipolaire<br />

(6,7%).<br />

De plus, ils étaient les seuls à avoir <strong>de</strong>s<br />

antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> trouble schizoaffectif.<br />

(fig1)<br />

Une différence significative a été retrouvée<br />

entre les trois groupes concernant<br />

la personnalité pré-morbi<strong>de</strong>. En effet,<br />

celle <strong>de</strong> type schizoï<strong>de</strong> était plus fréquemment<br />

retrouvée chez les schizophrènes<br />

(46,7%, p=0.0004) ; tandis<br />

que le tempérament hyperthymique<br />

était plus noté chez les bipolaires<br />

(33.3%, p=0.0002).<br />

Les schizoaffectifs se plaçaient dans<br />

une position intermédiaire avec 30%<br />

<strong>de</strong> schizoïdie et 20% d’hyperthymie.<br />

L’évaluation du fonctionnement prémorbi<strong>de</strong><br />

(EGF1) a objectivé une différence<br />

entre les trois groupes (p=0,003).<br />

Les patients schizophrènes avaient<br />

l’EGF le plus bas (60) suivis <strong>de</strong>s schizoaffectifs<br />

(70) puis <strong>de</strong>s bipolaires (80).<br />

Quant aux variables cliniques, l’âge <strong>de</strong><br />

début <strong>de</strong>s troubles était légèrement<br />

plus bas chez les schizophrènes et les<br />

schizo-affectifs que chez les bipolaires,<br />

mais la différence n’était pas significative.<br />

(22,3 ans ; 22,5 ans versus 24<br />

ans, p= 0,196)<br />

Un événement précipitant était retrouvé<br />

chez près <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s bipolaires,<br />

du quart <strong>de</strong>s schizoaffectifs mais<br />

seulement chez 6,7% <strong>de</strong>s schizophrènes.<br />

(fig 2)<br />

Enfin, 2/3 <strong>de</strong>s patients bipolaires<br />

avaient un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> début aigu, ce<br />

même taux était retrouvé chez les<br />

patients schizophrènes qui avaient<br />

débuté leur maladie sous un mo<strong>de</strong> insidieux.<br />

Le groupe <strong>de</strong>s schizoaffectifs occupait<br />

une place intermédiaire tout en étant<br />

plus proche <strong>de</strong>s schizophrènes. (fig 3)<br />

Sur le plan évolutif, les trois groupes<br />

étaient comparables au niveau du<br />

nombre d’hospitalisations, évalué à une<br />

moyenne <strong>de</strong> 1,6.<br />

La qualité <strong>de</strong>s intervalles entre les hospitalisations<br />

était différente dans les<br />

trois groupes (p=0,0004). En effet<br />

83,3% <strong>de</strong>s bipolaires étaient en rémission<br />

entre les hospitalisations, 90% <strong>de</strong>s<br />

schizophrènes présentaient une persistance<br />

<strong>de</strong>s symptômes psychotiques.<br />

Quant aux schizoaffectifs, 20% étaient<br />

en rémission, 46,7% avaient une persistance<br />

<strong>de</strong> symptômes psychotiques<br />

et/ou thymiques et 33 ,3% avaient une<br />

persistance <strong>de</strong> symptômes résiduels<br />

minimes. (fig 4)<br />

Concernant l’insertion professionnelle<br />

à long terme, la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s<br />

schizophrènes (93,3%) étaient sans profession,<br />

suivis <strong>de</strong>s schizoaffectifs (60%),<br />

puis <strong>de</strong>s bipolaires (23%) (p=0,0006).<br />

Enfin, comparés aux schizophrènes, les<br />

patients schizoaffectifs, avaient un<br />

meilleur fonctionnement à long terme<br />

(EGF2 : 60 versus 40) mais moins<br />

bon que celui <strong>de</strong>s bipolaires (EGF2 :<br />

60 versus 80) (p=0,0002).<br />

Discussion<br />

Notre étu<strong>de</strong> rétrospective expose inéluctablement<br />

à <strong>de</strong>s biais méthodologiques.<br />

Nous nous sommes retrouvés face à<br />

<strong>de</strong>s difficultés inhérentes au fait que<br />

toutes les données étaient recueillies à<br />

partir <strong>de</strong>s dossiers médicaux, parfois<br />

incomplets, d’autres fois manquant <strong>de</strong><br />

précision. Les patients n’ayant pas été<br />

vus, nous n’avons pas eu l’occasion <strong>de</strong><br />

recourir aux échelles qui auraient sûrement<br />

apporté plus d’objectivité. De ce<br />

fait, nous nous sommes plus intéressés<br />

à l’aspect diachronique qu’à l’aspect<br />

synchronique.<br />

Variables socio-démographiques<br />

L’analyse <strong>de</strong>s variables socio-démo-<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Trouble schizoaffectif :<br />

entre schizophrénie et trouble<br />

bipolaire<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

TSA<br />

TB<br />

SC<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

100<br />

80<br />

60<br />

40<br />

20<br />

0<br />

6,7%<br />

graphiques n’a pas montré <strong>de</strong> différence<br />

dans les trois groupes. Ceci permet<br />

<strong>de</strong> limiter les biais causés par ces<br />

facteurs.<br />

La prédominance masculine étant liée<br />

à un biais <strong>de</strong> recrutement (répartition<br />

conforme à la population <strong>de</strong> l’hôpital<br />

Razi), certes retrouvée dans les trois<br />

groupes, était plus nette chez les schizophrènes<br />

et les schizoaffectifs (76,7%,<br />

83,3% versus 70%). Ce résultat a été<br />

Figure 4 : Qualité <strong>de</strong>s intervalles entre les hospitalisations<br />

20%<br />

Figure 1 : Antécé<strong>de</strong>nts familiaux psychiatriques<br />

20%<br />

20%<br />

3,3%<br />

83,3%<br />

0%<br />

6,7%<br />

33,3%<br />

TSA<br />

TB<br />

SC<br />

10%<br />

3,3%<br />

3,3%<br />

Schizophrénie Trouble bipolaire Trouble schizoaffectif<br />

23,3% 23,3%<br />

Figure 3 : Mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> début <strong>de</strong>s troubles<br />

26,7%<br />

46,7%<br />

6%<br />

TSA<br />

TB<br />

SC<br />

0% 0%<br />

Figure 2 : Evénéments précipitants dans les 4 semaines précédant<br />

le début <strong>de</strong>s troubles<br />

6,7<br />

23,3%<br />

0 10 20 30 40 50 60<br />

66,7% 66,7%<br />

TSA<br />

TB<br />

SC<br />

p=0,0001 (S)<br />

10%<br />

50%<br />

6%<br />

Aigu Subaigu Insidieux<br />

p=0,0004 (S)<br />

Rémission Persistance <strong>de</strong>s<br />

symptômes<br />

résiduels minimes<br />

53,3%<br />

90%<br />

Persistance <strong>de</strong><br />

symptômes<br />

psychotiques et/ou<br />

thymiques

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