Décembre - Nervure Journal de Psychiatrie
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N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />
L’Ecole <strong>de</strong> Psychosomatique<br />
L’Ecole <strong>de</strong> Psychosomatique* (http://www.ecole-psychosomatique.org/) a,<br />
<strong>de</strong>puis sa création en 1983, <strong>de</strong>ux pôles d’activité et d’élaboration : le champ<br />
psychosomatique, dans une perspective interdisciplinaire, et les psychothérapies.<br />
Ce second axe, initié par la question <strong>de</strong>s approches spécifiques et développé<br />
à partir <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s d’évaluation, a été investi sur un mo<strong>de</strong> très<br />
actif après l’expertise collective sur l’évaluation <strong>de</strong>s psychothérapies, en mettant<br />
en ligne une documentation scientifique sur le domaine (http://www.techniques-psychotherapiques.org/),<br />
et en travaillant sur le développement <strong>de</strong> recherches<br />
en conditions naturelles selon une méthodologie <strong>de</strong> cas isolés<br />
systématisés.<br />
L’EPS vient d’être agréée (Organisme agréé EPP) par la Haute Autorité <strong>de</strong><br />
santé pour son programme « Initier une psychothérapie, en suivre l’évolution, en<br />
évaluer les résultats ». Deux autres cycles commenceront en mars prochain.<br />
Leur finalité est <strong>de</strong> proposer aux praticiens un cadre méthodologique qui<br />
leur permette <strong>de</strong> formaliser, en groupes <strong>de</strong> pairs, les principales questions qui<br />
se posent dans leur pratique, à commencer par celles <strong>de</strong>s bases diagnostiques<br />
et <strong>de</strong>s critères à partir <strong>de</strong>squels se pose une indication <strong>de</strong> psychothérapie<br />
(questions incluses dans le référentiel d’autoévaluation <strong>de</strong> la HAS portant sur<br />
le dossier patient en pratique ambulatoire). ■<br />
P.C.<br />
*L’Ecole <strong>de</strong> Psychosomatique (chez le Dr JM THURIN - 9, rue Brantôme - 75003 Paris).<br />
à son ami violoniste Joseph Joachim.<br />
Ce <strong>de</strong>rnier refusa <strong>de</strong> le créer car il ne<br />
possè<strong>de</strong> pas <strong>de</strong> Final (point important<br />
pour les solistes où ils peuvent exceller…),<br />
mais il est surtout jugé injouable<br />
et « nuisible par ses imperfections ». La<br />
partition, retravaillée par plusieurs compositeurs<br />
dont Paul Hin<strong>de</strong>mith, dut<br />
attendre novembre 1937 pour être<br />
créée (soit 84 ans plus tard !) à Berlin<br />
par Georg Kulenkampf (et non Yehudi<br />
Menuhin comme initialement<br />
prévu…).<br />
L.F. : Schumann débute l’écriture du<br />
Dichtergarten (le jardin <strong>de</strong>s poètes),<br />
une anthologie <strong>de</strong>s écrits <strong>de</strong> poètes sur<br />
la musique, qui ne verra jamais le jour.<br />
Le 6 février 1854, il écrit à son ami le<br />
violoniste Joachim : « la nuit tombe<br />
déjà », et puis il lui adresse aussi un<br />
courrier énigmatique dans lequel il<br />
explique que <strong>de</strong>ux écritures sont<br />
mêlées l’une à l’encre sympathique qui<br />
va disparaître et l’autre secrète qui apparaîtra<br />
plus tard. Son comportement<br />
étrange déroute ses proches. Il <strong>de</strong>vient<br />
insomniaque. Les hallucinations se font<br />
plus précises, ne se résumant plus à la<br />
simple note La. Clara décrit qu’elles<br />
sont pour lui comme une musique<br />
céleste aux résonances merveilleuses,<br />
puis qu’elles <strong>de</strong>viennent affreuses et<br />
diaboliques, « les démons lui affirmaient<br />
qu’il serait damné et qu’ils venaient le<br />
chercher pour l’entraîner en enfer, puis ce<br />
sont <strong>de</strong>s tigres, <strong>de</strong>s hyènes ». Elle décrit<br />
aussi <strong>de</strong>s hallucinations visuelles le 13<br />
février : « les yeux ouverts, fixés vers le<br />
ciel ; il croyait fermement que <strong>de</strong>s anges<br />
planaient autour <strong>de</strong> lui et lui apportaient<br />
<strong>de</strong> célestes inspirations ». Schumann dit<br />
qu’il ne doit « pas cesser <strong>de</strong> lire la bible ».<br />
Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Clara <strong>de</strong> le quitter <strong>de</strong><br />
peur <strong>de</strong> lui fasse du mal. Les thèmes<br />
délirants mystiques, <strong>de</strong> damnation et<br />
<strong>de</strong> culpabilité (il s’accuse à nouveau <strong>de</strong><br />
crimes dont celui d’avoir tué sa mère),<br />
s’enrichissent d’éléments du syndrome<br />
d’influence : il se plaint que l’on fouille<br />
son cerveau, qu’on le transperce. Dans<br />
une accalmie le dimanche 26 février<br />
il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r son internement<br />
: « il ne se sent plus du tout maître<br />
<strong>de</strong> ses esprits » ; il est seulement renvoyé<br />
chez lui avec un gar<strong>de</strong> mala<strong>de</strong>.<br />
Le len<strong>de</strong>main au lever, fameux 27<br />
février, il annonce à Clara qu’il n’est<br />
pas digne <strong>de</strong> son amour, tente <strong>de</strong> travailler<br />
et finalement sort en robe <strong>de</strong><br />
chambre, pieds nus, enjambe un pont<br />
et se précipite dans le Rhin glacé après<br />
y avoir jeté son alliance. Repêché par<br />
<strong>de</strong>s mariniers, il est ramené à son domicile,<br />
parmi la foule <strong>de</strong>s masques prêts<br />
pour le Carnaval du soir (c’est Mardi<br />
gras). Il est conduit cinq jours plus tard<br />
à la clinique privée du Dr Richarz à<br />
En<strong>de</strong>nich près <strong>de</strong> Bonn, où il restera<br />
28 mois.<br />
M.K. : Chants <strong>de</strong> l’aube, Opus 133<br />
(1853, Piano)<br />
Schumann avoue : « Une étrange rougeur<br />
s’élève dans le ciel. Je ne sais si c’est<br />
l’aube ou le couchant ». Ces cinq pièces<br />
qui manquent peut-être d’énergie ou<br />
<strong>de</strong> souffle, sont, selon Schnei<strong>de</strong>r, « <strong>de</strong>s<br />
chants <strong>de</strong> la nostalgie du chant ». Le<br />
contrepoint y est remarquable, avec<br />
<strong>de</strong>s dissonances imprévues et <strong>de</strong>s<br />
contretemps. Le quatrième mouvement<br />
nous touche par son flux <strong>de</strong><br />
notes continuel d’où finit par se dégager<br />
un thème évanescent.<br />
Thème et 5 variations en Mi b majeur –<br />
Variation <strong>de</strong>s Esprits, A 24 (février<br />
1854, Piano)<br />
Cette œuvre, témoin <strong>de</strong> ses obsessions<br />
et <strong>de</strong> ses hallucinations sonores,<br />
contient un chant céleste écrit « sous<br />
la dictée <strong>de</strong>s anges ». Schumann écrit<br />
le thème en Mi b majeur, puis les variations<br />
la nuit du 27 février, après sa<br />
chute dans le Rhin. Petit à petit, ce<br />
chant céleste <strong>de</strong>vient <strong>de</strong>structeur avec<br />
<strong>de</strong>s tonalités démoniaques…<br />
Cette œuvre, qui est la <strong>de</strong>rnière censée<br />
<strong>de</strong> Schumann, est assez scolaire, sans<br />
magie particulière.<br />
L.F. : Durant son séjour, Schumann<br />
ne recevra aucune visite <strong>de</strong> Clara,<br />
quelques rares lettres. Elle est pourtant<br />
enceinte d’un garçon qu’il ne connaîtra<br />
pas : Félix, qui naît le 11 juin 1854.<br />
En revanche, il verra <strong>de</strong> nombreux<br />
artistes dont les musiciens Grimm, Dietrich,<br />
Wasielewski, la poétesse Bettina<br />
von Armin et surtout Joachim et<br />
Brahms. Son état alterne entre <strong>de</strong>s<br />
moments <strong>de</strong> lucidité et d’autres d’apathie<br />
avec balbutiements. Les mécanismes<br />
et les thèmes du délire s’enrichissent<br />
: ruine, persécution, châtiment<br />
(« les instances divines ont ordonné que<br />
je soit brûlé en enfer : j’ai fait trop <strong>de</strong><br />
mal »), gran<strong>de</strong>ur (il signe ses lettres<br />
« Robert Schumann, membre d’honneur<br />
du ciel »). Il se perd en activités stéréotypées<br />
: classement, inscription <strong>de</strong> séries<br />
<strong>de</strong> chiffres sur ses papiers, son écriture<br />
<strong>de</strong>vient illisible et s’assortit d’inscriptions<br />
mystérieuses et cabalistiques.<br />
Brahms note qu’il ne s’exprime plus<br />
que part « lambeaux <strong>de</strong> mots ». Il se<br />
montre souvent agité et violent envers<br />
le personnel qu’il soupçonne <strong>de</strong> l’empoisonner,<br />
on doit l’attacher à son lit.<br />
Six mois après son arrivée à En<strong>de</strong>nich,<br />
l’état <strong>de</strong> Schumann s’améliore<br />
temporairement, lui permettant <strong>de</strong> se<br />
promener et <strong>de</strong> jouer du piano. Puis il<br />
s’aggrave : le délire repart <strong>de</strong> plus belle,<br />
mêlant fausses reconnaissances et fabulations.<br />
Il se coupe <strong>de</strong> la réalité, ne<br />
reconnaît plus personne. Il tremble,<br />
refuse <strong>de</strong> se lever et <strong>de</strong> s’alimenter ce<br />
qui entraîne une déchéance physique<br />
et une cachexie importante. Il fait un<br />
autodafé <strong>de</strong> manuscrits et <strong>de</strong> lettres <strong>de</strong><br />
Clara en avril 1856.<br />
Le 23 juillet 1856, le Dr Richarz adresse<br />
un télégramme à Clara la priant d’accourir<br />
si elle souhaite revoir son époux<br />
vivant. Clara accourt, Robert la reconnaît<br />
et lui sourit : « il est un mort vivant »<br />
confie-t-elle à ses proches. Il décè<strong>de</strong> le<br />
mardi 29 juillet 1856 à 16 heures et<br />
sera enterré à Bonn 2 jours plus tard.<br />
Clara, seule avec 7 enfants, lui survi-<br />
vra 40 ans encore. Elle continuera plusieurs<br />
années les tournées et aura à<br />
cœur <strong>de</strong> perpétuer la musique <strong>de</strong> son<br />
mari.<br />
Je ne m’étendrai pas dans une longue<br />
discussion diagnostique en ce qui<br />
concerne les troubles présentés par<br />
Robert Schumann.<br />
Les informations qui le concernent ont<br />
été recueillies grâce à l’abondante correspondance<br />
qu’il a tenue avec sa famille,<br />
son épouse et ses amis, ainsi que la<br />
lecture <strong>de</strong> son journal intime, elles ont<br />
donc une forte tonalité subjective. Le<br />
rapport d’hospitalisation du Dr Richarz<br />
dont la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s symptômes est<br />
imprécise, a disparu jusqu’en 1990, où<br />
une partie a été remise à l’académie<br />
<strong>de</strong>s Arts <strong>de</strong> Berlin par un <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>scendants,<br />
le compositeur Aribert Reimann.<br />
Pour <strong>de</strong>s raisons mystérieuses, ce<br />
rapport n’a été accessible qu’à quelques<br />
privilégiés, bien que le patient soit décédé<br />
<strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 150 ans ! Clara a<br />
sciemment censuré les biographes en<br />
ce qui concerne la santé mentale <strong>de</strong><br />
son époux afin <strong>de</strong> conserver intacte sa<br />
mémoire et son oeuvre. Enfin, la donnée<br />
essentielle qui nous manque, est<br />
celle <strong>de</strong> la relation transférentielle.<br />
Avant la réapparition <strong>de</strong>s carnets du<br />
Dr Richarz, <strong>de</strong> nombreuses hypothèses<br />
ont été émises avec chacune leurs partisans,<br />
évoquons-les ensemble brièvement.<br />
Celle <strong>de</strong> la névrose, dont les argumentations<br />
les plus abouties se font en<br />
faveur d’une personnalité phobo-obsessionnelle.<br />
On retrouve chez Robert Schumann<br />
<strong>de</strong>s traits <strong>de</strong> caractère sadique anal.<br />
Son entêtement et sa ténacité dans sa<br />
lutte pour obtenir la main <strong>de</strong> Clara ; sa<br />
parcimonie dans la gestion <strong>de</strong> son<br />
argent : il consigne tant ses dépenses<br />
que ses projets ; son collectionnisme<br />
à travers sa correspondance classée et<br />
un répertoire <strong>de</strong> celle qu’il envoie, il<br />
tient également <strong>de</strong> nombreux carnets<br />
<strong>de</strong> citations et plusieurs catalogues <strong>de</strong><br />
ses œuvres ; son emploi du temps et<br />
son journal intime sont aussi très rigoureusement<br />
organisés, y sont même<br />
consignées les relations sexuelles du<br />
couple. Son travail musical est très<br />
méthodique avec Clara, même lorsqu’ils<br />
sont jeunes mariés, leur journal à<br />
3 semaines <strong>de</strong> mariage indique qu’ils<br />
travaillent le clavier bien tempéré ; il<br />
a également <strong>de</strong>s doutes et hésitations à<br />
prendre certaines décisions comme son<br />
poste <strong>de</strong> chef d’orchestre ; il souffre<br />
<strong>de</strong> phobies multiples (nosophobies,<br />
acrophobie, phobie d’impulsion) et<br />
d’obsessions phobiques.<br />
Celle du trouble <strong>de</strong> l’humeur : dont<br />
les partisans considèrent les moments<br />
dépressifs <strong>de</strong> Schumann comme <strong>de</strong>s<br />
récurrences mélancoliques avec un ultime<br />
accès délirant le conduisant à En<strong>de</strong>nich<br />
et un unique épiso<strong>de</strong> qualifié d’hypomaniaque<br />
en 1849, du fait <strong>de</strong> la<br />
productivité artistique particulièrement<br />
élevée <strong>de</strong> cette année. Il m’a semblé<br />
que si les variations d’humeur sont souvent<br />
évoquées dans le journal <strong>de</strong> Schumann,<br />
lors <strong>de</strong>s phases qu’il nomme<br />
mélancoliques, c’est plutôt la symptomatologie<br />
anxieuse qui est au premier<br />
plan associée à <strong>de</strong>s préoccupations<br />
métaphysiques ou une sensation <strong>de</strong><br />
vi<strong>de</strong>.<br />
On ne retrouve pas les symptômes<br />
classiques <strong>de</strong>s dépressions endogènes :<br />
pas d’autodévalorisation, <strong>de</strong> péjoration<br />
durable <strong>de</strong> l’avenir, <strong>de</strong> culpabilité ou<br />
d’incurabilité, pas <strong>de</strong> ralentissement,<br />
pas d’anhédonie, d’atteinte du trépied<br />
instinctuel ou <strong>de</strong> tentatives <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>.<br />
L’inspiration et la productivité artistique<br />
sont fluctuantes, ce qui semble habituel<br />
chez tout créatif. Il me semble plus<br />
pru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> parler d’épiso<strong>de</strong>s dépressifs<br />
réactionnels avec angoisse massive,<br />
survenant à la suite à <strong>de</strong> pertes<br />
(<strong>de</strong>uil, déceptions, échecs).<br />
L’hypothèse d’une psychose, <strong>de</strong> la schi-<br />
zophrénie est la plus souvent évoquée,<br />
notamment par Bleuler, <strong>de</strong>vant les<br />
angoisses envahissantes et précoces<br />
avec recours à l’alcool pour les apaiser<br />
; le repli et le caractère introverti<br />
<strong>de</strong> Schumann dès l’adolescence, les<br />
difficultés qu’il éprouve <strong>de</strong> plus en plus<br />
dans les contacts sociaux jusqu’au<br />
mutisme ; les phobies multiples, extensibles<br />
et irrationnelles ; les ruminations<br />
obsessionnelles évoluant vers les idéations<br />
parasitaires annonciatrices <strong>de</strong> l’automatisme<br />
mental ; puis l’éclosion vers<br />
43 ans d’un fléchissement <strong>de</strong>s activités,<br />
d’une apathie, <strong>de</strong> troubles du cours<br />
<strong>de</strong> la pensée, <strong>de</strong> bizarreries comportementales,<br />
<strong>de</strong>s hallucinations et du délire.<br />
Le caractère familial du trouble est<br />
à prendre en considération : schizophrénie<br />
chez sa sœur Emilie et chez<br />
son fils Ludwig, interné dès l’âge <strong>de</strong><br />
20 ans et ce pendant toute sa vie.<br />
Après la réapparition <strong>de</strong>s carnets <strong>de</strong><br />
Richarz, une nouvelle hypothèse a été<br />
proposée.<br />
Celle <strong>de</strong> la paralysie générale, une<br />
démence d’apparition progressive liée<br />
à une syphilis contractée dans sa jeunesse.<br />
Celle-ci n’est contagieuse que<br />
dans ses phases primaires (chancre) et<br />
secondaire (roséole), ce qui expliquerait<br />
que Clara ait été épargnée.<br />
La maladie débute 5 à 10 ans après<br />
l’infection initiale et peut évoluer durant<br />
10 à 30 ans. Les signes <strong>de</strong> début sont<br />
une baisse <strong>de</strong> l’activité intellectuelle<br />
avec perte d’énergie et d’initiative, <strong>de</strong>s<br />
troubles <strong>de</strong> l’attention et <strong>de</strong> l’affectivité,<br />
<strong>de</strong>s céphalées, <strong>de</strong>s douleurs fulgurantes<br />
et <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s d’aphasie. A la<br />
phase d’état, on note un affaiblissement<br />
du jugement, <strong>de</strong>s propos et <strong>de</strong>s<br />
actes illogiques et absur<strong>de</strong>s. La parole et<br />
l’écriture sont difficiles, la mémoire<br />
s’éro<strong>de</strong> laissant place à la fabulation.<br />
L’humeur est instable, le sujet enclin à<br />
<strong>de</strong>s colères brusques et injustifiées.<br />
L’évolution se fait vers le désintérêt et<br />
l’indifférence. Sont retrouvées <strong>de</strong>s hallucinations<br />
et illusions auditives, <strong>de</strong>s<br />
idées délirantes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong> persécution.<br />
Puis ce sont <strong>de</strong>s troubles<br />
moteurs, une maladresse, <strong>de</strong>s tremblements,<br />
<strong>de</strong>s secousses musculaires.<br />
Les automatismes sont préservés, permettant,<br />
par exemple, la pratique d’un<br />
instrument <strong>de</strong> musique. Enfin l’amaigrissement,<br />
l’apathie totale et la mort<br />
surviennent en l’absence <strong>de</strong> traitement.<br />
Mais ce tableau était largement confondu<br />
à cette époque avec les états terminaux<br />
d’autres maladies mentales.<br />
L’autopsie grossière qui a été réalisée<br />
permet d’éliminer à priori une tumeur<br />
cérébrale ou un autre processus expansif,<br />
mais pas <strong>de</strong> confirmer ou d’infirmer<br />
l’hypothèse <strong>de</strong> la neurosyphilis.<br />
Un indice supplémentaire intéressant<br />
en faveur <strong>de</strong> cette hypothèse est une<br />
anisocorie remarquée par un portraitiste<br />
en 53.<br />
L.F. et M.K. : En conclusion, la maladie<br />
présentée par Robert Schumann<br />
semble multifactorielle. Qu’il s’agisse<br />
d’une névrose obsessionnelle avec<br />
moments dépressifs masquant une psychose<br />
<strong>de</strong> révélation tardive ou d’une<br />
lente démence syphilitique, quelle que<br />
soit la nature <strong>de</strong> son atteinte, le créateur<br />
s’est tu lorsqu’elle l’a terrassée.<br />
Nous espérons que ce 4 mains vous<br />
aura plu et vous aura donné envie d’en<br />
savoir plus et <strong>de</strong> réécouter l’œuvre <strong>de</strong><br />
ce grand compositeur qu’est Robert<br />
Schumann. ■<br />
Laurence François*,<br />
M. Marc Kowalczyk**<br />
*Assistante, service du Dr Caroli, C.H. Sainte-<br />
Anne, Paris<br />
**Compositeur et musicologue, http://musikayak.free.fr<br />
Bibliographie<br />
1) FRANÇOIS-SAPPEY B., Robert Schumann,<br />
Fayard, 2000, 1180 p.<br />
2) MECKEL C., Approche clinique et psychopathologique<br />
<strong>de</strong>s troubles mentaux <strong>de</strong><br />
PSYCHOSE ET CRÉATION ■ 13<br />
Robert Schumann, Thèse <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine,<br />
Lyon 1, 1999, 102 p.<br />
3) POUGET R., La maladie <strong>de</strong> Robert Schumann,<br />
Bulletin <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>s sciences<br />
et lettres <strong>de</strong> Montpellier, 1998, 29, 1-10.<br />
4) SCHNEIDER M., La tombée du jour,<br />
Seuil, 1989, 121 p.<br />
5) THOMAZEAU E., Robert Schumann,<br />
maladie et scénario tabou, Thèse <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine,<br />
Lille 2, 2002, 103 p.<br />
LIVRES<br />
Biographie <strong>de</strong> l’Inconscient<br />
Salomon Resnik<br />
Préface <strong>de</strong> René Kaës<br />
Dunod, 22 €<br />
Selon René Kaës, proposer une biographie<br />
<strong>de</strong> l’inconscient constitue une<br />
entreprise audacieuse.<br />
Pour Salomon Resnik, il s’agit <strong>de</strong> bien<br />
autre chose que <strong>de</strong> composer une<br />
histoire du concept <strong>de</strong> l’inconscient.<br />
Le chapitre qui donne son titre à l’ouvrage<br />
décrit le cheminement <strong>de</strong> ses<br />
préconceptions à travers<br />
les catégories <strong>de</strong> l’obscur, <strong>de</strong> l’occulte,<br />
du caché, du secret et <strong>de</strong> l’énigmatique.<br />
Ce propos initial est éclairé et<br />
enrichi par <strong>de</strong>ux autres thèmes : l’inconscient<br />
est aussi la biographie <strong>de</strong><br />
l’homme ; il écrit sa vie, et le trajet et<br />
l’expérience <strong>de</strong> la cure la lui fait<br />
connaître. Enfin Salomon Resnik sait<br />
aussi qu’il propose en même temps,<br />
dans ce livre, une véritable autobiographie<br />
<strong>de</strong> son rapport à l’inconscient.<br />
Le lecteur qui se laisse porter<br />
par une pensée suggestive et associative<br />
découvrira que si l’auteur tente<br />
<strong>de</strong> « rendre plus visible » son inconscient,<br />
il invite celui qui le lit à rendre<br />
le sien moins opaque.<br />
Faut-il avoir peur <strong>de</strong> nos<br />
enfants ?<br />
Politiques sécuritaires et<br />
enfance<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Gérard<br />
Neyrand*<br />
La Découverte, 6,90 €<br />
En septembre 2005, l’Inserm a publié<br />
un rapport consacré aux « troubles<br />
<strong>de</strong>s conduites chez l’enfant » qui préconise<br />
le « repérage <strong>de</strong>s perturbations<br />
du comportement dès la crèche et l’école<br />
maternelle ». Cette idée d’une détection<br />
dès le berceau <strong>de</strong> la délinquance<br />
future a trouvé un écho dans les procédures<br />
<strong>de</strong> surveillance et <strong>de</strong> contrôle<br />
qui jalonnent désormais les parcours<br />
<strong>de</strong>s enfants. Le soupçon pèse aujourd’hui<br />
sur les coupables supposés<br />
- parents démissionnaires, populations<br />
migrantes ou précaires... - et<br />
parcourt la chaîne <strong>de</strong>s institutions :<br />
école, justice, mé<strong>de</strong>cine, action sociale...<br />
Cet ouvrage revient sur les remous<br />
que ces visées sécuritaires ont<br />
provoqué et propose une analyse critique.<br />
Les principaux domaines en<br />
lien avec l’enfance sont ainsi abordés<br />
par différents spécialistes, qu’ils<br />
soient sociologues, enseignants, praticiens<br />
hospitaliers, pédopsychiatres,<br />
magistrats...<br />
Avec <strong>de</strong>s contributions <strong>de</strong> Michèle Becquemin,<br />
Bernard Defrance, Michel Dugnat, Philippe Pignarre,<br />
Annick Sauvage, Odile Sauvage-Déprez,<br />
Frédéric Jésu, Taïeb Ferradji, Evelyne Sire-Marin.<br />
Pour en finir avec l’alcoolisme<br />
Réalités scientifiques contre<br />
idées reçues<br />
Philippe Batel<br />
La Découverte, 16 €<br />
La compréhension <strong>de</strong>s mécanismes<br />
biologiques, génétiques, physiologiques<br />
et psychologiques impliqués<br />
dans le processus d’alcoolisation s’est<br />
améliorée. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> la<br />
société avec l’alcool a également permis<br />
<strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s connaissances aujourd’hui<br />
étayées. En s’appuyant sur<br />
la synthèse <strong>de</strong>s données publiées<br />
dans <strong>de</strong>s expertises collectives <strong>de</strong> l’Inserm<br />
et sur son expérience, Philippe<br />
Batel expose en termes accessibles<br />
les principaux progrès et apports <strong>de</strong><br />
la recherche en alcoologie.