Décembre - Nervure Journal de Psychiatrie
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12<br />
LIVRES<br />
■ PSYCHOSE ET CRÉATION<br />
Psychanalyse <strong>de</strong>s limites<br />
Didier Anzieu<br />
Textes réunis et présentés par<br />
Catherine Chabert<br />
Dunod, 26 €<br />
Catherine Chabert a fait le choix <strong>de</strong><br />
publier dans cet ouvrage <strong>de</strong>s textes<br />
<strong>de</strong> Didier Anzieu qui ont tous trait à<br />
la psychanalyse <strong>de</strong>s limites, car le<br />
changement dans la nature <strong>de</strong> la souffrance<br />
<strong>de</strong>s patients qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />
une analyse engage davantage <strong>de</strong><br />
patients limites ou narcissiques, donc<br />
<strong>de</strong> patients qui souffrent d'un manque<br />
<strong>de</strong> limites.<br />
A côté <strong>de</strong>s ouvrages synthétiques <strong>de</strong><br />
Didier Anzieu qui ont jalonné son<br />
parcours et qui ont constitué les pôles<br />
d'attraction <strong>de</strong> sa pensée, un certain<br />
nombre d'articles ont soutenu sa démarche,<br />
les uns ayant été plus tard<br />
repris dans un livre, les autres laissés<br />
à leur édition d'origine.<br />
Les cinq points proposés peuvent être<br />
résumés ainsi :<br />
- il faut compléter la perspective topique<br />
sur l'appareil psychique par<br />
une perspective plus strictement topographique,<br />
c'est-à-dire en rapport<br />
avec l'organisation spatiale du Moi<br />
corporel et du Moi psychique ;<br />
- il faut compléter l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fantasmes<br />
relatifs aux contenus psychiques<br />
par celle <strong>de</strong>s fantasmes concernant<br />
les contenants psychiques ;<br />
- compléter la compréhension du<br />
sta<strong>de</strong> oral comme reposant sur l'activité<br />
<strong>de</strong> succion par la prise en considération<br />
du contact corps à corps<br />
bébé/mère ;<br />
- compléter le double interdit œdipien<br />
par un double interdit du toucher<br />
qui en serait le précurseur ;<br />
- enfin, il faut compléter le setting psychanalytique<br />
classique par <strong>de</strong>s aménagements<br />
éventuels, et par la prise<br />
en compte <strong>de</strong> la disposition du corps<br />
du patient et <strong>de</strong> sa représentation <strong>de</strong><br />
l'espace analytique au sein du dispositif.<br />
Ils ont tué leurs enfants<br />
Approche psychologique <strong>de</strong><br />
l’infantici<strong>de</strong><br />
Odile Verschoot<br />
Préface <strong>de</strong> Sophie Marinopoulos<br />
Imago, 20 €<br />
Sans antécé<strong>de</strong>nt judiciaire, ni maladie<br />
psychiatrique avérée, le geste infantici<strong>de</strong><br />
surgit d’un double désir :<br />
le désir fou <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r en soi l’enfant<br />
que l’on craint <strong>de</strong> perdre et, en<br />
éliminant la <strong>de</strong>scendance, celui <strong>de</strong><br />
conserver sa place <strong>de</strong> « nourrisson<br />
psychique » au sein <strong>de</strong> la famille initiale.<br />
Au cours <strong>de</strong> sa pratique <strong>de</strong> psychologue<br />
en milieu pénitentiaire, Odile<br />
Verschoot a recueilli la parole douloureuse<br />
<strong>de</strong> ces parents meurtriers.<br />
Elle a enquêté avec eux - et non pas<br />
simplement sur eux - pour tenter <strong>de</strong><br />
comprendre.<br />
Le crime filici<strong>de</strong> a un fon<strong>de</strong>ment passionnel,<br />
mais se distingue toutefois<br />
du « crime passionnel » (tel que le définissait<br />
autrefois le co<strong>de</strong> pénal) du<br />
fait <strong>de</strong> la filiation entre meurtrier(ère)<br />
et victime. Les causalités socio-économiques,<br />
exogènes et médico-légales<br />
ne suffisent jamais à « expliquer<br />
» pourquoi un parent tue son<br />
enfant. Seule la problématique <strong>de</strong><br />
l’abandon, au cœur du fonctionnement<br />
psychique inconscient, fon<strong>de</strong><br />
ce processus meurtrier. L’enfant procréé<br />
pour combler échoue dans cette<br />
mission que son parent lui avait assignée.<br />
L’élimination <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scendance permet<br />
au meurtrier <strong>de</strong> revenir à sa place<br />
initiale d’enfant.<br />
Laurence François : En février 1842,<br />
Clara reprend sa carrière <strong>de</strong> soliste, le<br />
couple part en tournée dans le nord.<br />
Mais Robert abandonne le voyage<br />
après 6 semaines et rentre seul au<br />
domicile conjugal. Il ne compose plus<br />
jusqu’au retour <strong>de</strong> Clara fin avril, sort,<br />
boit <strong>de</strong> l’alcool, se déprime...<br />
Marc Kowalczyk : Quintette avec<br />
piano en Mi b majeur, Opus 44 (1842,<br />
2 violons, 1 alto, 1 violoncelle et 1<br />
piano)<br />
Ecrite en 5 jours, c’est la première<br />
œuvre célèbre pour cette formation.<br />
Schumann s’est enfin décidé à s’ouvrir<br />
à d’autres instruments, sur les conseils<br />
<strong>de</strong> Liszt et <strong>de</strong> Clara. Malgré tout, Schumann<br />
confie au piano la partie principale<br />
(on peut même dire que le piano<br />
est concertant). Le piano est noté sur la<br />
partition « sempre con molto sentimento<br />
». A ce sujet, Nietzsche souligne<br />
« l’ivrognerie du sentiment chez Schumann<br />
». L’écriture contrapuntique est<br />
jugée obsessionnelle, asymétrique et<br />
pleine <strong>de</strong> ruptures. On remarque le<br />
grand lyrisme du permier mouvement ;<br />
un air <strong>de</strong> musette et un style fugato à<br />
la Bach dans le quatrième mouvement.<br />
L.F. : Un nouveau silence fait suite à<br />
cette explosion créatrice : en 1843<br />
Schumann semble épuisé par ce qu’il<br />
nomme une « dépression nerveuse », il<br />
a <strong>de</strong> multiples malaises et consulte les<br />
docteurs Müller, père et fils, homéopathes.<br />
Il fait la connaissance <strong>de</strong> Berlioz<br />
en février.<br />
Sa <strong>de</strong>uxième fille, Elise, naît le 25 avril<br />
1843. Puis il prend le poste <strong>de</strong> professeur<br />
<strong>de</strong> composition au conservatoire<br />
<strong>de</strong> Leipzig, dirigé par son ami Men<strong>de</strong>lssohn<br />
et accepte la réconciliation<br />
forcée que lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> Wieck. Il décline<br />
l’offre <strong>de</strong> la maison d’édition <strong>de</strong><br />
l’Allgemeine Muzikalische Zeitung d’en<br />
reprendre la direction, ce qui aurait<br />
mis définitivement sa famille à l’abri<br />
du besoin. Parallèlement, il délaisse sa<br />
propre revue, et finit par la revendre à<br />
un <strong>de</strong> ses collaborateurs. Il pose sa candidature<br />
à la succession <strong>de</strong> Men<strong>de</strong>lssohn<br />
comme chef d’orchestre au<br />
Gewandhaus, qui lui est refusée au<br />
profit <strong>de</strong> Niels Ga<strong>de</strong>. De son côté,<br />
Clara triomphe dans une tournée <strong>de</strong><br />
concerts en Russie entre janvier et mai<br />
1844 en exécutant parfois certaines<br />
<strong>de</strong> ses œuvres. Schumann l’accompagne,<br />
mais il ne se sent toujours perçu<br />
que comme le mari <strong>de</strong> la virtuose et en<br />
est blessé. Il est insomniaque, souffre <strong>de</strong><br />
vertiges, tremblements <strong>de</strong>s membres,<br />
ruminations, crises <strong>de</strong> larmes, rhumatismes,<br />
<strong>de</strong> prurit diffus. Il est quasi<br />
mutique, ce qui est remarqué dans les<br />
soirées mondaines où il reste en retrait<br />
et murmure <strong>de</strong>s choses inintelligibles<br />
quand on s’adresse à lui. Le journal<br />
intime est interrompu : « j’éprouve <strong>de</strong> la<br />
difficulté à m’exprimer en paroles ou par<br />
écrit et un quart d’heure au piano me<br />
permet d’en dire plus long ». Sa correspondance<br />
se raréfie et <strong>de</strong>vient laconique.<br />
Son mé<strong>de</strong>cin lui intime le repos<br />
et l’interdiction <strong>de</strong> travailler, qu’il ne<br />
respectera pas. Des douleurs d’oreille,<br />
<strong>de</strong>s acouphènes, comme <strong>de</strong>s trompettes<br />
lui résonnent dans la tête, même<br />
la musique lui est pénible. Il boit, fume<br />
et ne parvient plus à travailler.<br />
En août 1844, il débute <strong>de</strong>s séances<br />
d’hydrothérapie, très en vogue à<br />
l’époque, suivant les conseils du Dr<br />
Josephson <strong>de</strong> Stockholm une cure <strong>de</strong> 6<br />
semaines <strong>de</strong> bains froids en mer du<br />
Nord dans l’île <strong>de</strong> Nor<strong>de</strong>ney, puis <strong>de</strong>s<br />
bains <strong>de</strong> rivière dans l’Elbe qui coule à<br />
Dres<strong>de</strong>, à Ba<strong>de</strong>n-ba<strong>de</strong>n, à Carlsbad ou<br />
dans le lac Léman…Il. tente <strong>de</strong> se lier<br />
d’amitié avec Richter, Reinich ou Wagner<br />
et fait un nouveau séjour décevant<br />
à Vienne. Las, à l’automne, il prend la<br />
décision <strong>de</strong> quitter Leipzig pour Dres<strong>de</strong>,<br />
la ville la plus musicale <strong>de</strong> l’Allemagne,<br />
et se retire donc du conservatoire.<br />
En novembre 44, Ernestine von<br />
Friecken, sa première fiancée décè<strong>de</strong>.<br />
En 1845, Schumann tente d’autres<br />
remè<strong>de</strong>s pour sortir <strong>de</strong> son état, dont<br />
<strong>de</strong>s séances magnétiques du Dr Helbig,<br />
un disciple <strong>de</strong> Mesmer, qui pratique<br />
l’hypnose. Celui-ci note que son<br />
patient souffre « d’hallucinations auditives<br />
liées à un excès non physiologique<br />
<strong>de</strong> travail <strong>de</strong> composition, d’une insomnie<br />
persistante ; mais également <strong>de</strong> la<br />
peur <strong>de</strong>s montagnes, <strong>de</strong>s constructions<br />
élevées, <strong>de</strong>s outils en métal, <strong>de</strong>s clefs, <strong>de</strong>s<br />
médicaments et <strong>de</strong>s poisons ».<br />
« Il y a au <strong>de</strong>dans <strong>de</strong> moi un battement<br />
<strong>de</strong> tambour et pendant plusieurs jours<br />
<strong>de</strong> la trompette, je ne sais qu’en faire »,<br />
écrit Schumann.<br />
A force d’obstination il se remet à la<br />
composition, puis craque <strong>de</strong> nouveau :<br />
l’année 1846 est pauvre, une nouvelle<br />
série <strong>de</strong> bains <strong>de</strong> mer n’entraîne aucune<br />
amélioration. Une série <strong>de</strong> concerts<br />
est décevante à Vienne, tandis qu’une<br />
autre est plus satisfaisante à Prague. La<br />
mort brutale <strong>de</strong> Men<strong>de</strong>lssohn le 4<br />
novembre 1847, par hémorragie cérébrale,<br />
lui ajoute une nosophobie : un<br />
matin il est persuadé d’être victime<br />
d’une crise d’apoplexie et refuse <strong>de</strong> se<br />
lever. En 1848, il <strong>de</strong>vient chef <strong>de</strong> 2<br />
chœurs à Dres<strong>de</strong>, brigue divers postes<br />
qui lui sont refusés.<br />
Sur le plan familial, quatre autres<br />
enfants naissent entre 45 et 49 (Julie ;<br />
Emile qui meurt à 16 mois en juin 47 ;<br />
Ludwig et Ferdinand).<br />
M.K. : Trio n°1 en Ré mineur, Opus<br />
63 (1847, Violon, violoncelle et piano)<br />
Clara vient <strong>de</strong> finir son Trio avec piano<br />
en Sol mineur et c’est naturellement<br />
que Schumann compose le sien. Son<br />
âme tourmentée s’exprime à son aise :<br />
le langage est tendu, l’écriture est serrée,<br />
saccadée, avec <strong>de</strong> grands mouvements<br />
ascendants et <strong>de</strong>scendants. L’ar<strong>de</strong>ur<br />
romantique du 1er mouvement est<br />
reprise au Final. La mélodie <strong>de</strong> 7<br />
mesures irrégulières, notée « avec énergie<br />
et souffrance », est jouée au violoncelle<br />
sul ponticello (joué près du chevalet,<br />
son fondamental appauvri, rend<br />
un son étrange et cristallin). Le piano<br />
est scintillant et très aigu. Le 4ème<br />
mouvement appartient à une « époque<br />
d’humeurs sombres » selon Schumann.<br />
La lassitu<strong>de</strong> du mon<strong>de</strong> est décrite au<br />
piano grave, avec <strong>de</strong>s retards, <strong>de</strong>s<br />
modulations <strong>de</strong> majeur à mineur, <strong>de</strong><br />
longues phrases et <strong>de</strong>s tensions musicales.<br />
L.F. : L’année 1849 est prolifique :<br />
Schumann, emporté dans une euphorie<br />
créatrice, s’achète un piano beaucoup<br />
trop cher, les mélodies se pressent<br />
dans son esprit, il écrit dans <strong>de</strong>s lettres<br />
à Hiller : « jamais je n’ai été plus actif, ni<br />
plus heureux en art », « »j’ai trouvé dans<br />
le travail une consolation aux terribles<br />
évènements extérieurs ». Son humeur<br />
quotidienne loin d’être exaltée exprime<br />
donc toujours la douleur <strong>de</strong> vivre. Son<br />
frère aîné Karl décè<strong>de</strong> en avril, Robert<br />
reste le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> sa famille. En juin, il<br />
évoque dans son journal ses « stupi<strong>de</strong>s<br />
ruminations hypochondriaques ». Chopin<br />
décè<strong>de</strong> à Paris en octobre. Le 3<br />
décembre il écrit à Hiller, « il faut créer<br />
tant qu’il fait jour ».<br />
M.K. : Marchenbil<strong>de</strong>r, Opus 113<br />
(1849, Alto et piano)<br />
Ces 4 méditations lentes, écrites en 5<br />
jours, portent, selon Sandrine Blon<strong>de</strong>t<br />
(Harmonia Mundi), <strong>de</strong>s « images <strong>de</strong><br />
contes <strong>de</strong> fées » […] <strong>de</strong>s « frémissements<br />
inquiétants <strong>de</strong> l’alto comme étouffés par<br />
la brume <strong>de</strong>s accords immatériels du<br />
piano ». Après la course folle, on assiste<br />
à une « expression mélancolique »<br />
avec un ostinato <strong>de</strong> basses. Schumann<br />
utilise l’alto pour son timbre mystérieux,<br />
poétique et proche <strong>de</strong> la voix<br />
humaine. Brahms, influencé certainement<br />
par cette œuvre, composera plus<br />
tard <strong>de</strong>ux sonates pour alto. Le 1er<br />
mouvement exprime en Ré mineur<br />
<strong>de</strong>s regrets aux <strong>de</strong>ux instruments qui se<br />
répon<strong>de</strong>nt ; le 4ème mouvement est<br />
une berceuse en Ré majeur.<br />
L.F. : Le 25 juin 1850, la création <strong>de</strong><br />
son opéra Genoveva au théâtre <strong>de</strong><br />
Leipzig, qui a été longtemps repoussée,<br />
ne remporte qu’un succès d’estime<br />
et peu <strong>de</strong> bonnes critiques, ça le désespère.<br />
Le couple Schumann déménage<br />
alors à Düsseldorf, le 2 septembre 50<br />
et là, Robert prend la direction <strong>de</strong> l’orchestre<br />
<strong>de</strong> la ville, à la suite <strong>de</strong> Hiller. Il<br />
lui a fallu une année <strong>de</strong> réflexion avant<br />
d’accepter (il doit surmonter sa peur<br />
<strong>de</strong> vivre dans une ville qui possè<strong>de</strong> un<br />
asile d’aliénés). Il s’agit d’une <strong>de</strong>s plus<br />
lour<strong>de</strong>s responsabilités qu’il ait eu à<br />
assumer jusque-là. L’accueil y est plutôt<br />
chaleureux. Une fille, Eugénie naît en<br />
décembre 1851. En 1582, Schumann<br />
suit une nouvelle cure <strong>de</strong> bains dans le<br />
Rhin. L’angoisse est toujours présente,<br />
accompagnée <strong>de</strong> vertiges et <strong>de</strong> douleurs<br />
diffuses. Malgré cela, il compose<br />
sans trêve et, en avril, poursuit une balnéothérapie<br />
en Hollan<strong>de</strong>.<br />
En 1852, dès sa <strong>de</strong>uxième saison d’orchestre,<br />
la bonne entente entre Schumann<br />
et ses musiciens s’éro<strong>de</strong> : on lui<br />
reproche son hermétisme. Robert est<br />
tellement concentré sur la musique ou<br />
rêveur qu’il oublie jusqu’à la présence<br />
<strong>de</strong>s musiciens ; ou encore s’adresse à<br />
eux d’une voix assourdie, inaudible. Sa<br />
baguette lui échappe <strong>de</strong> la main, à tel<br />
point qu’il l’y attache avec une ficelle.<br />
Dirigeant l’orchestre lors d’une messe,<br />
il continue à brasser <strong>de</strong> grands mouvements<br />
alors que le chœur s’est tu et<br />
que le prêtre a repris la parole. Asthénique,<br />
il est obnubilé par la vitesse<br />
d’exécution <strong>de</strong>s œuvres et fait toujours<br />
ralentir les tempi. Il a <strong>de</strong> gros troubles<br />
<strong>de</strong> mémoire et d’attention. On lui<br />
reproche sa programmation : pas assez<br />
<strong>de</strong> Mozart, Berlioz, Liszt, Wagner ou<br />
<strong>de</strong> musique française. En réalité, il dirige<br />
surtout les compositions qu’il est<br />
encore capable <strong>de</strong> maîtriser. A partir<br />
<strong>de</strong> l’automne 1852 une hallucination<br />
auditive <strong>de</strong> la note La l’envahit, son<br />
activité se réduit.<br />
M.K. : Requiem latin, Opus 148 (1852,<br />
Solistes, chœur et orchestre)<br />
En 1849, Schumann écrit à un ami :<br />
« Je me suis orienté vers l’église ». En<br />
effet, juste avant ce Requiem, Schumann<br />
a composé une Messe latine,<br />
Opus 147.<br />
Les mélodies sont régulières et sans<br />
surprise. Schumann a, en quelque sorte,<br />
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />
Psychose et création : vie et<br />
œuvre <strong>de</strong> Robert Schumann<br />
2ème partie<br />
Michel Henry<br />
Pensée <strong>de</strong> la vie et culture<br />
contemporaine<br />
Colloque international <strong>de</strong><br />
Montpellier<br />
Beauchesne, 24 €<br />
Michel Henry (1922-2002) a renouvelé<br />
les travaux sur l’essence <strong>de</strong> la<br />
manifestation et l’affectivité, la phénoménologie<br />
<strong>de</strong> la corporéité et l’incarnation,<br />
l’auto-révélation et l’autodonation<br />
<strong>de</strong> la vie, la phénoménologie<br />
matérielle et la phénoménologie <strong>de</strong><br />
l’invisible, la chair et la subjectivité<br />
transcendantale, la philosophie du<br />
christianisme. La critique <strong>de</strong> l’objectivisme<br />
galiléen <strong>de</strong>s idéologies scientistes,<br />
la dénonciation <strong>de</strong>s formes<br />
politiques, médiatiques et culturelles<br />
<strong>de</strong> la barbarie mo<strong>de</strong>rne, l’affirmation<br />
<strong>de</strong> la primauté <strong>de</strong> l’individu vivant<br />
contre toutes les abstractions économiques,<br />
réifications techniques ou<br />
hypostases sociales ont conduit Mi-<br />
domestiqué Florestan et Eusebius, il a<br />
fait un compromis avec la société bourgeoise<br />
<strong>de</strong> son époque. Ce compromis<br />
sera encore plus visible avec ses Scènes<br />
du Faust (achevées en 1853) où le<br />
grand thème <strong>de</strong> Faust n’est pas traité<br />
avec les problèmes mo<strong>de</strong>rnes, mais<br />
avec les regrets du passé et les charmes<br />
<strong>de</strong> la paix domestique. Schumann<br />
oublie le « déchirement du mon<strong>de</strong> »<br />
selon Heine, sa musique est statique<br />
comme figée.<br />
L.F. : Après le premier concert <strong>de</strong> la<br />
saison 1853, il est incapable <strong>de</strong> diriger<br />
jusqu’à la fin du programme. Une situation<br />
plutôt humiliante se met en place :<br />
on ne lui laisse plus diriger que ses<br />
propres œuvres…puis le couperet<br />
tombe le 19 novembre 1853 : on lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> sa démission. Dans le même<br />
temps Clara note : « Il ressent une<br />
angoisse insupportable ; il ne peut dormir<br />
et <strong>de</strong>vient sporadiquement la proie d’une<br />
agitation anxieuse incoercible, il parcourt<br />
la chambre en gémissant ». Son journal<br />
ne comporte plus que quelques mots<br />
par jour « pénibles souffrances » ; « triste<br />
épuisement <strong>de</strong> mes forces ». La même<br />
année, il rencontre Johannes Brahms,<br />
âgé <strong>de</strong> 20 ans, dont la présence permet<br />
une brève amélioration <strong>de</strong> 3 mois. Il<br />
écrit un <strong>de</strong>rnier article annonçant un<br />
nouveau génie. Schumann se prend<br />
<strong>de</strong> passion pour le spiritisme, pratique<br />
courante à l’époque, passion qui l’accapare<br />
d’autant plus qu’il s’isole <strong>de</strong> plus<br />
en plus. Il affirme que « les tables tournantes<br />
savent tout » et s’adresse aux<br />
esprits avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa table <strong>de</strong> salon,<br />
qu’il récompense <strong>de</strong> ses services en<br />
<strong>de</strong>mandant à Clara <strong>de</strong> lui confectionner<br />
un nouveau tapis (<strong>de</strong> table). Eugénie<br />
Schumann écrit dans une lettre à<br />
Brahms : « Il semble que l’esprit ne suit<br />
plus le fil <strong>de</strong> sa pensée que par un effort<br />
spasmodique ». Une <strong>de</strong>rnière joie musicale<br />
survient en janvier 1854 : Brahms<br />
et Joachim organisent un festival Schumann<br />
à Hanovre qui est un triomphe<br />
complet, puis une tournée en Hollan<strong>de</strong><br />
avec Clara.<br />
M.K. : La troisième pério<strong>de</strong>, <strong>de</strong> 1853<br />
à 1854, est considérée comme la pério<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> fin. Cette pério<strong>de</strong>, avec puis sans<br />
Clara, peut aussi être appelée fantomatique<br />
en raison du retard <strong>de</strong> l’exécution<br />
<strong>de</strong> certaines créations, et surtout<br />
du caractère mystérieux qui<br />
entoure certaines œuvres.<br />
Concerto pour violon en Ré mineur, A<br />
23 (1853, Violon et orchestre)<br />
Ce concerto, écrit en 13 jours, est dédié<br />
chel Henry à défendre la vie, à célébrer<br />
les valeurs <strong>de</strong> l’esprit, <strong>de</strong> l’art<br />
et <strong>de</strong> la culture jusqu’à la vérité <strong>de</strong><br />
la vie absolue portée par les paroles<br />
du Christ. Le colloque international<br />
<strong>de</strong> Montpellier - « Michel Henry.Phénoménologie<br />
<strong>de</strong> la vie et culture contemporaine<br />
» - a tenu à rendre hommage<br />
à cette œuvre qui a ouvert <strong>de</strong> nombreux<br />
horizons <strong>de</strong> recherche.<br />
D’abord pour le renouvellement <strong>de</strong><br />
la phénoménologie et la réinterprétation<br />
<strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la philosophie<br />
(Eckhart, Descartes, Spinoza, Maine<br />
<strong>de</strong> Biran, Kant, Hegel, Kierkegaard,<br />
Marx, Schopenhauer, Nietzsche, Husserl,<br />
Hei<strong>de</strong>gger notamment), mais<br />
aussi dans tous les domaines du<br />
« Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la vie » et <strong>de</strong> la praxis humaine<br />
: la théologie, les sciences <strong>de</strong><br />
l’homme et <strong>de</strong> la vie, la psychologie<br />
et la psychanalyse, l’économie politique,<br />
l’esthétique et la création artistique,<br />
l’éducation et la thérapie,<br />
l’éthique et la politique.