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Décembre - Nervure Journal de Psychiatrie

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www.nervure-psy.com<br />

■ EDITORIAL G. Massé<br />

Quelle réforme<br />

<strong>de</strong> la loi <strong>de</strong> 1990 ?<br />

Les trois réunions <strong>de</strong> consultation<br />

qui ont eu lieu en novembre<br />

et décembre <strong>de</strong>rniers,<br />

associant une vingtaine d’organisations<br />

<strong>de</strong> professionnels <strong>de</strong><br />

la psychiatrie, <strong>de</strong> familles et <strong>de</strong> patients<br />

et concernant la réforme <strong>de</strong><br />

la loi du 27 juin 1990, ont abouti à<br />

<strong>de</strong>s positions communes.<br />

Si certains points comme la modification <strong>de</strong>s<br />

commissions départementales <strong>de</strong>s hospitalisations<br />

psychiatriques ou la création d’une<br />

obligation <strong>de</strong> soins en ambulatoire <strong>de</strong>vraient<br />

être retenus sans difficulté, les points d’achoppement<br />

portent sur la création d’un fichier<br />

national <strong>de</strong>s personnes ayant été hospitalisées<br />

d’office, la séparation stricte entre hospitalisation<br />

à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers et hospitalisation<br />

d’office et le pouvoir donné aux maires<br />

<strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière.<br />

L’occasion est donnée <strong>de</strong> tenir compte et <strong>de</strong><br />

valoriser le travail <strong>de</strong> réflexion mené <strong>de</strong>puis<br />

longtemps par les associations d’usagers, <strong>de</strong><br />

familles et les professionnels, afin d’éviter <strong>de</strong>s<br />

réponses <strong>de</strong> faça<strong>de</strong>.<br />

C’est parce que le soin extrahospitalier n’a<br />

pas été suffisamment valorisé et intégré dans<br />

une politique <strong>de</strong> la ville que, pour certains, la<br />

frontière <strong>de</strong>meure encore ténue entre psychiatrie<br />

et enfermement, mala<strong>de</strong>s et délinquants,<br />

hôpital et prison. Il ne l’a pas été suffisamment<br />

parce qu’il n’a pas été assez porté<br />

par les institutions, toutes les institutions, notamment<br />

celles concernées par les effets indirects<br />

du soin.<br />

Souvent, la délinquance n’est que le résultat<br />

d’une absence <strong>de</strong> prévention transversale associant<br />

<strong>de</strong>s démarches sociales, policières, judiciaires<br />

et sanitaires alors que comme l’ont<br />

rappelé récemment J-L. Senon et coll. (1) les<br />

risques majorés concernent notamment <strong>de</strong>s<br />

patients aux antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> violence, en rupture<br />

<strong>de</strong> soins ou non observants, abusant d’alcool<br />

ou <strong>de</strong> drogues, présentant une clinique<br />

(suite page 3 )<br />

Société en mutation,<br />

santé mentale en crise<br />

C<br />

’est parce que la psychiatrie souffre d’une réelle<br />

carence d’information et <strong>de</strong> débat que l’Union<br />

Nationale <strong>de</strong>s Cliniques Psychiatriques Privées<br />

(UNCPSY) a organisé le 9 octobre 2006, au Sénat, un<br />

colloque pour permettre d’échanger sur les gran<strong>de</strong>s<br />

thématiques liées à la santé mentale. Ce colloque<br />

après un accueil par Alain Milon, Sénateur <strong>de</strong> Vaucluse<br />

et une introduction <strong>de</strong> Jacques Gayral, Prési<strong>de</strong>nt<br />

<strong>de</strong> l’UNCPSY, regroupait trois tables-ron<strong>de</strong>s.<br />

La psychiatrie : un miroir <strong>de</strong><br />

notre société<br />

Les maladies mentales aujourd’hui en<br />

France<br />

Pour Louis Masquin (Psychiatre et Directeur <strong>de</strong> la<br />

Clinique Belle Rive), l’objet <strong>de</strong> la psychiatrie n’est<br />

pas le trouble mental, mais l’être humain souffrant <strong>de</strong><br />

Le transsexualisme<br />

De tout temps, <strong>de</strong>s personnes ont refusé<br />

leur sexe d’origine et ont voulu vivre<br />

dans l’autre sexe. C’est seulement en<br />

1953 que le terme « transsexualisme »<br />

a été inventé par Harry Benjamin et<br />

i<strong>de</strong>ntifié comme une entité autonome,<br />

distincte <strong>de</strong> la psychose et <strong>de</strong> la<br />

perversion.<br />

Nous proposons <strong>de</strong> donner un aperçu sur les<br />

connaissances actuelles concernant le transsexualisme.<br />

Après avoir rappelé la définition et les<br />

diagnostics différentiels, nous indiquerons le<br />

protocole <strong>de</strong> prise en charge du patient <strong>de</strong>mandant<br />

une réassignation hormono-chirurgicale du sexe, puis<br />

nous évoquerons les différentes étu<strong>de</strong>s épidémiologique,<br />

étiologiques et thérapeutiques en cours.<br />

Enfin nous évoquerons l’aspect sociétal du transsexualisme.<br />

Aspect clinique<br />

Définition<br />

Dans la CIM-10 (dixième révision <strong>de</strong> la classification<br />

■ HOMMAGE À<br />

B.Devaux, F.-X. Roux<br />

Jean Talairach est né le 15 janvier 1911 à Perpignan.<br />

Il s’intéressa très précocement à la troisième<br />

dimension et tout particulièrement à ce qui était<br />

enfoui : enfant, il aimait jouer dans <strong>de</strong>s caves et <strong>de</strong>s<br />

souterrains ; avec son ami Julian <strong>de</strong> Ajuriaguerra il<br />

avait <strong>de</strong>ssiné pour les Alliés, durant l’occupation alleman<strong>de</strong>,<br />

un plan détaillé <strong>de</strong>s galeries souterraines <strong>de</strong>s<br />

anciennes carrières <strong>de</strong> Paris. Violoniste talentueux,<br />

Talairach reçut une formation en musique tout en<br />

cultivant une passion pour l’architecture - il aimait<br />

<strong>de</strong>ssiner les plans <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>meures -, mêlant ainsi l’art<br />

et la géométrie. Rien donc, durant son enfance, ne le<br />

portait vers la mé<strong>de</strong>cine. Sans doute son oncle, qui<br />

dirigeait l’Ecole Navale <strong>de</strong> Santé à Bor<strong>de</strong>aux, a-t-il<br />

finalement influencé son choix puisqu’il commença ses<br />

étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine, à Montpellier où Rouvière fut<br />

l’un <strong>de</strong> ses premiers professeurs d’anatomie, avant<br />

<strong>de</strong> les finir à Paris.<br />

Sous l’influence <strong>de</strong> son cousin Henry Ey, Psychiatre à<br />

l’Hôpital Sainte-Anne, c’est vers la <strong>Psychiatrie</strong>, spé-<br />

trouble mental. Comme la société, la psychiatrie a<br />

connu <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s évolutions ces <strong>de</strong>rnières décennies.<br />

Les psychoses retiennent encore l’attention <strong>de</strong>s<br />

psychiatres, avec <strong>de</strong>s évolutions très importantes : la<br />

transformation radicale du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s patients, le<br />

développement <strong>de</strong> nouveaux diagnostics avec, en<br />

particulier, celui <strong>de</strong>s troubles bipolaires et entrées<br />

dans la psychose par la consommation <strong>de</strong> drogues.<br />

Environ 30% <strong>de</strong>s Français sont concernés par les<br />

troubles psychiques, qui sont la <strong>de</strong>uxième cause d’arrêt<br />

<strong>de</strong> travail.<br />

Deuxième cause d’invalidité après les maladies cardiovasculaires,<br />

la dépression peut toucher tous les âges<br />

et elle concerne 15 à 20% <strong>de</strong> la population générale.<br />

La dépression nous interroge à tous les niveaux :<br />

médical, biologique, psychologique, sociologique et<br />

spirituel. L’évolution rapi<strong>de</strong> du mon<strong>de</strong> dans tous les<br />

domaines, le bouleversement radical <strong>de</strong>s repères<br />

<strong>de</strong>s maladies, Organisation Mondiale <strong>de</strong> la Santé,<br />

1993) on retrouve le transsexualisme sous le point<br />

F64 intitulé « Troubles <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité sexuelle ».<br />

La définition du transsexualisme (F64.0) est la suivante<br />

:<br />

« Il s’agit d’un désir <strong>de</strong> vivre et d’être accepté en tant que personne<br />

appartenant au sexe opposé. Ce désir s’accompagne<br />

habituellement d’un sentiment <strong>de</strong> malaise ou d’inadaptation<br />

envers son propre sexe anatomique et du souhait <strong>de</strong> subir<br />

une intervention chirurgicale ou un traitement hormonal afin<br />

<strong>de</strong> rendre son corps aussi conforme que possible au sexe<br />

désiré.<br />

Directives pour le diagnostic<br />

Pour faire ce diagnostic, l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> type transsexuelle doit<br />

Jean Talairach<br />

■ COLLOQUE<br />

(suite page 9 )<br />

■ FMC C. Berthon<br />

Au même moment, une publication<br />

danoise a attiré l’attention sur la<br />

réassignation hormono-chirurgicale du<br />

sexe (cas <strong>de</strong> Georges Jorgensen), ce qui<br />

eut pour conséquence un très grand<br />

nombre <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> changement <strong>de</strong><br />

sexe dans le mon<strong>de</strong>.<br />

cialité qu’il a toujours considérée comme la plus difficile<br />

<strong>de</strong> toutes, qu’il s’est orienté.<br />

Le parcours <strong>de</strong> l’homme et du<br />

mé<strong>de</strong>cin ...<br />

Jean Talairach arrive ainsi à l’Hôpital Sainte-Anne à 26<br />

ans, en 1937, pour y préparer l’Internat <strong>de</strong>s Hôpitaux<br />

Psychiatriques <strong>de</strong> la Seine, qu’il obtient en 1938. Sa<br />

thèse <strong>de</strong> Doctorat en Mé<strong>de</strong>cine, qu’il a soutenue en<br />

1940, avait pour sujet « Les psychoses ovariennes ». Il<br />

aurait sans doute poursuivi une carrière psychiatrique<br />

s’il n’avait pas rencontré, un jour <strong>de</strong> 1942, Marcel<br />

David, l’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premiers élèves <strong>de</strong> Clovis Vincent,<br />

neurochirurgien à l’Hôpital <strong>de</strong> la Pitié. David<br />

avait besoin d’assistants pour former son équipe neurochirurgicale,<br />

alors hébergée dans le Service <strong>de</strong> Pneumologie<br />

et d’Anatomie Pathologique du Pr Delarue<br />

à l’Hôpital Paul Brousse à Villejuif ainsi que dans le<br />

(suite page 7 )<br />

DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007 1<br />

(suite page 3 )<br />

ISSN 0988-4068<br />

n° 9 - Tome XIX - 12/2006•01/2007<br />

Tirage : 10 000 exemplaires<br />

Directeur <strong>de</strong> la Publication et <strong>de</strong> la<br />

Rédaction : G. Massé<br />

Rédacteur en chef : F. Caroli<br />

Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,<br />

1 rue Cabanis - 75014 Paris<br />

Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40<br />

Abonnements :<br />

54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris<br />

Tél. 01 45 50 23 08 - Fax 01 45 55 60 80<br />

Prix au numéro : 9,15 €<br />

E-mail : info@nervure-psy.com<br />

AU SOMMAIRE<br />

EDITORIAL<br />

Quelle réforme <strong>de</strong><br />

la loi <strong>de</strong> 1900 ? p.1<br />

FMC<br />

Le transsexualisme p.1<br />

HOMMAGE À<br />

Jean Talairach p.6<br />

COLLOQUE<br />

Société en mutation,<br />

santé mentale en crise p.9<br />

PSYCHOSE ET CRÉATION<br />

Vie et œuvre <strong>de</strong><br />

Robert Schumann p.12<br />

CLINIQUE<br />

Trouble schizoaffectif :<br />

entre schizophrénie et<br />

trouble bipolaire p.14<br />

Pour un abord corporel<br />

après un traumatisme p.15<br />

HISTOIRE<br />

Une petite histoire <strong>de</strong> la<br />

sectorisation psychiatrique<br />

à Lille p.17<br />

HUMEUR<br />

Même pas peur ! p.18<br />

DIALOGUE DE LA<br />

DÉFINITION MINIMALE<br />

Qui suis-je ? Qui est Je ? p.19<br />

ANNONCES<br />

PROFESSIONNELLES p.22<br />

ANNONCES EN BREF p.23<br />

TROUBLES BIPOLAIRES ET<br />

ENVIRONNEMENT<br />

est le thème <strong>de</strong> la table ron<strong>de</strong><br />

qui réunit dans le prochain numéro<br />

Jean-Michel Azorin, Michel Dubec,<br />

Béatrice Laffy-Beaufils, Frédéric Rouillon,<br />

Philippe Carrière et Jean-Paul Chabannes.


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

avoir été présente d’une manière persistante<br />

pendant au moins <strong>de</strong>ux ans, ne pas<br />

être un symptôme d’un autre trouble mental<br />

tel qu’une schizophrénie, et ne pas être<br />

associée à une autre anomalie sexuelle<br />

génétique ou chromosomique ».<br />

Dans le DSM IV (Diagnostic and statistical<br />

manual of mental disor<strong>de</strong>rs, American<br />

Psychiatric Association, 1994) le<br />

diagnostic <strong>de</strong> Transsexualisme du DSM<br />

III a été remplacé par celui <strong>de</strong> Trouble<br />

<strong>de</strong> l’I<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> Genre. On utilise aussi<br />

le terme « dysphorie <strong>de</strong> genre » qui<br />

désigne la souffrance psychique résultant<br />

du stress <strong>de</strong> vivre dans un corps ne<br />

correspondant pas au sexe perçu intérieurement.<br />

Les quatre critères diagnostiques principaux<br />

chez les adolescents et adultes<br />

(co<strong>de</strong> 302.85) sont :<br />

A. I<strong>de</strong>ntification intense et persistante à<br />

l’autre sexe (ne concerne pas exclusivement<br />

le désir d’obtenir les bénéfices culturels<br />

dévolus à l’autre sexe).<br />

Chez les adolescents et les adultes, la perturbation<br />

se manifeste par <strong>de</strong>s symptômes<br />

tels que l’expression d’un désir d’appartenir<br />

à l’autre sexe, l’adoption fréquente <strong>de</strong>s<br />

conduites où on se fait passer pour l’autre<br />

sexe, un désir <strong>de</strong> vivre et d’être traité<br />

comme l’autre sexe, ou la conviction qu’il<br />

(ou elle) possè<strong>de</strong> les sentiments et les réactions<br />

typiques <strong>de</strong> l’autre sexe.<br />

B. Sentiment persistant d’inconfort par rapport<br />

à son sexe ou sentiment d’inadéquation<br />

par rapport à l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> rôle correspondante.<br />

Chez les adolescents et les adultes, l’affection<br />

se manifeste par <strong>de</strong>s symptômes tels<br />

que : vouloir se débarrasser <strong>de</strong> ses caractères<br />

sexuels primaires et secondaires (p. ex.<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> traitement hormonal, <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

d’intervention chirurgicale ou d’autres<br />

procédés afin <strong>de</strong> ressembler à l’autre sexe<br />

par une modification <strong>de</strong>s caractères sexuels<br />

apparents), ou penser que son sexe <strong>de</strong> naissance<br />

n’est pas le bon.<br />

C. L’affection n’est pas concomitante d’une<br />

affection responsable d’un phénotype hermaphrodite.<br />

D. L’affection est à l’origine d’une souffrance<br />

cliniquement significative ou d’une<br />

altération du fonctionnement social, professionnel<br />

ou dans d’autres domaines importants.<br />

Diagnostics différentiels<br />

Le diagnostic <strong>de</strong> transsexualisme est<br />

distinct du point F66 intitulé « Problèmes<br />

psychologiques et comportementaux<br />

associés au développement sexuel et<br />

à l’orientation sexuelle » ou encore du<br />

point F65 intitulé « Troubles <strong>de</strong> la préférence<br />

sexuelle » et qui correspond à ce<br />

qu’on appelait auparavant les « perversions<br />

sexuelles ».<br />

Il est notamment important <strong>de</strong> distinguer<br />

le transsexualisme du « Transvestisme<br />

fétichiste » (F65.1) défini comme<br />

suit :<br />

« Le port <strong>de</strong> vêtements du sexe opposé,<br />

principalement dans le but d’obtenir une<br />

excitation sexuelle. Ce trouble doit être<br />

distingué du fétichisme simple dans la<br />

mesure où les vêtements et les accessoires<br />

fétichistes ne sont pas seulement<br />

portés, mais sont agencés pour créer l’apparence<br />

d’une personne du sexe opposé.<br />

Plusieurs articles vestimentaires sont<br />

habituellement portés ; il s’agit souvent<br />

d’un ensemble complet incluant perruque<br />

et maquillage. Le transvestisme fétichiste<br />

se distingue du transvestisme transsexuel<br />

par son association claire avec<br />

une excitation sexuelle et par le besoin <strong>de</strong><br />

se débarrasser <strong>de</strong>s vêtements une fois<br />

l’orgasme atteint et l’excitation sexuelle<br />

retombée. Des antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> transvestisme<br />

fétichiste sont habituellement rapportés<br />

par les transsexuels et constituent<br />

probablement, dans ces cas, une phase<br />

précoce du développement d’un transsexualisme<br />

».<br />

Les autres diagnostics différentiels sont :<br />

- schizophrénie avec idées délirantes<br />

<strong>de</strong> thématique <strong>de</strong> métamorphose<br />

sexuelle,<br />

- psychopathie avec <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> traitements<br />

hormonaux féminisants à visée<br />

utilitaire (prostitution).<br />

Le transsexualisme<br />

- intersexuation, qui exclut le diagnostic<br />

<strong>de</strong> transsexualisme par définition.<br />

Prise en charge<br />

médicale<br />

Les standards <strong>de</strong> soins<br />

internationaux<br />

La Harry Benjamin International Gen<strong>de</strong>r<br />

Dysphoria Association ou HBIGDA est<br />

une association internationale qui<br />

regroupe <strong>de</strong>s professionnels du mon<strong>de</strong><br />

entier soignants <strong>de</strong>s transsexuels. Elle<br />

édicte, <strong>de</strong>puis 1979, <strong>de</strong>s « gui<strong>de</strong>lines »<br />

thérapeutiques détaillées qui proposent<br />

<strong>de</strong>s schémas cliniques précis pour<br />

la prise en charge <strong>de</strong>s patients souffrant<br />

<strong>de</strong> problèmes d’i<strong>de</strong>ntité sexuelle.<br />

La 6 ème et <strong>de</strong>rnière version date <strong>de</strong><br />

2001.<br />

Certains mé<strong>de</strong>cins s’y réfèrent, d’autres<br />

rédigent leur propre protocole.<br />

Le protocole parisien<br />

Il est établi par B. Cordier, C. Chiland,<br />

T. Gallarda en 2001. Il gui<strong>de</strong> l’évaluation<br />

d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> traitement hormono-chirurgical<br />

(THC), il suggère les<br />

bilans à pratiquer et recomman<strong>de</strong> une<br />

pratique collégiale. Il n’a aucune base<br />

légale et il n’est pas définitif. Néanmoins,<br />

il semble reconnu par la Sécurité<br />

sociale, le Conseil <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong>s<br />

mé<strong>de</strong>cins et <strong>de</strong>s tribunaux.<br />

Il consiste en une pério<strong>de</strong> d’observation<br />

d’une durée <strong>de</strong> 2 ans minimum<br />

comprenant une évaluation et un suivi<br />

psychiatrique, un bilan endocrinien et<br />

chirurgical, ainsi qu’une expérience <strong>de</strong><br />

vie réelle, « real life test », où le sujet<br />

se présente et vit au quotidien comme<br />

une personne du sexe désiré.<br />

L’évaluation psychiatrique est basée<br />

sur <strong>de</strong>s entretiens réguliers au cours<br />

<strong>de</strong>squels un examen psychiatrique<br />

complet est réalisé, et la psychobiographie<br />

du patient est minutieusement<br />

reconstituée. La rencontre avec la famil-<br />

Quelle réforme <strong>de</strong> la loi <strong>de</strong> 1990 ?<br />

paranoï<strong>de</strong> productive avec persécution<br />

ou syndrome d’influence,<br />

hallucinations impérieuses, une clinique<br />

pseudoneurologique ou une<br />

personnalité psychopathique sous-jacente.<br />

Favoriser l’accès au soin nécessite<br />

d’abor<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s besoins en espérant, au<br />

mieux, une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> directe qui<br />

n’existe souvent pas car médiatisée<br />

par un tiers. Répondre aux besoins<br />

<strong>de</strong> soins sans <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> celui qui<br />

souffre consiste à agir avec d’autres<br />

métiers que ceux <strong>de</strong> la psychiatrie en<br />

sachant que chacun ne peut pas, mais<br />

aussi, ne doit pas exercer selon les logiques<br />

<strong>de</strong>s autres et doit donc les respecter.<br />

De fait, traiter dès que possible, éviter<br />

les rechutes, maintenir la continuité<br />

<strong>de</strong>s soins <strong>de</strong> manière fiable, implique<br />

une répartition <strong>de</strong>s rôles et une<br />

coordination liés aux risques inhérents<br />

à la pathologie ce qui nécessite<br />

un investissement <strong>de</strong>s multiples intervenants<br />

situés en première ligne.<br />

L’adaptation du concept <strong>de</strong> secteur<br />

recouvre, ni plus ni moins, cette évi<strong>de</strong>nce,<br />

ne pas lui rester fidèle en esprit<br />

mais aussi et surtout en pratique<br />

consiste à ne pas investir une réalité<br />

et donc à favoriser, faute <strong>de</strong> mieux,<br />

<strong>de</strong>s réponses répressives sans efficacité.<br />

Ce qu’il faut donc, c’est renforcer et<br />

rendre efficient l’existant, dans l’esprit<br />

du plan psychiatrie et santé mentale<br />

:<br />

- agir sur les facteurs structurels d’in-<br />

le apporte <strong>de</strong>s informations précieuses.<br />

Cette évaluation a pour but d’établir<br />

un diagnostic positif <strong>de</strong> trouble <strong>de</strong><br />

l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> genre, <strong>de</strong> s’assurer que le<br />

trouble est stable et persistant et d’évaluer<br />

les éventuelles conséquences psychosociales.<br />

Un bilan psychologique est réalisé par<br />

<strong>de</strong>s psychologues cliniciens ayant acquis<br />

une expérience dans ce domaine, il<br />

comporte <strong>de</strong>s tests <strong>de</strong> niveau (Binoit-<br />

Pichot) et <strong>de</strong>s tests <strong>de</strong> personnalité<br />

(Rorschach et MMPI).<br />

Le bilan endocrinien consiste en un<br />

examen clinique détaillé (caractères<br />

sexuels secondaires et organes génitaux<br />

externes) et en <strong>de</strong>s examens complémentaires<br />

(caryotype, bilan hormonal…).<br />

Il permet d’éliminer une<br />

affection responsable d’un phénotype<br />

hermaphrodite (critère diagnostique<br />

du trouble <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> genre) et<br />

<strong>de</strong> s’assurer <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> contreindications<br />

à la prescription d’un traitement<br />

hormonal ultérieur.<br />

Le bilan chirurgical consiste en un examen<br />

clinique permettant <strong>de</strong> constater<br />

l’état <strong>de</strong>s organes sexuels, <strong>de</strong> rechercher<br />

<strong>de</strong>s anomalies physiques susceptibles<br />

<strong>de</strong> gêner une éventuelle intervention<br />

ultérieure et d’éliminer une<br />

contre-indication opératoire.<br />

Chacun <strong>de</strong>s spécialistes consultés<br />

délivre une information complète et<br />

éclairée au patient.<br />

Au terme <strong>de</strong> ces 2 années d’évaluation,<br />

une commission constituée d’un<br />

psychiatre, d’un endocrinologue et d’un<br />

chirurgien se réunit et déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

démarche thérapeutique la plus adaptée.<br />

Si les critères diagnostiques d’un<br />

syndrome transsexuel primaire sont<br />

réunis, si le trouble a <strong>de</strong>s conséquences<br />

psychosociales majeures et s’il n’y a<br />

pas <strong>de</strong> contre-indication d’ordre psychiatrique,<br />

endocrinologique ou chirurgical,<br />

alors l’indication thérapeutique<br />

d’une THC est retenue. Cette décision<br />

doit être prise à l’unanimité. Un certificat<br />

médical attestant le diagnostic et<br />

sécurité <strong>de</strong> la psychiatrie : site, organisation<br />

et spécification <strong>de</strong>s unités sur<br />

le plan <strong>de</strong> la pathologie accueillie et<br />

<strong>de</strong> l’accueil aux urgences, <strong>de</strong> la graduation<br />

<strong>de</strong> la sécurisation, <strong>de</strong>s effectifs,<br />

<strong>de</strong> la formation, <strong>de</strong> la flexibilité<br />

<strong>de</strong> la filière hospitalière ;<br />

- mieux organiser les services ambulatoires<br />

(information-communication,<br />

continuité, réponse téléphonique/régulation,<br />

mobilité, réactivité, procédures<br />

en cas <strong>de</strong> signalement ou <strong>de</strong><br />

rupture <strong>de</strong> traitement, développement<br />

d’équipes mobiles réactives, autoriser<br />

les soins ambulatoires sous<br />

contrainte) ;<br />

- associer systématiquement l’entourage<br />

comme ressource dans les soins,<br />

pour limiter les ruptures avec le patient,<br />

faciliter l’intervention auprès <strong>de</strong><br />

lui s’il n’est pas ou plus <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur,<br />

disposer d’une information plus actualisée<br />

;<br />

- développer <strong>de</strong>s conseils locaux <strong>de</strong><br />

prévention en santé mentale, coordonnés<br />

par les élus ;<br />

- lutter contre l’isolement du mala<strong>de</strong><br />

dans la cité (continuité <strong>de</strong>s soins, développement<br />

<strong>de</strong> l’accompagnement<br />

social : SAVS, SAMSAH), développer<br />

les formations au traitement <strong>de</strong>s<br />

comorbidités ;<br />

- développer un dispositif <strong>de</strong> vigilance<br />

à partir d’indicateurs. ■<br />

(1) SENON J-L., MANZANERA C., HU-<br />

MEAU M., GOTZAMANIS L., Les mala<strong>de</strong>s<br />

mentaux sont-ils plus violents que les citoyens<br />

ordinaires ? L’Information Psychiatrique 2006,<br />

82, 645-652<br />

l’indication thérapeutique, co-signé par<br />

le psychiatre, l’endocrinologue et le chirurgien,<br />

est adressé au mé<strong>de</strong>cin conseil<br />

national <strong>de</strong> la Sécurité sociale en vue<br />

d’obtenir une entente préalable pour la<br />

prise en charge <strong>de</strong> l’intervention chirurgicale.<br />

Le même certificat, mentionnant<br />

seulement les initiales du<br />

patient, est adressé, pour information,<br />

au Conseil national <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>s<br />

mé<strong>de</strong>cins.<br />

Le traitement hormonochirurgical<br />

Dès que la décision <strong>de</strong> THC a été prise,<br />

le traitement hormonal peut être initié.<br />

Il comporte <strong>de</strong>ux phases : la première,<br />

dont les effets sont réversibles, prévoit<br />

un traitement anti-hormonal, antiandrogénique<br />

chez l’homme et progestatif<br />

puissant bloquant la stimulation<br />

ovarienne chez la femme. La<br />

<strong>de</strong>uxième phase, dont les effets sont<br />

irréversibles ou partiellement réversibles,<br />

comporte une oestrogénothérapie<br />

chez l’homme et la prescription <strong>de</strong><br />

testostérone chez la femme.<br />

Les interventions chirurgicales : chez<br />

l’homme, il s’agit d’une castration bilatérale<br />

suivie <strong>de</strong> la création d’un néovagin,<br />

<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s lèvres, d’un néo-clitoris<br />

et d’une urétrostomie périnéale ;<br />

chez la femme, il s’agit d’une mammectomie<br />

et d’une hystéro-ovariectomie<br />

non conservatrice, éventuellement<br />

complétée par une phalloplastie.<br />

Le transsexuel opéré <strong>de</strong>vra recevoir<br />

un traitement hormonal substitutif<br />

durant toute sa vie.<br />

Le traitement psychologique<br />

Au cours <strong>de</strong> l’évaluation et ensuite,<br />

quelle que soit la décision thérapeutique,<br />

une prise en charge à visée psychothérapique<br />

est vivement recommandée.<br />

Différentes formes <strong>de</strong><br />

psychothérapies sont utilisées : comportementale<br />

ou psychanalytique, individuelle,<br />

familiale ou groupale. Elles<br />

ont pour but <strong>de</strong> permettre une meilleure<br />

adaptation à la transformation<br />

sexuelle avec la prise en compte <strong>de</strong><br />

ses répercussions sur le fonctionnement<br />

mental et <strong>de</strong>s éventuelles désillusions.<br />

La psychothérapie <strong>de</strong> type analytique<br />

est difficile, car, comme l’écrit C.<br />

Chiland, le sujet transsexuel « ne parle<br />

pas le langage du désir et du conflit » et<br />

« la situation est particulièrement difficile<br />

avec ces patients qui mettent tout sur<br />

la scène corporelle et rien sur la scène<br />

psychique. Notre univers <strong>de</strong> pensée leur<br />

est étranger, nos interprétations leur<br />

paraissent ridicules et inopérantes. Parfois<br />

un éclair d’insight jaillit, mais l’étincelle<br />

retombe rapi<strong>de</strong>ment ».<br />

Aspect <strong>de</strong> la recherche<br />

Sur le plan épidémiologique<br />

La prévalence du transsexualisme est<br />

particulièrement difficile à évaluer. La<br />

plupart <strong>de</strong>s données sont issues <strong>de</strong><br />

centres spécialisés qui recensent les<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> THC qui leur sont adressées.<br />

Cependant certains patients ne<br />

font pas appel à ces centres spécialisés<br />

mais à <strong>de</strong>s psychiatres et <strong>de</strong>s chirurgiens<br />

indépendants, ou recourent à <strong>de</strong>s<br />

voies illégales. Les données produites<br />

connaissent d’importantes variations<br />

suivant les pays. Par exemple, à la fin<br />

<strong>de</strong>s années 1960, la prévalence estimée<br />

était beaucoup plus faible aux<br />

Etats-Unis (1/100 000 hommes et<br />

1/400 000 femmes) qu’en Suisse<br />

(1/37 000 hommes et 1/103 000<br />

femmes). Plus tard, les étu<strong>de</strong>s menées<br />

en Angleterre (1/34 000 hommes et<br />

1/108 000 femmes), en Australie<br />

(1/24 000 hommes et 1/150 000<br />

femmes), ainsi qu’en Allemagne<br />

(1/42 000 hommes et 1/104 000<br />

femmes) confirment les taux <strong>de</strong> prévalence<br />

antérieurs en Suisse établis par<br />

Walin<strong>de</strong>r. Le DSM-IV a regroupé ces<br />

différents résultats et donne une<br />

prévalence moyenne <strong>de</strong>1/30 000<br />

<br />

LIVRES<br />

FMC ■ 3<br />

Eduquer à la sexualité<br />

Un enjeu <strong>de</strong> société<br />

Patrick Pelege et Chantal Picod<br />

Dunod, 25 €<br />

L’idée d’une éducation à la sexualité<br />

pour les jeunes semble avoir fait son<br />

chemin dans l’opinion publique. Du<br />

reste, <strong>de</strong> nombreux ouvrages lui ont<br />

été consacrés, qu’ils soient historiques,<br />

philosophiques, polémiques ou pédagogiques.<br />

Depuis 1994, l’Education<br />

nationale s’en est ressaisie et a<br />

mené une réflexion sur la place et la<br />

légitimité <strong>de</strong> l’école dans cette éducation.<br />

Cette réflexion a débouché<br />

sur les circulaires <strong>de</strong> 1996 et 1998,<br />

la loi <strong>de</strong> 2001, et sa circulaire d’application<br />

<strong>de</strong> 2003 rendant obligatoire<br />

l’éducation à la sexualité <strong>de</strong> la maternelle<br />

à la terminale. Pour que cette<br />

réflexion ne reste pas du côté <strong>de</strong>s<br />

vœux pieux, <strong>de</strong>s formations <strong>de</strong>s<br />

personnels intervenants auprès <strong>de</strong>s<br />

jeunes, mais aussi <strong>de</strong> formateurs<br />

d’adultes ainsi que <strong>de</strong>s outils pédagogiques<br />

ont été développés ces dix<br />

<strong>de</strong>rnières années.<br />

Les <strong>de</strong>ux auteurs <strong>de</strong> cet ouvrage ont<br />

été impliqués dans cette réflexion, à<br />

partir d’actions <strong>de</strong> formations et divers<br />

écrits dont les références sont<br />

données au fil <strong>de</strong> l’ouvrage. Ce travail<br />

définit l’éducation à la sexualité<br />

par rapport à l’éducation sexuelle, et<br />

quelle part <strong>de</strong> cette éducation revenait<br />

à l’institution publique.<br />

Contrairement aux idées reçues, l’entrée<br />

privilégiée <strong>de</strong> l’institution scolaire<br />

pour ce qui constitue les séquences<br />

d’éducation à la sexualité<br />

n’est pas du côté <strong>de</strong> la biologie ou<br />

<strong>de</strong> la reproduction, <strong>de</strong> la contraception<br />

et <strong>de</strong>s IST/VIH sida laissés au<br />

cours <strong>de</strong> SVT, mais se situe résolument<br />

du côté du champ social.<br />

L’ouvrage traite <strong>de</strong> ces aspects en six<br />

chapitres qui abor<strong>de</strong>nt une perspective<br />

anthropologique <strong>de</strong> la sexualité,<br />

les modèles familiaux et sociaux qui<br />

balisent l’i<strong>de</strong>ntité sexuelle, la construction<br />

sociale <strong>de</strong> l’homophobie et du<br />

sexisme, la place et la question <strong>de</strong>s<br />

images et <strong>de</strong>s représentations médiatisées,<br />

dont celles <strong>de</strong> la pornographie,<br />

le développement psychosexuel<br />

<strong>de</strong> la naissance à l’âge adulte,<br />

les enjeux relationnels et éthiques <strong>de</strong><br />

l’éducation à la sexualité.<br />

Perversions<br />

Aux frontières du trauma<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Joyce Aïn<br />

Erès, 23 €<br />

Sont présentées, dans cet ouvrage,<br />

les communications et conférences<br />

préparatoires au Carrefour sur les Perversions,<br />

qui s’est tenu à Toulouse en<br />

octobre 2005 à l’initiative <strong>de</strong> l’Association<br />

Carrefours et Médiations. Il<br />

s’agit d’un thème d’actualité, lorsqu’on<br />

sait, par les praticiens <strong>de</strong> terrain,<br />

que le pourcentage d’agresseurs<br />

sexuels en prison est passé en quelques<br />

années <strong>de</strong> 4% (avant 1990) à 25%<br />

(à partir <strong>de</strong> 1995) (Clau<strong>de</strong> Balier). Augmentation<br />

traduisant non pas celle<br />

du nombre <strong>de</strong>s pervers sexuels mais<br />

plutôt une plus gran<strong>de</strong> prise <strong>de</strong><br />

conscience <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> délits et<br />

donc une élaboration et une application<br />

plus rigoureuse <strong>de</strong> la loi (loi<br />

du 17 juin 1998).<br />

En termes intra-psychiques, la question<br />

est difficile car la perversion, « c’est<br />

le mon<strong>de</strong> en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> la représentation,<br />

<strong>de</strong>s affects, <strong>de</strong>s éprouvés, le mon<strong>de</strong> où<br />

l’autre, l’être humain, est traité comme<br />

objet (...) jetable après avoir servi ».<br />

L‘art peut proposer une figurabilité<br />

<strong>de</strong>s éprouvés. Le psychanalyste peut,<br />

dans certains cas, malgré toute la difficulté<br />

d’une telle entreprise, être<br />

comme « support à faire qu’un patient<br />

puisse passer <strong>de</strong> l’irreprésentable au<br />

représentable, d’en-<strong>de</strong>çà <strong>de</strong> la dépression<br />

à la dépression<strong>de</strong> la douleur<br />

à la souffrance » (Alain Roucoules).<br />

M. Goutal


4<br />

■ FMC<br />

hommes et 1/100 000 femmes.<br />

Le sex ratio varie selon le pays et les<br />

étu<strong>de</strong>s. Il y a plus d’hommes que <strong>de</strong><br />

femmes qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt un changement<br />

<strong>de</strong> sexe, les chiffres variant <strong>de</strong><br />

8:1 à 2,5:1, la moyenne étant 3:1. Une<br />

exception est la Pologne où le sex ratio<br />

est <strong>de</strong> 5,5 femmes pour 1 homme.<br />

Certains disent que cette particularité<br />

pourrait être due à <strong>de</strong>s critères diagnostiques<br />

différents en Pologne,<br />

d’autres qu’il pourrait s’agir d’une différence<br />

<strong>de</strong> conception du statut féminin<br />

dans les pays <strong>de</strong> l’Est, mais aucune<br />

hypothèse n’a été confirmée.<br />

Sur le plan étiologique<br />

Hypothèses psychologiques<br />

Pour Stoller le transsexualisme rend<br />

compte d’une impossibilité pour l’enfant,<br />

qui vit avec sa mère une symbiose<br />

étroite et aconflictuelle, <strong>de</strong> quitter<br />

une i<strong>de</strong>ntification primaire féminine,<br />

et une impossibilité d’i<strong>de</strong>ntification au<br />

père du fait <strong>de</strong> son absence.<br />

C. Chiland renouvelle l’approche clinique<br />

à partir <strong>de</strong> ses observations d’enfants<br />

dysphoriques <strong>de</strong> genre et <strong>de</strong> leurs<br />

parents. Elle remet en question les positions<br />

<strong>de</strong> Stoller : pour elle le garçon<br />

ne vivrait pas son union avec sa mère<br />

comme aconflictuelle, l’i<strong>de</strong>ntification à<br />

la femme idéalisée parait défensive face<br />

à une image féminine redoutable. De<br />

plus, les pères joueraient un rôle, non<br />

pas par leur absence, mais en raison<br />

<strong>de</strong> leur difficulté à assumer leur virilité.<br />

Son hypothèse est que par leur vécu,<br />

leurs fantasmes, leurs conduites, père et<br />

mère délivrent au garçon <strong>de</strong>s messages<br />

conscients et inconscients qu’il interprète<br />

comme s’il ne pouvait se sentir<br />

exister qu’en tant que membre <strong>de</strong><br />

l’autre sexe.<br />

Hypothèses biologiques<br />

Ce sont les plus récentes, elles donnent<br />

lieu à <strong>de</strong> nombreux travaux <strong>de</strong><br />

recherche.<br />

L’hypothèse d’une anomalie génétique,<br />

et notamment d’une anomalie du gène<br />

HY (situé sur le chromosome Y, contrôlant<br />

l’expression <strong>de</strong> l’antigène HY présent<br />

à la surface <strong>de</strong> toutes les cellules<br />

mâles), n’a pas été confirmée.<br />

L’hypothèse d’une anomalie <strong>de</strong> l’imprégnation<br />

hormonale du cerveau dans<br />

les pério<strong>de</strong>s pré et/ou périnatales, émise<br />

à partir <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> modèles<br />

animaux expérimentaux et <strong>de</strong> modèles<br />

humains pathologiques (hyperplasie<br />

congénitale <strong>de</strong>s surrénales, testicules<br />

féminisants,…), reste purement théorique.<br />

L’hypothèse d’un dimorphisme anatomique<br />

sexuel cérébral a été émise. Le<br />

transsexualisme serait lié à une discordance<br />

entre la différenciation sexuelle<br />

génitale et la différenciation sexuelle<br />

cérébrale, qui apparaît très précocement<br />

au cours du développement sous<br />

l’influence <strong>de</strong>s hormones sexuelles. Un<br />

dimorphisme sexuel cérébral a été ainsi<br />

observé au niveau <strong>de</strong> l’hypothalamus :<br />

aire préoptique (le SDN : noyau sexuellement<br />

dimorphe, Swaab et al., 1985 ;<br />

INAH-2 et INAH-3 : noyau interstitiel<br />

<strong>de</strong> l’hypothalamus antérieur, Allen et al.,<br />

1989) et noyau du lit <strong>de</strong> la strie terminale<br />

(BST : « bed nucleus of the stria<br />

terminalis », dont la partie centrale BSTc<br />

a un volume 2,5 fois plus grand chez<br />

l’homme que chez la femme, Allen et<br />

al., 1990). Peu d’étu<strong>de</strong>s ont porté sur<br />

les sujets transsexuels. Zhou et al. ont<br />

montré, en 1995, que la BTSc <strong>de</strong>s<br />

transsexuels M->F avait un volume<br />

comparable à celui <strong>de</strong> femmes témoins,<br />

et, en 2000, que le nombre <strong>de</strong> neurones<br />

à somatostatine dans la BTSc<br />

chez le transsexuel correspondait au<br />

sexe qu’il revendiquait. Selon ces<br />

auteurs, ces différences observées ne<br />

peuvent pas s’expliquer par un traitement<br />

oestrogénique ou par une orchi<strong>de</strong>ctomie.<br />

La poursuite <strong>de</strong>s explorations<br />

est nécessaire. Les noyaux<br />

sexuellement dimorphes ont une implication<br />

sur le comportement sexuel <strong>de</strong>s<br />

animaux étudiés.<br />

Cependant, aucune conclusion ne peut<br />

être appliquée à l’homme sans<br />

recherche complémentaire. Le sentiment<br />

d’i<strong>de</strong>ntité sexuée semble propre<br />

à l’homme, étant lié en particulier au<br />

langage. Une meilleure appréciation<br />

<strong>de</strong>s déterminants et <strong>de</strong>s conséquences<br />

cliniques du dimorphisme cérébral est<br />

nécessaire.<br />

Une autre piste <strong>de</strong> recherche est l’approche<br />

neuro-cognitive, étudiée par<br />

B.A. Shaywitz et S.F. Witelson, partant<br />

<strong>de</strong>s différences d’aptitu<strong>de</strong>s cognitives<br />

homme-femme. L’hypothèse étant qu’il<br />

existe une « latéralité hémisphérique »<br />

<strong>de</strong>s fonctions cognitives, différente selon<br />

le sexe, qui serait sous influence hormonale.<br />

Mais la valeur <strong>de</strong> ces différences<br />

cognitives reste encore actuellement<br />

ininterprétable à un niveau<br />

comportemental. De plus, l’influence<br />

<strong>de</strong> nombreux facteurs, notamment<br />

environnementaux, sur les aptitu<strong>de</strong>s<br />

cognitives, reste à évaluer.<br />

Enfin, à coté <strong>de</strong>s hypothèses étiopathogéniques<br />

sus décrites, il faut faire<br />

une place aux explications socio-culturelles.<br />

La dichotomie sociale entre le<br />

genre féminin et le genre masculin<br />

apparaît comme une donnée structurelle<br />

<strong>de</strong> la société. Certains pensent<br />

que c’est l’offre hormono-chirurgicale<br />

qui a suscité et suscite toujours la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> « réassignation ».<br />

Sur le plan thérapeutique<br />

Les étu<strong>de</strong>s catamnestiques, permettant<br />

d’apprécier l’efficacité <strong>de</strong>s thérapeutiques,<br />

sont difficiles à réaliser (grand<br />

nombre <strong>de</strong> perdus <strong>de</strong> vue et <strong>de</strong> refus<br />

<strong>de</strong> participer aux étu<strong>de</strong>s).<br />

Dans la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s cas, les<br />

transsexuels sont satisfait du THC, avec<br />

seulement 10% <strong>de</strong> sujets insatisfaits en<br />

moyenne (B. Lundström, et al., 1984 ;<br />

R. Green, D. Fleming, 1990), insatisfaction<br />

qui disparaît le plus souvent<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

dans l’année suivant le traitement chirurgical.<br />

Il n’y a que <strong>de</strong> très rares cas <strong>de</strong><br />

regrets post-opératoires : moins <strong>de</strong> 1%<br />

<strong>de</strong> patients F->M et 1,5 % <strong>de</strong> patients<br />

M->F (F. Pfäfflin, 1992 ; Aj. Kuiper,<br />

1991), liés notamment à <strong>de</strong>s erreurs<br />

diagnostiques, une absence <strong>de</strong> real life<br />

test ou un traitement chirurgical inadapté.<br />

Le taux <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> est d’environ 1%,<br />

cependant ces suici<strong>de</strong>s ne sont pas<br />

nécessairement imputables à la réassignation<br />

hormono-chirurgicale du sexe.<br />

Les complications <strong>de</strong>s traitements chirurgical<br />

(étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> J. Eldh et al., 1997) et<br />

endocrinien (étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> P. Van Kesteren<br />

et al., 1997) sont rares du fait <strong>de</strong>


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

l’amélioration sensible <strong>de</strong> ces thérapeutiques.<br />

Plusieurs étu<strong>de</strong>s ont porté sur les facteurs<br />

prédictifs d’une évolution favorable<br />

ou défavorable après l’opération.<br />

Les principaux critères <strong>de</strong> bon pronostic<br />

sont : absence <strong>de</strong> trouble mental<br />

associé, stabilité psychique et émotionnelle,<br />

âge < 30 ans au moment <strong>de</strong><br />

la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, « real life test » d’un an<br />

minimum, homosexualité, psychothérapie<br />

préalablement à la chirurgie, prise<br />

<strong>de</strong> conscience <strong>de</strong>s limites et <strong>de</strong>s conséquences<br />

<strong>de</strong> la chirurgie.<br />

Des étu<strong>de</strong>s évaluent la réassignation<br />

hormono-chirurgicale <strong>de</strong> sexe chez<br />

l’adolescent. Les arguments d’une prise<br />

en charge précoce sont : apparition <strong>de</strong>s<br />

caractères sexuels secondaires évitée,<br />

retentissement scolaire et relationnel<br />

moins important et donc un meilleur<br />

pronostic. Cependant, la difficulté du<br />

diagnostic <strong>de</strong> transsexualisme à l’adolescence<br />

associé à l’irréversibilité <strong>de</strong>s<br />

sanctions thérapeutiques et aux responsabilités<br />

médicales et éthiques en<br />

jeu, impose une gran<strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce. On<br />

sait que, chez l’adolescent ou le jeune<br />

adulte, <strong>de</strong>s questionnements autour <strong>de</strong><br />

l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> genre et une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

transformation hormono-chirurgicale<br />

apparaissant circonscrits en première<br />

instance peuvent refléter <strong>de</strong>s questionnements<br />

i<strong>de</strong>ntitaires beaucoup plus<br />

globaux, symptomatiques d’une psychose<br />

débutante. Une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> suivi<br />

prospective (Cohen-Kettenis and van<br />

Goozen, 2001) conclut qu’un diagnostic<br />

avec <strong>de</strong>s critères stricts est<br />

nécessaire et suffisant pour justifier un<br />

traitement hormonal chez l’adolescent<br />

transsexuel.<br />

Aspect sociétal<br />

Les associations<br />

Actuellement, via l’abondante littérature<br />

sur ce sujet, le développement<br />

d’associations, <strong>de</strong> revues spécialisées,<br />

et surtout d’Internet, les transsexuels<br />

sont souvent bien informés. Ils arrivent<br />

en consultation avec leur autodiagnostic<br />

et l’unique <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> réassignation<br />

hormono-chirurgicale du sexe.<br />

Les possibilités ouvertes par le World<br />

Wi<strong>de</strong> Web sont utilisées, ce qui<br />

témoigne d’un intérêt mondial pour le<br />

transsexualisme. En ce qui concerne<br />

les sites francophones on peut citer :<br />

Caritig (Centre d’Ai<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Recherche et<br />

d’Information sur la Transsexualité et<br />

l’I<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> Genre) : http://www.caritig.org/,<br />

Association du syndrome <strong>de</strong><br />

Benjamin : http://www.asbfrance.org/,...<br />

Transmettre et témoigner<br />

Effets <strong>de</strong> la violence politique<br />

Colloque 30-31 mars 2006<br />

Le but <strong>de</strong> ces associations, au travers <strong>de</strong><br />

réunions, publications, marches<br />

annuelles, colloques, conférences,<br />

débats, est <strong>de</strong> soutenir les personnes<br />

concernées, <strong>de</strong> les informer sur les<br />

plans médical, juridique et social, <strong>de</strong><br />

les orienter vers <strong>de</strong>s centres spécialisés,<br />

<strong>de</strong> sensibiliser le public, et <strong>de</strong> participer<br />

à la recherche. Certaines militent<br />

pour une déclassification<br />

psychiatrique réfléchie <strong>de</strong> la transsexualité.<br />

Sur le plan juridique<br />

Au-<strong>de</strong>là du domaine médical, le transsexualisme<br />

pose <strong>de</strong>s questions juridiques.<br />

En effet, le changement <strong>de</strong> sexe<br />

ne peut être complet sans modification<br />

<strong>de</strong> l’état civil.<br />

Les solutions adoptées varient selon<br />

les pays.<br />

En France, le changement <strong>de</strong> prénom<br />

n’a pas posé <strong>de</strong> problème important :<br />

pour faciliter la vie quotidienne <strong>de</strong>s<br />

personnes transsexuelles, la jurispru<strong>de</strong>nce<br />

a très vite reconnu que la conviction<br />

d’appartenance à l’autre sexe<br />

constitue « l’intérêt légitime » requis par<br />

l’article 60 du co<strong>de</strong> civil pour permettre<br />

ce changement.<br />

Cependant, cette seule modification<br />

n’est pas suffisante pour assurer aux<br />

transsexuels une vie conforme à leur<br />

nouveau sexe. Il est apparu nécessaire<br />

<strong>de</strong> modifier les actes d’état civil, en y<br />

inscrivant ce changement.<br />

Mais la question du changement <strong>de</strong><br />

sexe entraîne <strong>de</strong> nombreuses difficultés<br />

juridiques, notamment en matière <strong>de</strong><br />

droit <strong>de</strong> la famille (mariage, divorce,<br />

enfants), tant en ce qui concerne la<br />

situation du transsexuel avant modification<br />

<strong>de</strong> l’état civil, qu’après.<br />

En 1982, M. Henri Caillavet, sénateur<br />

du Lot avait élaboré une proposition <strong>de</strong><br />

loi tendant à autoriser les traitements<br />

chirurgicaux et reconnaître le changement<br />

d’état civil <strong>de</strong>s transsexuels.<br />

Cependant, ce texte n’a pas eu <strong>de</strong> suite.<br />

En 1988, M. Guy Braibant, prési<strong>de</strong>nt<br />

<strong>de</strong> la section <strong>de</strong>s rapports et <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s<br />

du Conseil d’État, est chargé par le Premier<br />

Ministre, M. Michel Rocard, <strong>de</strong><br />

constituer un groupe <strong>de</strong> travail pour<br />

réfléchir sur la question du transsexualisme.<br />

Dans ses conclusions, G.<br />

Braibant préconisait <strong>de</strong> ne pas légiférer<br />

sur cette question, contrairement à<br />

beaucoup <strong>de</strong> nos voisins européens,<br />

mais plutôt <strong>de</strong> faciliter le changement<br />

<strong>de</strong> sexe lorsqu’il le faut.<br />

Le législateur n’est donc pas intervenu.<br />

Plusieurs raisons ont été invoquées<br />

La question <strong>de</strong> la transmission aux générations futures concerne tout individu,<br />

communauté, société, victimes <strong>de</strong> violations <strong>de</strong>s droits humains. Le<br />

trauma lié à la violence politique et à la torture ne peut être mis sous silence,<br />

il appelle à être nommé afin <strong>de</strong> pouvoir se dire, s’inscrire et ainsi se transmettre<br />

dans la filiation générationnelle. En l’absence <strong>de</strong> transmission, là où<br />

le trauma ne fait que «trou» dans l’histoire individuelle ou collective, un retour<br />

traumatique sous <strong>de</strong>s formes diverses - violences, souffrances psychiques<br />

ou corporelles est inévitable.<br />

Dire, écrire et, plus généralement, représenter le trauma nous amènent à la<br />

question du témoignage. Qu’est-ce qu’un témoignage ? Quels sont ses objectifs<br />

et ses enjeux ? A qui s’adresse-t-il ? Comment le témoignage (écrit,<br />

parlé, filmé, <strong>de</strong>ssiné ... ) vient-il interroger les limites du transmissible ?<br />

Le but du colloque est <strong>de</strong> repérer les lieux toujours différents du retour <strong>de</strong><br />

ce qui fait malaise dans notre civilisation et <strong>de</strong> questionner les mo<strong>de</strong>s habituels<br />

<strong>de</strong> penser la violence aujourd’hui.<br />

Ce colloque, le troisième organisé par l’association, rend hommage à Primo<br />

Levi, chimiste et écrivain italien, rescapé <strong>de</strong>s camps d’extermination nazis.<br />

Primo Levi est mort le 11 avril 1987. Pour commémorer cette date anniversaire,<br />

les <strong>de</strong>ux thèmes choisis sont ceux qui l’ont accompagné tout au long<br />

<strong>de</strong> sa vie : la transmission et le témoignage.<br />

Inscription<br />

Ce colloque qui aura lieu à la Maison Internationale <strong>de</strong> la Cité Universitaire<br />

<strong>de</strong> Paris, s’adresse à toutes celles et ceux qui s’interrogent sur ce que « l’homme<br />

fait à l’homme » et qui s’y confrontent dans leurs réflexions et pratiques professionnelles.<br />

Plus d’information sur le site Internet <strong>de</strong> l’Association Primo<br />

Levi. www.primolevi.asso.fr/colloques. E-mail : colloque@primolevi.asso.fr<br />

pour justifier cette abstention : risque <strong>de</strong><br />

voir les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s (médicales et judiciaires)<br />

se multiplier, menace <strong>de</strong> fragilisation<br />

du droit <strong>de</strong> la famille, difficulté<br />

<strong>de</strong> légiférer dans un domaine lié à la<br />

mé<strong>de</strong>cine qui est en constante et rapi<strong>de</strong><br />

évolution. En outre, les principes<br />

d’ordre ontologique peuvent se contredire<br />

: liberté individuelle, respect <strong>de</strong> la<br />

vie privée, intégrité physique, morale…<br />

Parallèlement, les tribunaux qui ont été<br />

saisis <strong>de</strong> cette question ont rendu <strong>de</strong>s<br />

décisions qui ont évolué dans le temps.<br />

En application du principe régissant le<br />

droit français <strong>de</strong> « l’indisponibilité <strong>de</strong><br />

l’état <strong>de</strong>s personnes », les tribunaux ont<br />

tout d’abord refusé la modification <strong>de</strong><br />

l’état civil.<br />

Le premier ayant admis cette modification<br />

a été le Tribunal <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong> Instance<br />

<strong>de</strong> Toulouse en 1976.<br />

Mais, en 1987, la Cour <strong>de</strong> Cassation<br />

estimait toujours, au contraire, que le<br />

changement <strong>de</strong> sexe ne résultant pas<br />

d’une cause étrangère à la volonté <strong>de</strong><br />

l’intéressé, l’acte <strong>de</strong> naissance n’avait<br />

pas à être rectifié (arrêt du 3 mars<br />

1987).<br />

Le 25 mars 1992, la Cour Européenne<br />

<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme a condamné la<br />

position <strong>de</strong>s tribunaux français qui<br />

avaient refusé le changement d’état<br />

civil d’un transsexuel, en déclarant que<br />

cette personne était quotidiennement<br />

placée dans une situation incompatible<br />

avec le respect <strong>de</strong> la vie privée (principe<br />

posé par l’article 8 <strong>de</strong> la Convention<br />

Européenne <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s droits<br />

<strong>de</strong> l’homme).<br />

La Cour <strong>de</strong> Cassation en a tiré les<br />

conséquences et, dans un arrêt du 11<br />

décembre 1992, rendu en assemblée<br />

plénière, elle a admis que la modification<br />

<strong>de</strong> l’état civil pour un « transsexuel<br />

vrai » ne violait pas la règle <strong>de</strong> l’indisponibilité<br />

<strong>de</strong> l’état <strong>de</strong>s personnes mais,<br />

au contraire, assurait le respect <strong>de</strong> la<br />

vie privée et le droit d’établir <strong>de</strong>s relations<br />

avec d’autres êtres humains,<br />

notamment dans le domaine affectif,<br />

pour le développement et l’accomplissement<br />

<strong>de</strong> sa propre personnalité.<br />

Depuis, la Cour <strong>de</strong> Cassation a réaffirmé<br />

cette position à plusieurs reprises.<br />

Désormais, la modification <strong>de</strong> l’état<br />

civil est possible lorsque quatre conditions<br />

sont réunies :<br />

- reconnaissance médicale du syndrome<br />

du transsexualisme, excluant tous<br />

troubles mentaux et autres troubles <strong>de</strong><br />

l’i<strong>de</strong>ntité du genre, effectué au moyen<br />

d’une expertise judiciaire très complète<br />

confiée à <strong>de</strong>s spécialistes, (bien que<br />

parfois, la remise d’attestations émanant<br />

<strong>de</strong> plusieurs mé<strong>de</strong>cins reconnus<br />

pour leur compétence en la matière<br />

et qui ont suivi la personne concernée<br />

est <strong>de</strong> nature à se révéler suffisante) ;<br />

- réalisation d’une THC, dans un but<br />

thérapeutique ;<br />

- apparence physique le rapprochant<br />

du sexe qu’il revendique ;<br />

- et comportement social correspondant<br />

au sexe revendiqué.<br />

Les tribunaux ont eu, jusqu’à maintenant,<br />

peu d’occasion <strong>de</strong> se prononcer<br />

sur les autres aspects <strong>de</strong> la vie familiale.<br />

Les juges seront amenés à trancher<br />

au fur et à mesure <strong>de</strong>s cas qui leur<br />

seront soumis.<br />

Ainsi, la Cour <strong>de</strong> Cassation (arrêt du 18<br />

mai 2005) a validé la décision <strong>de</strong> la<br />

cour d’appel d’Aix en Provence qui a<br />

annulé la reconnaissance <strong>de</strong> paternité<br />

d’un transsexuel (à l’origine <strong>de</strong> sexe<br />

féminin, ayant obtenu la modification<br />

<strong>de</strong> son état civil) qui se trouvait contraire<br />

à la réalité biologique, mais a admis<br />

un droit <strong>de</strong> visite à son profit pour tenir<br />

compte <strong>de</strong> l’intérêt supérieur <strong>de</strong> l’enfant.<br />

Par ailleurs, la Cour européenne <strong>de</strong>s<br />

Droits <strong>de</strong> l’Homme a pris position sur<br />

certains points, et les solutions ainsi<br />

adoptées par cette juridiction européenne<br />

<strong>de</strong>vront s’imposer également<br />

aux tribunaux français.<br />

Dans un arrêt <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Chambre<br />

du 11 juillet 2002 (Aff. Christine<br />

Goodwin c/ Royaume-Uni), elle a<br />

considéré qu’en application <strong>de</strong> l’article<br />

12 <strong>de</strong> la Convention Européenne <strong>de</strong>s<br />

Droits <strong>de</strong> l’homme, aucune raison ne<br />

justifie que les transsexuels soient privés<br />

du droit <strong>de</strong> se marier. Elle a <strong>de</strong> plus<br />

déclaré que « la non-reconnaissance juridique<br />

<strong>de</strong> la nouvelle i<strong>de</strong>ntité sexuelle <strong>de</strong><br />

la requérante et <strong>de</strong> son statut juridique <strong>de</strong><br />

transsexuel au Royaume-Uni, en particulier<br />

dans les domaines <strong>de</strong> l’emploi, <strong>de</strong><br />

la sécurité sociale et <strong>de</strong>s pensions, constitue<br />

une méconnaissance par l’État défen<strong>de</strong>ur<br />

<strong>de</strong> son obligation positive <strong>de</strong> lui<br />

garantir le droit au respect <strong>de</strong> sa vie privée<br />

prévu par l’article 8 <strong>de</strong> la Convention<br />

».<br />

Conclusion<br />

Le transsexualisme est une affection<br />

rare et encore peu connue qui génère,<br />

chez le patient, une souffrance intense.<br />

La réassignation hormono-chirurgicale<br />

du sexe est un traitement lourd et<br />

irréversible avec <strong>de</strong>s conséquences<br />

majeures. Cela nécessite donc un diagnostic<br />

précautionneux et une<br />

approche pluridisciplinaire. Ce traitement<br />

est plus palliatif que curatif, mais,<br />

sans celui-ci, la dysphorie <strong>de</strong> genre persiste<br />

et les risques évolutifs sont la<br />

dépression, la désinsertion socioprofessionnelle,<br />

l’isolement affectif, <strong>de</strong>s<br />

tentatives <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s automutilations.<br />

L’amélioration <strong>de</strong> la prise en charge<br />

médicale et la création d’unités spécialisées<br />

<strong>de</strong>vrait permettre <strong>de</strong> mieux<br />

étudier cette maladie tant sur le plan<br />

épidémiologique, étiologique que thérapeutique.<br />

■<br />

C. Berthon<br />

Service du Dr. Caroli, CH Sainte-Anne,<br />

Paris 14ème<br />

Bibliographie<br />

(1) CIM-10/ICD-10, Classification Internationale<br />

<strong>de</strong>s Maladies, Dixième révision,<br />

chapitre V, Troubles mentaux et troubles du<br />

comportement, critères diagnostiques pour<br />

la recherche, OMS, Masson, 1994.<br />

(2) DSM IV, Diagnostic and Statistical<br />

Manual of Mental Disor<strong>de</strong>rs (IV), 1996,<br />

category 302.85<br />

(3) Harry Benjamin International Gen<strong>de</strong>r<br />

Dysphoria Association’s, Standards of Care<br />

for Gen<strong>de</strong>r I<strong>de</strong>ntity Disor<strong>de</strong>rs, Sixth Version,<br />

Symposium publishing, Düsseldorf,<br />

2001 ou sur www.hbigda.org<br />

(4) CORDIER B., CHILAND C., GAL-<br />

LARDA T., 2001, Le transsexualisme, proposition<br />

d’un protocole malgré quelques divergences,<br />

Ann Méd Psychol, n°159, pp.<br />

190-195<br />

(5) CHILAND C., CORDIER B., Transsexualisme,<br />

EMC 2000, 37-299-D-20, 1-<br />

11.<br />

(6) MASCLET L., La prise en charge thérapeutique<br />

du patient transsexuel : réflexions<br />

autour d’un cas masculine <strong>de</strong> dysphorie <strong>de</strong><br />

genre, thèse pour le doctorat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine,<br />

Paris IV, 2000.<br />

(7) COHEN-KETTENIS P.T., GOOREN<br />

L.J.G., Transsexualism: A review of etiology,<br />

diagnosis and treatment, <strong>Journal</strong> of Psychosomatic<br />

Research 1999, Vol 46, 4, 315-<br />

333.<br />

(8) CHILAND C., Que penser du transsexualisme<br />

? Evol. Psy., 1996, 61, 1, 45-<br />

53.<br />

(9) MICHEL A., MORMONT C., LEGROS<br />

J.J., A psycho-endocrinological overview of<br />

transsexualism, European <strong>Journal</strong> of Endocrinology,<br />

2001, Vol 145, Issue 4, 365-<br />

376.<br />

(10) WALINDER J., Inci<strong>de</strong>nce and sex ratio<br />

of transsexualism, Swe<strong>de</strong>n, British <strong>Journal</strong><br />

of Psychiatry 1968, 119, 195±196.<br />

(11) ZHOU J.-N., HOFMAN M.A., GOO-<br />

REN L.J.G. & SWAAB DF., A sex difference<br />

in the human brain and its relation to<br />

transsexuality, Nature 1995, 378, 68±70.<br />

(12) COHEN-KETTENIS P., VAN GOO-<br />

ZEN S., Sex reassignment of adolescent transsexuals:<br />

a follow-up study, <strong>Journal</strong> American<br />

of child adolescent psychiatry, 1997, 36(2),<br />

263-271.<br />

(13) Question écrite n°15380 <strong>de</strong> M.Roger<br />

MADEC (Paris-SOC), la possibilité ouverte<br />

aux personnes <strong>de</strong> genre transsexuel <strong>de</strong> bénéficier<br />

d’un changement d’état civil, p.2995,<br />

JO Sénat du 30.12.2004.<br />

LIVRES<br />

FMC ■ 5<br />

L’erreur médicale<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong><br />

Sureau, Dominique Lecourt,<br />

Georges David<br />

Presses Universitaires <strong>de</strong> France,<br />

10 €<br />

Depuis 2005, le Centre Georges Canguilhem<br />

et l’Académie nationale <strong>de</strong><br />

mé<strong>de</strong>cine organisent <strong>de</strong>s séminaires<br />

communs dont le premier a été consacré<br />

à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la filiation. Le second<br />

séminaire organisé en janvier 2006,<br />

avait pour thème les « effets indésirables<br />

» induits par les soins médicaux<br />

et portait un titre volontairement provocateur<br />

: De l’infaillibilité médicale.<br />

Le choix <strong>de</strong> ce thème reflète l’une <strong>de</strong>s<br />

préoccupations <strong>de</strong> la pensée médicale,<br />

mais aussi sociétale et juridique,<br />

face à une mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> plus en plus<br />

performante avec <strong>de</strong>s risques croissants<br />

qu’il convient <strong>de</strong> maîtriser. Il<br />

s’agissait d’inaugurer un débat entre<br />

praticiens du milieu médical, juristes,<br />

philosophes, assureurs, sans oublier<br />

les patients <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s « usagers du<br />

système <strong>de</strong> santé ».<br />

Cet échange d’expériences montre<br />

une évolution : la prise en compte<br />

d’une nécessaire et réelle « prévention<br />

» se substitue à la notion <strong>de</strong> la<br />

seule « compensation » <strong>de</strong>s éventuels<br />

dommages liés à une intervention<br />

médicale. Cette recherche d’une action<br />

efficace <strong>de</strong> prévention suppose<br />

un changement <strong>de</strong> culture <strong>de</strong> la<br />

part <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s personnes du<br />

mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la santé. La décision <strong>de</strong><br />

publier ces débats relève <strong>de</strong> cette volonté<br />

<strong>de</strong> favoriser le développement<br />

<strong>de</strong> la culture qualité-sécurité, <strong>de</strong> promouvoir<br />

une solidarité renforcée<br />

concernant l’appartenance à un<br />

ensemble humain et technologique<br />

dont l’efficacité dépend, non seulement<br />

compétence individuelle, mais<br />

aussi <strong>de</strong> la conscience d’une co-responsabilité<br />

dans l’efficacité du système<br />

<strong>de</strong> distribution <strong>de</strong>s soins.<br />

Légendaire mélanésien<br />

précédé <strong>de</strong><br />

Mélanésie, invention<br />

plastique et imagination<br />

légendaire<br />

Micheline et Vincent Bounoure<br />

Avant-propos <strong>de</strong> Michel<br />

Lequenne<br />

L’Harmattan, 22,50 €<br />

Micheline et Vincent Bounoure ont<br />

été parmi les membres les plus actifs<br />

du groupe surréaliste <strong>de</strong> Paris, et après<br />

la mort <strong>de</strong> Breton, en 1966, les premiers<br />

à s’opposer aux tentatives <strong>de</strong><br />

liquidation du surréalisme. Pris <strong>de</strong> la<br />

même passion que Breton pour les<br />

arts océaniens et les civilisations sauvages,<br />

ils leur ont consacré quarante<br />

années <strong>de</strong> recherches et <strong>de</strong> travaux,<br />

dont témoignent, parmi d’autres publications,<br />

La Peinture américaine (Rencontre,<br />

1967), Vision d’Océanie (Dapper<br />

1992) et Le Surréalisme et les arts<br />

sauvages (L’Harmattan, 2001), que<br />

vient compléter cet ouvrage.<br />

Micheline et Vincent Bounoure, conjuguant<br />

leur savoir d’océanistes et leurs<br />

dons <strong>de</strong> poètes montrent comment<br />

« invention plastique et imagination<br />

légendaire » se font écho en Mélanésie,<br />

parce que l’une et l’autre témoignent<br />

du « plus grand effort immémorial<br />

pour rendre compte <strong>de</strong><br />

l’interpénétration du physique et du<br />

mental, pour triompher du dualisme<br />

<strong>de</strong> la perception et <strong>de</strong> la représentation,<br />

pour ne pas s’en tenir à l’écorce<br />

et remonter à la sève », selon la formule<br />

d’André Breton.


6<br />

LIVRES<br />

■ HOMMAGE<br />

Michel Foucault<br />

Savoir et pouvoir <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine<br />

Bernard Van<strong>de</strong>walle<br />

L’Harmattan, 14,50 €<br />

Foucault a voulu interroger les formes<br />

<strong>de</strong> problématisation qui sont celles<br />

<strong>de</strong> notre époque. L’hypothèse <strong>de</strong><br />

B. Van<strong>de</strong>walle est que la mé<strong>de</strong>cine<br />

constitue à la fois un modèle possible<br />

pour cette interrogation philosophique<br />

(dans la pratique du diagnostic) et le<br />

lieu majeur <strong>de</strong> cette interrogation, à<br />

mesure que la problématisation médicale<br />

est au cœur <strong>de</strong> nos sociétés<br />

hantées par les normes biopolitiques.<br />

On comprend ainsi que Foucault a,<br />

toute sa vie, fait porter sa réflexion<br />

sur la mé<strong>de</strong>cine et ses enjeux, explorant<br />

la dimension archéologique<br />

du savoir médical, la dimension généalogique<br />

du pouvoir que la mé<strong>de</strong>cine<br />

exerce et enfin sa capacité <strong>de</strong><br />

problématiser le sujet sous l’angle <strong>de</strong><br />

l’éthique.<br />

La <strong>de</strong>rnière rupture opérée par Foucault<br />

est méthodologique. Il a sans<br />

doute révolutionné la pratique philosophique<br />

en faisant porter l’analyse<br />

sur ce qu’il appelle archive, sur<br />

la sédimentation d’un discours où le<br />

plan d’un hôpital se révèle aussi important,<br />

et peut-être plus, qu’une référence<br />

philosophique traditionnelle,<br />

où la référence à Bichat ou à Pinel<br />

sera jugée plus opérante que celle<br />

qui ferait appel à Hegel ou à Kant.<br />

Foucault a concentré son attention<br />

sur l’archive grise <strong>de</strong>s hôpitaux et <strong>de</strong>s<br />

asiles, préférant la prose <strong>de</strong>s discours<br />

cliniques ou administratifs à la poésie<br />

philosophique <strong>de</strong> discours plus<br />

séduisants, mais aussi placés plus loin<br />

<strong>de</strong> leurs objets. L’archive <strong>de</strong> Foucault,<br />

ce seront aussi les voix anonymes issues<br />

<strong>de</strong> toutes ces vies minuscules<br />

interpellées par le pouvoir médical<br />

ou psychiatrique et amenées à avouer<br />

une certaine « vérité » sur soi.<br />

Wallon et Piaget<br />

Pour une Critique <strong>de</strong> la<br />

psychologie contemporaine<br />

Emile Jalley<br />

L’Harmattan, 41 €<br />

Wallon et Piaget sont, probablement,<br />

les <strong>de</strong>ux plus grands psychologues<br />

<strong>de</strong> la culture francophone et aussi<br />

européenne.<br />

Le point le plus intéressant <strong>de</strong> leur<br />

dialogue consiste dans l’étroite complémentarité<br />

<strong>de</strong> leurs <strong>de</strong>ux approches<br />

au plan <strong>de</strong>s applications pédagogiques<br />

: Wallon analyserait plutôt la<br />

composante « littéraire », et Piaget davantage<br />

la composante « scientifique »,<br />

d’où se forme le courant unique <strong>de</strong><br />

la pensée <strong>de</strong> l’enfant puis <strong>de</strong> l’adulte.<br />

Cet ouvrage représente pour l’auteur<br />

une étape dans la tentative d’une critique<br />

générale <strong>de</strong>s disciplines psychologiques,<br />

en particulier <strong>de</strong> la psychologie<br />

objective. S’il est facile <strong>de</strong><br />

critiquer la psychanalyse, il l’est moins<br />

<strong>de</strong> critiquer la psychologie scientifique,<br />

dont un examen attentif montre<br />

que la scientificité est à questionner.<br />

L’affaire du Livre noir <strong>de</strong> la psychanalyse,<br />

débutant en 2005, touche, au<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong> la question relativement limitée<br />

<strong>de</strong>s psychothérapies, à la<br />

confrontation entre la psychanalyse<br />

et l’ensemble <strong>de</strong>s sciences cognitivesneurosciences<br />

- dont la psychologie<br />

et la psychiatrie biologique -, et plus<br />

largement entre <strong>de</strong>ux conceptions <strong>de</strong><br />

la culture occi<strong>de</strong>ntale, l’une <strong>de</strong> type<br />

nord-américain, l’autre européenne.<br />

C’est ce que les péripéties laborieuses<br />

<strong>de</strong> la construction européenne risquent<br />

<strong>de</strong> montrer progressivement.<br />

Il est clair que le dialogue encore très<br />

actuel entre Wallon et Piaget est impliqué<br />

dans ce débat.<br />

<br />

Hommage à Jean Talairach<br />

Service <strong>de</strong> Neurologie <strong>de</strong> l’Hôpital<br />

d’instruction militaire du Val-<strong>de</strong>-Grâce.<br />

Jean Talairach accepta le poste, aux<br />

côtés d’autres Psychiatres <strong>de</strong> l’Hôpital<br />

Sainte-Anne qui s’orientaient, eux, vers<br />

la Neurologie : Henri Hecaen et Julian<br />

<strong>de</strong> Ajuriaguerra. Jean Talairach débutait<br />

donc une carrière <strong>de</strong> neurochirurgien<br />

tout en poursuivant son cursus <strong>de</strong> psychiatre<br />

: en 1944, il était Chef <strong>de</strong> Clinique<br />

<strong>de</strong>s Maladies Mentales et <strong>de</strong> l’Encéphale<br />

dans le Service du Professeur<br />

Jean Delay et neurochirurgien conventionné<br />

au Val-<strong>de</strong>-Grâce ; en 1945 il<br />

était Mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>s Hôpitaux Psychiatriques<br />

et en 1947 Neurochirurgien-<br />

Assistant à l’Hôpital Paul-Brousse <strong>de</strong><br />

Villejuif. C’est à cette pério<strong>de</strong> qu’il pratiqua<br />

sa première intervention stéréotaxique.<br />

A la mort <strong>de</strong> Pierre Puech en<br />

1950, Marcel David prit la succession<br />

<strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier à l’Hôpital Sainte-Anne<br />

avec toute son équipe. Jean Talairach<br />

<strong>de</strong>vint ainsi Neurochirurgien-Adjoint<br />

au Centre Neurochirurgical <strong>de</strong>s Hôpitaux<br />

Psychiatriques <strong>de</strong> la Seine en<br />

1950. Le Radiologue Hermann Fischgold<br />

rejoignit le groupe et développa à<br />

Sainte-Anne la Neuroradiologie à partir<br />

<strong>de</strong> 1951, tout en participant au<br />

développement <strong>de</strong> l’Electroencéphalographie<br />

en France. En 1952 un Neurologue<br />

<strong>de</strong> la Salpêtrière, Jean Bancaud,<br />

rejoignait l’équipe <strong>de</strong> Marcel David et<br />

allait jouer un rôle fondamental dans le<br />

développement <strong>de</strong> la chirurgie <strong>de</strong> l’épilepsie.<br />

Un arrêté préfectoral du 10 juillet 1958<br />

créa, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> Marcel David, la<br />

section <strong>de</strong> Stéréotaxie du Service <strong>de</strong><br />

Neurochirurgie. Cette section, qui comportait<br />

12 lits et une salle d’opération<br />

spécifique, fut confiée à Jean Talairach.<br />

Avec son collègue neurochirurgien<br />

du Val-<strong>de</strong>-Grâce Pierre Tournoux, un<br />

Neurochirurgien arrivé <strong>de</strong> Hongrie<br />

cette même année, Gabor Szikla, Jean<br />

Bancaud et Alain Bonis, Neurologue<br />

clinicien arrivé dans l’équipe en 1956,<br />

Talairach s’entourait d’hommes illustres<br />

qui apportèrent tous leur pierre à l’édifice<br />

<strong>de</strong> la Stéréotaxie <strong>de</strong> Sainte-Anne.<br />

En septembre 1958, la salle d’opération<br />

d’un genre nouveau, « réservée à la<br />

Neurochirurgie stéréotaxique et à l’exploration<br />

neurophysiologique du cerveau<br />

», fut construite dans le pavillon <strong>de</strong><br />

Chirurgie <strong>de</strong> l’Hôpital Sainte-Anne.<br />

Cette salle <strong>de</strong> dimensions importantes<br />

en largeur comme en hauteur pour y<br />

loger un appareillage <strong>de</strong> téléradiologie,<br />

fut surnommée « la chapelle ».<br />

En 1960, Marcel David quitta l’hôpital<br />

Sainte-Anne pour prendre la chaire <strong>de</strong><br />

Neurochirurgie <strong>de</strong> la Pitié. Son Service<br />

fut alors scindé en <strong>de</strong>ux : un service<br />

<strong>de</strong> 60 lits (Neurochirurgie A) qui sera<br />

dirigé par Gabriel Mazars et un second<br />

<strong>de</strong> 25 lits (Neurochirurgie B ou stéréotaxique)<br />

dirigé par Jean Talairach.<br />

La même année furent créés un service<br />

d’Anatomie Pathologique et une<br />

Unité <strong>de</strong> Neuroradiologie. En 1961,<br />

les principales activités du Service <strong>de</strong><br />

Neurochirurgie Stéréotaxique concernaient<br />

la Chirurgie <strong>de</strong> l’épilepsie, la<br />

Chirurgie stéréotaxique <strong>de</strong> la maladie<br />

<strong>de</strong> Parkinson, l’irradiation interstitielle<br />

<strong>de</strong>s tumeurs cérébrales et <strong>de</strong> l’hypophyse.<br />

Cette approche nouvelle en<br />

Neurochirurgie, et ces applications innovantes<br />

vont attirer <strong>de</strong> nombreux élèves<br />

français et étrangers au cours <strong>de</strong> cette<br />

pério<strong>de</strong>. Talairach fut nommé Professeur<br />

<strong>de</strong> Neurochirurgie en 1966.<br />

Sous l’impulsion <strong>de</strong>s Cliniciens et <strong>de</strong>s<br />

Chercheurs du Service <strong>de</strong> Neurochirurgie<br />

B, qui souhaitaient disposer d’un<br />

secteur <strong>de</strong> recherche afin <strong>de</strong> développer<br />

l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mécanismes fondamentaux<br />

<strong>de</strong> l’épilepsie, en parallèle aux<br />

recherches cliniques effectuées dans<br />

leur service, un nouveau bâtiment sera<br />

construit en 1970 aux côtés du pavillon<br />

<strong>de</strong> chirurgie. Ce bâtiment va abriter<br />

<strong>de</strong>ux unités <strong>de</strong> Recherche dont l’une,<br />

l’Unité INSERM U 97, créée le 1 er Jan-<br />

vier 1971 pour « l’exploration fonctionnelle<br />

stéréotaxique et thérapeutique chirurgicale<br />

<strong>de</strong>s épilepsies », sera sous la<br />

direction <strong>de</strong> Jean Talairach. Les travaux<br />

<strong>de</strong> l’Unité U 97 porteront sur l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

modèles animaux d’épilepsie partielle,<br />

<strong>de</strong> différents neuromédiateurs et <strong>de</strong><br />

leurs récepteurs, <strong>de</strong> potentiels évoqués<br />

cognitifs chez l’homme, ... Les équipes<br />

<strong>de</strong> chercheurs et cliniciens se succé<strong>de</strong>ront<br />

aux côtés <strong>de</strong> Talairach jusqu’à son<br />

départ à la retraite en 1980.<br />

Sa retraite en octobre 1980 fut célébrée<br />

à l’Abbaye <strong>de</strong> Royaumont à l’occasion<br />

du Congrès Européen <strong>de</strong> Stéréotaxie<br />

présidé par Gabor Szikla. Mais il ne<br />

quittait pas tout à fait Sainte-Anne.<br />

Dans le bureau qu’il conservait il continuait<br />

à travailler à ses futurs atlas, qui<br />

parurent en 1988 et 1993. Dans son<br />

ancien Service, l’activité <strong>de</strong> Stéréotaxie<br />

continuait sous la direction <strong>de</strong> Gabor<br />

Szikla, entouré <strong>de</strong> Claudio Munari et<br />

d’Antonino Musolino. A la retraite <strong>de</strong><br />

Gabriel Mazars en 1983, les <strong>de</strong>ux Services<br />

<strong>de</strong> Sainte-Anne, séparés <strong>de</strong>puis<br />

1960, fusionnèrent pour ne former à<br />

nouveau qu’un Service, sous la direction<br />

<strong>de</strong> Jean-Paul Chodkiewicz. Au<br />

décès <strong>de</strong> Gabor Szkila, en octobre<br />

1983, Louis Merienne rejoignait le<br />

groupe <strong>de</strong>s Stéréotacticiens du Service<br />

pour s’occuper plus spécifiquement<br />

<strong>de</strong> la radiochirurgie par accélérateur<br />

linéaire, poursuivant et développant<br />

avec l’équipe <strong>de</strong> Radiothérapie <strong>de</strong> l’Hôpital<br />

Tenon le travail pionnier d’Osvaldo<br />

Betti à Sainte-Anne puis à l’Institut<br />

Antartida <strong>de</strong> Buenos Aires. Une<br />

équipe nouvelle succéda à l’ancienne,<br />

pour permettre à la Stéréotaxie et à la<br />

Chirurgie <strong>de</strong>s épilepsies partielles <strong>de</strong><br />

poursuivre leur route à l’hôpital Sainte-<br />

Anne.<br />

Les débuts <strong>de</strong> la<br />

stéréotaxie ...<br />

En 1942, aux origines <strong>de</strong> la carrière<br />

neurochirurgicale <strong>de</strong> Jean Talairach, il<br />

n’était pas encore question <strong>de</strong> Stéréotaxie.<br />

En 1946, le Physiologiste Genevois<br />

A. Monnier exprimait <strong>de</strong>vant la<br />

Société <strong>de</strong> Neurologie <strong>de</strong> Paris le souhait<br />

que « les laborieuses expériences <strong>de</strong><br />

localisation <strong>de</strong>s fonctions nerveuses <strong>de</strong>s<br />

centres sous-corticaux chez l’animal trouvent<br />

un jour une application pratique et<br />

que l’électro<strong>de</strong> du physiologiste remplace,<br />

dans un avenir prochain, le bistouri<br />

du neurochirurgien ». Voeu prémonitoire.<br />

La Stéréotaxie française naquit à<br />

l’issue d’une conférence du Professeur<br />

Jean Lhermitte à l’Hôpital Paul-Brousse<br />

sur le «Thalamus, filtre sélectif <strong>de</strong> la<br />

douleur », en novembre 1947. De la<br />

discussion qui suivit la conférence, entre<br />

Jean Lhermitte, Henri Hecaen et Julian<br />

<strong>de</strong> Ajuriaguerra, il fut proposé à l’Assistant<br />

du Dr Marcel David, Jean Talairach,<br />

<strong>de</strong> fabriquer un instrument (un<br />

« bidule » selon les propres termes<br />

d’Ajuriaguerra) capable <strong>de</strong> permettre,<br />

chez l’homme, une exploration physiologique<br />

du thalamus. Poussé par le<br />

sentiment <strong>de</strong> fausse précision <strong>de</strong>s interventions<br />

<strong>de</strong> Neurochirurgie fonctionnelle<br />

réalisées alors, Jean Talairach se<br />

mit à l’oeuvre. Pour atteindre <strong>de</strong> façon<br />

certaine et en toute sécurité le thalamus,<br />

il lui fallait mettre au point une<br />

métho<strong>de</strong> qui répondait à trois problèmes<br />

: instrumental, radiologique et<br />

anatomique. La stéréotaxie humaine<br />

était née, du moins en Europe, car Jean<br />

Talairach ignorait qu’à la même époque<br />

- et pour être exact quelques mois<br />

avant lui - Spiegel et Wycis avaient réalisé<br />

à Phila<strong>de</strong>lphie, en octobre 1947,<br />

la première intervention stéréotaxique<br />

chez l’homme, une thalamotomie dorsomédiane<br />

pour une psychose suivie<br />

d’une thalamotomie para-commissurale<br />

pour un petit mal épileptique.<br />

La première intervention chirurgicale<br />

stéréotaxique eut lieu le 7 décembre<br />

1948, à l’hôpital Paul Brousse. Entou-<br />

ré <strong>de</strong> son patron, Marcel David, d’Henri<br />

Hecaen, <strong>de</strong> Julian <strong>de</strong> Ajuriaguerra et<br />

<strong>de</strong> Monnier, Jean Talairach réalisait à<br />

l’ai<strong>de</strong> d’un appareillage stéréotaxique,<br />

une électrocoagulation <strong>de</strong>s noyaux thalamiques<br />

ventropostéro-médian (noyau<br />

semi-lunaire <strong>de</strong> Flechsig) et noyau centromédian<br />

chez un patient <strong>de</strong> 72 ans<br />

atteint d’algies faciales sévères post-zostériennes.<br />

Les suites ne furent marquées<br />

que par une hypoesthésie transitoire<br />

<strong>de</strong> l’hémiface et les douleurs<br />

disparurent ... pendant 6 mois.<br />

Les travaux<br />

anatomiques<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1940, les travaux<br />

<strong>de</strong> Neurophysiologie s’intéressaient<br />

essentiellement aux formations grises<br />

souscorticales. 1949 et 1950 furent<br />

dévolues au repérage <strong>de</strong>s noyaux gris<br />

centraux par l’iodo-ventriculographie. Il<br />

fallait trouver une solution satisfaisante<br />

aux trois problèmes posés par la Stéréotaxie<br />

: instrumental, radiologique et<br />

anatomique. Le problème instrumental<br />

était celui d’une fixation rigi<strong>de</strong>, immobile<br />

et reproductible <strong>de</strong> la tête du mala<strong>de</strong>,<br />

adaptable à toutes les formes et<br />

tailles <strong>de</strong> crâne, et celui d’une instrumentation<br />

capable d’atteindre n’importe<br />

quel point <strong>de</strong> l’encéphale. Avec<br />

Jean Sabaton, technicien <strong>de</strong> génie, Jean<br />

Talairach conçut et fit fabriquer par la<br />

Maison Alexandre son premier cadre<br />

stéréotaxique (1947). Le problème<br />

radiologique était celui d’une définition<br />

d’une structure cérébrale dans les<br />

trois plans <strong>de</strong> l’espace sans déformation<br />

par les moyens radiologiques disponibles<br />

; la téléradiographie orthogonale<br />

<strong>de</strong> face et <strong>de</strong> profil, le centrage<br />

reproductible <strong>de</strong>s tubes à rayons X<br />

réglaient ce problème et permettaient<br />

<strong>de</strong> faire la preuve <strong>de</strong> l’exactitu<strong>de</strong> du<br />

repérage. Le problème anatomique,<br />

enfin, était à la fois le plus difficile à<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

résoudre et à la fois le plus intéressant.<br />

L’absence <strong>de</strong> rapport constant entre<br />

les structures osseuses et les noyaux<br />

gris centraux et l’absence <strong>de</strong> proportionnalité<br />

entre les dimensions du cerveau<br />

et celles <strong>de</strong>s noyaux imposait une<br />

i<strong>de</strong>ntification directe <strong>de</strong> structures cérébrales.<br />

Le ventricule était alors la seule<br />

structure visible par les examens radiologiques<br />

à contraste iodé ou aérique. La<br />

netteté <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux commissures - commissure<br />

blanche antérieure Ca et postérieure<br />

Cp - qui bor<strong>de</strong>nt le 3 ème ventricule<br />

sur les ventriculographies iodées,<br />

leur position sur la ligne médiane et<br />

leurs rapports avec les formations grises<br />

diencéphaliques en faisaient <strong>de</strong>ux excellents<br />

repères radiologiques. La ligne<br />

qui les unit - ligne <strong>de</strong> base Ca-Cp <strong>de</strong>venait<br />

ainsi un plan d’orientation général<br />

<strong>de</strong>s structures. La ligne bicommissurale<br />

Ca-Cp a été publiée en 1952<br />

(Presse Médicale, 1952, 28, 605-609).<br />

L’année 1952 marqua aussi le début<br />

<strong>de</strong>s explorations neurophysiologiques<br />

dans l’épilepsie.<br />

Sous l’impulsion <strong>de</strong> la Neurophysiologiste<br />

Mme Dell, chercheur à l’INSERM,<br />

Talairach explora en même temps les<br />

noyaux gris centraux et le cortex et<br />

abandonna la corticographie superficielle,<br />

comme la pratiquait Penfield à<br />

Montréal, pour s’intéresser au cortex<br />

enfoui accessible au moyen d’électro<strong>de</strong>s<br />

profon<strong>de</strong>s. A cette même époque, il<br />

commençait ses travaux anatomiques<br />

sur les cerveaux <strong>de</strong> cadavres (ceux-ci<br />

étaient amenés en salle d’opération la<br />

nuit pour y être radiographiés avant<br />

d’être coupés en tranches au laboratoire<br />

!) et corrélait ses observations avec<br />

celles <strong>de</strong>s repérages radiologiques pratiqués<br />

chez les patients épileptiques.<br />

Ces travaux furent consacrés par la<br />

publication du premier Atlas, l’Atlas<br />

d’Anatomie Stéréotaxique, publié chez<br />

Masson en 1957. Cet Atlas concernait<br />

le repérage <strong>de</strong>s noyaux gris centraux en<br />

fonction <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong> base Ca-Cp.<br />

Cette même année Ruggiero, Neuroradiologue,<br />

publiait un livre sur l’Encéphalographie<br />

Fractionnée. Celle-ci fit<br />

Résultats <strong>de</strong> la 1 ère enquête nationale<br />

sur la prise en charge <strong>de</strong> la douleur chez les<br />

patients psychotiques<br />

L’Institut UPSA <strong>de</strong> la Douleur a annoncé le 7 décembre 2006 les résultats<br />

<strong>de</strong> la 1ère enquête nationale sur la prise en charge <strong>de</strong> la douleur chez les patients<br />

psychotiques dans les Centres Hospitaliers <strong>de</strong> psychiatrie. Cette enquête<br />

a été présentée dans le cadre <strong>de</strong> la 1ère Journée Nationale « Douleur et<br />

santé mentale » organisée par Djéa Saravane et Yvan Halimi.<br />

Méthodologie <strong>de</strong> l’enquête<br />

Le questionnaire a été envoyé à 811 chefs <strong>de</strong> service <strong>de</strong> psychiatrie <strong>de</strong>s<br />

Centres Hospitaliers (CH) et <strong>de</strong>s Centres Hospitaliers Spécialisés en psychiatrie<br />

(CHS) ainsi qu’à 203 chefs <strong>de</strong> service <strong>de</strong> pharmacie <strong>de</strong>s CHS.<br />

L’ensemble <strong>de</strong>s 11 questions posées évoquait l’opinion <strong>de</strong>s répon<strong>de</strong>urs sur<br />

la qualité <strong>de</strong> la prise en charge <strong>de</strong> la maladie mentale et <strong>de</strong>s troubles somatiques<br />

associés, sur la formation et sur les pratiques d’évaluation et <strong>de</strong> traitement<br />

<strong>de</strong> la douleur.<br />

Le taux <strong>de</strong> réponse a été <strong>de</strong> 17,8% traduisant l’intérêt <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong><br />

santé interrogés.<br />

Les résultats<br />

• Seulement 30% <strong>de</strong>s patients psychotiques sont suivis régulièrement par un<br />

mé<strong>de</strong>cin traitant.<br />

• 70% <strong>de</strong>s CHS n’ont pas <strong>de</strong> centre <strong>de</strong> lutte contre la douleur.<br />

• 75% <strong>de</strong>s chefs <strong>de</strong> service estiment que leurs équipes ne sont pas formées<br />

à la prise en charge <strong>de</strong> la douleur.<br />

• 68% <strong>de</strong>s psychiatres formés à la douleur n’utilisent pas l’Echelle Visuelle<br />

Analogique.<br />

• 55% <strong>de</strong>s pharmaciens sont tout à fait favorables à l’utilisation <strong>de</strong>s opioï<strong>de</strong>s<br />

forts à visée antalgique contre 23% <strong>de</strong>s psychiatres.<br />

Les alarmes<br />

• 7 patients psychotiques sur 10 ne sont pas suivis par un mé<strong>de</strong>cin traitant.<br />

Leur espérance <strong>de</strong> vie est diminuée <strong>de</strong> 9 à 12 ans par rapport à la population<br />

générale. Cette surmortalité importante est liée à <strong>de</strong>s pathologies organiques<br />

non détectées et non prises en charge, telles que les pathologies cardiovasculaires,<br />

le diabète, les pathologies infectieuses, le cancer.<br />

• Les patients psychotiques sont <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s qui souffrent comme les autres<br />

et cette douleur a une inci<strong>de</strong>nce importante sur le vécu <strong>de</strong> leur maladie. Mais<br />

l’évaluation <strong>de</strong> leur douleur est une problématique récente. Les patients psychotiques<br />

n’ont pas la même expression <strong>de</strong> la douleur que les autres.<br />

• Les psychiatres et les soignants ne sont pas toujours conscients <strong>de</strong> la nécessité<br />

<strong>de</strong> prendre en charge les douleurs somatiques chez ces patients et se<br />

sentent démunis : ils sont peu ou pas formés et manquent d’outils adaptés<br />

à l’évaluation <strong>de</strong> la douleur et au suivi du patient psychotique. ■<br />

F.C.


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Séminaire Déviance et Santé Mentale<br />

Centre <strong>de</strong> Recherche Psychotropes, Santé Mentale, Société<br />

(CNRS -INSERM Université Paris 5)<br />

faire un pas en avant à la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

repérage stéréotaxique du cortex cérébral.<br />

En effet, les travaux d’anatomie<br />

stéréotaxique <strong>de</strong> Jean Talairach ne pouvaient<br />

se limiter aux formations souscorticales.<br />

Jean Talairach avait une vue<br />

d’ensemble du cerveau et recherchait<br />

un système <strong>de</strong> repérage « universel »<br />

<strong>de</strong>s structures cérébrales, une ligne <strong>de</strong><br />

base « globale » valable à la fois pour les<br />

noyaux gris et pour les structures corticales.<br />

En outre, l’expérience acquise<br />

dans les enregistrements stéréo-électro-encéphalographiques<br />

(SEEG) <strong>de</strong>s<br />

mala<strong>de</strong>s épileptiques imposait <strong>de</strong> réduire<br />

les corrélations anatomo-électrocliniques<br />

à un système <strong>de</strong> référence commun.<br />

Dans un livre édité chez Masson<br />

en 1958, L’exploration chiurgicale stéréotaxique<br />

du lobe temporal dans l’épilepsie<br />

temporale, Talairach décrivit une<br />

ligne <strong>de</strong> base temporale passant par le<br />

plancher <strong>de</strong> la corne du ventricule latéral.<br />

Mais cette ligne <strong>de</strong> base n’était<br />

valable que pour le lobe temporal et fut<br />

vite abandonnée. En fait, les travaux<br />

anatomiques sur le télencéphale et le<br />

<strong>de</strong>ssin d’épures opératoires pour les<br />

cortectomies ayant montré la validité <strong>de</strong><br />

la ligne <strong>de</strong> base Ca-Cp, Talairach la<br />

compléta par le tracé <strong>de</strong> lignes perpendiculaires<br />

Vca et Vcp, puis d’un<br />

quadrillage tridimensionnel du cerveau,<br />

proportionnel aux dimensions propres<br />

<strong>de</strong> chaque individu. Le but était atteint.<br />

Il s’est matérialisé par le second Atlas<br />

paru en 1967, sur l’anatomie stéréotaxique<br />

du télencéphale, toujours édité<br />

chez Masson.<br />

Les applications<br />

cliniques <strong>de</strong> la<br />

stéréotaxie<br />

Pour une sociologie <strong>de</strong>s troubles du comportement<br />

chez l’enfant et l’adolescent<br />

Philippe Le Moigne, Michel Kokoreff<br />

Jeudi 25 janvier 2007 : Dominique Youf, CNFE - PJJ, L’idiome <strong>de</strong> la responsabilité<br />

: ses attendus et ses implications pour la justice <strong>de</strong>s mineurs.<br />

Jeudi 22 février 2007 : Cyrille Canetti, Psychiatre à la prison <strong>de</strong> Fleury-Mérogis,<br />

La psychopathie : du diagnostic psychiatrique à la réalité pénitentiaire.<br />

Jeudi 29 mars 2007 : Philippe Le Moigne, Sociologue, Cesames, Mineurs multirécidivistes<br />

: une sociologie <strong>de</strong> la relation judiciaire.<br />

Jeudi 26 avril 2007 : Christian Laval, Sociologue - Orspere, Le secteur socioéducatif<br />

face à la question clinique.<br />

Jeudi 31 mai 2007 : Richard Rechtman, Psychiatre, Anthropologue, La psychopathologie<br />

comme traumatologie : les jeunes sont-ils « mala<strong>de</strong>s » <strong>de</strong>s<br />

circonstances ? »<br />

Jeudi 28 juin 2007, Michel Kokoreff, Sociologue, Cesames, La nouvelle donne<br />

<strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> prévention : entre ordre gestionnaire et idéologie sécuritaire.<br />

Neurochirurgie <strong>de</strong> l’épilepsie<br />

C’est certainement dans le domaine<br />

<strong>de</strong> l’épilepsie que Talairach consacra,<br />

aux côtés <strong>de</strong> son Collègue neurologue<br />

Jean Bancaud, la majorité <strong>de</strong> ses travaux.<br />

Dès l’arrivée <strong>de</strong> celui-ci en 1952<br />

commence l’ère <strong>de</strong>s enregistrements<br />

intracérébraux chez les patients épileptiques.<br />

Les premiers enregistrements<br />

opératoires furent réalisés par Mme M.<br />

B Dell et Jean Bancaud, dans le thalamus<br />

et diverses régions corticales dans<br />

<strong>de</strong>s épilepsies frontales.<br />

En 1953, Henri Hecaen rentre d’un<br />

séjour d’un an à Montréal où il a observé<br />

Wil<strong>de</strong>r Penfield et Herbert Jasper<br />

réaliser <strong>de</strong>s enregistrements électrocorticographiques<br />

cérébraux au cours<br />

d’interventions pour épilepsie rebelle.<br />

Cette approche neurophysiologique,<br />

clinique et opératoire inspire Jean Bancaud<br />

qui réfléchit alors à une métho<strong>de</strong><br />

capable d’explorer les structures cérébrales<br />

au cours <strong>de</strong>s crises d’épilepsie.<br />

Il observe Jean Talairach mettre au<br />

point sa métho<strong>de</strong> stéréotaxique. La<br />

convergence <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux hommes et<br />

<strong>de</strong> leurs travaux prenait corps. Malgré<br />

les critiques et les railleries <strong>de</strong> bien <strong>de</strong><br />

leurs contemporains, Marcel David crut<br />

au projet et fit construire en 1958 dans<br />

son Service la Salle d’opération dédiée<br />

à la neurochirurgie stéréotaxique. Cette<br />

salle <strong>de</strong>vait permettre le repérage neuroradiologique<br />

stéréotaxique fondé sur<br />

un équipement <strong>de</strong> téléradiologie mobile<br />

et les explorations neurophysiologiques<br />

cérébrales.<br />

Le mariage entre l’anatomie cérébrale<br />

- observée par la métho<strong>de</strong> stéréotaxique<br />

- et la neurophysiologie cérébrale<br />

- révélée par la clinique et l’électroencéphalographie<br />

- donna naissance<br />

à la Stéréo Electro-EncéphaloGraphie<br />

(ou SEEG, qui ne prendra ce nom<br />

qu’en 1962). La première implantation<br />

intracérébrale d’électro<strong>de</strong>s pour<br />

explorer l’activité <strong>de</strong> différentes structures<br />

cérébrales simultanément avec<br />

celle du scalp et enregistrer les crises<br />

chez un patient épileptique aura lieu<br />

le 3 mai 1957. Les électro<strong>de</strong>s étaient<br />

fabriquées à Sainte-Anne par Sabaton,<br />

rigi<strong>de</strong>s, stérilisables, à plusieurs contacts.<br />

La SEEG fit faire un immense bond en<br />

avant dans la compréhension <strong>de</strong>s<br />

mécanismes spatiaux et temporels qui<br />

sous-ten<strong>de</strong>nt les crises d’épilepsie, chez<br />

un patient donné comme d’une façon<br />

générale. L’anatomie stéréotaxique<br />

décrite par Jean Talairach fournissait<br />

un corps à l’interprétation dynamique<br />

<strong>de</strong>s crises d’épilepsie et un fon<strong>de</strong>ment<br />

à la démarche corrélative entre la<br />

sémiologie, l’anatomie et la neurophysiologie<br />

indispensable à la chirurgie <strong>de</strong><br />

résection dans l’épilepsie rebelle. La<br />

première intervention <strong>de</strong> ce type, qui<br />

sera appelée plus tard « cortectomie »<br />

eut lieu en janvier 1960. Avant cette<br />

date et <strong>de</strong>puis 1957, les interventions<br />

stéréotaxiques pour épilepsie partielle<br />

rebelle étaient une <strong>de</strong>struction sélective<br />

ammonienne et amygdalienne par<br />

implantation <strong>de</strong> grains d’Yttrium radioactif.<br />

Le rapport présenté <strong>de</strong>vant la Société<br />

<strong>de</strong> Neurochirurgie <strong>de</strong> Langue Française<br />

en 1974 « Approche nouvelle <strong>de</strong> la<br />

neurochirurgie <strong>de</strong> l’épilepsie » résumait<br />

14 années <strong>de</strong> collaboration, celle d’une<br />

équipe qui entourait Jean Talairach et<br />

Jean Bancaud : A. Bonis, S. Geier, G.<br />

Szkila, E. Bordas-Ferrer, C. Schaub, P.<br />

Tournoux, P. Buser, S. Trottier, P. Chauvel,<br />

J.M. Scarabin, C. Munari, pour ne<br />

citer qu’eux. Leurs travaux donnaient à<br />

la chirurgie <strong>de</strong> l’épilepsie ses lettres <strong>de</strong><br />

noblesse. Cette méthodologie <strong>de</strong>s corrélations<br />

anatorno-électro-cliniques possédait<br />

l’originalité d’abor<strong>de</strong>r les mécanismes<br />

d’une crise d’épilepsie <strong>de</strong> façon<br />

structurée, anatomique, spatiale et temporelle,<br />

le tout dirigé dans une perspective<br />

opératoire.<br />

<br />

LIVRES ET REVUES<br />

La sociologie <strong>de</strong> Max Weber<br />

Catherine Colliot-Thélène<br />

La Découverte<br />

Max Weber<br />

Sociologie <strong>de</strong>s religions<br />

Textes réunis, traduits et<br />

présentés par Jean-Pierre<br />

Grossein<br />

Tel Gallimard<br />

Le premier livre fournit <strong>de</strong>s éléments<br />

d’information relatifs à la formation<br />

scientifique et à la carrière <strong>de</strong> Weber,<br />

ainsi qu’un aperçu général <strong>de</strong>s différentes<br />

parties <strong>de</strong> son œuvre.<br />

Les <strong>de</strong>uxième et troisième chapitres<br />

traitent <strong>de</strong> ce que l’on appelle communément<br />

la « méthodologie » wébérienne.<br />

On distinguera son épistémologie,<br />

c’est-à-dire sa conception <strong>de</strong><br />

la nature <strong>de</strong> la connaissance en sociologie<br />

et en histoire, ainsi que <strong>de</strong>s<br />

relations entre les différentes sciences<br />

humaines et sociales, et sa « méthodologie<br />

», entendue au sens strict <strong>de</strong><br />

la systématisation <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong><br />

l’argumentation.<br />

La sociologie wébérienne conjugue<br />

le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’historien et les exigences<br />

<strong>de</strong> la théorie, tandis que le troisième<br />

chapitre explicite ce qu’est la<br />

sociologie « compréhensive », et les<br />

rapports qu’elle entretient avec la psychologie<br />

et la théorie juridique. Sous<br />

le titre « Rationalités », le quatrième<br />

chapitre évoque les ambiguïtés <strong>de</strong>s<br />

notions <strong>de</strong> <strong>de</strong> « rationnel, rationalité,<br />

rationalisation ». A l’encontre <strong>de</strong>s interprétations<br />

qui font <strong>de</strong> la rationalisation<br />

le maître mot <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong><br />

Weber, et sans nier l’importance centrale<br />

que possè<strong>de</strong> ce thème dans l’ensemble<br />

<strong>de</strong> son œuvre, l’auteur le considère<br />

moins comme une solution que<br />

comme un problème, c’est-à-dire<br />

comme le point <strong>de</strong> con<strong>de</strong>nsation d’une<br />

ambivalence qui traverse toutes les<br />

dimensions <strong>de</strong> ses analyses. Le <strong>de</strong>rnier<br />

chapitre recentre le programme<br />

<strong>de</strong> connaissance <strong>de</strong> Weber autour <strong>de</strong>s<br />

notions <strong>de</strong> « conduite <strong>de</strong> vie » et <strong>de</strong><br />

« puissances sociales », à la lumière <strong>de</strong>squelles<br />

se laisse reconstituer la cohérence<br />

entre ses positions épistémologiques<br />

et ses analyses concrètes.<br />

Jean-Pierre Grossein a rassemblé dix<br />

textes écrits par Max Weber, entre<br />

1910 et 1920, qui donnent une vue<br />

générale <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments théoriques<br />

<strong>de</strong> sa sociologie <strong>de</strong>s religions. On sait<br />

les difficultés d’accès à une œuvre inachevée,<br />

en remaniement, difficultés<br />

aggravées pour le lecteur français par<br />

le caractère lacunaire et l’incertitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s traductions. La réunion <strong>de</strong> ces<br />

textes <strong>de</strong> synthèse, empruntés pour<br />

l’essentiel aux <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s entreprises<br />

qu’a mené Weber au cours <strong>de</strong>s<br />

années 1910 - le travail d’élaboration<br />

<strong>de</strong>s catégories sociologiques d’Economie<br />

et société et les étu<strong>de</strong>s comparatives<br />

sur L’Ethique économique <strong>de</strong>s<br />

religions mondiales -, a été conçue<br />

pour faciliter l’entrée dans une <strong>de</strong>s<br />

pensées-source <strong>de</strong> la philosophie et<br />

<strong>de</strong>s sciences sociales contemporaines.<br />

Traduits par Jean-Pierre Grossein, présentés<br />

dans l’ordre chronologique, ils<br />

permettent <strong>de</strong> se faire une idée précise<br />

du développement <strong>de</strong> la réflexion<br />

wébérienne dans le sillage <strong>de</strong> L’Ethique<br />

protestante et l’esprit du capitalisme et<br />

<strong>de</strong> prendre la mesure <strong>de</strong> sa portée<br />

systématique.<br />

Le recul <strong>de</strong> la mort<br />

L’avènement <strong>de</strong> l’individu<br />

contemporain<br />

Paul Yonnet<br />

Gallimard, 25 €<br />

Le passage à une mortalité infantile<br />

faible est incompatible, à terme, avec<br />

le maintien d’une fécondité élevée, ce<br />

qui vali<strong>de</strong> le postulat <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong><br />

la Transition démographique dont le<br />

déclenchement est historiquement tardif.<br />

Quand la transition démographique<br />

apparaît, c’est le plus souvent après<br />

la scolarisation massive <strong>de</strong>s filles, voire<br />

leur accès à <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s longues, et<br />

après un décollage économique rapi<strong>de</strong>,<br />

ou du moins en accompagnement<br />

<strong>de</strong> celui-ci. Ce ne fut pas le cas<br />

en France, aux débuts <strong>de</strong> la révolution<br />

démographique. En France, la<br />

baisse <strong>de</strong> la fécondité est précédée<br />

d’une baisse <strong>de</strong> la mortalité infantile<br />

et aux âges jeunes.<br />

Mais l’explication paraît insuffisante<br />

pour expliquer le déclenchement d’un<br />

ouragan contraceptif à partir <strong>de</strong> 1790<br />

qui n’est pas dû à <strong>de</strong>s causes économiques.<br />

Mélange <strong>de</strong> déchristianisation<br />

et d’excès dans la volonté <strong>de</strong> pouvoir<br />

<strong>de</strong> l’Eglise, voies trouvées pour<br />

s’opposer à la tentative <strong>de</strong> contrôle<br />

social sexuel par l’institution ecclésiale,<br />

résistance au pessimisme d’inspiration<br />

janséniste, mais aussi tonalité<br />

d’une Contre-Réforme visant le<br />

contrôle strict <strong>de</strong> la libido, conséquence<br />

<strong>de</strong> l’extraordinaire floraison <strong>de</strong> la foi<br />

catholique.<br />

Au-<strong>de</strong>là, et en prolongement, on peut<br />

tenter <strong>de</strong> comprendre l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

élites urbaines, qui sont les précurseurs<br />

et les vecteurs <strong>de</strong> la baisse <strong>de</strong><br />

la fécondité, au point d’adopter <strong>de</strong>s<br />

comportements <strong>de</strong> limitation <strong>de</strong> leur<br />

propre <strong>de</strong>scendance anticipant <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux siècles ceux <strong>de</strong> la population<br />

française. L’état <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> classes<br />

en France ouvre la fenêtre <strong>de</strong> la contraception<br />

dans une élite dissuadée du<br />

pouvoir politique par l’absolutisme.<br />

La restriction <strong>de</strong>s naissances est bien<br />

alors la conséquence d’une personnalisation<br />

<strong>de</strong> l’enfant, lui-même envers<br />

d’une dépersonnalisation <strong>de</strong> l’avenir<br />

collectif, proprement politique, dans<br />

les élites écartées <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> sérieux.<br />

Il y a donc trois facteurs : la<br />

baisse <strong>de</strong> la mortalité infantile et infanto-juvénile<br />

; la Contre-Réforme ;<br />

l’absolutisme. Mais la Révolution agrège<br />

le phénomène et, le diffusant, le fait<br />

changer d’échelle. Quand bien même<br />

ce ne serait pas la baisse <strong>de</strong> la mortalité<br />

infantile qui aurait déclenché la<br />

baisse <strong>de</strong> la fécondité , mais l’inverse :<br />

la baisse <strong>de</strong> la fécondité retentit sur<br />

la mortalité infantile. Les conséquences<br />

psychologiques sur la femme et sur<br />

l’enfant ont été les mêmes : peu à peu,<br />

libération <strong>de</strong> l’angoisse <strong>de</strong> la mort ;<br />

apparition <strong>de</strong> l’enfant du désir ; d’un<br />

être singulier, prémédité et irremplaçable,<br />

conçu pour lui-même et non<br />

pour être un élément parmi d’autres ;<br />

libération <strong>de</strong> la femme <strong>de</strong>s astreintes<br />

<strong>de</strong> la reproduction <strong>de</strong> l’espèce ; et libération<br />

pour la société.<br />

Ecrits allemands - I<br />

Fichte<br />

Ecrits allemands - Il<br />

Philosophie du droit<br />

Philosophie sociale et<br />

phénoménologie<br />

Georges Gurvitch<br />

Textes traduits et édités par<br />

Christian Papilloud et Cécile Rol<br />

L’Harmattan, 31 € chaque volume<br />

De Georges Gurvitch (1894-1965), on<br />

retient son parcours académique en<br />

France, où il a été professeur à la Sorbonne.<br />

On a salué son engagement<br />

lorsqu’il fallut reconstruire la sociologie<br />

durkheimienne après la Deuxième<br />

Guerre mondiale. On connaît enfin<br />

son rôle dans la mise en place <strong>de</strong>s<br />

premières unités du Centre National<br />

<strong>de</strong> la Recherche Scientifïque. Sa revue<br />

les Cahiers Internationaux <strong>de</strong> Sociologie<br />

paraît aujourd’hui encore.<br />

En revanche, on ignore souvent les<br />

influences qui ont guidé sa vie intellectuelle<br />

et imprégné I’œuvre <strong>de</strong> celui<br />

qu’on nommera le « pape <strong>de</strong> la sociologie<br />

française » après-guerre.<br />

Sur la base d’un matériel bio-bibliographique<br />

inédit, les éditeurs éclairent<br />

le détour <strong>de</strong> Gurvitch par l’Allemagne<br />

en publiant le premier <strong>de</strong>s trois volumes<br />

<strong>de</strong> ses écrits allemands consacré<br />

à son travail méconnu sur Fichte.<br />

Après un article préparatoire paru au<br />

HOMMAGE ■ 7<br />

début <strong>de</strong>s années 1920, Gurvitch y<br />

revient en détail à l’occasion <strong>de</strong> sa<br />

thèse <strong>de</strong> doctorat, traduite en français<br />

pour la première fois dans ce recueil.<br />

Il la défend à Berlin, où il pensait faire<br />

carrière. Au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong>s révolutions<br />

russes et alleman<strong>de</strong>s, et après la Gran<strong>de</strong><br />

Guerre, la prise en compte <strong>de</strong> la doctrine<br />

morale <strong>de</strong> Fichte lui semble alors<br />

inéluctable pour que les sciences sociales<br />

retrouvent leurs marques.<br />

Convaincu, Gurvitch revient longuement<br />

sur Fichte, lui consacrant une<br />

notice dans l’Encyclopédie <strong>de</strong>s Sciences<br />

Sociales d’Alvin Johnson et d’Edwin<br />

Seligman, ou publiant la recension<br />

d’un livre <strong>de</strong> Marcel Guéroult sur Fichte,<br />

<strong>de</strong>ux contributions reprises dans le<br />

premier volume.<br />

Le <strong>de</strong>uxième volume contient une<br />

contribution sur le philosophe du droit<br />

Otto von Gierke, sur Proudhon, sur le<br />

philosophe autrichien du droit Anton<br />

Menger et, enfin, sur Gustav Radbruch.<br />

Hormis ce <strong>de</strong>rnier, ces articles paraissent<br />

pour la première fois en français.<br />

Les contributions que Gurvitch consacre<br />

à la philosophie sociale et à la phénoménologie<br />

portent sur Edmund Husserl,<br />

Emil Lask et Nikolaï Hartmann,<br />

<strong>de</strong>ux articles préparant les Tendances<br />

actuelles <strong>de</strong> la philosophie alleman<strong>de</strong>.<br />

Suivent une recension commune du<br />

Fichte <strong>de</strong> Xavier Léon et du Hegel <strong>de</strong><br />

Jean Wahl, inédite en français, ainsi<br />

qu’un article sur la philosophie sociale<br />

<strong>de</strong> Karl Krause. L’ouvrage se termine<br />

par un article critique portant sur la<br />

théorie <strong>de</strong> la valeur du philosophe<br />

néo-kantien Heinrich Rickert.<br />

Ces textes révèlent la permanence <strong>de</strong>s<br />

thématiques fichtéennes et, plus généralement,<br />

<strong>de</strong> la tradition alleman<strong>de</strong><br />

dans les travaux <strong>de</strong> Gurvitch. Ils attestent<br />

<strong>de</strong> son effort pour établir une<br />

synthèse critique <strong>de</strong>s traditions philosophiques,<br />

au profit d’une science<br />

<strong>de</strong> la morale pratique dont il cherchait<br />

les sources européennes. Gurvitch a<br />

trouvé en France la patrie d’adoption<br />

<strong>de</strong> son projet, mais aussi une terre <strong>de</strong><br />

débats féroces que l’exacerbation <strong>de</strong>s<br />

nationalismes en Europe ne manquera<br />

pas d’aiguiser. Marginale, sa présence<br />

à l’intérieur du champ socio-philosophique<br />

franco-allemand invite néanmoins<br />

à certaines redéfinitions. En témoigne<br />

en fin d’ouvrage une collection<br />

<strong>de</strong> matériaux bio-bibliographiques<br />

inédits.<br />

Art et psychanalyse<br />

Savoirs et clinique n°7, Erès, 28 €<br />

Le titre <strong>de</strong> ce numéro reprend celui<br />

du sixième colloque <strong>de</strong> l’ALEPH, qui<br />

s’est tenu les 11 et 12 décembre 2004<br />

au musée <strong>de</strong>s Beaux-Arts <strong>de</strong> Tourcoing.<br />

Dans son éditorial Franz Kaltenbeck<br />

relève que : « La psychanalyse<br />

ne s’applique pas à l’art mais au symptôme<br />

clinique qui est l’expression d’une<br />

satisfaction sauvage et douloureuse <strong>de</strong><br />

la pulsion. Dans l’art se créent <strong>de</strong>s œuvres<br />

qui sont, elles aussi, <strong>de</strong>s symptômes, puisqu’il<br />

faut les déchiffrer. Mais ces symptômes<br />

éveillent nos désirs en proposant<br />

<strong>de</strong>s images et <strong>de</strong>s langages nouveaux<br />

à notre sensibilité. Ils nous donnent ainsi<br />

<strong>de</strong>s aperçus sur les régions les plus opaques<br />

<strong>de</strong> notre propre jouissance ».<br />

<strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> l’adulte<br />

Formations médicales et<br />

paramédicales<br />

Pierre André<br />

4 ème édition révisée et augmentée<br />

Heures <strong>de</strong> France, 27 €<br />

Cet ouvrage pédagogique est <strong>de</strong>stiné<br />

à la formation <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins et <strong>de</strong>s<br />

paramédicaux. Sont abordées les diverses<br />

pathologies mais sont également<br />

traitées : la relation <strong>de</strong> soin, le<br />

projet thérapeutique ; les psychothérapies<br />

; les principales situations d’urgence<br />

; les médicaments psychotropes ;<br />

la législation et l’organisation <strong>de</strong>s soins<br />

en psychiatrie. On trouve en fin d’ouvrage<br />

un lexique <strong>de</strong>s termes <strong>de</strong> psychiatrie,<br />

psychologie et mé<strong>de</strong>cine.


8<br />

LIVRES<br />

■ HOMMAGE<br />

Les sens et l’intelligence<br />

Traité <strong>de</strong> psychologie 1<br />

Alexan<strong>de</strong>r Bain<br />

Avec une préface <strong>de</strong> Serge<br />

Nicolas et une étu<strong>de</strong> critique <strong>de</strong><br />

John Stuart Mill<br />

L’Harmattan, 48 €<br />

Il s’agit, en fac simile, <strong>de</strong> la traduction<br />

<strong>de</strong> l’ouvrage <strong>de</strong> Bain : Les sens et l’intelligence<br />

(1855). La reproduction <strong>de</strong><br />

l’ouvrage est précédée d’une introduction<br />

sur la vie et l’œuvre <strong>de</strong> Bain<br />

accompagnée d’une présentation critique<br />

donnée par John Stuart Mill en<br />

1859 sur la psychologie <strong>de</strong> Bain.<br />

Fondateur <strong>de</strong> la psychologie scientifique<br />

anglaise, l’influence d’Alexan<strong>de</strong>r<br />

Bain (1818-1903) sur ses contemporains<br />

a été incontestable. L’ouvrage<br />

qui le fit connaître, Les sens et l’intelligence<br />

(1855), constitue le premier<br />

livre <strong>de</strong> son grand traité <strong>de</strong> psychologie<br />

considéré comme un <strong>de</strong>s premiers<br />

manifestes <strong>de</strong> la nouvelle psychologie<br />

anglaise du XIX e siècle qui<br />

eut tant d’influence sur la psychologie<br />

française et la psychologie alleman<strong>de</strong><br />

naissantes. La psychologie <strong>de</strong><br />

Bain est une psychologie associationniste<br />

qui prend sa source dans<br />

les écrits <strong>de</strong> Hume, Hartley, James<br />

Mill et James Stuart Mill. Si l’on compare<br />

les travaux <strong>de</strong> Bain avec ceux<br />

<strong>de</strong> ses prédécesseurs immédiats, on<br />

perçoit que <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s différences<br />

existent. Le style est plus scientifique,<br />

il n’est pas celui d’un orateur dont le<br />

discours est embelli <strong>de</strong> longues citations<br />

poétiques. La métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> Bain<br />

est scientifique et non pas introspective<br />

et spéculative. Les nouveautés<br />

que l’on peut percevoir dans<br />

l’œuvre <strong>de</strong> Bain sont, d’abord, son<br />

insistance sur la valeur <strong>de</strong> la physiologie<br />

pour la psychologie ; ensuite sa<br />

foi en l’application <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s<br />

quantitatives en psychologie même<br />

s’il n’a jamais expérimenté lui-même.<br />

Bain est connu pour être le fondateur,<br />

en 1876, <strong>de</strong> la fameuse revue<br />

philosophique Mind.<br />

Vocabulaire <strong>de</strong><br />

psychosociologie<br />

Références et positions<br />

Sous la direction <strong>de</strong><br />

Jacqueline Barus-Michel<br />

Eugène Enriquez<br />

André Lévy<br />

Erès, 23 €<br />

Cette nouvelle édition qui a réduit<br />

son format et son prix <strong>de</strong> manière significative,<br />

est un ouvrage <strong>de</strong> référence<br />

sur la psychosociologie :<br />

repères conceptuels et méthodologiques,<br />

auteurs précurseurs et fondateurs<br />

<strong>de</strong> la discipline.<br />

Les articles ont été rédigés par les<br />

chefs <strong>de</strong> file <strong>de</strong> la psychosociologie<br />

qui ont contribué à diffuser l’influence<br />

<strong>de</strong> la discipline dans divers domaines<br />

(sciences <strong>de</strong> l’éducation, formation,<br />

pédagogie, enquête sociale et économique<br />

- travaux sur l’opinion publique,<br />

étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> marché ou <strong>de</strong> motivation<br />

- compréhension, analyse et<br />

traitement <strong>de</strong>s situations sociales, en<br />

psychothérapie ou dans le travail social<br />

en général) et ont renouvelé les<br />

perspectives concernant les groupes<br />

et les relations <strong>de</strong> groupe, les structures<br />

d’organisation, les processus <strong>de</strong><br />

changement, le traitement <strong>de</strong>s conflits<br />

sociaux et leurs inci<strong>de</strong>nces sur les<br />

personnes.<br />

Pour chaque notion, son ou ses rapporteurs<br />

ont indiqué le contexte<br />

d’émergence, explicité les significations,<br />

esquissé une analyse critique<br />

et montré leur intérêt sur le plan <strong>de</strong><br />

la théorie et <strong>de</strong> la pratique psychosociologique.<br />

Irradiation interstitielle <strong>de</strong>s<br />

tumeurs cérébrales<br />

A la suite <strong>de</strong>s travaux pionniers d’Ajuriaguerra<br />

en 1954 sur l’implantation<br />

cérébrale <strong>de</strong> grains d’or radioactif,<br />

Gabor Szkila s’est intéressé très tôt à<br />

cette technique d’irradiation focale. Son<br />

mémoire d’Assistant Etranger en 1958<br />

portait sur les « Effets histologiques tardifs<br />

<strong>de</strong> l’implantation <strong>de</strong> l’Au198 dans le<br />

cerveau humain ». Les premières irradiations<br />

interstitielles en conditions stéréotaxiques<br />

ont été réalisées dès 1953,<br />

<strong>de</strong>stinées au traitement <strong>de</strong> tumeurs<br />

jugées inopérables. L’émission y <strong>de</strong> l’or<br />

radioactif (Au 198 ) permettait certes une<br />

importante irradiation in situ, la dosimétrie<br />

était rudimentaire et les résultats<br />

furent dans l’ensemble décevants et<br />

<strong>de</strong>s lésions <strong>de</strong> radionécrose étendues<br />

furent observées à moyen et long<br />

terme. L’utilisation <strong>de</strong>s émetteurs radioactifs<br />

β comme I’Yttrium ou le Rhenium<br />

s’avéra beaucoup plus sûre et<br />

plus fiable : la pénétration tissulaire <strong>de</strong><br />

ces produits était beaucoup plus réduite,<br />

leur <strong>de</strong>mi-vie beaucoup plus courte,<br />

ils réalisaient <strong>de</strong>s lésions <strong>de</strong> nécrose à<br />

l’emportepièce <strong>de</strong> petit diamètre. Ils<br />

furent donc choisis pour les <strong>de</strong>structions<br />

focales <strong>de</strong> la chirurgie fonctionnelle<br />

: l’Yttrium 90 fut utilisé pour le<br />

traitement <strong>de</strong> la maladie <strong>de</strong> Parkinson :<br />

Débutée en 1954, cette métho<strong>de</strong> fut<br />

utilisée jusqu’au milieu <strong>de</strong>s années<br />

1980.<br />

Dès 1973, Gabor Szkila s’intéressa à<br />

l’irradiation interstitielle <strong>de</strong>s tumeurs<br />

cérébrales en combinant la méthodologie<br />

stéréotaxique <strong>de</strong> Talairach à une<br />

irradiation calculée et rationalisée. Ses<br />

travaux trouvaient leur couronnement<br />

lors du Congrès européen <strong>de</strong> Stéréotaxie<br />

à l’Abbaye <strong>de</strong> Royaumont en<br />

1979. Mais l’expérience clinique en<br />

matière <strong>de</strong> tumeurs cérébrales fut plus<br />

mo<strong>de</strong>ste que les travaux expérimentaux<br />

: l’irradiation interstitielle était réservée<br />

à <strong>de</strong>s tumeurs hémisphériques<br />

malignes jugées inopérables, et <strong>de</strong>s<br />

tumeurs du 3 ème ventricule (pinéalomes,<br />

crâniopharyngiomes).<br />

Biopsies stéréotaxiques <strong>de</strong>s<br />

tumeurs cérébrales<br />

Si la méthodologie stéréotaxique permettait<br />

<strong>de</strong> prélever <strong>de</strong>s fragments tissulaires<br />

avec un haut <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> fiabilité<br />

et <strong>de</strong> sécurité, même dans <strong>de</strong>s localisations<br />

hautement fonctionnelles, dans<br />

un but purement diagnostique, Talairach<br />

lui préférait son versant thérapeutique,<br />

irradiations interstitielle ou<br />

endocavitaire par exemple. C’est l’arrivée<br />

<strong>de</strong> Catherine Daumas-Duport en<br />

1972 qui marquera le début d’une<br />

nouvelle approche <strong>de</strong>s tumeurs cérébrales<br />

par l’étu<strong>de</strong> conjointe <strong>de</strong> la clinique,<br />

<strong>de</strong>s documents radiologiques<br />

disponibles et <strong>de</strong>s prélèvements multiples<br />

et orientés <strong>de</strong>s différentes composantes<br />

tumorales. La méthodologie<br />

stéréotaxique permit l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur<br />

configuration spatiale, <strong>de</strong> corrélations<br />

entre l’Histologie et l’Imagerie, à la base<br />

<strong>de</strong> nouvelles classifications <strong>de</strong>s tumeurs<br />

cérébrales, <strong>de</strong> choix thérapeutiques<br />

individuels et <strong>de</strong> données pronostiques<br />

fondées sur <strong>de</strong>s groupes homogènes<br />

<strong>de</strong> lésions.<br />

Chirurgie stéréotaxique<br />

hypophysaire<br />

Avec le but <strong>de</strong> détruire une tumeur<br />

hypophysaire sans en réaliser l’exérèse<br />

par une voie chirurgicale lour<strong>de</strong>, la première<br />

intervention stéréotaxique sur<br />

l’hypophyse eut lieu en 1954, à l’ai<strong>de</strong><br />

d’un appareillage stéréotaxique adapté<br />

au cadre. En 1964, un appareil indépendant<br />

et dédié à la chirurgie hypophysaire<br />

fut construit par la Maison<br />

Alexandre. La <strong>de</strong>struction hypophysaire<br />

était réalisée par l’implantation<br />

sous contrôle radiographique d’isotopes<br />

émetteurs y (Iridium 192 et Or 198),<br />

qui créaient une radionécrose <strong>de</strong> tissus<br />

tumoraux (adénomes, craniopha-<br />

ryngiomes) ou du parenchyme hypophysaire<br />

pour le traitement <strong>de</strong> syndromes<br />

<strong>de</strong> Cushing, <strong>de</strong> rétinopathies<br />

diabétiques, d’exophtalmie maligne, ou<br />

<strong>de</strong> cancers hormonodépendants polymétastasés.<br />

Cette activité fut coordonnée,<br />

jusqu’au début <strong>de</strong>s années 1980,<br />

par Clau<strong>de</strong> Schaub, neuroendocrinologue<br />

<strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> Jean Talairach.<br />

Chirurgie <strong>de</strong> la douleur<br />

A la suite <strong>de</strong>s travaux expérimentaux<br />

<strong>de</strong> Mme M. B Dell sur le thalamus,<br />

Talairach pratiqua <strong>de</strong>s coagulations<br />

sélectives <strong>de</strong> noyaux thalamiques (VPL<br />

ou VPM selon la topographie douloureuse)<br />

pour le traitement <strong>de</strong>s douleurs<br />

du syndrome thalamique. Les effets<br />

observés étaient en général transitoires.<br />

Plus efficaces furent les <strong>de</strong>structions<br />

stéréotaxiques <strong>de</strong>s fibres thalamo-pariétales,<br />

qui permettaient une suppression<br />

<strong>de</strong>s douleurs ou une amélioration<br />

notable à long terme chez plus <strong>de</strong> 50%<br />

<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s.<br />

Psychochirurgie<br />

De formation initialement psychiatrique,<br />

Jean Talairach a décrit avec ses<br />

Maîtres Jean Delay, puis Henri Hecaen<br />

et Marcel David diverses manifestations<br />

psychiatriques rencontrées dans<br />

<strong>de</strong>s pathologies organiques. Dans le<br />

grand Hôpital psychiatrique parisien, il<br />

était logique qu’il s’intéressa à la Chirurgie<br />

<strong>de</strong>s désordres psychiques. Reprenant<br />

la technique <strong>de</strong> Freeman et Watts,<br />

il réalisa dans son Service, entre 1946<br />

et 1949, 137 lobotomies préfrontales.<br />

Recherchant une technique plus sélective<br />

et moins délabrante que la lobotomie,<br />

il pratiqua <strong>de</strong>s <strong>de</strong>structions<br />

stéréotaxiques sélectives : thermocoagulations<br />

fasciculaires dans le centre<br />

semi-ovale ou thalamotomies du noyau<br />

ventral antérieur. Les <strong>de</strong>rnières lobotomies<br />

pratiquées à Sainte-Anne furent<br />

antérieures à 1980.<br />

Neurochirurgie <strong>de</strong>s mouvements<br />

anormaux<br />

Dès 1947 Talairach s’intéressa au traitement<br />

<strong>de</strong>s dyskinésies par une intervention<br />

corticale portant sur les aires 4,<br />

6 et 8. En 1950 il réalisa sa première<br />

intervention stéréotaxique pour le traitement<br />

<strong>de</strong>s mouvements anormaux :<br />

une thermocoagulation <strong>de</strong>s tractus<br />

putamino-caudés, <strong>de</strong> l’anse lenticulaire<br />

et du globus pallidus chez une patient<br />

éveillée atteinte d’un hémiballisme. il<br />

démontrait alors que seule une intervention<br />

sur les fibres pallidofuges entraînait<br />

une cessation <strong>de</strong>s mouvements<br />

anormaux.. A partir <strong>de</strong> 1952, il commença<br />

à traiter <strong>de</strong>s syndromes parkinsoniens<br />

par diverses techniques stéréotaxiques<br />

- électrolyse, thermocoagulation<br />

ou irradiation à l’Or 198<br />

puis à I’Yttrium 90 - et dans divers<br />

cibles : anse lenticulaire, globus pallidus,<br />

noyau ventral latéral du thalamus,<br />

sous l’influence <strong>de</strong>s travaux d’Hassler.<br />

Laissant ultérieurement à Gérard Guiot<br />

et à son équipe <strong>de</strong> l’hôpital Foch la primauté<br />

<strong>de</strong> la chirurgie <strong>de</strong>s mouvements<br />

anormaux pour s’intéresser essentiellement<br />

à l’épilepsie, la technique qu’il<br />

mit au point et qui resta pratiquée à<br />

Sainte-Anne jusqu’à la fin <strong>de</strong>s années<br />

1980 était l’implantation par voie frontale<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux grains d’Yttrium 90, l’un<br />

dans le Globus Pallidus interne et l’autre<br />

dans la partie postérieure du noyau<br />

Ventral Latéral du thalamus (correspondant<br />

aux noyaux Vop et Vim).<br />

Les productions<br />

scientifiques<br />

Son premier article date <strong>de</strong> 1949 et<br />

s’intitule « Recherches sur la coagulation<br />

thérapeutique <strong>de</strong>s structures sous-corticales<br />

chez l’homme » (Revue Neurologique,<br />

1949, 81, 1,1-24). Auparavant, il avait<br />

<strong>de</strong>puis sa thèse en 1940 participé à la<br />

rédaction <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 10 articles sur <strong>de</strong>s<br />

sujets <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> (comprenant les<br />

manifestations psychiques rencontrées<br />

dans les tumeurs cérébrales et à l’issue<br />

d’interventions neurochirurgicales). En<br />

1949 il présentait, <strong>de</strong>vant l’audience<br />

du IVè Congrès Neurologique International,<br />

une communication sur le<br />

sujet « Lobotomie préfrontale limitée par<br />

électrocoagulation <strong>de</strong>s fibres thalamofrontales<br />

à leur émergence du bras antérieur<br />

<strong>de</strong> la capsule interne ».<br />

Il écrira ensuite, jusqu’à sa retraite, près<br />

<strong>de</strong> 50 articles originaux - en plus <strong>de</strong><br />

ceux dont il est co-auteur, dont une<br />

quarantaine avec Jean Bancaud -, 3<br />

Atlas <strong>de</strong> stéréotaxie (Atlas d’Anatomie<br />

Stéréotaxigue, 1957 ; Atlas &Anatomie<br />

Stéréotaxique du Télencéphale, 1967 ; et<br />

celui écrit avec Gabor Szkila, Angiography<br />

of the Human Brain Cortex,<br />

1977), 3 livres et plus <strong>de</strong> 10 chapitres<br />

<strong>de</strong> livres, 2 rapports <strong>de</strong>vant la Société<br />

<strong>de</strong> Neurochirurgie, sans compter les<br />

communications scientifiques ni les<br />

articles didactiques. Il écrira et publiera<br />

bien après sa retraite ses <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers<br />

Atlas (Co-planar Stereotactic Atlas of the<br />

Human Brain, Thieme, 1988 et Referentially<br />

Oriented Cérébral MRI Anatomy,<br />

Thieme, 1993). Son œuvre inclut<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s domaines d’application<br />

<strong>de</strong> la neurochirurgie fonctionnelle, lui<br />

conférant une surprenante mo<strong>de</strong>rnité.<br />

La Neurochirurgie stéréotaxique est<br />

bien la mère <strong>de</strong> la chirurgie à invasion<br />

minimale guidée par l’imagerie que l’on<br />

connaît aujourd’hui.<br />

L’Ecole <strong>de</strong> stéréotaxie<br />

son rayonnement<br />

Jean Talairach aura formé <strong>de</strong>s élèves<br />

illustres français et étrangers. Bien <strong>de</strong>s<br />

neurochirurgiens <strong>de</strong> son époque viendront,<br />

par curiosité ou par souci <strong>de</strong> formation<br />

à une méthodologie aussi rigoureuse<br />

que séduisante et innovante, se<br />

former à son contact. En France, ses<br />

élèves neurochirurgiens stéréotacticiens<br />

se nomment Robert Sedan, Alim-Louis<br />

Benabid, François Cohadon, JeanMarie<br />

Scarabin, Serge Blond, Youenn Lajat,<br />

Daniel Legars, Jean-Clau<strong>de</strong> Peragut,<br />

sans oublier Geier et Micheletti. A<br />

l’étranger, Patrick Kelly (USA), Mark<br />

Rayport (USA), Claudio Munari (Italie),<br />

Antonino Musolino (Italie), B.<br />

Mempel (Pologne), M. Bordas-Ferrer<br />

(Paraguay), Osvaldo Betti (Argentine),<br />

L. Covello (Italie), T. Hori (Japon), Takeda<br />

(Japon), Robert Rand (USA), Vladimir<br />

Petrov (Russie), Antonio Delgado-<br />

Escueta (USA), Signorelli (Italie),<br />

Bernouilly (Suisse), Serrano (Chili), Prosalentis<br />

(Grèce), Guy Bouvier (Canada),<br />

Manrique (Espagne), Cinca (Roumanie),<br />

Valençak (Autriche), Zervas<br />

(USA), Waltregny (Belgique) et bien<br />

d’autres figurent parmi ses élèves.<br />

L’histoire <strong>de</strong> Jean Talairach est celle<br />

d’un Homme passionné, en quête perpétuelle<br />

d’une compréhension <strong>de</strong>s phé-<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

nomènes pour mieux les contrôler. Elle<br />

est celle d’un Maître qui s’est entouré<br />

d’une équipe sans cesse renouvelée <strong>de</strong><br />

Cliniciens et <strong>de</strong> Chercheurs français et<br />

étrangers qui ont eux aussi par leur travail<br />

acquis un renom et contribué à<br />

celui <strong>de</strong> l’équipe. Elle est celle d’un lieu,<br />

le Centre Hospitalier Sainte-Anne,<br />

<strong>de</strong>venu par la personnalité du Maître<br />

une Ecole <strong>de</strong> Neurochirurgie Stéréotaxique<br />

et Fonctionnelle reconnue au<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong>s frontières. Elle est une leçon <strong>de</strong><br />

volonté, <strong>de</strong> ténacité, d’une démarche<br />

innovante et visionnaire. Convaincre<br />

que la neurochirurgie passait par une<br />

vision spatiale organisée <strong>de</strong> l’anatomie<br />

cérébrale ? Gageure à l’époque, évi<strong>de</strong>nce<br />

indiscutée aujourd’hui. L’idée<br />

valut à son auteur critiques et incrédulité<br />

<strong>de</strong> ses contemporains. Qu’importe.<br />

L’œuvre est là pour témoigner.<br />

Suivre la route d’un pionnier <strong>de</strong> génie<br />

n’est pas simple, mais lorsque sa création<br />

atteint son plein accomplissement,<br />

modèle <strong>de</strong> simplicité et <strong>de</strong> logique, elle<br />

<strong>de</strong>vient accessible à tous, modulable,<br />

évolutive, en <strong>de</strong>ux mots actuelle et<br />

vivante. Mémoire d’une utopie fécon<strong>de</strong>,<br />

mélange d’imaginaire et du réel qui<br />

s’y bâtit. ■<br />

Bertrand Devaux et<br />

François-Xavier Roux*<br />

*Hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris<br />

Ce texte a été publié dans le Bulletin <strong>de</strong> la Société<br />

<strong>de</strong> Neurochirurgie <strong>de</strong> Langue Française<br />

<strong>de</strong> décembre 2003 et dans le Bulletin <strong>de</strong> l’Association<br />

du Musée et du Centre Historique<br />

Sainte-Anne, numéro <strong>de</strong> novembre-décembre<br />

2006.<br />

6ème Journée AFPSYMED<br />

L’élève bouc émissaire, sa place dans l’école<br />

23 mars 2007, CH Sainte-Anne, Paris<br />

Traitement du trouble <strong>de</strong><br />

la personnalité bor<strong>de</strong>rline<br />

F. Mehzan<br />

Masson<br />

F. Mehzan, psychologue clinicienne<br />

attachée à l’Hôpital Sainte-Anne,<br />

présente diverses approches thérapeutiques<br />

proposées dans le trouble<br />

<strong>de</strong> la personnalité bor<strong>de</strong>rline. Elle<br />

insiste surtout sur l’urtilisation <strong>de</strong>s<br />

théories cognitives et comportementales,<br />

qu’elles soient individuelles<br />

ou <strong>de</strong> groupe, dont <strong>de</strong> nombreuses<br />

variantes peuvent s’adapter au trouble<br />

bor<strong>de</strong>rline. Elle décrit, en particulier,<br />

<strong>de</strong>s techniques récentes, comme la<br />

thérapie cognitive émotionnelle, et<br />

plai<strong>de</strong> pour l’usage d’une approche<br />

intégrative, la thérapie <strong>de</strong>s schémas,<br />

conçue par Jeffrey Young à New<br />

York, pour ai<strong>de</strong>r ces patients souvent<br />

très difficiles à prendre en charge.<br />

Un ouvrage complet pour un lecteur<br />

peu familier avec les développements<br />

récents <strong>de</strong>s TCC.<br />

Ch. Spadone<br />

L’élève « bouc émissaire » est fréquemment décrit dans l’école, quelque soient<br />

l’âge et le type d’enseignement. Il fait très régulièrement l’objet d’attaques <strong>de</strong><br />

ses camara<strong>de</strong>s <strong>de</strong> classe et est repéré par l’institution. Cette place conduit cet<br />

élève à exprimer sa souffrance par <strong>de</strong>s symptômes comportementaux et/ou<br />

psychiques. Il trouve régulièrement appui auprès <strong>de</strong> l’infirmerie <strong>de</strong> l’établissement.<br />

L’aveu <strong>de</strong> cette position par l’élève est rare, par méconnaissance ou<br />

par peur. La qualité <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> l’institution scolaire aura une place<br />

déterminante pour ai<strong>de</strong>r ce jeune. La solution ne peut qu’associer une approche<br />

individuelle et collective pour la gestion du groupe classe.<br />

Les conséquences <strong>de</strong> ce positionnement peuvent être redoutables, <strong>de</strong> l’échec<br />

scolaire au trouble somatique et psychique conduisant à une tentative d’échappement<br />

scolaire. Plus troublants, les essais <strong>de</strong> rescolarisation montrent parfois<br />

un positonnement à l’i<strong>de</strong>ntique <strong>de</strong> ce jeune, posant alors le problème<br />

<strong>de</strong> son organisation psychopathologique singulière.<br />

Cette 6 ème journée d’AFPSYMED (associant <strong>de</strong>s psychiatres et <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />

<strong>de</strong> l’éducation nationale) proposera une réflexion sur ce thème en associant<br />

<strong>de</strong>s regards croisés, psychopathologiques et sociologiques. L’approche psychologique<br />

individuelle croisera la dimension institutionnelle sur l’école pour<br />

une élaboration conjointe et indissociable <strong>de</strong> ces enjeux.<br />

Renseignements : Mme Sylvie Lecuyer, Secteur 15 <strong>de</strong> Paris - CMP Tiphaine, 23 rue<br />

Tiphaine, 75015 Paris. Tél. 01 45 75 03 50 - Fax 01 45 79 20 40.<br />

E-mail : s.lecuyer@ch-sainte-anne.fr


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

sociaux et <strong>de</strong>s valeurs, le poids <strong>de</strong> l’individualisme,<br />

les profonds changements<br />

qui en résultent, font que l’être humain<br />

manque <strong>de</strong> repères et <strong>de</strong> racines, vit<br />

parfois une profon<strong>de</strong> dévalorisation,<br />

une augmentation du sentiment d’insécurité<br />

et une confrontation à une<br />

perte <strong>de</strong> sens qui est au cœur <strong>de</strong> la<br />

dépression.<br />

Le suici<strong>de</strong> s’inscrit essentiellement dans<br />

ce contexte <strong>de</strong> dépression. On déplore<br />

ainsi entre 11 000 et 12 000 suici<strong>de</strong>s<br />

par an. Chez les personnes âgées,<br />

80% au moins <strong>de</strong>s gestes suicidaires<br />

surviennent ainsi dans un contexte<br />

dépressif et l’on sait le drame du suici<strong>de</strong><br />

chez les jeunes.<br />

L’angoisse est partout aujourd’hui. Il y<br />

a une explosion <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> « psy »<br />

et l’on attend une réponse dans l’urgence.<br />

La consommation <strong>de</strong> psychotropes<br />

est très importante. En 2004, la<br />

Sécurité sociale a payé 315 millions<br />

d’antalgiques et 122 millions d’hypnotiques<br />

et <strong>de</strong> tranquillisants. Encore que<br />

prescription ne veuille pas dire consommation.<br />

Est-ce à dire que les Français<br />

ont mal, sont mal et/ou qu’ils vont<br />

mal ?<br />

Par ailleurs, il est certain que les changements<br />

<strong>de</strong> repères structurants pour<br />

l’être humain se reflètent encore au<br />

niveau <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> la personnalité<br />

avec augmentation <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> type<br />

bor<strong>de</strong>rline, diagnostic fréquemment<br />

retenu aujourd’hui.<br />

Enfin, il convient <strong>de</strong> mentionner un<br />

autre changement : la place du mala<strong>de</strong><br />

par rapport à sa maladie.<br />

Autrefois très passif et sommé <strong>de</strong> suivre<br />

ce qui lui était imposé, il est <strong>de</strong>venu<br />

un partenaire et, si possible, l’acteur <strong>de</strong><br />

son traitement. La nécessité <strong>de</strong> l’information<br />

est aujourd’hui un truisme et<br />

il faut aller plus loin dans l’implication<br />

du patient.<br />

Les troubles <strong>de</strong>s adolescents, <strong>de</strong>s<br />

révélateurs <strong>de</strong> notre société<br />

Pour Philippe Jeammet, l’adolescent<br />

est particulièrement intéressant car il<br />

est, à la fois, révélateur <strong>de</strong> ce qu’il a<br />

reçu pendant son enfance, en particulier<br />

<strong>de</strong> ses parents et <strong>de</strong> ses éducateurs,<br />

et <strong>de</strong> ce dont il hérite sur le plan génétique.<br />

Avec la puberté, et l’adolescence<br />

proprement dite, il va <strong>de</strong>voir prendre<br />

une distance par rapport à son enfance<br />

et ses parents, ce qui va l’obliger à<br />

prendre la mesure <strong>de</strong> ses ressources<br />

personnelles internes. Cette remise en<br />

cause <strong>de</strong> l’adolescent met en évi<strong>de</strong>nce<br />

ses insécurités. L’adolescent nous<br />

apprend que plus on est en insécurité,<br />

plus on est vulnérable et plus on a<br />

besoin <strong>de</strong> recevoir une ai<strong>de</strong> extérieure,<br />

mais plus ce besoin est aussi ressenti<br />

comme une menace pour l’autonomie.<br />

Les plus vulnérables d’entre eux, en<br />

quête d’un apport extérieur, vont, <strong>de</strong> ce<br />

fait, être très environnement-dépendants<br />

et susceptibles <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir le<br />

miroir <strong>de</strong>s courants <strong>de</strong> pensée et <strong>de</strong><br />

comportements qui parcourent le<br />

mon<strong>de</strong> adulte.<br />

Les adolescents les plus dépendants<br />

sont les plus sensibles à la déception<br />

et seront tentés d’y répondre par <strong>de</strong>s<br />

comportements d’opposition. En s’opposant,<br />

ils ont le sentiment d’exister.<br />

Ils se protègent <strong>de</strong> l’angoisse d’abandon<br />

et, en même temps, se rassurent<br />

sur leur capacité à sauvegar<strong>de</strong>r leur différence<br />

et à ne pas se soumettre aux<br />

adultes. Malheureusement, si leurs<br />

capacités d’opposition l’emportent sur<br />

le besoin <strong>de</strong> recevoir et <strong>de</strong> se nourrir <strong>de</strong><br />

ce qui serait nécessaire à leur développement,<br />

un cercle vicieux risque <strong>de</strong><br />

s’installer et <strong>de</strong> les amener à s’opposer<br />

d’autant plus aux adultes qu’ils en<br />

<strong>de</strong>viennent, en fait, plus dépendants.<br />

Derrière ces comportements se cache<br />

la peur <strong>de</strong> ne pas être à la hauteur, <strong>de</strong><br />

ne plus être eux-mêmes, <strong>de</strong> perdre la<br />

maîtrise <strong>de</strong> la situation, voir parfois leur<br />

i<strong>de</strong>ntité. Le refus et la <strong>de</strong>structivité leur<br />

donnent, à bon compte, le sentiment<br />

<strong>de</strong> re<strong>de</strong>venir actifs et peuvent les rassurer,<br />

mais en les enfermant dans <strong>de</strong>s<br />

Société en mutation, santé<br />

mentale en crise<br />

comportements qui, sans être tous<br />

pathologiques, sont en revanche pathogènes<br />

dans la mesure où ils ne sont<br />

pas tant choisis que dictés par la peur<br />

et qu’ils les privent <strong>de</strong> la nourriture et<br />

<strong>de</strong>s apports qui leur seraient nécessaires<br />

pour s’épanouir. Au fond, la<br />

pathologie, c’est l’enfermement dans<br />

ces conduites d’attaque et <strong>de</strong> sabotage<br />

<strong>de</strong> nos potentialités.<br />

La solution <strong>de</strong> la <strong>de</strong>structivité est en<br />

quelque sorte la créativité du pauvre,<br />

c’est-à-dire <strong>de</strong> celui qui se sent impuissant<br />

et dépassé. Elle est d’autant plus<br />

tentante que le plaisir comme la réussite<br />

sont aléatoires, nous font dépendre<br />

<strong>de</strong>s autres et ne durent jamais. L’échec<br />

et la <strong>de</strong>struction sont toujours accessibles,<br />

à portée <strong>de</strong> main, ne dépen<strong>de</strong>nt<br />

que <strong>de</strong> soi et peuvent être sans fin<br />

quand on commence à les mettre en<br />

oeuvre. Ce n’est pas un plaisir, ce n’est<br />

pas un choix, mais on comprend que<br />

cela puisse <strong>de</strong>venir une tentation pour<br />

<strong>de</strong>s sujets à la dérive et en quête <strong>de</strong><br />

se sentir exister et d’avoir un effet sur<br />

les autres.<br />

Les comportements pathogènes chez<br />

les adolescents et les jeunes adultes<br />

sont un exemple du mo<strong>de</strong> d’expression<br />

du mal-être, un reflet <strong>de</strong> notre<br />

évolution sociale. Les troubles dépressifs<br />

et les violences gratuites sont en<br />

effet révélateurs <strong>de</strong>s maux <strong>de</strong> notre<br />

société. Une société qui refuse les<br />

limites, rejette les normes et les<br />

contraintes, une société qui remet continuellement<br />

tout en cause engendre<br />

nécessairement <strong>de</strong>s êtres n’ayant plus<br />

<strong>de</strong> repères, n’acceptant aucun cadre et<br />

pouvant <strong>de</strong>venir violents, envers les<br />

autres et envers eux-mêmes.<br />

L’enfant et l’adolescent ont besoin <strong>de</strong><br />

l’adulte, ne serait-ce que pour s’opposer.<br />

Or, aujourd’hui, on constate une<br />

difficulté <strong>de</strong>s adultes à poser <strong>de</strong>s limites,<br />

à signifier qu’il faut se respecter soimême<br />

et respecter l’autre. Malheureusement,<br />

la société ne renvoie plus <strong>de</strong><br />

feedback pour dire que l’on ne peut<br />

pas laisser <strong>de</strong>s enfants s’abîmer.<br />

La diffusion par la psychiatrie du modèle<br />

d’une compréhension psychologique<br />

<strong>de</strong> l’enfant et <strong>de</strong> l’adolescent en souffrance,<br />

qui est né dans un cadre éducatif<br />

relativement strict, a eu un succès<br />

excessif. Dans un cadre beaucoup<br />

plus permissif, la « psychologisation »<br />

actuelle a contribué à disqualifier l’éducatif,<br />

empêchant le cadre éducatif,<br />

notamment la famille, l’école, <strong>de</strong> jouer<br />

son rôle constructif <strong>de</strong> limites, abandonnant<br />

ces enfants à leurs impulsions<br />

et à leurs émotions incontrôlées. De<br />

ce fait, les « psy » n’apportent <strong>de</strong> nos<br />

jours, plus une ouverture compréhensive<br />

à l’écoute <strong>de</strong>s enfants, qui s’est<br />

généralisée excessivement, mais ils sont<br />

amenés à poser <strong>de</strong>s cadres éducatifs<br />

qui n’existent plus par ailleurs.<br />

Soigner en toute transparence<br />

Pierre Decourt, psychiatre et psychanalyste<br />

a relevé que si la psychiatrie<br />

est aujourd’hui en crise, la résolution<br />

<strong>de</strong> l’énigme <strong>de</strong> la maladie mentale<br />

constitue le premier défi pour le psychiatre.<br />

Il doit également faire face aux<br />

exigences d’une société ne supportant<br />

plus l’aléatoire et qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

réponses claires, parfois définitives avec<br />

<strong>de</strong>s résultats si possible quantifiables.<br />

Plus encore, une métho<strong>de</strong> thérapeutique<br />

peut être délaissée faute d’être<br />

attestée par <strong>de</strong>s preuves concluantes.<br />

Tout l’enjeu consiste bien à transmettre,<br />

à une société qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

comptes, la complexité <strong>de</strong> ce qui spécifie<br />

la pathologie mentale sans tomber<br />

dans un réductionnisme démagogique<br />

et trompeur.<br />

Par exemple, si l’on veut comprendre<br />

quelque chose à un traitement du syn-<br />

drome anxiodépressif, il faut pouvoir à<br />

la fois se fon<strong>de</strong>r sur le diagnostic clinique,<br />

mais également faire preuve<br />

d’intelligence et d’intuition. Il s’agit ainsi<br />

<strong>de</strong> faire appel à l’histoire du sujet, donc<br />

<strong>de</strong> prendre en considération sa propre<br />

capacité à donner du sens à un symptôme.<br />

La complémentarité <strong>de</strong>s approches<br />

médico-psychologiques est une exigence<br />

dont la plupart <strong>de</strong>s responsables<br />

ont pris conscience <strong>de</strong>puis longtemps.<br />

Ainsi, bien <strong>de</strong>s équipes au sein <strong>de</strong>s institutions<br />

sont composées <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins,<br />

<strong>de</strong> psychologues, <strong>de</strong> psychanalystes<br />

ayant <strong>de</strong>s compétences dans le champ<br />

tant somatique que psychopathologique.<br />

Cette double approche indispensable<br />

reflète la complexité du fonctionnement<br />

<strong>de</strong> l’être humain et sa<br />

richesse. A l’heure <strong>de</strong> la transparence<br />

illusoire, on mesure la difficulté et la<br />

nécessité <strong>de</strong> transmettre cette complexité.<br />

A l’inverse, on peut prôner une relation<br />

fondée sur la transmission par le psychiatre<br />

<strong>de</strong> ses doutes, <strong>de</strong> ses convictions,<br />

mais aussi <strong>de</strong> ses incertitu<strong>de</strong>s,<br />

dans le cadre d’un engagement sur le<br />

mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> la vérité. Il s’agit là du contraire<br />

<strong>de</strong> ce qui se passe aujourd’hui, où<br />

l’on déshumanise le patient et où l’on<br />

fait du psychiatre un simple entomologiste<br />

<strong>de</strong> l’humain.<br />

Les évolutions du métier <strong>de</strong><br />

psychiatre face aux nouvelles<br />

expressions <strong>de</strong>s maladies<br />

mentales<br />

Olivier Lehembre, vice-prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la<br />

Fédération Française <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> a<br />

relevé que l’évolution <strong>de</strong>s maladies<br />

mentales est certes un miroir <strong>de</strong> l’évolution<br />

<strong>de</strong> notre société, mais les pathologies<br />

sont aussi fonction du dispositif<br />

<strong>de</strong> soins mis en place car les patients<br />

expriment leur souffrance psychique<br />

en fonction <strong>de</strong>s lieux et <strong>de</strong>s personnes<br />

qu’ils rencontrent. Les pathologies évoluent<br />

également en fonction <strong>de</strong> nos<br />

capacités à les entendre. Aujourd’hui,<br />

les troubles du comportement sont très<br />

présents dans les consultations et dans<br />

les soins.<br />

Les conditions d’exercice évoluent en<br />

fonction <strong>de</strong> facteurs conjoncturels tels<br />

que la démographie, l’environnement<br />

institutionnel, les pratiques psychiatriques,<br />

les pathologies et la société.<br />

Les psychiatres sont <strong>de</strong> plus en plus<br />

débordés et <strong>de</strong> moins en moins nombreux<br />

; ce constat est préoccupant.<br />

Dans ces conditions, les psychiatres<br />

peuvent-ils offrir un dispositif <strong>de</strong> soins<br />

adapté à la variété <strong>de</strong>s situations cliniques<br />

?<br />

La disponibilité, l’accueil et l’écoute<br />

sont essentiels pour la prise en charge<br />

<strong>de</strong>s patients. Le cadre matériel et l’environnement<br />

importent également :<br />

notre outil <strong>de</strong> soin mérite d’être régulièrement<br />

pensé et revu. Si la psychiatrie<br />

est une spécialité pluridisciplinaire,<br />

elle présente néanmoins une<br />

certaine unité et une richesse culturelle.<br />

Par ailleurs, on déplore l’apparition<br />

<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s successives, qui permettent<br />

<strong>de</strong> braquer un temps le projecteur sur<br />

une pathologie, puis <strong>de</strong> la délaisser au<br />

profit d’une autre, tout en laissant certaines<br />

autres maladies dans l’ombre.<br />

En tant que représentant <strong>de</strong> la Fédération<br />

française <strong>de</strong> psychiatrie, Olivier<br />

Lehembre a souligné la nécessité pour<br />

notre pratique <strong>de</strong> ne pas être tiraillée<br />

entre un trop grand nombre d’approches<br />

différentes, qui sont source <strong>de</strong><br />

malentendus et d’erreurs dans la prise<br />

en charge. A l’inverse, il convient <strong>de</strong><br />

prendre conscience <strong>de</strong> la complémentarité<br />

nécessaire entre le public et le<br />

privé, l’hospitalisation et l’ambulatoire,<br />

la psychiatrie <strong>de</strong>s adolescents et celles<br />

<strong>de</strong>s adultes. Tous les cloisonnements<br />

doivent être surmontés.<br />

Changer notre regard<br />

sur les maladies<br />

mentales<br />

L’image <strong>de</strong> la psychiatrie dans<br />

les médias<br />

Brigitte-Fanny Cohen (journaliste à<br />

France2, chronique santé <strong>de</strong> Télématin)<br />

a vu évoluer, pendant un peu plus <strong>de</strong><br />

quinze ans, l’image <strong>de</strong> la psychiatrie à<br />

la télé, mais aussi dans la presse écrite.<br />

Il lui semble aujourd’hui que l’image<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie dans les médias est<br />

plurielle... pour ne pas dire brouillée.<br />

Parce que la psychiatrie, dans les<br />

médias grand public, est un concept<br />

vaste englobant différents visages <strong>de</strong><br />

la santé mentale : les troubles du comportement<br />

(comme l’anxiété, les phobies,<br />

l’hyperactivité <strong>de</strong> l’enfant...), les<br />

maladies (comme la dépression, la<br />

Catherie Geoffray a exposé dans le cadre <strong>de</strong>s Expositions « Rencontres-Dialogues<br />

» au Centre <strong>de</strong> Santé Jean Moulin, 8 bld <strong>de</strong> Champigny, 94210 La<br />

Varenne, du 11 au 19 décembre 2006.<br />

Ces expositions sont organisées par l’APPRESS (Association pour la Prévention,<br />

la Promotion, la Recherche Expérimentale Sanitaire et Sociale.<br />

Le vernissage <strong>de</strong> l’exposition a eu lieu en présence <strong>de</strong> Monsieur Michel Gellion,<br />

Directeur du CH « Les Murets » et du Docteur Bernard Martin, Psychiatre<br />

Chef <strong>de</strong> service et les Equipes du Secteur <strong>de</strong> Saint-Maur Joinville.<br />

<br />

LIVRES<br />

COLLOQUE ■ 9<br />

Le dossier médical<br />

aujourdhui et <strong>de</strong>main<br />

Tenue - Transmission -<br />

Conservation<br />

Questions juridiques pratiques à<br />

l’attention du psychiatre<br />

Pfizer<br />

Ce « Dossier médical aujourd’hui et<br />

<strong>de</strong>main : tenue - transmission - conservation<br />

» constitue un outil pratique<br />

d’utilisation composé d’un gui<strong>de</strong> juridique<br />

regroupant plus <strong>de</strong> 100 questions-réponses<br />

sur le dossier médical<br />

; un CD-ROM comprenant <strong>de</strong>s<br />

modèles <strong>de</strong> lettres pouvant être utilisées<br />

dans le cadre <strong>de</strong> la prise en<br />

charge <strong>de</strong> patients, pour l’évaluation<br />

<strong>de</strong>s pratiques professionnelles et <strong>de</strong><br />

l’accréditation <strong>de</strong>s services, du respect<br />

<strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> bonnes pratiques ;<br />

<strong>de</strong>s diaporamas <strong>de</strong> formation reprenant<br />

les points importants <strong>de</strong> la réglementation<br />

; <strong>de</strong>s fiches <strong>de</strong> transmission<br />

du dossier médical ; <strong>de</strong>s textes<br />

<strong>de</strong> référence ; <strong>de</strong>s questions sous la<br />

forme d’un post-test d’évaluation <strong>de</strong>s<br />

connaissances sur le dossier médical.<br />

La prise en charge <strong>de</strong>s<br />

mineurs en psychiatrie<br />

Maxence Cornier, Anne <strong>de</strong><br />

Crevoisier<br />

Préface <strong>de</strong> Bertrand Welniarz<br />

L’Entreprise Médicale Editions, 39 €<br />

Cet ouvrage abor<strong>de</strong>, sous forme <strong>de</strong><br />

« questions-réponses », les principes<br />

et limites <strong>de</strong> la règle <strong>de</strong> l’autorité parentale<br />

qui gouverne les relations<br />

entre les soignants, les patients mineurs<br />

qu’ils prennent en charge et<br />

leurs représentants légaux ; les principaux<br />

droits <strong>de</strong>s patients mineurs et<br />

les conditions juridiques encadrant<br />

la délivrance <strong>de</strong>s soins : obligation<br />

d’information, recueil du consentement,<br />

conduite à tenir en cas <strong>de</strong><br />

refus <strong>de</strong> soins, respect du secret professionnel,<br />

modalités d’accès au dossier<br />

médical ; la réglementation régissant<br />

l’accueil et l’hospitalisation<br />

<strong>de</strong>s mineurs : au moment <strong>de</strong> leur admission,<br />

lors <strong>de</strong> leur séjour hospitalier<br />

et à l’occasion <strong>de</strong> leur sortie ; les<br />

risques juridiques encourus par les<br />

professionnels et les établissements<br />

en cas <strong>de</strong> dysfonctionnement dans<br />

la prise en charge sanitaire <strong>de</strong>s mineurs.<br />

Femmes handicapées : la vie<br />

<strong>de</strong>vant elles<br />

avec le parrainage <strong>de</strong> Simone Veil<br />

Femmes handicapées<br />

citoyennes<br />

avec le parrainage <strong>de</strong> Lucie Aubrac<br />

Association « Femmes pour le dire,<br />

Femmes pour agir »<br />

L’Harmattan, 13,50€ et 12,50€<br />

Ces livres, coordonnés par Mandy<br />

Piot, ren<strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong>s forums <strong>de</strong>s<br />

25 novembre 2003 et 16 novembre<br />

2005 organisés par l’association<br />

« Femmes pour le dire, Femmes pour<br />

agir » qui a été créée en avril 2003<br />

afin <strong>de</strong> promouvoir, par tout moyen<br />

à sa disposition (forums, conférences,<br />

groupes <strong>de</strong> parole, ateliers, etc.), la<br />

citoyenneté <strong>de</strong> la femme handicapée<br />

tout au long <strong>de</strong> sa vie et dans tous<br />

les secteurs <strong>de</strong> la société.<br />

La difficulté d’intégration dans la vie<br />

<strong>de</strong> la cité, dans l’entreprise, dans l’accès<br />

à la culture est encore plus gran<strong>de</strong><br />

lorsqu’il s’agit d’une femme handicapée<br />

qui vit une double discrimination<br />

: celle d’être femme et celle d’être<br />

handicapée. Les statistiques le montrent<br />

sans ambiguïté comme les témoignages<br />

<strong>de</strong>s intéressées ellesmêmes.


10<br />

LIVRES<br />

■ COLLOQUE<br />

L’entreprise interrogée par<br />

le handicap psychique<br />

Claire Le Roy-Hatala et Jean-<br />

François Col<strong>de</strong>fy<br />

Coordinateurs du numéro<br />

FASM Croix-Marine, 14 €<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la rémunération qu’il apporte,<br />

le travail reste une source majeure<br />

<strong>de</strong> reconnaissance sociale et<br />

contribue à renforcer l’estime <strong>de</strong> soi,<br />

même si l’on confond souvent reconnaissance<br />

sociale et salariat. On<br />

assiste alors à ce paradoxe que <strong>de</strong>s<br />

personnes exclues du travail s’enferrent<br />

dans une recherche éperdue<br />

d’un emploi salarié, dans le déni <strong>de</strong><br />

leurs troubles ou le refus d’une reconnaissance<br />

<strong>de</strong> travailleur handicapé,<br />

tandis que dans le même temps<br />

les entreprises fabriquent du handicap,<br />

quitte à récupérer celui-ci pour<br />

valoriser leurs statistiques du nombre<br />

<strong>de</strong> personnes handicapées qu’elles<br />

accueillent comme l’évoquent plusieurs<br />

contributions <strong>de</strong> ce numéro.<br />

La Loi du 11 février affirme également<br />

que les personnes concernées<br />

ont droit à une compensation. Mais<br />

s’il faut reconnaître que pour les personnes<br />

en situation <strong>de</strong> handicap psychique,<br />

la mise en place <strong>de</strong>s GEM<br />

considérés comme une forme <strong>de</strong> compensation<br />

collective, constitue une<br />

avancée remarquable, il faut aussi<br />

s’interroger sur les formes <strong>de</strong> compensation<br />

qu’il faudrait inventer dans<br />

le champ du travail et <strong>de</strong> l’entreprise.<br />

C’est une contribution à cette réflexion<br />

que propose ce numéro qui montre<br />

que la seule expertise <strong>de</strong>s psy ne suffit<br />

pas et que <strong>de</strong> nouveaux partenariats<br />

doivent se développer.<br />

Gouvernement et<br />

gouvernance <strong>de</strong>s territoires<br />

Dossier réalisé par Patrick Le<br />

Galès<br />

Problèmes politiques et sociaux<br />

mars 2006 n°922<br />

La Documentation Française, 9,20€<br />

Les limites <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’action publique<br />

fondés sur une vision centralisée<br />

du rôle <strong>de</strong> l’Etat ont conduit à<br />

l’apparition d’autres mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pilotage<br />

que l’on désigne sous le terme<br />

<strong>de</strong> « gouvernance ».<br />

La gouvernance peut être définie<br />

comme un processus <strong>de</strong> coordination<br />

d’acteurs, <strong>de</strong> groupes sociaux,<br />

d’institutions pour atteindre <strong>de</strong>s buts<br />

discutés et définis collectivement.<br />

Dans un contexte <strong>de</strong> décentralisation,<br />

d’européisation et <strong>de</strong> mondialisation,<br />

elle amène à repenser les manières<br />

<strong>de</strong> gouverner, à construire un<br />

intérêt général rattaché à un territoire<br />

et à mettre en œuvre <strong>de</strong>s stratégies<br />

collectives. Dans ce cadre plus ouvert,<br />

les expérimentations se sont<br />

multipliées, qu’il s’agisse <strong>de</strong> pratiques<br />

<strong>de</strong> gestion, <strong>de</strong> concertation, d’élaboration<br />

<strong>de</strong> projets et d’un intérêt collectif<br />

territorialisé, <strong>de</strong> création <strong>de</strong><br />

réseaux et <strong>de</strong> coalitions. Des organisations<br />

variées participent au gouvernement<br />

ou à la gouvernance locale<br />

(sociétés d’économie mixte,<br />

associations, promoteurs, entreprises<br />

<strong>de</strong> services urbains, chambres <strong>de</strong> commerce<br />

et d’industrie, PME ou gran<strong>de</strong>s<br />

entreprises, artisans,...), à côté <strong>de</strong>s<br />

consultants désormais très présents.<br />

Tout ceci contribue à faire évoluer le<br />

rôle du politique.<br />

On assiste à une transformation dans<br />

le rapport entre élus et citoyens, entre<br />

régulation politique et intervention<br />

<strong>de</strong> la société civile qui va dans le sens<br />

<strong>de</strong> l’autonomie <strong>de</strong>s différents acteurs,<br />

<strong>de</strong> la juridicisation <strong>de</strong>s relations et<br />

<strong>de</strong>s conflits, <strong>de</strong> la concertation. Cependant,<br />

les gouvernements locaux<br />

restent bien présents, leur expertise<br />

et leur influence politique tendant<br />

plutôt à s’accroître.<br />

<br />

schizophrénie, la psychose maniacodépressive...)<br />

et les faits divers (dont le<br />

plus tristement célèbre est le double<br />

meurtre <strong>de</strong> Pau)...<br />

De fait, par la diversité <strong>de</strong>s sujets abordés,<br />

la psychiatrie a trouvé une place<br />

importante dans les médias. Elle occupe<br />

le terrain. Dans tous les cas, on ne<br />

peut certainement pas dire qu’elle en<br />

est absente, surtout si l’on compare à la<br />

place qu’elle avait il y a quinze ou vingt<br />

ans. A l’époque, la psychiatrie était très<br />

peu abordée. Quand elle l’était, les<br />

reportages privilégiaient son côté spectaculaire<br />

: la folie, le fou dangereux,<br />

l’enfermement dans <strong>de</strong>s unités spécialisées...<br />

Aujourd’hui, les médias privilégient<br />

davantage une santé mentale plus<br />

« banale », plus dédramatisée dans les<br />

rubriques « psycho » <strong>de</strong> la presse féminine,<br />

comme dans certaines émissions<br />

<strong>de</strong> télévision, les patients racontent leur<br />

dépression, leurs troubles bipolaires,<br />

leur boulimie. Ils témoignent <strong>de</strong> la<br />

maladie mentale comme ils parleraient<br />

du psoriasis ou du cancer. Sans honte,<br />

sans gêne. A <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />

écoute. Dans <strong>de</strong>s émissions où l’audimat<br />

« cartonne » : Envoyé spécial, Ça se<br />

discute, Zone interdite... Dans <strong>de</strong>s<br />

magazines au tirage très important :<br />

Marie-Claire, Elle etc. Un tabou est<br />

donc tombé. Certains troubles mentaux<br />

sont même surmédiatisés : l’hyperactivité<br />

<strong>de</strong> l’enfant ou la dépression,<br />

par exemple, car ils sont aussi, il faut<br />

bien le dire, l’objet d’un marketing sousjacent<br />

et très actif.<br />

Revers <strong>de</strong> la médaille <strong>de</strong> cette médiatisation<br />

<strong>de</strong> la santé mentale : certains<br />

troubles, à force d’être banalisés, paraissent<br />

peut-être plus anodins qu’ils ne le<br />

sont. L’anorexie en est sans doute<br />

l’exemple le plus frappant : tant <strong>de</strong><br />

jeunes filles sont venues raconter<br />

<strong>de</strong>vant les caméras leurs difficultés à<br />

se nourrir, leur mal-être, on a tant pointé<br />

du doigt l’anorexie <strong>de</strong>s top-mo<strong>de</strong>ls,<br />

que l’on a presque fait <strong>de</strong> cette maladie<br />

une maladie <strong>de</strong> civilisation, le symptôme<br />

d’une jeunesse qui se cherche. Estce<br />

que l’anorexie est toujours perçue<br />

par le public comme une maladie mentale<br />

? Une maladie mentale grave, qui<br />

nécessite une prise en charge médicale<br />

? Qui peut conduire à la mort ? Ou<br />

n’est-elle plus, aux yeux <strong>de</strong>s néophytes,<br />

qu’un désir <strong>de</strong> maigreur <strong>de</strong> jeunes filles<br />

victimes <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> ? On peut se poser<br />

la question.<br />

Quels enjeux pour la psychiatrie<br />

d’aujourd’hui ? Quel avenir pour<br />

la psychiatrie ?<br />

Pour Richard Rechtman, psychiatre et<br />

anthropologue, il est vrai que la santé<br />

mentale est très présente dans le débat<br />

actuel, dans les magazines et les conversations<br />

quotidiennes. De ce point <strong>de</strong><br />

vue, on peut considérer qu’il s’agit<br />

d’une bonne nouvelle pour les psychiatres.<br />

Cependant, cette soudaine<br />

visibilité <strong>de</strong> la santé mentale traduit un<br />

changement <strong>de</strong> société. Il convient ainsi<br />

<strong>de</strong> relever un paradoxe apparent :<br />

jamais les psychiatres n’ont été, à ce<br />

point, sollicités sur la scène sociale,<br />

jamais la psychiatrie n’a connu une<br />

telle visibilité publique, mais non plus le<br />

sort <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s mentaux n’a semblé<br />

plus incertain.<br />

Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la société, la santé<br />

mentale est un enjeu majeur <strong>de</strong> gouvernance.<br />

Il n’existe pas <strong>de</strong> définition<br />

précise <strong>de</strong> la souffrance psychique, mais<br />

on peut l’envisager comme « la souffrance<br />

expérimentée par quelqu’un qui<br />

n’est pas mala<strong>de</strong> mental ». Le <strong>de</strong>venir<br />

<strong>de</strong>s nouvelles formes d’une souffrance<br />

psychique touchant préférentiellement<br />

les sujets réputés « normaux »<br />

semble ainsi cristalliser les espérances<br />

d’une santé mentale positive.<br />

Aujourd’hui, on s’adresse à une population<br />

réputée normale, dont on entend<br />

la souffrance, laquelle va également<br />

permettre <strong>de</strong> légitimes <strong>de</strong>s actions<br />

publiques. Cependant, certains restent<br />

exclus <strong>de</strong> ce nouveau langage, comme<br />

les chômeurs ou les mala<strong>de</strong>s mentaux,<br />

qui ne réussissent pas à saisir les modalités<br />

contemporaines <strong>de</strong> l’expression<br />

publique. Ceux dont on ne parle pas,<br />

bien qu’ils souffrent, restent donc totalement<br />

invisibles dans notre société.<br />

La psychiatrie a longtemps servi cette<br />

conception en gérant la maladie mentale,<br />

la déviance, la folie. Ainsi, on a<br />

traité le problème <strong>de</strong> la maladie mentale<br />

comme celui <strong>de</strong> la misère. En tant<br />

que clinicien et citoyen, Richard Rechtman<br />

estime que l’action principale à<br />

mener consiste à restaurer une cruciale<br />

part <strong>de</strong> subjectivité.<br />

Un regard sur la folie<br />

Patrick Coupechoux (journaliste, auteur<br />

<strong>de</strong> Un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> fous. Comment notre<br />

société maltraite ses mala<strong>de</strong>s mentaux,<br />

Ed Seuil 2006) a indiqué en préambule<br />

qu’au terme d’une longue enquête<br />

menée pour réaliser son ouvrage, il<br />

n’a quasiment entendu parler du problème<br />

<strong>de</strong> la folie autrement que par<br />

le biais <strong>de</strong> la dangerosité. Même les<br />

chaînes <strong>de</strong> télévision les plus respectables<br />

contribuent à ce phénomène.<br />

Quelle que soit leur responsabilité, la<br />

question du regard porté sur la folie<br />

ne dépend pas uniquement <strong>de</strong>s médias,<br />

mais <strong>de</strong> la société elle-même. Le regard<br />

posé par celle-ci sur la folie a, en effet,<br />

bien évolué <strong>de</strong>puis le Moyen Age. A<br />

partir du Front populaire et <strong>de</strong> l’après<strong>de</strong>uxième<br />

guerre mondiale, un fort<br />

mouvement <strong>de</strong> désaliénisme a vu le<br />

jour. Pour la première fois, il était clairement<br />

formulé que la folie appartenait<br />

à l’humanité et surtout, à la richesse<br />

<strong>de</strong> l’humanité. Il fallait donc faire en<br />

sorte que les fous puissent vivre avec les<br />

autres hommes.<br />

Il semble que la tendance actuelle<br />

consiste à revenir à l’enfermement, à<br />

une maîtrise <strong>de</strong> la folie. Cela n’est pas<br />

étranger au fonctionnement social<br />

actuel marqué par la compétition entre<br />

les individus, avec ses corollaires, l’exclusion<br />

et l’abandon <strong>de</strong>s plus faibles : la<br />

société ne sait que faire <strong>de</strong>s chômeurs,<br />

<strong>de</strong>s personnes âgées, <strong>de</strong>s handicapés,<br />

<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s mentaux. Le vieux thème<br />

<strong>de</strong> l’inutilité sociale refait surface.<br />

Comme toujours, la folie interroge.<br />

Cependant, celui-ci n’est plus une collectivité<br />

articulée autour <strong>de</strong> solidarités.<br />

Aujourd’hui, la société néolibérale place<br />

les individus dans une permanente<br />

concurrence, dans le « chacun pour<br />

soi ».<br />

Ainsi, la vision <strong>de</strong> l’homme est en train<br />

se modifier. La pensée dominante n’en<br />

fait que le produit <strong>de</strong> la physiologie ou<br />

<strong>de</strong> la génétique. Il ne s’agit pas, évi<strong>de</strong>mment,<br />

<strong>de</strong> nier l’importance <strong>de</strong>s<br />

recherches effectuées dans ce domaine.<br />

Mais la vision biologique <strong>de</strong> l’existence<br />

liée à <strong>de</strong> puissants intérêts économiques<br />

et à une vision managériale et technocratique<br />

qui recherche uniquement l’efficacité,<br />

conduit à la négation du sujet.<br />

A un moment donné, la personne disparaît<br />

au profit d’un simple profil, d’un<br />

objet qu’il faut « gérer ».<br />

L’un <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> cette gestion est<br />

la « criminalisation » <strong>de</strong> la folie. A été<br />

présenté récemment un projet <strong>de</strong> loi <strong>de</strong><br />

prévention <strong>de</strong> la délinquance, qui assimile<br />

mala<strong>de</strong>s mentaux et dangerosité.<br />

Ce projet produit un amalgame inquiétant<br />

entre mala<strong>de</strong> mental et délinquant,<br />

et remet au goût du jour l’idée du fou<br />

dangereux. Obsédée par la sécurité,<br />

notre société entend maîtriser la folie et<br />

ravive la peur du fou, en assimilant<br />

folie et dangerosité, en associant délinquants,<br />

criminels et mala<strong>de</strong>s mentaux.<br />

Ensuite, nous avons aujourd’hui une<br />

vision très technocratique <strong>de</strong> la maladie<br />

mentale. Pour faire face à l’urgence,<br />

on fait appel à l’hôpital et à la médication.<br />

Pour régler le problème <strong>de</strong> la<br />

« chronicité », on repousse ceux qui<br />

souffrent dans les bras du social. Les<br />

fous sont ainsi rejetés au bout <strong>de</strong> la<br />

longue chaîne <strong>de</strong>s exclus. On les retrouve<br />

dans les familles, dans la rue, en prison<br />

; laquelle prend la place, pas même<br />

<strong>de</strong> l’asile, mais <strong>de</strong> l’hôpital général, du<br />

« grand renfermement » du XVII e siècle,<br />

décrit par Michel Foucault dans son<br />

Histoire <strong>de</strong> la folie à l’âge classique.<br />

La question essentielle ne consiste donc<br />

pas à se figer sur le passé, mais à tenir<br />

bon sur la vision humaniste <strong>de</strong> la folie<br />

que les désaliénistes du secteur et <strong>de</strong> la<br />

psychothérapie institutionnelle d’aprèsguerre<br />

avaient développée. La société<br />

dans son ensemble doit prendre<br />

conscience <strong>de</strong> l’urgence à regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong><br />

nouveau le fou comme un autre soimême.<br />

L’enjeu <strong>de</strong> la réhabilitation <strong>de</strong>s<br />

patients en psychiatrie<br />

Pour Alain Nicolet, psychiatre et Prési<strong>de</strong>nt<br />

<strong>de</strong> la Clinique Pen An Dalar, en<br />

réalité, le grand enfermement est notre<br />

regard sur la maladie. S’il est vrai que la<br />

presse spécialisée a accompli <strong>de</strong> grands<br />

progrès, la presse généraliste, quant à<br />

elle, a encore beaucoup à faire. Il<br />

conviendrait que cette <strong>de</strong>rnière change,<br />

pour faire évoluer l’information du fait<br />

divers vers le fait médical (ce qui intéresse<br />

actuellement la presse autour <strong>de</strong><br />

la maladie mentale est davantage le<br />

premier). De fait, il existe plusieurs<br />

manières <strong>de</strong> relater un même événement.<br />

Nous avons besoin d’être accompagnés<br />

sur le thème <strong>de</strong> l’éducation en<br />

matière <strong>de</strong> santé mentale.<br />

Par ailleurs, la notion <strong>de</strong> guérison doit<br />

être évoquée comme un noeud central<br />

: la guérison peut parfois consister<br />

à aller mieux, à faire le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> certaines<br />

ambitions. Toutes les personnes<br />

imprévisibles sont-elles <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />

mentaux ? Il s’agit là d’une question<br />

importante, qui renvoie à la stigmatisation<br />

<strong>de</strong> la maladie mentale.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> leur propre maladie, les<br />

patients souffrent <strong>de</strong> troubles qui touchent<br />

à leur estime <strong>de</strong> soi et à leurs<br />

liens sociaux. Du fait <strong>de</strong> la peur <strong>de</strong> la<br />

récidive ou <strong>de</strong> la décompensation, les<br />

patients tombent alors dans les pathologies<br />

secondaires <strong>de</strong> la maladie que<br />

sont les stratégies d’adaptation, les<br />

échecs familiaux, les troubles cognitifs,<br />

les conduites antisociales et les échecs<br />

professionnels. Il faut apprendre aux<br />

patients à vivre avec et veiller à ne pas<br />

passer notre temps à leur renvoyer <strong>de</strong>s<br />

images non valorisantes.<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

On ne peut qu’être favorable à une<br />

déontologie <strong>de</strong> l’information psychiatrique<br />

et déplorer le très faible nombre<br />

d’étu<strong>de</strong>s sur les termes utilisés dans la<br />

maladie mentale. La presse doit nous<br />

ai<strong>de</strong>r à faire connaître les progrès réalisés<br />

et à confirmer que lorsqu’un<br />

patient est pris en charge, il va mieux et<br />

que son pronostic s’en trouve amélioré.<br />

Il convient aujourd’hui d’imaginer <strong>de</strong>s<br />

principes <strong>de</strong> réhabilitation psychosociale<br />

qui considèrent qu’au<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />

symptômes, l’évolution <strong>de</strong>s habilités<br />

sociales et relationnelles est essentielle.<br />

Le regard extérieur que les soignants et<br />

la société portent sur les maladies mentales<br />

est l’un <strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> la guérison<br />

et <strong>de</strong> l’amélioration <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong>s<br />

patients.<br />

Santé mentale : un<br />

avenir en forme <strong>de</strong> défi<br />

politique<br />

Une volonté politique<br />

Denis Reynaud (secrétaire général <strong>de</strong><br />

l’UNCPSY et Directeur <strong>de</strong> la Clinique<br />

du Mont Suplan) a énuméré les six<br />

défis essentiels qui ont été relevés par<br />

I’UNCPSY.<br />

• Convaincre le pouvoir politique <strong>de</strong><br />

donner une véritable priorité à la psychiatrie.<br />

Lorsque l’on examine ce qui se<br />

passe dans nos établissements, on<br />

constate un effet <strong>de</strong> ciseau entre une<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins en augmentation<br />

constante et une offre qui ne cesse<br />

d’être réduite.<br />

• Stopper la montée en puissance irraisonnée<br />

<strong>de</strong> la « psychiatrisation » <strong>de</strong> la<br />

société. Il faut distinguer ce qui relève<br />

du social <strong>de</strong> ce qui relève du psychiatrique.<br />

• Se gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> « judiciariser » la psychiatrie.<br />

Comme bien d’autres secteurs<br />

<strong>de</strong> la société, la psychiatrie est malheureusement<br />

<strong>de</strong> plus en plus soumise<br />

à une forme <strong>de</strong> « judiciarisation ».<br />

• Ne plus penser à la psychiatrie uniquement<br />

en termes <strong>de</strong> coûts. Il s’agit<br />

également d’envisager la psychiatrie en<br />

termes <strong>de</strong> ressources (nombre <strong>de</strong> journées<br />

<strong>de</strong> travail rendues à la société,<br />

nombre <strong>de</strong> personnes ayant quitté leur<br />

La dépression semble plus fréquente chez les<br />

femmes et chez les personnes isolées, selon une<br />

étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Drees<br />

Les femmes présentent entre 1,5 et <strong>de</strong>ux fois plus <strong>de</strong> risques <strong>de</strong> vivre un épiso<strong>de</strong><br />

dépressif que les hommes, montre une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong> la recherche<br />

<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’évaluation et <strong>de</strong>s statistiques (Drees)*, qui met aussi<br />

en évi<strong>de</strong>nce la vulnérabilité <strong>de</strong>s personnes isolées à cette pathologie.<br />

Pour étudier les facteurs <strong>de</strong> risque <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s dépressifs en population générale,<br />

la Drees a repris trois étu<strong>de</strong>s sur ce thème : l’enquête en santé mentale<br />

en population générale 1999-2003 (OMS et Drees), le baromètre santé<br />

2004-05 <strong>de</strong> l’Institut national <strong>de</strong> prévention et d’éducation à la santé (Inpes)<br />

et l’enquête décennale santé 2002-03 (Insee et Drees).<br />

L’analyse montre qu’à âge, formation, situation conjugale et professionnelle<br />

i<strong>de</strong>ntiques, une femme présente entre 1,5 et <strong>de</strong>ux fois plus <strong>de</strong> risques qu’un<br />

homme <strong>de</strong> vivre un épiso<strong>de</strong> dépressif. Cet écart entre hommes et femmes<br />

face aux troubles dépressifs doit cependant être nuancé, en raison d’un éventuel<br />

biais <strong>de</strong> sous-déclaration. Il semble que la situation économique et sociale<br />

soit étroitement liée au risque <strong>de</strong> dépression : le tissu familial et relationnel<br />

et l’insertion professionnelle diminuent le risque <strong>de</strong> troubles dépressifs.<br />

Le risque d’un célibataire <strong>de</strong> vivre un épiso<strong>de</strong> dépressif est entre 1,5 et 2,4<br />

fois plus élevé que pour une personne mariée. L’analyse montre aussi que<br />

les circonstances d’une rupture d’un couple (<strong>de</strong>uil ou séparation) influent sur<br />

le risque dépressif.<br />

Concernant l’impact <strong>de</strong> l’activité professionnelle, l’étu<strong>de</strong> montre que la prévalence<br />

<strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong> dépressif parmi les personnes qui occupent un emploi<br />

est <strong>de</strong> un ou trois points moins élevée que celle <strong>de</strong>s personnes qui ne travaillent<br />

pas. L’étu<strong>de</strong> montre également que le risque <strong>de</strong> vivre un épiso<strong>de</strong> dépressif<br />

n’est pas constant tout au long <strong>de</strong> la vie. Même si l’impact <strong>de</strong> l’âge sur<br />

la dépression est moins marqué que celui <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie personnelles<br />

et professionnelles, il semble que les personnes âgées <strong>de</strong> 60 à 75 ans sont<br />

moins vulnérables aux troubles dépressifs que les plus jeunes.<br />

Cette observation mérite cependant d’être nuancée, car les personnes vivant<br />

en institution (maison <strong>de</strong> retraite ou structures médicalisées) sont peu ou pas<br />

représentées dans les échantillons étudiés. Enfin, l’étu<strong>de</strong> montre que les facteurs<br />

<strong>de</strong> risque d’ordre économique et social restent prépondérants pour les<br />

épiso<strong>de</strong>s dépressifs majeurs. ■<br />

B.L.<br />

*Etu<strong>de</strong>s et résultats n°545, décembre 2006, Facteurs <strong>de</strong> risque <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s dépressifs en<br />

population générale


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Fresnes, Histoires <strong>de</strong> fous<br />

Catherine Herszberg<br />

Seuil<br />

Ce livre témoignage a été largement<br />

commenté à juste titre par les médias.<br />

Je le trouve poignant pour <strong>de</strong>ux<br />

raisons essentielles. D’abord, <strong>de</strong> manière<br />

générale, collective, il fait état<br />

sans sensationnalisme <strong>de</strong> la réalité<br />

carcérale réservée aux mala<strong>de</strong>s mentaux<br />

(mais également aux non mala<strong>de</strong>s).<br />

Les lecteurs non avertis du problème<br />

spécialisé <strong>de</strong> la maladie mentale<br />

en prison pourraient croire en lisant<br />

Catherine Herszberg qu’il s’agit d’une<br />

fiction ou d’une exagération. Et non,<br />

ce que la journaliste relate avec talent,<br />

ce sont <strong>de</strong> vraies histoires <strong>de</strong><br />

fous, <strong>de</strong>s drames actuels et véridiques<br />

qui se passent dans les geôles françaises.<br />

Contrairement au livre <strong>de</strong> Véronique<br />

Vasseur qui avait tendance à forcer<br />

le trait sur une présumée mauvaise<br />

administration pénitentiaire, ce document<br />

est tout en nuances. Le problème<br />

<strong>de</strong>s prisons est avant tout dans<br />

les mains <strong>de</strong>s politiques et <strong>de</strong> certains<br />

professionnels ; probablement pas<br />

dans celles <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s citoyens,<br />

bien contents <strong>de</strong> voir les méchants<br />

enfermés et heureux <strong>de</strong> ne pas les y<br />

voir en sortir. Parmi les professionnels<br />

concernés et surtout lorsqu’il<br />

s’agit d’un problème sanitaire, le positionnement<br />

<strong>de</strong>s psychiatres est essentiel.<br />

Les psychiatres exerçant en<br />

prison s’enfonceront-ils <strong>de</strong> plus en<br />

plus dans une collaboration à l’enfermement<br />

carcéral <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s mentaux<br />

et au risque <strong>de</strong> voir leur état <strong>de</strong><br />

santé empirer ? Les psychiatres et les<br />

soignants <strong>de</strong>s hôpitaux psychiatriques<br />

continueront-ils dans leur refus d’admettre<br />

<strong>de</strong>s maladies mentales graves,<br />

à fortiori s’ils sont délinquants ? Et<br />

les experts psychiatres continuerontils<br />

à responsabiliser <strong>de</strong> grands ma-<br />

situation <strong>de</strong> handicap).<br />

• Concevoir la psychiatrie comme une<br />

complémentarité. Il s’agit d’une complémentarité<br />

entre le publie et le privé,<br />

mais également entre les différents<br />

types <strong>de</strong> prise en charge.<br />

• Modifier réellement l’image <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

dans la population. Actuellement,<br />

le Plan <strong>de</strong> santé mentale prévoit<br />

<strong>de</strong>s budgets importants dans ce domaine,<br />

mais aucune mise en place n’a été<br />

effectuée à ce jour.<br />

La situation <strong>de</strong> la santé mentale<br />

Gérard Massé, coordinateur <strong>de</strong> la Mission<br />

nationale d’appui en santé mentale,<br />

a rappelé que les politiques sont<br />

<strong>de</strong>s interlocuteurs centraux avec lesquels<br />

les techniciens doivent travailler<br />

au quotidien, pour les éclairer. On estime<br />

aujourd’hui que le pourcentage <strong>de</strong>s<br />

personnes atteintes <strong>de</strong> maladies mentales<br />

s’élève à 3 à 4% <strong>de</strong> la population,<br />

alors que la souffrance psychique<br />

réelle touche en fait 40% <strong>de</strong>s Français<br />

à un moment <strong>de</strong> leur existence.<br />

Si le réseau <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> soins en<br />

France est satisfaisant en comparaison<br />

<strong>de</strong> ses pays voisins, il est en revanche<br />

nécessaire <strong>de</strong> faire évoluer le dispositif<br />

actuel <strong>de</strong> soins car une crise d’organisation<br />

liée à <strong>de</strong>s problèmes institutionnels<br />

se fait jour.<br />

Le principal enjeu porte sur une véritable<br />

politique <strong>de</strong> santé mentale associant<br />

la prévention, le soin et l’insertion,<br />

notamment pour la population souffrant<br />

<strong>de</strong> psychoses. Dans ce cadre, il<br />

s’agit <strong>de</strong> formuler <strong>de</strong>s objectifs à la hauteur<br />

d’une réelle insertion <strong>de</strong>s patients.<br />

Alors que l’on constate le poids croissant<br />

<strong>de</strong>s usagers, qui interpellent les politiques<br />

sur la psychiatrie, on déplore une<br />

absence d’évaluation <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong><br />

soin, laquelle conduit souvent à <strong>de</strong>s<br />

débats idéologiques stériles.<br />

Patients, familles, usagers : tous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />

davantage <strong>de</strong> soins et <strong>de</strong> meilleu-<br />

la<strong>de</strong>s du moment qu’une once <strong>de</strong> lucidité<br />

leur fait admettre qu’un vol alimentaire,<br />

même s’il est commis pour<br />

subsister, est digne d’une sanction<br />

pénale ?<br />

Je trouve poignant cet ouvrage pour<br />

une <strong>de</strong>uxième raison. La juste <strong>de</strong>scription<br />

<strong>de</strong> Fresnes, son volume froid,<br />

ses clairs obscurs, ses bruits, son organisation<br />

particulière, son ordonnance<br />

quasi-militaire, les contrastes<br />

<strong>de</strong>s ambiances (le CNO vs le reste <strong>de</strong><br />

la détention par exemple) me rappelle<br />

que j’y ai travaillé. J’ai quitté<br />

Fresnes il y a dix ans, mais si je retrouve<br />

bien l’immuabilité <strong>de</strong>s lieux,<br />

par contre les conditions <strong>de</strong> travail<br />

<strong>de</strong>s psychiatres semblent s’être considérablement<br />

dégradées avec une augmentation<br />

quantitative et qualitative<br />

considérable du nombre <strong>de</strong> détenus<br />

présentant <strong>de</strong>s pathologies mentales<br />

gravissimes. N’oublions pas qu’il y a<br />

quelques mois, Christiane <strong>de</strong> Beaurepaire,<br />

le mé<strong>de</strong>cin chef du SMPR lançait<br />

un cri d’alarme très médiatisé sur<br />

la situation sanitaire que son équipe<br />

rencontrait.<br />

Catherine Herszberg pose la question<br />

<strong>de</strong> la maladie mentale en prison avec<br />

<strong>de</strong>s mots justes, dans un style limpi<strong>de</strong><br />

qui ne laisse aucune excuse au<br />

citoyen tout venant pour ne pas lire<br />

ce livre. On notera tout particulièrement<br />

le passage sur les UHSA (unités<br />

spécialement aménagées) décrites<br />

comme « l’affirmation officielle qu’il<br />

est légitime <strong>de</strong> les (les mala<strong>de</strong>s mentaux)<br />

emprisonner, et qu’il est <strong>de</strong> surcroît<br />

légitime <strong>de</strong> les punir le <strong>de</strong> les soigner<br />

au même endroit ». Ce qui fait<br />

dire à un soignant dans l’avant-<strong>de</strong>rnier<br />

chapitre : « au rythme où ça va,<br />

on finira par rouvrir les chambres à<br />

gaz ». Si le propos peut sembler exagéré<br />

quand il est extrait du contexte<br />

du livre, vous verrez en lisant les faits<br />

horrifiques qui y sont relatés que<br />

l’exaspération et le désespoir <strong>de</strong> ce<br />

re qualité. Les moyens nécessaires sont<br />

<strong>de</strong> plus en plus importants et complexes.<br />

Ils doivent s’articuler avec les<br />

autres dispositifs, sociaux et médicosociaux.<br />

Cependant, les budgets <strong>de</strong>s démarches<br />

psychiatriques, sociales et médicosociales<br />

sont différents. Plus globalement,<br />

il ne sera pas possible <strong>de</strong> proposer<br />

une réponse <strong>de</strong> santé globale<br />

sans y intégrer un volet « santé mentale<br />

» conséquent. Les besoins sont importants<br />

et posent la question <strong>de</strong> l’articulation<br />

entre la mé<strong>de</strong>cine-chirurgie obstétrique<br />

et le soin psychiatrique. Faut-il<br />

proposer dix RMN <strong>de</strong> plus ou mettre<br />

en place <strong>de</strong> façon conséquente <strong>de</strong>s<br />

équipes psychiatriques d’intervention<br />

à domicile ?<br />

Le Plan français <strong>de</strong> santé mentale a un<br />

réel rôle structurant dans l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s régions et le Parlement européen<br />

prendra bientôt position sur la santé<br />

mentale et évoquera notamment les<br />

points suivants :<br />

- la santé mentale en tant que priorité<br />

<strong>de</strong> santé (les pays <strong>de</strong> l’est <strong>de</strong> l’Europe<br />

en sont bien plus conscients que nous) ;<br />

- la santé mentale <strong>de</strong>s enfants et <strong>de</strong>s<br />

adolescents ;<br />

- la santé mentale au travail et le chômage<br />

;<br />

- la santé mentale et le vieillissement<br />

<strong>de</strong> la population.<br />

Il importe bien sûr <strong>de</strong> distinguer ce qui<br />

relève <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins <strong>de</strong>s actions<br />

<strong>de</strong> promotion et <strong>de</strong> prévention, tout<br />

en s’attachant à soigner l’image <strong>de</strong> la<br />

psychiatrie, qui doit être améliorée.<br />

Face à cette situation, un débat politique<br />

et démocratique doit être ouvert.<br />

La psychiatrie française ne franchira les<br />

différents obstacles auxquels elle est<br />

confrontée que grâce à une volonté<br />

politique affirmée.<br />

C’est pourquoi les relations obligatoires<br />

<strong>de</strong>s techniciens du soin avec les politiques<br />

sont si importantes dans notre<br />

discipline.<br />

soignant sont bien compréhensibles.<br />

Une journaliste nous tend la perche<br />

pour témoigner <strong>de</strong> ce que l’on fait.<br />

Qu’attendons-nous, les soignants en<br />

prison pour dire qu’il y a un problème,<br />

un gros problème ? C’est en tout cas<br />

ce que le SMPR <strong>de</strong> Baie-Mahault a<br />

tenté d’exprimer lors <strong>de</strong>s journées<br />

<strong>de</strong>s secteurs <strong>de</strong> psychiatrie en milieu<br />

pénitentiaire à la Rochelle le 6 et 7<br />

novembre <strong>de</strong>rnier, en évoquant la<br />

nécessité d’un nouveau paradigme.<br />

Nos propositions en ont surpris certains.<br />

Elles sont très critiquables mais<br />

elles étaient surtout motivées par le<br />

fait qu’on ne peut pas continuer sur<br />

les modalités actuelles. Elles partent<br />

d’un malaise qui ne peut tenter <strong>de</strong> se<br />

soulager qu’en réfléchissant à <strong>de</strong>s<br />

« portes <strong>de</strong> sortie ».<br />

Mais il n’y a pas que les psy sur terre<br />

pour changer quelque chose. On peut<br />

toujours espérer que ce livre en ces<br />

temps <strong>de</strong> précampagne électorale intéressera<br />

quelques candidats et sensibilisera<br />

un peu plus que quelques<br />

citoyens.<br />

Marcel David<br />

Auto-érotismes, narcissismes<br />

et pulsions du moi<br />

Jean-Michel Porret<br />

L’Harmattan, 17,50 €<br />

L’objectif principal <strong>de</strong> cet ouvrage est<br />

<strong>de</strong> retracer les rapports (conjonctifs<br />

et disjonctifs) qui existent entre les<br />

auto-érotismes et les narcissismes au<br />

cours du développement normal du<br />

psychisme et en tenant compte <strong>de</strong> la<br />

secon<strong>de</strong> théorie freudienne <strong>de</strong>s pulsions<br />

(opposition entre pulsions érotiques<br />

et pulsions <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction dans<br />

le ça). En outre, est proposée une vision<br />

générale <strong>de</strong>s pulsions du moi, à<br />

savoir <strong>de</strong>s pulsions qui, sous formes<br />

directes ou transformées, sont à l’œuvre<br />

dans le moi.<br />

Le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s politiques<br />

André Vantomme (Sénateur PS <strong>de</strong><br />

l’Oise) a rappelé que pendant vingt<br />

ans, il a présidé à la <strong>de</strong>stinée d’une ville<br />

<strong>de</strong> 10 000 habitants, qui compte un<br />

centre hospitalier spécialisé employant<br />

2 800 personnes, dont une centaine<br />

<strong>de</strong> psychiatres.<br />

Il a découvert la psychiatrie et ses problèmes<br />

dans le cadre d’un grand établissement<br />

bicentenaire, qui a été un<br />

asile et a su évoluer pour désormais<br />

mettre le patient au cœur du dispositif<br />

<strong>de</strong> soins, et est intimement persuadé<br />

<strong>de</strong> la complémentarité <strong>de</strong>s actions du<br />

public et du privé. Il a évoqué un certain<br />

nombre <strong>de</strong> mesures prises par le passé.<br />

• On ne peut que s’interroger sur la<br />

diminution draconienne du nombre<br />

<strong>de</strong> patriciens sans parier <strong>de</strong> la pratique<br />

du numerus clausus, qui a engendré<br />

<strong>de</strong> graves problèmes.<br />

• La fermeture <strong>de</strong>s écoles d’infirmières<br />

a été interrompue en catastrophe, dans<br />

la mesure où la « solution » <strong>de</strong>s infirmières<br />

espagnoles ne pouvait être satisfaisante<br />

à terme.<br />

• La suppression <strong>de</strong> lits psychiatriques<br />

est dramatique et affecte plus particulièrement<br />

la région parisienne.<br />

• La création du diplôme d’Etat d’infirmier<br />

a entraîné la suppression <strong>de</strong> la<br />

spécificité du diplôme d’infirmier psychiatrique.<br />

Dans certains établissements,<br />

les anciens titulaires du poste d’infirmier<br />

psychiatrique partent à la retraite,<br />

alors que les plus jeunes débutent leur<br />

carrière sans disposer d’une formation<br />

initiale adéquate.<br />

• Les problèmes d’attractivité et les disparités<br />

régionales en matière <strong>de</strong> santé<br />

sont criants. Dans la ville dont André<br />

Vantomme a été maire et qui présente<br />

un taux <strong>de</strong> chômage <strong>de</strong> 9%, 169<br />

postes d’infirmier sont aujourd’hui<br />

vacants.<br />

• Le PLFSS n’est pas suffisamment<br />

conséquent.<br />

• La situation est catastrophique dans<br />

les prisons. Les défis consistent à concilier<br />

le soin et l’incarcération, à humaniser<br />

les conditions <strong>de</strong> vie dans les prisons<br />

et à accueillir dans les hôpitaux<br />

psychiatriques <strong>de</strong>s personnes parfois<br />

dangereuses et violentes.<br />

• Sous couvert <strong>de</strong> lutte contre la délinquance,<br />

le ministre <strong>de</strong> l’Intérieur intervient<br />

dans le domaine <strong>de</strong> la santé, alors<br />

que ce <strong>de</strong>rnier relève <strong>de</strong> la compétence<br />

du ministère <strong>de</strong> la Santé.<br />

Marie-Anne Montchamp (ancien<br />

Ministre et Député UMP du Val-<strong>de</strong>-<br />

Marne) a précisé qu’elle a rencontré<br />

pour la première fois la question <strong>de</strong> la<br />

santé mentale lorsqu’elle a préparé la<br />

loi sur l’égalité <strong>de</strong>s droits et <strong>de</strong>s chances,<br />

la participation et la citoyenneté <strong>de</strong>s<br />

personnes handicapées. A cette occasion,<br />

elle a été confrontée <strong>de</strong> plein<br />

fouet à cette problématique, notamment<br />

lors <strong>de</strong> ses rencontres avec <strong>de</strong>s<br />

associations <strong>de</strong> patients.<br />

Dans ce cadre, elle a dû conduire un<br />

certain nombre d’arbitrages en faveur<br />

<strong>de</strong> l’inclusion du handicap psychique<br />

dans le champ du handicap et du développement<br />

d’une approche politique<br />

spécifique. Il faut dire à l’ensemble <strong>de</strong><br />

nos compatriotes que l’on peut être<br />

privé d’autonomie lorsque l’on est<br />

sourd ou aveugle, mais également<br />

lorsque l’on est affecté <strong>de</strong> troubles psychiques.<br />

Le concept <strong>de</strong> handicap psychique est<br />

un point d’équilibre permettant d’ouvrir<br />

<strong>de</strong>s droits spécifiques. Nos compatriotes<br />

doivent savoir que la maladie mentale<br />

n’est pas simplement une série <strong>de</strong><br />

symptômes, mais peut être un véritable<br />

empêchement à la libre participation<br />

et à la citoyenneté.<br />

En matière <strong>de</strong> santé mentale, le politique<br />

est plus que jamais dans son rôle<br />

d’arbitrage. Il doit répondre à la question<br />

<strong>de</strong> savoir jusqu’où aller le plus loin<br />

pour faire avancer une question sensible<br />

sur un sujet douloureux, tout en<br />

ne basculant pas dans une vulgarisation<br />

excessive. Aujourd’hui, il est temps<br />

que les politiques se saisissent du problème<br />

<strong>de</strong>s troubles psychiques, qui<br />

constitue une véritable priorité <strong>de</strong> santé<br />

publique, collective. Il s’agit <strong>de</strong> faire en<br />

sorte que la question <strong>de</strong> la santé mentale<br />

ne soit plus seulement l’affaire <strong>de</strong>s<br />

spécialistes, mais constitue également<br />

une partie <strong>de</strong> notre conscience collective<br />

plus éveillée.<br />

Pour y parvenir, il est nécessaire <strong>de</strong><br />

recueillir un certain nombre <strong>de</strong> données,<br />

notamment sur les coûts évités<br />

par la prise en charge médicale. Il s’agit<br />

également <strong>de</strong> déspécialiser cette thématique<br />

et sans doute d’abor<strong>de</strong>r la<br />

question du bien-être psychique<br />

comme un projet politique pour les<br />

Français. Il y a là un objet <strong>de</strong> préoccupation<br />

qui ne concerne pas uniquement<br />

le ministre <strong>de</strong> la Santé et qui doit<br />

prendre le risque <strong>de</strong> définir <strong>de</strong>s priorités<br />

pour l’époque actuelle et les dix<br />

ans à venir.<br />

En tant qu’élue, Marie-Anne Montchamp<br />

a la conviction que notre société<br />

est mûre pour ce changement.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la contribution du politique,<br />

il faut refon<strong>de</strong>r un investissement collectif,<br />

c’est-à-dire trouver, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />

arbitrages, <strong>de</strong>s points d’entrée convaincants<br />

et durables.<br />

Conclusion<br />

Dans sa conclusion, Jacques Gayral a<br />

précisé qu’il est bien évi<strong>de</strong>nt qu’il n’est<br />

pas possible <strong>de</strong> traiter exhaustivement<br />

lors d’un colloque qui ne dure que<br />

quelques heures une question aussi<br />

vaste,<br />

Cependant, ont été réunis <strong>de</strong>s parlementaires,<br />

<strong>de</strong>s journalistes, <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins,<br />

<strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong>s hôpitaux et<br />

<strong>de</strong>s cliniques afin <strong>de</strong> lancer <strong>de</strong>s pistes<br />

<strong>de</strong> réflexion, avec un objectif qui<br />

consiste bien à faire <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

et <strong>de</strong> la santé mentale une cause<br />

nationale. ■<br />

COLLOQUE ■ 11<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Les recours aux soins<br />

spécialisés en santé<br />

mentale<br />

François Chapireau<br />

Etu<strong>de</strong>s et Résultats nvembre 2006<br />

n°533, DREES<br />

Le recours aux soins spécialisés en<br />

santé mentale est appréhendé par<br />

l’enquête santé <strong>de</strong> INSEE en 2003 à<br />

travers la déclaration que font les personnes<br />

d’avoir consulté un psychiatre,<br />

un psychologue ou un psychanalyste,<br />

ou d’avoir été hospitalisées dans un<br />

service <strong>de</strong> psychiatrie. Trois dimensions<br />

<strong>de</strong> la santé mentale sont ici<br />

prises en compte pour les caractériser<br />

: avoir déclaré un trouble psychique,<br />

avoir recouru à une consultation<br />

non programmée « pour le<br />

moral » et enfin connaître <strong>de</strong>s difficultés<br />

sociales. Neuf consultants sur<br />

dix se sont adressés à un seul <strong>de</strong>s<br />

trois spécialistes en santé mentale<br />

considérés. Ce sont en majorité <strong>de</strong>s<br />

femmes (70%) et dans plus <strong>de</strong> la moitié<br />

<strong>de</strong>s cas <strong>de</strong>s personnes seules. Ce<br />

recours est le plus souvent motivé<br />

par un trouble psychique avec une<br />

propension plus forte à consulter<br />

quand le niveau <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s<br />

enquêtés est élevé. Cependant, les<br />

caractéristiques <strong>de</strong>s patients sont différentes<br />

selon les praticiens. Les psychiatres<br />

reçoivent surtout <strong>de</strong>s adultes<br />

en forte détresse psychique et aux<br />

parcours professionnels perturbés,<br />

mais avec <strong>de</strong>s caractéristiques assez<br />

diversifiées du point <strong>de</strong> vue socioprofessionnel.<br />

La clientèle <strong>de</strong>s psychologues<br />

est pour moitié composée<br />

<strong>de</strong> jeunes <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 20 ans, qui<br />

présentent souvent <strong>de</strong>s troubles psychiques<br />

et physiologiques associés.<br />

Les personnes qui consultent un psychanalyste,<br />

bien qu’elles aient un niveau<br />

<strong>de</strong> formation plus élevé que la<br />

moyenne, sont plus difficiles à cerner<br />

dans la mesure où leur rythme<br />

<strong>de</strong> consultation déclaré ne correspond<br />

pas aux standards <strong>de</strong> la cure<br />

analytique. Enfin, celles qui ont été<br />

hospitalisées en psychiatrie cumulent<br />

<strong>de</strong> lour<strong>de</strong>s difficultés sociales et un<br />

important recours aux soins non psychiatriques.<br />

Histoire <strong>de</strong> l’hystérie<br />

Etienne Trillat<br />

Préface <strong>de</strong> Jacques Postel<br />

Editions Frison-Roche, 35 E<br />

Dans sa préface, Jacques Postel relève<br />

qu’il était temps <strong>de</strong> republier<br />

cette « Histoire <strong>de</strong> l’hystérie » que son<br />

auteur avait confiée à la collection<br />

que dirigeait alors Clau<strong>de</strong> Quétel, chez<br />

Seghers. C’est en 1986 que paraissait<br />

dans « Mé<strong>de</strong>cine et Histoire », ce<br />

livre qui allait obtenir le prix <strong>de</strong> la<br />

« Société Française <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine » dès<br />

l’année suivante.<br />

La meilleure partie <strong>de</strong> l’ouvrage reste<br />

celle qui recouvre la <strong>de</strong>uxième partie<br />

du XIX e siècle et les débuts <strong>de</strong> la<br />

découverte freudienne : sur Charcot<br />

avec « l’hystérie pénétrant enfin dans<br />

le temple <strong>de</strong> la Science », sur la place<br />

<strong>de</strong> l’hystérie à cette époque dans l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s « névroses », sur le conflit<br />

entre l’école <strong>de</strong> Paris et celle <strong>de</strong> Nancy<br />

sur le rôle <strong>de</strong> la suggestion et la nature<br />

<strong>de</strong> l’hypnose, sur P. Janet et sa<br />

« psychasthénie », sur l’importance <strong>de</strong>s<br />

observations du jeune S. Freud sur<br />

l’hystérie dans sa découverte <strong>de</strong> l’inconscient<br />

et l’invention <strong>de</strong> la psychanalyse,<br />

sur le rôle aussi <strong>de</strong> la religion<br />

et <strong>de</strong> la culture dans l’abord <strong>de</strong><br />

l’hystérie. On se souvient, à ce propos,<br />

<strong>de</strong> la phrase <strong>de</strong>s Goncourt dans<br />

leur journal : « La religion est une partie<br />

du sexe <strong>de</strong> la femme ».


12<br />

LIVRES<br />

■ PSYCHOSE ET CRÉATION<br />

Psychanalyse <strong>de</strong>s limites<br />

Didier Anzieu<br />

Textes réunis et présentés par<br />

Catherine Chabert<br />

Dunod, 26 €<br />

Catherine Chabert a fait le choix <strong>de</strong><br />

publier dans cet ouvrage <strong>de</strong>s textes<br />

<strong>de</strong> Didier Anzieu qui ont tous trait à<br />

la psychanalyse <strong>de</strong>s limites, car le<br />

changement dans la nature <strong>de</strong> la souffrance<br />

<strong>de</strong>s patients qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />

une analyse engage davantage <strong>de</strong><br />

patients limites ou narcissiques, donc<br />

<strong>de</strong> patients qui souffrent d'un manque<br />

<strong>de</strong> limites.<br />

A côté <strong>de</strong>s ouvrages synthétiques <strong>de</strong><br />

Didier Anzieu qui ont jalonné son<br />

parcours et qui ont constitué les pôles<br />

d'attraction <strong>de</strong> sa pensée, un certain<br />

nombre d'articles ont soutenu sa démarche,<br />

les uns ayant été plus tard<br />

repris dans un livre, les autres laissés<br />

à leur édition d'origine.<br />

Les cinq points proposés peuvent être<br />

résumés ainsi :<br />

- il faut compléter la perspective topique<br />

sur l'appareil psychique par<br />

une perspective plus strictement topographique,<br />

c'est-à-dire en rapport<br />

avec l'organisation spatiale du Moi<br />

corporel et du Moi psychique ;<br />

- il faut compléter l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fantasmes<br />

relatifs aux contenus psychiques<br />

par celle <strong>de</strong>s fantasmes concernant<br />

les contenants psychiques ;<br />

- compléter la compréhension du<br />

sta<strong>de</strong> oral comme reposant sur l'activité<br />

<strong>de</strong> succion par la prise en considération<br />

du contact corps à corps<br />

bébé/mère ;<br />

- compléter le double interdit œdipien<br />

par un double interdit du toucher<br />

qui en serait le précurseur ;<br />

- enfin, il faut compléter le setting psychanalytique<br />

classique par <strong>de</strong>s aménagements<br />

éventuels, et par la prise<br />

en compte <strong>de</strong> la disposition du corps<br />

du patient et <strong>de</strong> sa représentation <strong>de</strong><br />

l'espace analytique au sein du dispositif.<br />

Ils ont tué leurs enfants<br />

Approche psychologique <strong>de</strong><br />

l’infantici<strong>de</strong><br />

Odile Verschoot<br />

Préface <strong>de</strong> Sophie Marinopoulos<br />

Imago, 20 €<br />

Sans antécé<strong>de</strong>nt judiciaire, ni maladie<br />

psychiatrique avérée, le geste infantici<strong>de</strong><br />

surgit d’un double désir :<br />

le désir fou <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r en soi l’enfant<br />

que l’on craint <strong>de</strong> perdre et, en<br />

éliminant la <strong>de</strong>scendance, celui <strong>de</strong><br />

conserver sa place <strong>de</strong> « nourrisson<br />

psychique » au sein <strong>de</strong> la famille initiale.<br />

Au cours <strong>de</strong> sa pratique <strong>de</strong> psychologue<br />

en milieu pénitentiaire, Odile<br />

Verschoot a recueilli la parole douloureuse<br />

<strong>de</strong> ces parents meurtriers.<br />

Elle a enquêté avec eux - et non pas<br />

simplement sur eux - pour tenter <strong>de</strong><br />

comprendre.<br />

Le crime filici<strong>de</strong> a un fon<strong>de</strong>ment passionnel,<br />

mais se distingue toutefois<br />

du « crime passionnel » (tel que le définissait<br />

autrefois le co<strong>de</strong> pénal) du<br />

fait <strong>de</strong> la filiation entre meurtrier(ère)<br />

et victime. Les causalités socio-économiques,<br />

exogènes et médico-légales<br />

ne suffisent jamais à « expliquer<br />

» pourquoi un parent tue son<br />

enfant. Seule la problématique <strong>de</strong><br />

l’abandon, au cœur du fonctionnement<br />

psychique inconscient, fon<strong>de</strong><br />

ce processus meurtrier. L’enfant procréé<br />

pour combler échoue dans cette<br />

mission que son parent lui avait assignée.<br />

L’élimination <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scendance permet<br />

au meurtrier <strong>de</strong> revenir à sa place<br />

initiale d’enfant.<br />

Laurence François : En février 1842,<br />

Clara reprend sa carrière <strong>de</strong> soliste, le<br />

couple part en tournée dans le nord.<br />

Mais Robert abandonne le voyage<br />

après 6 semaines et rentre seul au<br />

domicile conjugal. Il ne compose plus<br />

jusqu’au retour <strong>de</strong> Clara fin avril, sort,<br />

boit <strong>de</strong> l’alcool, se déprime...<br />

Marc Kowalczyk : Quintette avec<br />

piano en Mi b majeur, Opus 44 (1842,<br />

2 violons, 1 alto, 1 violoncelle et 1<br />

piano)<br />

Ecrite en 5 jours, c’est la première<br />

œuvre célèbre pour cette formation.<br />

Schumann s’est enfin décidé à s’ouvrir<br />

à d’autres instruments, sur les conseils<br />

<strong>de</strong> Liszt et <strong>de</strong> Clara. Malgré tout, Schumann<br />

confie au piano la partie principale<br />

(on peut même dire que le piano<br />

est concertant). Le piano est noté sur la<br />

partition « sempre con molto sentimento<br />

». A ce sujet, Nietzsche souligne<br />

« l’ivrognerie du sentiment chez Schumann<br />

». L’écriture contrapuntique est<br />

jugée obsessionnelle, asymétrique et<br />

pleine <strong>de</strong> ruptures. On remarque le<br />

grand lyrisme du permier mouvement ;<br />

un air <strong>de</strong> musette et un style fugato à<br />

la Bach dans le quatrième mouvement.<br />

L.F. : Un nouveau silence fait suite à<br />

cette explosion créatrice : en 1843<br />

Schumann semble épuisé par ce qu’il<br />

nomme une « dépression nerveuse », il<br />

a <strong>de</strong> multiples malaises et consulte les<br />

docteurs Müller, père et fils, homéopathes.<br />

Il fait la connaissance <strong>de</strong> Berlioz<br />

en février.<br />

Sa <strong>de</strong>uxième fille, Elise, naît le 25 avril<br />

1843. Puis il prend le poste <strong>de</strong> professeur<br />

<strong>de</strong> composition au conservatoire<br />

<strong>de</strong> Leipzig, dirigé par son ami Men<strong>de</strong>lssohn<br />

et accepte la réconciliation<br />

forcée que lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> Wieck. Il décline<br />

l’offre <strong>de</strong> la maison d’édition <strong>de</strong><br />

l’Allgemeine Muzikalische Zeitung d’en<br />

reprendre la direction, ce qui aurait<br />

mis définitivement sa famille à l’abri<br />

du besoin. Parallèlement, il délaisse sa<br />

propre revue, et finit par la revendre à<br />

un <strong>de</strong> ses collaborateurs. Il pose sa candidature<br />

à la succession <strong>de</strong> Men<strong>de</strong>lssohn<br />

comme chef d’orchestre au<br />

Gewandhaus, qui lui est refusée au<br />

profit <strong>de</strong> Niels Ga<strong>de</strong>. De son côté,<br />

Clara triomphe dans une tournée <strong>de</strong><br />

concerts en Russie entre janvier et mai<br />

1844 en exécutant parfois certaines<br />

<strong>de</strong> ses œuvres. Schumann l’accompagne,<br />

mais il ne se sent toujours perçu<br />

que comme le mari <strong>de</strong> la virtuose et en<br />

est blessé. Il est insomniaque, souffre <strong>de</strong><br />

vertiges, tremblements <strong>de</strong>s membres,<br />

ruminations, crises <strong>de</strong> larmes, rhumatismes,<br />

<strong>de</strong> prurit diffus. Il est quasi<br />

mutique, ce qui est remarqué dans les<br />

soirées mondaines où il reste en retrait<br />

et murmure <strong>de</strong>s choses inintelligibles<br />

quand on s’adresse à lui. Le journal<br />

intime est interrompu : « j’éprouve <strong>de</strong> la<br />

difficulté à m’exprimer en paroles ou par<br />

écrit et un quart d’heure au piano me<br />

permet d’en dire plus long ». Sa correspondance<br />

se raréfie et <strong>de</strong>vient laconique.<br />

Son mé<strong>de</strong>cin lui intime le repos<br />

et l’interdiction <strong>de</strong> travailler, qu’il ne<br />

respectera pas. Des douleurs d’oreille,<br />

<strong>de</strong>s acouphènes, comme <strong>de</strong>s trompettes<br />

lui résonnent dans la tête, même<br />

la musique lui est pénible. Il boit, fume<br />

et ne parvient plus à travailler.<br />

En août 1844, il débute <strong>de</strong>s séances<br />

d’hydrothérapie, très en vogue à<br />

l’époque, suivant les conseils du Dr<br />

Josephson <strong>de</strong> Stockholm une cure <strong>de</strong> 6<br />

semaines <strong>de</strong> bains froids en mer du<br />

Nord dans l’île <strong>de</strong> Nor<strong>de</strong>ney, puis <strong>de</strong>s<br />

bains <strong>de</strong> rivière dans l’Elbe qui coule à<br />

Dres<strong>de</strong>, à Ba<strong>de</strong>n-ba<strong>de</strong>n, à Carlsbad ou<br />

dans le lac Léman…Il. tente <strong>de</strong> se lier<br />

d’amitié avec Richter, Reinich ou Wagner<br />

et fait un nouveau séjour décevant<br />

à Vienne. Las, à l’automne, il prend la<br />

décision <strong>de</strong> quitter Leipzig pour Dres<strong>de</strong>,<br />

la ville la plus musicale <strong>de</strong> l’Allemagne,<br />

et se retire donc du conservatoire.<br />

En novembre 44, Ernestine von<br />

Friecken, sa première fiancée décè<strong>de</strong>.<br />

En 1845, Schumann tente d’autres<br />

remè<strong>de</strong>s pour sortir <strong>de</strong> son état, dont<br />

<strong>de</strong>s séances magnétiques du Dr Helbig,<br />

un disciple <strong>de</strong> Mesmer, qui pratique<br />

l’hypnose. Celui-ci note que son<br />

patient souffre « d’hallucinations auditives<br />

liées à un excès non physiologique<br />

<strong>de</strong> travail <strong>de</strong> composition, d’une insomnie<br />

persistante ; mais également <strong>de</strong> la<br />

peur <strong>de</strong>s montagnes, <strong>de</strong>s constructions<br />

élevées, <strong>de</strong>s outils en métal, <strong>de</strong>s clefs, <strong>de</strong>s<br />

médicaments et <strong>de</strong>s poisons ».<br />

« Il y a au <strong>de</strong>dans <strong>de</strong> moi un battement<br />

<strong>de</strong> tambour et pendant plusieurs jours<br />

<strong>de</strong> la trompette, je ne sais qu’en faire »,<br />

écrit Schumann.<br />

A force d’obstination il se remet à la<br />

composition, puis craque <strong>de</strong> nouveau :<br />

l’année 1846 est pauvre, une nouvelle<br />

série <strong>de</strong> bains <strong>de</strong> mer n’entraîne aucune<br />

amélioration. Une série <strong>de</strong> concerts<br />

est décevante à Vienne, tandis qu’une<br />

autre est plus satisfaisante à Prague. La<br />

mort brutale <strong>de</strong> Men<strong>de</strong>lssohn le 4<br />

novembre 1847, par hémorragie cérébrale,<br />

lui ajoute une nosophobie : un<br />

matin il est persuadé d’être victime<br />

d’une crise d’apoplexie et refuse <strong>de</strong> se<br />

lever. En 1848, il <strong>de</strong>vient chef <strong>de</strong> 2<br />

chœurs à Dres<strong>de</strong>, brigue divers postes<br />

qui lui sont refusés.<br />

Sur le plan familial, quatre autres<br />

enfants naissent entre 45 et 49 (Julie ;<br />

Emile qui meurt à 16 mois en juin 47 ;<br />

Ludwig et Ferdinand).<br />

M.K. : Trio n°1 en Ré mineur, Opus<br />

63 (1847, Violon, violoncelle et piano)<br />

Clara vient <strong>de</strong> finir son Trio avec piano<br />

en Sol mineur et c’est naturellement<br />

que Schumann compose le sien. Son<br />

âme tourmentée s’exprime à son aise :<br />

le langage est tendu, l’écriture est serrée,<br />

saccadée, avec <strong>de</strong> grands mouvements<br />

ascendants et <strong>de</strong>scendants. L’ar<strong>de</strong>ur<br />

romantique du 1er mouvement est<br />

reprise au Final. La mélodie <strong>de</strong> 7<br />

mesures irrégulières, notée « avec énergie<br />

et souffrance », est jouée au violoncelle<br />

sul ponticello (joué près du chevalet,<br />

son fondamental appauvri, rend<br />

un son étrange et cristallin). Le piano<br />

est scintillant et très aigu. Le 4ème<br />

mouvement appartient à une « époque<br />

d’humeurs sombres » selon Schumann.<br />

La lassitu<strong>de</strong> du mon<strong>de</strong> est décrite au<br />

piano grave, avec <strong>de</strong>s retards, <strong>de</strong>s<br />

modulations <strong>de</strong> majeur à mineur, <strong>de</strong><br />

longues phrases et <strong>de</strong>s tensions musicales.<br />

L.F. : L’année 1849 est prolifique :<br />

Schumann, emporté dans une euphorie<br />

créatrice, s’achète un piano beaucoup<br />

trop cher, les mélodies se pressent<br />

dans son esprit, il écrit dans <strong>de</strong>s lettres<br />

à Hiller : « jamais je n’ai été plus actif, ni<br />

plus heureux en art », « »j’ai trouvé dans<br />

le travail une consolation aux terribles<br />

évènements extérieurs ». Son humeur<br />

quotidienne loin d’être exaltée exprime<br />

donc toujours la douleur <strong>de</strong> vivre. Son<br />

frère aîné Karl décè<strong>de</strong> en avril, Robert<br />

reste le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> sa famille. En juin, il<br />

évoque dans son journal ses « stupi<strong>de</strong>s<br />

ruminations hypochondriaques ». Chopin<br />

décè<strong>de</strong> à Paris en octobre. Le 3<br />

décembre il écrit à Hiller, « il faut créer<br />

tant qu’il fait jour ».<br />

M.K. : Marchenbil<strong>de</strong>r, Opus 113<br />

(1849, Alto et piano)<br />

Ces 4 méditations lentes, écrites en 5<br />

jours, portent, selon Sandrine Blon<strong>de</strong>t<br />

(Harmonia Mundi), <strong>de</strong>s « images <strong>de</strong><br />

contes <strong>de</strong> fées » […] <strong>de</strong>s « frémissements<br />

inquiétants <strong>de</strong> l’alto comme étouffés par<br />

la brume <strong>de</strong>s accords immatériels du<br />

piano ». Après la course folle, on assiste<br />

à une « expression mélancolique »<br />

avec un ostinato <strong>de</strong> basses. Schumann<br />

utilise l’alto pour son timbre mystérieux,<br />

poétique et proche <strong>de</strong> la voix<br />

humaine. Brahms, influencé certainement<br />

par cette œuvre, composera plus<br />

tard <strong>de</strong>ux sonates pour alto. Le 1er<br />

mouvement exprime en Ré mineur<br />

<strong>de</strong>s regrets aux <strong>de</strong>ux instruments qui se<br />

répon<strong>de</strong>nt ; le 4ème mouvement est<br />

une berceuse en Ré majeur.<br />

L.F. : Le 25 juin 1850, la création <strong>de</strong><br />

son opéra Genoveva au théâtre <strong>de</strong><br />

Leipzig, qui a été longtemps repoussée,<br />

ne remporte qu’un succès d’estime<br />

et peu <strong>de</strong> bonnes critiques, ça le désespère.<br />

Le couple Schumann déménage<br />

alors à Düsseldorf, le 2 septembre 50<br />

et là, Robert prend la direction <strong>de</strong> l’orchestre<br />

<strong>de</strong> la ville, à la suite <strong>de</strong> Hiller. Il<br />

lui a fallu une année <strong>de</strong> réflexion avant<br />

d’accepter (il doit surmonter sa peur<br />

<strong>de</strong> vivre dans une ville qui possè<strong>de</strong> un<br />

asile d’aliénés). Il s’agit d’une <strong>de</strong>s plus<br />

lour<strong>de</strong>s responsabilités qu’il ait eu à<br />

assumer jusque-là. L’accueil y est plutôt<br />

chaleureux. Une fille, Eugénie naît en<br />

décembre 1851. En 1582, Schumann<br />

suit une nouvelle cure <strong>de</strong> bains dans le<br />

Rhin. L’angoisse est toujours présente,<br />

accompagnée <strong>de</strong> vertiges et <strong>de</strong> douleurs<br />

diffuses. Malgré cela, il compose<br />

sans trêve et, en avril, poursuit une balnéothérapie<br />

en Hollan<strong>de</strong>.<br />

En 1852, dès sa <strong>de</strong>uxième saison d’orchestre,<br />

la bonne entente entre Schumann<br />

et ses musiciens s’éro<strong>de</strong> : on lui<br />

reproche son hermétisme. Robert est<br />

tellement concentré sur la musique ou<br />

rêveur qu’il oublie jusqu’à la présence<br />

<strong>de</strong>s musiciens ; ou encore s’adresse à<br />

eux d’une voix assourdie, inaudible. Sa<br />

baguette lui échappe <strong>de</strong> la main, à tel<br />

point qu’il l’y attache avec une ficelle.<br />

Dirigeant l’orchestre lors d’une messe,<br />

il continue à brasser <strong>de</strong> grands mouvements<br />

alors que le chœur s’est tu et<br />

que le prêtre a repris la parole. Asthénique,<br />

il est obnubilé par la vitesse<br />

d’exécution <strong>de</strong>s œuvres et fait toujours<br />

ralentir les tempi. Il a <strong>de</strong> gros troubles<br />

<strong>de</strong> mémoire et d’attention. On lui<br />

reproche sa programmation : pas assez<br />

<strong>de</strong> Mozart, Berlioz, Liszt, Wagner ou<br />

<strong>de</strong> musique française. En réalité, il dirige<br />

surtout les compositions qu’il est<br />

encore capable <strong>de</strong> maîtriser. A partir<br />

<strong>de</strong> l’automne 1852 une hallucination<br />

auditive <strong>de</strong> la note La l’envahit, son<br />

activité se réduit.<br />

M.K. : Requiem latin, Opus 148 (1852,<br />

Solistes, chœur et orchestre)<br />

En 1849, Schumann écrit à un ami :<br />

« Je me suis orienté vers l’église ». En<br />

effet, juste avant ce Requiem, Schumann<br />

a composé une Messe latine,<br />

Opus 147.<br />

Les mélodies sont régulières et sans<br />

surprise. Schumann a, en quelque sorte,<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Psychose et création : vie et<br />

œuvre <strong>de</strong> Robert Schumann<br />

2ème partie<br />

Michel Henry<br />

Pensée <strong>de</strong> la vie et culture<br />

contemporaine<br />

Colloque international <strong>de</strong><br />

Montpellier<br />

Beauchesne, 24 €<br />

Michel Henry (1922-2002) a renouvelé<br />

les travaux sur l’essence <strong>de</strong> la<br />

manifestation et l’affectivité, la phénoménologie<br />

<strong>de</strong> la corporéité et l’incarnation,<br />

l’auto-révélation et l’autodonation<br />

<strong>de</strong> la vie, la phénoménologie<br />

matérielle et la phénoménologie <strong>de</strong><br />

l’invisible, la chair et la subjectivité<br />

transcendantale, la philosophie du<br />

christianisme. La critique <strong>de</strong> l’objectivisme<br />

galiléen <strong>de</strong>s idéologies scientistes,<br />

la dénonciation <strong>de</strong>s formes<br />

politiques, médiatiques et culturelles<br />

<strong>de</strong> la barbarie mo<strong>de</strong>rne, l’affirmation<br />

<strong>de</strong> la primauté <strong>de</strong> l’individu vivant<br />

contre toutes les abstractions économiques,<br />

réifications techniques ou<br />

hypostases sociales ont conduit Mi-<br />

domestiqué Florestan et Eusebius, il a<br />

fait un compromis avec la société bourgeoise<br />

<strong>de</strong> son époque. Ce compromis<br />

sera encore plus visible avec ses Scènes<br />

du Faust (achevées en 1853) où le<br />

grand thème <strong>de</strong> Faust n’est pas traité<br />

avec les problèmes mo<strong>de</strong>rnes, mais<br />

avec les regrets du passé et les charmes<br />

<strong>de</strong> la paix domestique. Schumann<br />

oublie le « déchirement du mon<strong>de</strong> »<br />

selon Heine, sa musique est statique<br />

comme figée.<br />

L.F. : Après le premier concert <strong>de</strong> la<br />

saison 1853, il est incapable <strong>de</strong> diriger<br />

jusqu’à la fin du programme. Une situation<br />

plutôt humiliante se met en place :<br />

on ne lui laisse plus diriger que ses<br />

propres œuvres…puis le couperet<br />

tombe le 19 novembre 1853 : on lui<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> sa démission. Dans le même<br />

temps Clara note : « Il ressent une<br />

angoisse insupportable ; il ne peut dormir<br />

et <strong>de</strong>vient sporadiquement la proie d’une<br />

agitation anxieuse incoercible, il parcourt<br />

la chambre en gémissant ». Son journal<br />

ne comporte plus que quelques mots<br />

par jour « pénibles souffrances » ; « triste<br />

épuisement <strong>de</strong> mes forces ». La même<br />

année, il rencontre Johannes Brahms,<br />

âgé <strong>de</strong> 20 ans, dont la présence permet<br />

une brève amélioration <strong>de</strong> 3 mois. Il<br />

écrit un <strong>de</strong>rnier article annonçant un<br />

nouveau génie. Schumann se prend<br />

<strong>de</strong> passion pour le spiritisme, pratique<br />

courante à l’époque, passion qui l’accapare<br />

d’autant plus qu’il s’isole <strong>de</strong> plus<br />

en plus. Il affirme que « les tables tournantes<br />

savent tout » et s’adresse aux<br />

esprits avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa table <strong>de</strong> salon,<br />

qu’il récompense <strong>de</strong> ses services en<br />

<strong>de</strong>mandant à Clara <strong>de</strong> lui confectionner<br />

un nouveau tapis (<strong>de</strong> table). Eugénie<br />

Schumann écrit dans une lettre à<br />

Brahms : « Il semble que l’esprit ne suit<br />

plus le fil <strong>de</strong> sa pensée que par un effort<br />

spasmodique ». Une <strong>de</strong>rnière joie musicale<br />

survient en janvier 1854 : Brahms<br />

et Joachim organisent un festival Schumann<br />

à Hanovre qui est un triomphe<br />

complet, puis une tournée en Hollan<strong>de</strong><br />

avec Clara.<br />

M.K. : La troisième pério<strong>de</strong>, <strong>de</strong> 1853<br />

à 1854, est considérée comme la pério<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> fin. Cette pério<strong>de</strong>, avec puis sans<br />

Clara, peut aussi être appelée fantomatique<br />

en raison du retard <strong>de</strong> l’exécution<br />

<strong>de</strong> certaines créations, et surtout<br />

du caractère mystérieux qui<br />

entoure certaines œuvres.<br />

Concerto pour violon en Ré mineur, A<br />

23 (1853, Violon et orchestre)<br />

Ce concerto, écrit en 13 jours, est dédié<br />

chel Henry à défendre la vie, à célébrer<br />

les valeurs <strong>de</strong> l’esprit, <strong>de</strong> l’art<br />

et <strong>de</strong> la culture jusqu’à la vérité <strong>de</strong><br />

la vie absolue portée par les paroles<br />

du Christ. Le colloque international<br />

<strong>de</strong> Montpellier - « Michel Henry.Phénoménologie<br />

<strong>de</strong> la vie et culture contemporaine<br />

» - a tenu à rendre hommage<br />

à cette œuvre qui a ouvert <strong>de</strong> nombreux<br />

horizons <strong>de</strong> recherche.<br />

D’abord pour le renouvellement <strong>de</strong><br />

la phénoménologie et la réinterprétation<br />

<strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la philosophie<br />

(Eckhart, Descartes, Spinoza, Maine<br />

<strong>de</strong> Biran, Kant, Hegel, Kierkegaard,<br />

Marx, Schopenhauer, Nietzsche, Husserl,<br />

Hei<strong>de</strong>gger notamment), mais<br />

aussi dans tous les domaines du<br />

« Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la vie » et <strong>de</strong> la praxis humaine<br />

: la théologie, les sciences <strong>de</strong><br />

l’homme et <strong>de</strong> la vie, la psychologie<br />

et la psychanalyse, l’économie politique,<br />

l’esthétique et la création artistique,<br />

l’éducation et la thérapie,<br />

l’éthique et la politique.


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

L’Ecole <strong>de</strong> Psychosomatique<br />

L’Ecole <strong>de</strong> Psychosomatique* (http://www.ecole-psychosomatique.org/) a,<br />

<strong>de</strong>puis sa création en 1983, <strong>de</strong>ux pôles d’activité et d’élaboration : le champ<br />

psychosomatique, dans une perspective interdisciplinaire, et les psychothérapies.<br />

Ce second axe, initié par la question <strong>de</strong>s approches spécifiques et développé<br />

à partir <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s d’évaluation, a été investi sur un mo<strong>de</strong> très<br />

actif après l’expertise collective sur l’évaluation <strong>de</strong>s psychothérapies, en mettant<br />

en ligne une documentation scientifique sur le domaine (http://www.techniques-psychotherapiques.org/),<br />

et en travaillant sur le développement <strong>de</strong> recherches<br />

en conditions naturelles selon une méthodologie <strong>de</strong> cas isolés<br />

systématisés.<br />

L’EPS vient d’être agréée (Organisme agréé EPP) par la Haute Autorité <strong>de</strong><br />

santé pour son programme « Initier une psychothérapie, en suivre l’évolution, en<br />

évaluer les résultats ». Deux autres cycles commenceront en mars prochain.<br />

Leur finalité est <strong>de</strong> proposer aux praticiens un cadre méthodologique qui<br />

leur permette <strong>de</strong> formaliser, en groupes <strong>de</strong> pairs, les principales questions qui<br />

se posent dans leur pratique, à commencer par celles <strong>de</strong>s bases diagnostiques<br />

et <strong>de</strong>s critères à partir <strong>de</strong>squels se pose une indication <strong>de</strong> psychothérapie<br />

(questions incluses dans le référentiel d’autoévaluation <strong>de</strong> la HAS portant sur<br />

le dossier patient en pratique ambulatoire). ■<br />

P.C.<br />

*L’Ecole <strong>de</strong> Psychosomatique (chez le Dr JM THURIN - 9, rue Brantôme - 75003 Paris).<br />

à son ami violoniste Joseph Joachim.<br />

Ce <strong>de</strong>rnier refusa <strong>de</strong> le créer car il ne<br />

possè<strong>de</strong> pas <strong>de</strong> Final (point important<br />

pour les solistes où ils peuvent exceller…),<br />

mais il est surtout jugé injouable<br />

et « nuisible par ses imperfections ». La<br />

partition, retravaillée par plusieurs compositeurs<br />

dont Paul Hin<strong>de</strong>mith, dut<br />

attendre novembre 1937 pour être<br />

créée (soit 84 ans plus tard !) à Berlin<br />

par Georg Kulenkampf (et non Yehudi<br />

Menuhin comme initialement<br />

prévu…).<br />

L.F. : Schumann débute l’écriture du<br />

Dichtergarten (le jardin <strong>de</strong>s poètes),<br />

une anthologie <strong>de</strong>s écrits <strong>de</strong> poètes sur<br />

la musique, qui ne verra jamais le jour.<br />

Le 6 février 1854, il écrit à son ami le<br />

violoniste Joachim : « la nuit tombe<br />

déjà », et puis il lui adresse aussi un<br />

courrier énigmatique dans lequel il<br />

explique que <strong>de</strong>ux écritures sont<br />

mêlées l’une à l’encre sympathique qui<br />

va disparaître et l’autre secrète qui apparaîtra<br />

plus tard. Son comportement<br />

étrange déroute ses proches. Il <strong>de</strong>vient<br />

insomniaque. Les hallucinations se font<br />

plus précises, ne se résumant plus à la<br />

simple note La. Clara décrit qu’elles<br />

sont pour lui comme une musique<br />

céleste aux résonances merveilleuses,<br />

puis qu’elles <strong>de</strong>viennent affreuses et<br />

diaboliques, « les démons lui affirmaient<br />

qu’il serait damné et qu’ils venaient le<br />

chercher pour l’entraîner en enfer, puis ce<br />

sont <strong>de</strong>s tigres, <strong>de</strong>s hyènes ». Elle décrit<br />

aussi <strong>de</strong>s hallucinations visuelles le 13<br />

février : « les yeux ouverts, fixés vers le<br />

ciel ; il croyait fermement que <strong>de</strong>s anges<br />

planaient autour <strong>de</strong> lui et lui apportaient<br />

<strong>de</strong> célestes inspirations ». Schumann dit<br />

qu’il ne doit « pas cesser <strong>de</strong> lire la bible ».<br />

Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Clara <strong>de</strong> le quitter <strong>de</strong><br />

peur <strong>de</strong> lui fasse du mal. Les thèmes<br />

délirants mystiques, <strong>de</strong> damnation et<br />

<strong>de</strong> culpabilité (il s’accuse à nouveau <strong>de</strong><br />

crimes dont celui d’avoir tué sa mère),<br />

s’enrichissent d’éléments du syndrome<br />

d’influence : il se plaint que l’on fouille<br />

son cerveau, qu’on le transperce. Dans<br />

une accalmie le dimanche 26 février<br />

il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r son internement<br />

: « il ne se sent plus du tout maître<br />

<strong>de</strong> ses esprits » ; il est seulement renvoyé<br />

chez lui avec un gar<strong>de</strong> mala<strong>de</strong>.<br />

Le len<strong>de</strong>main au lever, fameux 27<br />

février, il annonce à Clara qu’il n’est<br />

pas digne <strong>de</strong> son amour, tente <strong>de</strong> travailler<br />

et finalement sort en robe <strong>de</strong><br />

chambre, pieds nus, enjambe un pont<br />

et se précipite dans le Rhin glacé après<br />

y avoir jeté son alliance. Repêché par<br />

<strong>de</strong>s mariniers, il est ramené à son domicile,<br />

parmi la foule <strong>de</strong>s masques prêts<br />

pour le Carnaval du soir (c’est Mardi<br />

gras). Il est conduit cinq jours plus tard<br />

à la clinique privée du Dr Richarz à<br />

En<strong>de</strong>nich près <strong>de</strong> Bonn, où il restera<br />

28 mois.<br />

M.K. : Chants <strong>de</strong> l’aube, Opus 133<br />

(1853, Piano)<br />

Schumann avoue : « Une étrange rougeur<br />

s’élève dans le ciel. Je ne sais si c’est<br />

l’aube ou le couchant ». Ces cinq pièces<br />

qui manquent peut-être d’énergie ou<br />

<strong>de</strong> souffle, sont, selon Schnei<strong>de</strong>r, « <strong>de</strong>s<br />

chants <strong>de</strong> la nostalgie du chant ». Le<br />

contrepoint y est remarquable, avec<br />

<strong>de</strong>s dissonances imprévues et <strong>de</strong>s<br />

contretemps. Le quatrième mouvement<br />

nous touche par son flux <strong>de</strong><br />

notes continuel d’où finit par se dégager<br />

un thème évanescent.<br />

Thème et 5 variations en Mi b majeur –<br />

Variation <strong>de</strong>s Esprits, A 24 (février<br />

1854, Piano)<br />

Cette œuvre, témoin <strong>de</strong> ses obsessions<br />

et <strong>de</strong> ses hallucinations sonores,<br />

contient un chant céleste écrit « sous<br />

la dictée <strong>de</strong>s anges ». Schumann écrit<br />

le thème en Mi b majeur, puis les variations<br />

la nuit du 27 février, après sa<br />

chute dans le Rhin. Petit à petit, ce<br />

chant céleste <strong>de</strong>vient <strong>de</strong>structeur avec<br />

<strong>de</strong>s tonalités démoniaques…<br />

Cette œuvre, qui est la <strong>de</strong>rnière censée<br />

<strong>de</strong> Schumann, est assez scolaire, sans<br />

magie particulière.<br />

L.F. : Durant son séjour, Schumann<br />

ne recevra aucune visite <strong>de</strong> Clara,<br />

quelques rares lettres. Elle est pourtant<br />

enceinte d’un garçon qu’il ne connaîtra<br />

pas : Félix, qui naît le 11 juin 1854.<br />

En revanche, il verra <strong>de</strong> nombreux<br />

artistes dont les musiciens Grimm, Dietrich,<br />

Wasielewski, la poétesse Bettina<br />

von Armin et surtout Joachim et<br />

Brahms. Son état alterne entre <strong>de</strong>s<br />

moments <strong>de</strong> lucidité et d’autres d’apathie<br />

avec balbutiements. Les mécanismes<br />

et les thèmes du délire s’enrichissent<br />

: ruine, persécution, châtiment<br />

(« les instances divines ont ordonné que<br />

je soit brûlé en enfer : j’ai fait trop <strong>de</strong><br />

mal »), gran<strong>de</strong>ur (il signe ses lettres<br />

« Robert Schumann, membre d’honneur<br />

du ciel »). Il se perd en activités stéréotypées<br />

: classement, inscription <strong>de</strong> séries<br />

<strong>de</strong> chiffres sur ses papiers, son écriture<br />

<strong>de</strong>vient illisible et s’assortit d’inscriptions<br />

mystérieuses et cabalistiques.<br />

Brahms note qu’il ne s’exprime plus<br />

que part « lambeaux <strong>de</strong> mots ». Il se<br />

montre souvent agité et violent envers<br />

le personnel qu’il soupçonne <strong>de</strong> l’empoisonner,<br />

on doit l’attacher à son lit.<br />

Six mois après son arrivée à En<strong>de</strong>nich,<br />

l’état <strong>de</strong> Schumann s’améliore<br />

temporairement, lui permettant <strong>de</strong> se<br />

promener et <strong>de</strong> jouer du piano. Puis il<br />

s’aggrave : le délire repart <strong>de</strong> plus belle,<br />

mêlant fausses reconnaissances et fabulations.<br />

Il se coupe <strong>de</strong> la réalité, ne<br />

reconnaît plus personne. Il tremble,<br />

refuse <strong>de</strong> se lever et <strong>de</strong> s’alimenter ce<br />

qui entraîne une déchéance physique<br />

et une cachexie importante. Il fait un<br />

autodafé <strong>de</strong> manuscrits et <strong>de</strong> lettres <strong>de</strong><br />

Clara en avril 1856.<br />

Le 23 juillet 1856, le Dr Richarz adresse<br />

un télégramme à Clara la priant d’accourir<br />

si elle souhaite revoir son époux<br />

vivant. Clara accourt, Robert la reconnaît<br />

et lui sourit : « il est un mort vivant »<br />

confie-t-elle à ses proches. Il décè<strong>de</strong> le<br />

mardi 29 juillet 1856 à 16 heures et<br />

sera enterré à Bonn 2 jours plus tard.<br />

Clara, seule avec 7 enfants, lui survi-<br />

vra 40 ans encore. Elle continuera plusieurs<br />

années les tournées et aura à<br />

cœur <strong>de</strong> perpétuer la musique <strong>de</strong> son<br />

mari.<br />

Je ne m’étendrai pas dans une longue<br />

discussion diagnostique en ce qui<br />

concerne les troubles présentés par<br />

Robert Schumann.<br />

Les informations qui le concernent ont<br />

été recueillies grâce à l’abondante correspondance<br />

qu’il a tenue avec sa famille,<br />

son épouse et ses amis, ainsi que la<br />

lecture <strong>de</strong> son journal intime, elles ont<br />

donc une forte tonalité subjective. Le<br />

rapport d’hospitalisation du Dr Richarz<br />

dont la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s symptômes est<br />

imprécise, a disparu jusqu’en 1990, où<br />

une partie a été remise à l’académie<br />

<strong>de</strong>s Arts <strong>de</strong> Berlin par un <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>scendants,<br />

le compositeur Aribert Reimann.<br />

Pour <strong>de</strong>s raisons mystérieuses, ce<br />

rapport n’a été accessible qu’à quelques<br />

privilégiés, bien que le patient soit décédé<br />

<strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 150 ans ! Clara a<br />

sciemment censuré les biographes en<br />

ce qui concerne la santé mentale <strong>de</strong><br />

son époux afin <strong>de</strong> conserver intacte sa<br />

mémoire et son oeuvre. Enfin, la donnée<br />

essentielle qui nous manque, est<br />

celle <strong>de</strong> la relation transférentielle.<br />

Avant la réapparition <strong>de</strong>s carnets du<br />

Dr Richarz, <strong>de</strong> nombreuses hypothèses<br />

ont été émises avec chacune leurs partisans,<br />

évoquons-les ensemble brièvement.<br />

Celle <strong>de</strong> la névrose, dont les argumentations<br />

les plus abouties se font en<br />

faveur d’une personnalité phobo-obsessionnelle.<br />

On retrouve chez Robert Schumann<br />

<strong>de</strong>s traits <strong>de</strong> caractère sadique anal.<br />

Son entêtement et sa ténacité dans sa<br />

lutte pour obtenir la main <strong>de</strong> Clara ; sa<br />

parcimonie dans la gestion <strong>de</strong> son<br />

argent : il consigne tant ses dépenses<br />

que ses projets ; son collectionnisme<br />

à travers sa correspondance classée et<br />

un répertoire <strong>de</strong> celle qu’il envoie, il<br />

tient également <strong>de</strong> nombreux carnets<br />

<strong>de</strong> citations et plusieurs catalogues <strong>de</strong><br />

ses œuvres ; son emploi du temps et<br />

son journal intime sont aussi très rigoureusement<br />

organisés, y sont même<br />

consignées les relations sexuelles du<br />

couple. Son travail musical est très<br />

méthodique avec Clara, même lorsqu’ils<br />

sont jeunes mariés, leur journal à<br />

3 semaines <strong>de</strong> mariage indique qu’ils<br />

travaillent le clavier bien tempéré ; il<br />

a également <strong>de</strong>s doutes et hésitations à<br />

prendre certaines décisions comme son<br />

poste <strong>de</strong> chef d’orchestre ; il souffre<br />

<strong>de</strong> phobies multiples (nosophobies,<br />

acrophobie, phobie d’impulsion) et<br />

d’obsessions phobiques.<br />

Celle du trouble <strong>de</strong> l’humeur : dont<br />

les partisans considèrent les moments<br />

dépressifs <strong>de</strong> Schumann comme <strong>de</strong>s<br />

récurrences mélancoliques avec un ultime<br />

accès délirant le conduisant à En<strong>de</strong>nich<br />

et un unique épiso<strong>de</strong> qualifié d’hypomaniaque<br />

en 1849, du fait <strong>de</strong> la<br />

productivité artistique particulièrement<br />

élevée <strong>de</strong> cette année. Il m’a semblé<br />

que si les variations d’humeur sont souvent<br />

évoquées dans le journal <strong>de</strong> Schumann,<br />

lors <strong>de</strong>s phases qu’il nomme<br />

mélancoliques, c’est plutôt la symptomatologie<br />

anxieuse qui est au premier<br />

plan associée à <strong>de</strong>s préoccupations<br />

métaphysiques ou une sensation <strong>de</strong><br />

vi<strong>de</strong>.<br />

On ne retrouve pas les symptômes<br />

classiques <strong>de</strong>s dépressions endogènes :<br />

pas d’autodévalorisation, <strong>de</strong> péjoration<br />

durable <strong>de</strong> l’avenir, <strong>de</strong> culpabilité ou<br />

d’incurabilité, pas <strong>de</strong> ralentissement,<br />

pas d’anhédonie, d’atteinte du trépied<br />

instinctuel ou <strong>de</strong> tentatives <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>.<br />

L’inspiration et la productivité artistique<br />

sont fluctuantes, ce qui semble habituel<br />

chez tout créatif. Il me semble plus<br />

pru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> parler d’épiso<strong>de</strong>s dépressifs<br />

réactionnels avec angoisse massive,<br />

survenant à la suite à <strong>de</strong> pertes<br />

(<strong>de</strong>uil, déceptions, échecs).<br />

L’hypothèse d’une psychose, <strong>de</strong> la schi-<br />

zophrénie est la plus souvent évoquée,<br />

notamment par Bleuler, <strong>de</strong>vant les<br />

angoisses envahissantes et précoces<br />

avec recours à l’alcool pour les apaiser<br />

; le repli et le caractère introverti<br />

<strong>de</strong> Schumann dès l’adolescence, les<br />

difficultés qu’il éprouve <strong>de</strong> plus en plus<br />

dans les contacts sociaux jusqu’au<br />

mutisme ; les phobies multiples, extensibles<br />

et irrationnelles ; les ruminations<br />

obsessionnelles évoluant vers les idéations<br />

parasitaires annonciatrices <strong>de</strong> l’automatisme<br />

mental ; puis l’éclosion vers<br />

43 ans d’un fléchissement <strong>de</strong>s activités,<br />

d’une apathie, <strong>de</strong> troubles du cours<br />

<strong>de</strong> la pensée, <strong>de</strong> bizarreries comportementales,<br />

<strong>de</strong>s hallucinations et du délire.<br />

Le caractère familial du trouble est<br />

à prendre en considération : schizophrénie<br />

chez sa sœur Emilie et chez<br />

son fils Ludwig, interné dès l’âge <strong>de</strong><br />

20 ans et ce pendant toute sa vie.<br />

Après la réapparition <strong>de</strong>s carnets <strong>de</strong><br />

Richarz, une nouvelle hypothèse a été<br />

proposée.<br />

Celle <strong>de</strong> la paralysie générale, une<br />

démence d’apparition progressive liée<br />

à une syphilis contractée dans sa jeunesse.<br />

Celle-ci n’est contagieuse que<br />

dans ses phases primaires (chancre) et<br />

secondaire (roséole), ce qui expliquerait<br />

que Clara ait été épargnée.<br />

La maladie débute 5 à 10 ans après<br />

l’infection initiale et peut évoluer durant<br />

10 à 30 ans. Les signes <strong>de</strong> début sont<br />

une baisse <strong>de</strong> l’activité intellectuelle<br />

avec perte d’énergie et d’initiative, <strong>de</strong>s<br />

troubles <strong>de</strong> l’attention et <strong>de</strong> l’affectivité,<br />

<strong>de</strong>s céphalées, <strong>de</strong>s douleurs fulgurantes<br />

et <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s d’aphasie. A la<br />

phase d’état, on note un affaiblissement<br />

du jugement, <strong>de</strong>s propos et <strong>de</strong>s<br />

actes illogiques et absur<strong>de</strong>s. La parole et<br />

l’écriture sont difficiles, la mémoire<br />

s’éro<strong>de</strong> laissant place à la fabulation.<br />

L’humeur est instable, le sujet enclin à<br />

<strong>de</strong>s colères brusques et injustifiées.<br />

L’évolution se fait vers le désintérêt et<br />

l’indifférence. Sont retrouvées <strong>de</strong>s hallucinations<br />

et illusions auditives, <strong>de</strong>s<br />

idées délirantes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong> persécution.<br />

Puis ce sont <strong>de</strong>s troubles<br />

moteurs, une maladresse, <strong>de</strong>s tremblements,<br />

<strong>de</strong>s secousses musculaires.<br />

Les automatismes sont préservés, permettant,<br />

par exemple, la pratique d’un<br />

instrument <strong>de</strong> musique. Enfin l’amaigrissement,<br />

l’apathie totale et la mort<br />

surviennent en l’absence <strong>de</strong> traitement.<br />

Mais ce tableau était largement confondu<br />

à cette époque avec les états terminaux<br />

d’autres maladies mentales.<br />

L’autopsie grossière qui a été réalisée<br />

permet d’éliminer à priori une tumeur<br />

cérébrale ou un autre processus expansif,<br />

mais pas <strong>de</strong> confirmer ou d’infirmer<br />

l’hypothèse <strong>de</strong> la neurosyphilis.<br />

Un indice supplémentaire intéressant<br />

en faveur <strong>de</strong> cette hypothèse est une<br />

anisocorie remarquée par un portraitiste<br />

en 53.<br />

L.F. et M.K. : En conclusion, la maladie<br />

présentée par Robert Schumann<br />

semble multifactorielle. Qu’il s’agisse<br />

d’une névrose obsessionnelle avec<br />

moments dépressifs masquant une psychose<br />

<strong>de</strong> révélation tardive ou d’une<br />

lente démence syphilitique, quelle que<br />

soit la nature <strong>de</strong> son atteinte, le créateur<br />

s’est tu lorsqu’elle l’a terrassée.<br />

Nous espérons que ce 4 mains vous<br />

aura plu et vous aura donné envie d’en<br />

savoir plus et <strong>de</strong> réécouter l’œuvre <strong>de</strong><br />

ce grand compositeur qu’est Robert<br />

Schumann. ■<br />

Laurence François*,<br />

M. Marc Kowalczyk**<br />

*Assistante, service du Dr Caroli, C.H. Sainte-<br />

Anne, Paris<br />

**Compositeur et musicologue, http://musikayak.free.fr<br />

Bibliographie<br />

1) FRANÇOIS-SAPPEY B., Robert Schumann,<br />

Fayard, 2000, 1180 p.<br />

2) MECKEL C., Approche clinique et psychopathologique<br />

<strong>de</strong>s troubles mentaux <strong>de</strong><br />

PSYCHOSE ET CRÉATION ■ 13<br />

Robert Schumann, Thèse <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine,<br />

Lyon 1, 1999, 102 p.<br />

3) POUGET R., La maladie <strong>de</strong> Robert Schumann,<br />

Bulletin <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>s sciences<br />

et lettres <strong>de</strong> Montpellier, 1998, 29, 1-10.<br />

4) SCHNEIDER M., La tombée du jour,<br />

Seuil, 1989, 121 p.<br />

5) THOMAZEAU E., Robert Schumann,<br />

maladie et scénario tabou, Thèse <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine,<br />

Lille 2, 2002, 103 p.<br />

LIVRES<br />

Biographie <strong>de</strong> l’Inconscient<br />

Salomon Resnik<br />

Préface <strong>de</strong> René Kaës<br />

Dunod, 22 €<br />

Selon René Kaës, proposer une biographie<br />

<strong>de</strong> l’inconscient constitue une<br />

entreprise audacieuse.<br />

Pour Salomon Resnik, il s’agit <strong>de</strong> bien<br />

autre chose que <strong>de</strong> composer une<br />

histoire du concept <strong>de</strong> l’inconscient.<br />

Le chapitre qui donne son titre à l’ouvrage<br />

décrit le cheminement <strong>de</strong> ses<br />

préconceptions à travers<br />

les catégories <strong>de</strong> l’obscur, <strong>de</strong> l’occulte,<br />

du caché, du secret et <strong>de</strong> l’énigmatique.<br />

Ce propos initial est éclairé et<br />

enrichi par <strong>de</strong>ux autres thèmes : l’inconscient<br />

est aussi la biographie <strong>de</strong><br />

l’homme ; il écrit sa vie, et le trajet et<br />

l’expérience <strong>de</strong> la cure la lui fait<br />

connaître. Enfin Salomon Resnik sait<br />

aussi qu’il propose en même temps,<br />

dans ce livre, une véritable autobiographie<br />

<strong>de</strong> son rapport à l’inconscient.<br />

Le lecteur qui se laisse porter<br />

par une pensée suggestive et associative<br />

découvrira que si l’auteur tente<br />

<strong>de</strong> « rendre plus visible » son inconscient,<br />

il invite celui qui le lit à rendre<br />

le sien moins opaque.<br />

Faut-il avoir peur <strong>de</strong> nos<br />

enfants ?<br />

Politiques sécuritaires et<br />

enfance<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Gérard<br />

Neyrand*<br />

La Découverte, 6,90 €<br />

En septembre 2005, l’Inserm a publié<br />

un rapport consacré aux « troubles<br />

<strong>de</strong>s conduites chez l’enfant » qui préconise<br />

le « repérage <strong>de</strong>s perturbations<br />

du comportement dès la crèche et l’école<br />

maternelle ». Cette idée d’une détection<br />

dès le berceau <strong>de</strong> la délinquance<br />

future a trouvé un écho dans les procédures<br />

<strong>de</strong> surveillance et <strong>de</strong> contrôle<br />

qui jalonnent désormais les parcours<br />

<strong>de</strong>s enfants. Le soupçon pèse aujourd’hui<br />

sur les coupables supposés<br />

- parents démissionnaires, populations<br />

migrantes ou précaires... - et<br />

parcourt la chaîne <strong>de</strong>s institutions :<br />

école, justice, mé<strong>de</strong>cine, action sociale...<br />

Cet ouvrage revient sur les remous<br />

que ces visées sécuritaires ont<br />

provoqué et propose une analyse critique.<br />

Les principaux domaines en<br />

lien avec l’enfance sont ainsi abordés<br />

par différents spécialistes, qu’ils<br />

soient sociologues, enseignants, praticiens<br />

hospitaliers, pédopsychiatres,<br />

magistrats...<br />

Avec <strong>de</strong>s contributions <strong>de</strong> Michèle Becquemin,<br />

Bernard Defrance, Michel Dugnat, Philippe Pignarre,<br />

Annick Sauvage, Odile Sauvage-Déprez,<br />

Frédéric Jésu, Taïeb Ferradji, Evelyne Sire-Marin.<br />

Pour en finir avec l’alcoolisme<br />

Réalités scientifiques contre<br />

idées reçues<br />

Philippe Batel<br />

La Découverte, 16 €<br />

La compréhension <strong>de</strong>s mécanismes<br />

biologiques, génétiques, physiologiques<br />

et psychologiques impliqués<br />

dans le processus d’alcoolisation s’est<br />

améliorée. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> la<br />

société avec l’alcool a également permis<br />

<strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s connaissances aujourd’hui<br />

étayées. En s’appuyant sur<br />

la synthèse <strong>de</strong>s données publiées<br />

dans <strong>de</strong>s expertises collectives <strong>de</strong> l’Inserm<br />

et sur son expérience, Philippe<br />

Batel expose en termes accessibles<br />

les principaux progrès et apports <strong>de</strong><br />

la recherche en alcoologie.


14<br />

LIVRES<br />

■ CLINIQUE<br />

De l’irritation et <strong>de</strong> la folie<br />

François-Joseph-Victor Broussais<br />

Introduction <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />

L’Harmattan, 45 €<br />

Il s’agit <strong>de</strong> la reproduction fac simile<br />

<strong>de</strong> l’édition originale du livre <strong>de</strong> 1828<br />

qui n’avait jamais été réédité.<br />

C’est en mai 1828 que Broussais a<br />

investi le champ philosophique enpubliant<br />

contre Cousin un traité De<br />

l’irritation et <strong>de</strong> la folie. Il s’agit <strong>de</strong> la<br />

première critique du point <strong>de</strong> vue<br />

« physiologique » <strong>de</strong> la psychologie<br />

éclectique. Une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l’ouvrage<br />

est consacrée à une critique<br />

<strong>de</strong>s « psychologistes » dont Théodore<br />

Jouffroy était le chef <strong>de</strong> file.<br />

Broussais voit dans le spiritualisme<br />

un obstacle à la science et le caractère<br />

pseudo-expérimental <strong>de</strong> la psychologie<br />

<strong>de</strong> Jouffroy le confirme pleinement.<br />

A travers le concept d’irritation, il combat,<br />

dans la première partie <strong>de</strong> son<br />

ouvrage, la psychologie <strong>de</strong> son temps.<br />

La secon<strong>de</strong> partie traite <strong>de</strong> la folie<br />

considérée selon la doctrine physiologique,<br />

et ralliée au phénomène <strong>de</strong><br />

l’irritation.<br />

La doctrine physiologique <strong>de</strong> Broussais<br />

s’était construite en opposition<br />

à la doctrine médicale idéologique<br />

fondée par Pinel, dominante au cours<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premières décennies du<br />

XIX e siècle. Broussais refuse toute nosographie<br />

en mé<strong>de</strong>cine mentale<br />

comme ailleurs, annulant ainsi la<br />

spécificité <strong>de</strong> la psychiatrie. Pour lui,<br />

l’irritation est la cause <strong>de</strong> la folie.<br />

Les thèses organicistes <strong>de</strong> Broussais<br />

n’eurent pas <strong>de</strong> succès dans le milieu<br />

psychiatrique où les nouveaux savants<br />

spiritualistes voulaient annexer<br />

la psychiatrie à la philosophie en renouant<br />

avec le vitalisme. La doctrine<br />

physiologique <strong>de</strong> Broussais se construisit<br />

ainsi en opposition à la nouvelle<br />

doctrine médicale éclectique développée<br />

par une génération <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins<br />

qui voyaient dans les conceptions<br />

philosophiques <strong>de</strong> Victor Cousin<br />

une voie prometteuse.<br />

Repenser le maintien à<br />

domicile<br />

Enjeux - Acteurs - organisation<br />

Bernard Ennuyer<br />

Dunod, 26 €<br />

Le maintien à domicile est l’objectif<br />

prioritaire <strong>de</strong> la « politique <strong>de</strong> la<br />

vieillesse ». pourtant, comme le confirme<br />

un récent rapport <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong>s<br />

comptes, il n’y a jamais eu <strong>de</strong> véritable<br />

mise en place d’une politique<br />

cohérente en France.<br />

Ce livre repense le maintien à domicile<br />

en l’articulant à sa finalité éthique :<br />

quelle place pour les « personnes<br />

âgées », et notamment pour les plus<br />

fragiles, celles qui ont <strong>de</strong>s difficultés<br />

<strong>de</strong> vie quotidienne et cumulent, bien<br />

souvent, santé dégradée, isolement<br />

social et faibles ressources ?<br />

Certaines notions sont interrogées :<br />

le vieillissement et la vieillesse, l’incapacité<br />

et le handicap, le domicile<br />

et le chez soi, l’ai<strong>de</strong> professionnelle<br />

et le soutien familial, la coordination,<br />

l’évaluation, la formation, les politiques<br />

publiques, leur choix et leur financement.<br />

En <strong>de</strong>rnier lieu, le questionnement<br />

sur les limites du maintien<br />

à domicile et sur ses coûts fait apparaître<br />

le déficit actuel <strong>de</strong>s politiques<br />

publiques. On se restreint, <strong>de</strong> jour en<br />

jour, à une technique instrumentale,<br />

à un arsenal <strong>de</strong> dispositifs réglementaires<br />

et <strong>de</strong> procédures normalisées,<br />

au détriment d’une perspective<br />

éthique du maintien <strong>de</strong>s personnes<br />

âgées dans leur cadre <strong>de</strong> vie et dans<br />

leur rôle d’acteur social.<br />

Le trouble schizoaffectif est une affection<br />

fréquente. Il représenterait<br />

entre 10 et 30% <strong>de</strong>s admissions pour<br />

trouble psychotique en milieu psychiatrique<br />

(1).<br />

Ce concept a connu <strong>de</strong> nombreux<br />

changements dans sa définition <strong>de</strong>puis<br />

la première <strong>de</strong>scription par Kasanin en<br />

1933 <strong>de</strong> la « psychose schizoaffective<br />

», entité spécifique par son apparition<br />

brutale, son évolution favorable<br />

et la présence simultanée <strong>de</strong> symptômes<br />

schizophréniques et affectifs (5, 8).<br />

Les troubles schizoaffectifs sont classiquement<br />

considérés comme <strong>de</strong>s<br />

formes intermédiaires entre la schizophrénie<br />

et les troubles bipolaires, tant<br />

sur le plan <strong>de</strong> la symptomatologie que<br />

du pronostic (8).<br />

Cependant, dans les classifications<br />

actuelles (DSM IV, CIM 10), ces <strong>de</strong>rniers<br />

paraissent clairement individualisés<br />

(2, 8). Il s’agit en fait d’une entité clinique<br />

parfaitement décrite en terme<br />

<strong>de</strong> catégorisation, mais toujours controversée<br />

quant à son appartenance au<br />

groupe <strong>de</strong>s schizophrénies ou celui <strong>de</strong>s<br />

troubles bipolaires.<br />

Son statut nosographique se trouve<br />

face à un dilemme : s’agit-il d’un continuum<br />

psychotique entre la schizophrénie<br />

et le trouble bipolaire ou d’une<br />

entité morbi<strong>de</strong> distincte et indépendante<br />

?<br />

Nous tenterons dans ce travail<br />

d’émettre quelques éclaircissements sur<br />

ce sujet à partir d’une étu<strong>de</strong> comparative<br />

<strong>de</strong> patients atteints <strong>de</strong> schizophrénie,<br />

<strong>de</strong> trouble bipolaire et <strong>de</strong> trouble<br />

schizoaffectif.<br />

Méthodologie<br />

Nous avons mené une étu<strong>de</strong> rétrospective,<br />

<strong>de</strong>scriptive et comparative dans<br />

laquelle nous avons inclu les patients<br />

présentant un trouble schizoaffectif <strong>de</strong><br />

type bipolaire, un trouble bipolaire <strong>de</strong><br />

type I ou une schizophrénie indifférenciée<br />

selon les critères du DSM IV,<br />

hospitalisés la première fois entre les<br />

mois <strong>de</strong> janvier 1988 et décembre<br />

2002, suivis pendant au moins 3 ans<br />

dans le service <strong>de</strong> psychiatrie « E » <strong>de</strong><br />

l’hôpital Razi.<br />

Les données ont été recueillies à partir<br />

du dossier médical et ont concerné les<br />

variables sociodémographiques, les<br />

antécé<strong>de</strong>nts familiaux psychiatriques,<br />

la personnalité prémorbi<strong>de</strong>, l’adaptation<br />

prémorbi<strong>de</strong> (par l’estimation <strong>de</strong><br />

l’EGF durant l’année précédant le début<br />

<strong>de</strong> la maladie : EGF1), les caractéristiques<br />

cliniques (l’âge <strong>de</strong> début <strong>de</strong> la<br />

maladie, la présence d’évènement précipitant<br />

dans les 4 semaines précédant<br />

le début <strong>de</strong>s troubles et le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

début <strong>de</strong> la maladie (aigu : < à 4<br />

semaines, subaigu : entre 1 et 6 mois,<br />

insidieux : > à 6 mois), les variables<br />

évolutives (le nombre d’hospitalisation,<br />

la qualité <strong>de</strong>s intervalles entre les hospitalisations,<br />

la qualité <strong>de</strong> l’insertion<br />

professionnelle et l’évaluation globale<br />

du fonctionnement à long terme :<br />

EGF2).<br />

L’échantillon a été réparti en trois<br />

groupes en fonction du diagnostic<br />

porté:<br />

G1 : schizophrénie, G2 : trouble bipolaire,<br />

G3 : trouble schizoaffectif. Nous<br />

avons procédé à la comparaison <strong>de</strong><br />

ces trois groupes en fonctions <strong>de</strong> ces<br />

divers paramètres.<br />

La saisie <strong>de</strong>s données ainsi que l’analyse<br />

statistique <strong>de</strong>scriptive et comparative<br />

ont été effectuées à l’ai<strong>de</strong> du logiciel<br />

SPSS dans sa 10ème version. Le seuil<br />

<strong>de</strong> significativité a été fixé à 5%<br />

(p < 0,05).<br />

Résultats<br />

90 patients ont été colligés et répartis<br />

équitablement sur les trois groupes.<br />

L’analyse <strong>de</strong>s variables sociodémographiques<br />

n’a pas objectivé <strong>de</strong> différences<br />

significatives concernant l’âge moyen, le<br />

sexe, le statut matrimonial et le niveau<br />

socioéconomique entre les trois<br />

groupes. (Voir tableau I)<br />

Concernant les antécé<strong>de</strong>nts familiaux<br />

psychiatriques, les 3 groupes étaient<br />

différents (p=0,001) : les schizophrènes<br />

avaient plus d’antécé<strong>de</strong>nts familiaux<br />

<strong>de</strong> schizophrénie (20%), les bipolaires<br />

avaient quant à eux plus d’antécé<strong>de</strong>nts<br />

familiaux <strong>de</strong> trouble bipolaire (20%),<br />

tandis que les schizoaffectifs avaient<br />

autant d’antécé<strong>de</strong>nts familiaux <strong>de</strong> schizophrénie<br />

que <strong>de</strong> trouble bipolaire<br />

(6,7%).<br />

De plus, ils étaient les seuls à avoir <strong>de</strong>s<br />

antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> trouble schizoaffectif.<br />

(fig1)<br />

Une différence significative a été retrouvée<br />

entre les trois groupes concernant<br />

la personnalité pré-morbi<strong>de</strong>. En effet,<br />

celle <strong>de</strong> type schizoï<strong>de</strong> était plus fréquemment<br />

retrouvée chez les schizophrènes<br />

(46,7%, p=0.0004) ; tandis<br />

que le tempérament hyperthymique<br />

était plus noté chez les bipolaires<br />

(33.3%, p=0.0002).<br />

Les schizoaffectifs se plaçaient dans<br />

une position intermédiaire avec 30%<br />

<strong>de</strong> schizoïdie et 20% d’hyperthymie.<br />

L’évaluation du fonctionnement prémorbi<strong>de</strong><br />

(EGF1) a objectivé une différence<br />

entre les trois groupes (p=0,003).<br />

Les patients schizophrènes avaient<br />

l’EGF le plus bas (60) suivis <strong>de</strong>s schizoaffectifs<br />

(70) puis <strong>de</strong>s bipolaires (80).<br />

Quant aux variables cliniques, l’âge <strong>de</strong><br />

début <strong>de</strong>s troubles était légèrement<br />

plus bas chez les schizophrènes et les<br />

schizo-affectifs que chez les bipolaires,<br />

mais la différence n’était pas significative.<br />

(22,3 ans ; 22,5 ans versus 24<br />

ans, p= 0,196)<br />

Un événement précipitant était retrouvé<br />

chez près <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s bipolaires,<br />

du quart <strong>de</strong>s schizoaffectifs mais<br />

seulement chez 6,7% <strong>de</strong>s schizophrènes.<br />

(fig 2)<br />

Enfin, 2/3 <strong>de</strong>s patients bipolaires<br />

avaient un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> début aigu, ce<br />

même taux était retrouvé chez les<br />

patients schizophrènes qui avaient<br />

débuté leur maladie sous un mo<strong>de</strong> insidieux.<br />

Le groupe <strong>de</strong>s schizoaffectifs occupait<br />

une place intermédiaire tout en étant<br />

plus proche <strong>de</strong>s schizophrènes. (fig 3)<br />

Sur le plan évolutif, les trois groupes<br />

étaient comparables au niveau du<br />

nombre d’hospitalisations, évalué à une<br />

moyenne <strong>de</strong> 1,6.<br />

La qualité <strong>de</strong>s intervalles entre les hospitalisations<br />

était différente dans les<br />

trois groupes (p=0,0004). En effet<br />

83,3% <strong>de</strong>s bipolaires étaient en rémission<br />

entre les hospitalisations, 90% <strong>de</strong>s<br />

schizophrènes présentaient une persistance<br />

<strong>de</strong>s symptômes psychotiques.<br />

Quant aux schizoaffectifs, 20% étaient<br />

en rémission, 46,7% avaient une persistance<br />

<strong>de</strong> symptômes psychotiques<br />

et/ou thymiques et 33 ,3% avaient une<br />

persistance <strong>de</strong> symptômes résiduels<br />

minimes. (fig 4)<br />

Concernant l’insertion professionnelle<br />

à long terme, la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s<br />

schizophrènes (93,3%) étaient sans profession,<br />

suivis <strong>de</strong>s schizoaffectifs (60%),<br />

puis <strong>de</strong>s bipolaires (23%) (p=0,0006).<br />

Enfin, comparés aux schizophrènes, les<br />

patients schizoaffectifs, avaient un<br />

meilleur fonctionnement à long terme<br />

(EGF2 : 60 versus 40) mais moins<br />

bon que celui <strong>de</strong>s bipolaires (EGF2 :<br />

60 versus 80) (p=0,0002).<br />

Discussion<br />

Notre étu<strong>de</strong> rétrospective expose inéluctablement<br />

à <strong>de</strong>s biais méthodologiques.<br />

Nous nous sommes retrouvés face à<br />

<strong>de</strong>s difficultés inhérentes au fait que<br />

toutes les données étaient recueillies à<br />

partir <strong>de</strong>s dossiers médicaux, parfois<br />

incomplets, d’autres fois manquant <strong>de</strong><br />

précision. Les patients n’ayant pas été<br />

vus, nous n’avons pas eu l’occasion <strong>de</strong><br />

recourir aux échelles qui auraient sûrement<br />

apporté plus d’objectivité. De ce<br />

fait, nous nous sommes plus intéressés<br />

à l’aspect diachronique qu’à l’aspect<br />

synchronique.<br />

Variables socio-démographiques<br />

L’analyse <strong>de</strong>s variables socio-démo-<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Trouble schizoaffectif :<br />

entre schizophrénie et trouble<br />

bipolaire<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

TSA<br />

TB<br />

SC<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

100<br />

80<br />

60<br />

40<br />

20<br />

0<br />

6,7%<br />

graphiques n’a pas montré <strong>de</strong> différence<br />

dans les trois groupes. Ceci permet<br />

<strong>de</strong> limiter les biais causés par ces<br />

facteurs.<br />

La prédominance masculine étant liée<br />

à un biais <strong>de</strong> recrutement (répartition<br />

conforme à la population <strong>de</strong> l’hôpital<br />

Razi), certes retrouvée dans les trois<br />

groupes, était plus nette chez les schizophrènes<br />

et les schizoaffectifs (76,7%,<br />

83,3% versus 70%). Ce résultat a été<br />

Figure 4 : Qualité <strong>de</strong>s intervalles entre les hospitalisations<br />

20%<br />

Figure 1 : Antécé<strong>de</strong>nts familiaux psychiatriques<br />

20%<br />

20%<br />

3,3%<br />

83,3%<br />

0%<br />

6,7%<br />

33,3%<br />

TSA<br />

TB<br />

SC<br />

10%<br />

3,3%<br />

3,3%<br />

Schizophrénie Trouble bipolaire Trouble schizoaffectif<br />

23,3% 23,3%<br />

Figure 3 : Mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> début <strong>de</strong>s troubles<br />

26,7%<br />

46,7%<br />

6%<br />

TSA<br />

TB<br />

SC<br />

0% 0%<br />

Figure 2 : Evénéments précipitants dans les 4 semaines précédant<br />

le début <strong>de</strong>s troubles<br />

6,7<br />

23,3%<br />

0 10 20 30 40 50 60<br />

66,7% 66,7%<br />

TSA<br />

TB<br />

SC<br />

p=0,0001 (S)<br />

10%<br />

50%<br />

6%<br />

Aigu Subaigu Insidieux<br />

p=0,0004 (S)<br />

Rémission Persistance <strong>de</strong>s<br />

symptômes<br />

résiduels minimes<br />

53,3%<br />

90%<br />

Persistance <strong>de</strong><br />

symptômes<br />

psychotiques et/ou<br />

thymiques


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Tableau I : Variables socio-démographiques<br />

rapporté dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Torrey en<br />

99 (6).<br />

Antécé<strong>de</strong>nts familiaux<br />

Dans notre étu<strong>de</strong>, 60% <strong>de</strong>s patients<br />

avaient <strong>de</strong>s antécé<strong>de</strong>nts familiaux psychiatriques<br />

dont la nature n’a pu être<br />

précisée. En effet, ces informations<br />

étaient recueillies auprès <strong>de</strong> l’entourage<br />

<strong>de</strong>s patients souvent <strong>de</strong> faible niveau<br />

d’instruction. Ceci pourrait expliquer<br />

les taux relativement bas d’antécé<strong>de</strong>nts<br />

familiaux par rapport aux données <strong>de</strong><br />

la littérature.<br />

Chez nos patients schizophrènes, la<br />

fréquence d’antécé<strong>de</strong>nts familiaux <strong>de</strong><br />

schizophrénie (20%) rejoint celle <strong>de</strong> la<br />

littérature qui l’estime entre 8 et<br />

30% (11).<br />

Les schizo-affectifs avaient autant d’antécé<strong>de</strong>nts<br />

familiaux <strong>de</strong> schizophrénie<br />

que <strong>de</strong> trouble bipolaire (6,7%), résultat<br />

retrouvé dans une étu<strong>de</strong> tunisienne<br />

précé<strong>de</strong>nte (7) et dans celle menée par<br />

Béguin en 1994 qui a relevé 16% d’antécé<strong>de</strong>nts<br />

familiaux <strong>de</strong> schizophrénie<br />

et 16% <strong>de</strong> trouble <strong>de</strong> l’humeur (3).<br />

Ces patients avaient également, comme<br />

ce qui est rapporté dans la plupart <strong>de</strong>s<br />

étu<strong>de</strong>s (7), plus d’antécé<strong>de</strong>nts familiaux<br />

<strong>de</strong> trouble bipolaire que les schizophrènes,<br />

et plus d’antécé<strong>de</strong>nts familiaux<br />

<strong>de</strong> schizophrénie que les bipolaires,<br />

se trouvant ainsi dans une<br />

position intermédiaire et distincte.<br />

Personnalité et tempérament<br />

Il est classiquement décrit dans la littérature<br />

une forte corrélation entre la<br />

personnalité schizoï<strong>de</strong> et la schizophrénie<br />

d’une part, allant <strong>de</strong> 30 à 48%<br />

selon les étu<strong>de</strong>s (1), et entre le tempérament<br />

hyperthymique et le trouble<br />

bipolaire d’autre part (9). Dans notre<br />

étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s résultats similaires étaient<br />

constatés.<br />

Par ailleurs, la fréquence <strong>de</strong> personnalité<br />

schizoï<strong>de</strong> au sein <strong>de</strong>s schizoaffectifs,<br />

était significativement inférieure<br />

à celle chez les schizophrènes. Bien<br />

que très peu d’étu<strong>de</strong>s aient porté sur ce<br />

sujet, ce résultat est conforté par celui<br />

d’Opjordsmoen en 98 (13). Elle était<br />

également significativement supérieure<br />

à celle chez les bipolaires. Quant au<br />

tempérament hyperthymique, les trois<br />

groupes étaient significativement distincts,<br />

plaçant le trouble schizoaffectif<br />

dans une situation médiane.<br />

Fonctionnement pré morbi<strong>de</strong><br />

Nous avons noté un EGF1 chez les<br />

schizoaffectifs supérieur à celui <strong>de</strong>s schizophrènes<br />

et inférieur à celui <strong>de</strong>s bipolaires.<br />

Les schizoaffectifs auraient, par<br />

conséquent, un fonctionnement pré<br />

morbi<strong>de</strong> intermédiaire.<br />

Nos résultats concor<strong>de</strong>nt avec ceux <strong>de</strong><br />

la littérature et notamment ceux <strong>de</strong><br />

Möller et col en 2000 et Bottlen<strong>de</strong>r et<br />

col en 2002 qui ont comparé schizophrènes<br />

et schizo-affectifs (12).<br />

Paramètres cliniques<br />

L’âge <strong>de</strong> début plus précoce dans la<br />

schizophrénie et le trouble schizo-<br />

Schizoaffectifs Bipolaires Schizophrènes p<br />

n = 30 n =30 n =30<br />

Age moyen (ans) 32.5 29.5 32 0.44<br />

Sexe (%) Masculin<br />

Féminin<br />

Statut matrimonial<br />

à l’admission (%)<br />

83.3<br />

16.7<br />

70<br />

30<br />

76.7<br />

23.3<br />

0.47<br />

Célibataire 80 70 80<br />

Marié<br />

Divorcé<br />

16.7<br />

0<br />

30<br />

0<br />

16.7<br />

0<br />

0.56<br />

Veuf<br />

Niveau socioéconomique<br />

(%)<br />

3.3 0 3.3<br />

Bas 50 36.7 70<br />

Moyen 43.3 56.7 26.7 0.14<br />

Elevé 6.7 6.7 3.3<br />

affectif retrouvé dans notre étu<strong>de</strong> a été<br />

relevé par certains auteurs dont Benabarre<br />

(4, 6).<br />

Par ailleurs, nous avons noté une<br />

moindre fréquence <strong>de</strong> facteurs précipitants<br />

par rapport à ce qui est classiquement<br />

rapporté dans la littérature.<br />

En effet, certains évènements <strong>de</strong> vie<br />

ont pu être sous-estimés par l’entourage.<br />

Nous avons relevé moins d’événements<br />

précipitants et plus <strong>de</strong> début insidieux<br />

chez les schizophrènes, suivis <strong>de</strong>s schizoaffectifs<br />

puis <strong>de</strong>s bipolaires. Il semble<br />

que le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> début insidieux soit<br />

prépondérant dans la schizophrénie (11),<br />

<strong>de</strong> même, il y aurait moins d’évènement<br />

précipitants par rapport aux schizoaffectifs<br />

(13).<br />

Benabarre a rapporté les mêmes<br />

conclusions dans son étu<strong>de</strong> (4).<br />

Paramètres évolutifs<br />

L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s données évolutives a objectivé<br />

une différence entre les trois<br />

groupes :<br />

Comparés aux schizophrènes, les schizoaffectifs<br />

avaient une meilleure insertion<br />

professionnelle, un meilleur fonctionnement<br />

à long terme (EGF2) et<br />

<strong>de</strong>s intervalles entre les hospitalisations<br />

<strong>de</strong> meilleure qualité.<br />

Cependant, leur évolution était moins<br />

bonne que celle <strong>de</strong>s bipolaires.<br />

Harrow et col. dans une étu<strong>de</strong> prospective,<br />

comparant, sur 10 ans, le profil<br />

évolutif <strong>de</strong> ces 3 populations avaient<br />

trouvé un pronostic du trouble schizoaffectif<br />

meilleur que celui <strong>de</strong> la schizophrénie<br />

mais moins favorable que<br />

celui du trouble bipolaire (10).<br />

Cette même équipe, à partir d’une<br />

étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> suivi sur 7 ans avait conclu<br />

que les patients souffrant <strong>de</strong> schizophrénie<br />

présentaient un niveau <strong>de</strong> récupération<br />

symptomatique plus faible<br />

avec <strong>de</strong>s rémissions moins fréquentes et<br />

<strong>de</strong> plus mauvaise qualité ainsi qu’un<br />

fonctionnement social plus altéré (6).<br />

Ces conclusions sont également confortées<br />

par l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Benabarre et col. (4).<br />

Conclusion<br />

Cette étu<strong>de</strong> nous fait pencher vers une<br />

vision binaire où figurent d’un côté la<br />

schizophrénie, <strong>de</strong> l’autre le trouble<br />

bipolaire, <strong>de</strong>ux maladies distinctes<br />

par leur étiopathogénie, leur évolution,<br />

leur pronostic…<br />

Il apparaît clairement au travers <strong>de</strong><br />

notre travail et sur la base <strong>de</strong> paramètres<br />

épidémiologiques, cliniques<br />

et pronostiques, que le trouble schizoaffectif<br />

se situe dans une position<br />

intermédiaire entre schizophrénie et<br />

trouble bipolaire.<br />

Bien qu’il se montre comme une<br />

entité distincte, il ne s’agit là que<br />

d’une première étape, une ébauche<br />

<strong>de</strong> réponse à un problème complexe.<br />

■<br />

Olfa Dakhlaoui,<br />

Dhouha Becheikh,<br />

Fakhreddine Haffani<br />

Service <strong>de</strong> psychiatrie « E », Hôpital Razi Tunis.<br />

Bibliographie<br />

(1) AZORIN J.M, KALADJIAN A,<br />

FAKARA E, Aspects actuels du trouble<br />

schizoaffectif, l’Encéphale 2005, 31, 359-<br />

65.<br />

(2) American Psychiatric Association,<br />

MINI DSM IV, Critères diagnostiques<br />

(Washington DC, 1994 ), Traduction<br />

française par J.D. Guelfi et al., Masson,<br />

Paris, 1996, 384 pages.<br />

(3) BÉGUIN T, Schizophrénie dysthymique,<br />

Enquête sur l’évolution, Encéphale<br />

1994, 20, 385-92.<br />

(4) BENABARRE A, VIETA E, COLOM<br />

F, MARTINEZ-ARAN A, REINARES M,<br />

GASTO C, Bipolar disor<strong>de</strong>r, schioaffaective<br />

disor<strong>de</strong>r and schizophrenia: Epi<strong>de</strong>miologic,<br />

clinical and prognostic differences,<br />

Eur Psychiatrry 2001, 16, 167-72.<br />

(5) COUSIN F, Des symptômes thymiques<br />

dans les schizophrénies aux<br />

troubles psycho-affectifs, l’Encéphale<br />

1999, Sp IV, 4-7<br />

(6) DEMITV C, THIBAUT F, Schizophrénies<br />

et troubles bipolaires : vers un<br />

continuum ? Interpsy 2004, 29-30.<br />

(7) FERCHIOU A, Trouble schizoaffectif<br />

: problématique nosographique, diagnostique<br />

et pronostique. A propos <strong>de</strong> 50<br />

cas, Thèse <strong>de</strong> doctorat en mé<strong>de</strong>cine,<br />

Tunis 2005.<br />

(8) GOURION D, Les troubles schizoaffectifs<br />

revisités à la lumière <strong>de</strong> l’hypothèse<br />

neurodéveloppementale : continuum ou<br />

dichotomie ?<br />

(9) GUELFI JD, BOYER P, CONSOLI S<br />

et all. <strong>Psychiatrie</strong>. Puf, France 2001,<br />

128p.<br />

(10) HARROW M, GROSSMAN L.S,<br />

HERBENER E.S, DAVIES E.W, Ten-year<br />

outcome: patients with schizoaffective disor<strong>de</strong>rs,<br />

schizophrenia, affective disor<strong>de</strong>rs and<br />

mood-incongruent psychotic symptoms,<br />

British <strong>Journal</strong> of Psychiatry 2000, 177,<br />

421-26.<br />

(11) KAPLAN HI, SADOCK BJ, Synopsis<br />

<strong>de</strong> psychiatrie. Sciences du comportement,<br />

<strong>Psychiatrie</strong> clinique,Masson,<br />

Williams et Wilkins, France, Paris, 1998,<br />

1676p.<br />

(12) MÖLLER HJ , BOTTLENDER R,<br />

WEGNER U, Long-term course of schizophrenic,<br />

affective and schizoaffective<br />

psychosis: focus on negative symptoms<br />

and their impact on global indicators of<br />

outcome, Acta Psychiatr Scand 2000,<br />

102 (suppl 407), 54-7.<br />

(13) OPJORDSMOEN S., Long-term<br />

course and outcome in unipolar affective<br />

and schizoaffective psychosis, Acta Psychiatr<br />

Scand 1989, 79, 317-26.<br />

Les Jeudis <strong>de</strong> l’Infirmerie Psychiatrique<br />

Dans le cadre <strong>de</strong> l’enseignement du Dr Michel Gourevitch<br />

Le Dr Michel Dubec<br />

Expert national agréé par la Cour <strong>de</strong> Cassation, donnera une conférence<br />

sur :<br />

NUREMBERG 1946 :<br />

la contagion d’une idée délirante criminelle<br />

Le Jeudi 22 Février 2007 à 14h<br />

Salle <strong>de</strong> conférences,<br />

rez-<strong>de</strong>-chaussée<br />

Infirmerie Psychiatrique, 3 rue Cabanis, 75014 Paris<br />

Renseignements : 01 53 73 66 07 ou 06<br />

Pour un abord<br />

corporel après un<br />

traumatisme<br />

Ce texte traite <strong>de</strong> la pertinence d’une<br />

approche corporelle dans la prise<br />

en charge immédiate et post-immédiate<br />

d’un traumatisme. Les sujets traumatisés<br />

se trouvent dans un état <strong>de</strong><br />

désorganisation profon<strong>de</strong>. Leurs capacités<br />

cognitives étant perturbées, ils sont<br />

parfois en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> toute capacité <strong>de</strong><br />

verbalisation. L’hypothèse <strong>de</strong> ce travail<br />

est <strong>de</strong> s’appuyer non sur la parole<br />

comme a pu le suggérer la technique<br />

du <strong>de</strong>briefing, mais sur le corps pour<br />

amener le sujet à retrouver un sentiment<br />

<strong>de</strong> sécurité et <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong><br />

soi. Pour étayer cette hypothèse, je vais<br />

abor<strong>de</strong>r le traumatisme sous l’angle <strong>de</strong><br />

notions anciennes mais qui gar<strong>de</strong>nt, à<br />

mon sens, un intérêt clinique les<br />

concepts d’enveloppe psychique et<br />

physique. Puis j’évoquerai la technique<br />

quelque peu oubliée du pack comme<br />

abord envisageable dans ce contexte.<br />

Enfin je présenterai <strong>de</strong>ux vignettes cliniques<br />

et terminerai par les interrogations<br />

que soulève cette hypothèse <strong>de</strong><br />

travail.<br />

D’abord, <strong>de</strong> brefs rappels. Le terme<br />

traumatisme dérive du mot grec trauma<br />

qui signifie blessure, on perçoit d’emblée<br />

la notion d’effraction. L’agression<br />

est classiquement violente et inattendue,<br />

cest une véritable rencontre avec<br />

la mort. Cette expérience dépasse toute<br />

possibilité <strong>de</strong> repérage elle est du<br />

domaine <strong>de</strong> l’irreprésentable. Le traumatisme<br />

échappe ainsi à la parole et<br />

à la symbolisation. Le sujet débordé<br />

dans ses capacités d’élaboration se trouve<br />

dans un état <strong>de</strong> sidération.<br />

Barrois définit le trauma comme coupure<br />

<strong>de</strong>s liens avec le mon<strong>de</strong>, rupture<br />

<strong>de</strong> sens, intériorité envahie par l’angoisse<br />

<strong>de</strong> néantisation et bris <strong>de</strong> l’unité<br />

<strong>de</strong> l’individu.<br />

D’autres auteurs considèrent cette<br />

désorganisation comme une défense.<br />

Il y a déréalisation et dépersonnalisation.<br />

Une partie <strong>de</strong> l’expérience n’est<br />

pas intégrée au reste <strong>de</strong> la conscience.<br />

Ferenczi va dans ce sens dans ses<br />

« réflexions sur le traumatisme » et parle<br />

d’une défense d’urgence. L’auto<strong>de</strong>struction<br />

<strong>de</strong> la cohésion psychique est la<br />

seule solution accessible au sujet pour<br />

le délivrer <strong>de</strong> l’angoisse. La désorganisation<br />

psychique est la soupape à la<br />

<strong>de</strong>struction totale.<br />

On peut considérer que le sentiment<br />

<strong>de</strong> conscience <strong>de</strong> soi est ainsi brutalement<br />

et profondément perturbé. Avançons<br />

un peu en nous penchant sur<br />

cette notion. Le sentiment d’existence<br />

peut être grossièrement rapporté à la<br />

présence dun contenu et d’un contenant<br />

psychiques. Le contenu serait la<br />

capacité d’associer ses pensées en une<br />

chaîne ininterrompue et cohérente. Le<br />

contenant serait une instance dont la<br />

fonction est <strong>de</strong> contenir l’excitation<br />

psychique, d’entraver les passages libres<br />

<strong>de</strong>s quantités d’excitation à l’intérieur<br />

du psychisme. D. Anzieu reprend cette<br />

notion avec le moi peau. Celui-ci vise<br />

à envelopper tout l’appareil psychique,<br />

il « remplit une fonction <strong>de</strong> maintenance<br />

du psychisme ». Son instauration « assure<br />

à l’appareil psychique la certitu<strong>de</strong> et la<br />

constance d’un bien être <strong>de</strong> base ». Le moi<br />

peau trouve son étayage sur la peau<br />

réelle. De la même manière qu’à l’origine<br />

toute activité psychique s’étaie sur<br />

une fonction biologique, le moi peau va<br />

se constituer à partir <strong>de</strong>s diverses fonctions<br />

<strong>de</strong> la peau. Anzieu rappelle que la<br />

première qualité <strong>de</strong> la peau est <strong>de</strong> retenir<br />

à l’intérieur le bon, c’est une sorte <strong>de</strong><br />

sac contenant. Elle a aussi pour rôle<br />

<strong>de</strong> délimiter l’intérieur et l’extérieur,<br />

c’est la barrière qui permet <strong>de</strong> se protéger<br />

<strong>de</strong>s agressions extérieures. Enfin,<br />

c’est une surface qui n’est pas hermé-<br />

CLINIQUE ■ 15<br />

tique, elle permet les échanges et la<br />

communication ; bref, la peau contient,<br />

sépare, protège et permet l’échange.<br />

On voit comment elle va servir d’étayage<br />

à la constitution <strong>de</strong> l’enveloppe psychique.<br />

C’est par la relation à la mère et le holding<br />

décrit par Winnicott que cette<br />

enveloppe va pouvoir se développer.<br />

La mère soutient le corps du bébé par<br />

son contact cutané, son regard, Ses<br />

paroles. Selon Bion, les éléments B sont<br />

<strong>de</strong>s éléments non pensables qui ne<br />

peuvent se lier entre eux et que l’enfant<br />

projette dans le psychisme <strong>de</strong> sa mère.<br />

Ces éléments vont être transformés<br />

grâce la capacité <strong>de</strong> rêverie <strong>de</strong> la mère<br />

et <strong>de</strong>venir pensables pour le bébé. La<br />

mère a donc une fonction <strong>de</strong> pareexcitation.<br />

La fonction psychique du<br />

bébé va progressivement se développer<br />

par intériorisation <strong>de</strong> ce holding.<br />

On comprend assez facilement que si<br />

le moi peau est fragile il ne parvient<br />

pas suffisamment à garantir le filtrage,<br />

à contenir et le sentiment <strong>de</strong> sécurité et<br />

<strong>de</strong> cohésion interne s’en trouve alors<br />

altéré. Mon hypothèse est qu’en cas<br />

<strong>de</strong> traumatisme, il y a effraction psychique<br />

et fragilisation du sentiment<br />

d’existence. L’enveloppe psychique est<br />

mise à mal. Il serait alors intéressant<br />

<strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> consoli<strong>de</strong>r le sentiment<br />

<strong>de</strong> soi en agissant sur cette enveloppe.<br />

Ce qui m’amène à abor<strong>de</strong>r le <strong>de</strong>rnier<br />

point <strong>de</strong> cette réflexion : le pack. Le<br />

holding dont nous avons parlé a inspiré<br />

la technique <strong>de</strong> l’enveloppement<br />

humi<strong>de</strong> ou pack.<br />

Autrefois assez souvent utilisé, il est<br />

actuellement un peu oublié.<br />

Cette technique est issue <strong>de</strong>s traitements<br />

par l’eau. Depuis les temps<br />

anciens, l’élément liqui<strong>de</strong> est reconnu<br />

comme bienfaisant. Autrefois employée<br />

à visée purificatrice et parfois <strong>de</strong> manière<br />

abusive, elle est utilisée par Magnan<br />

en 1893 pour humidifier <strong>de</strong>s draps qui<br />

viennent recouvrir le corps du patient.<br />

Cette technique est proposée surtout<br />

pour contenir les patients agités. Ce<br />

n’est qu’après la <strong>de</strong>uxième guerre mondiale<br />

et avec Paul Sivadon que l’eau<br />

est utilisée comme un médiateur symbolique.<br />

La technique du pack favorise le sentiment<br />

<strong>de</strong> sécurité, la prise <strong>de</strong> conscience<br />

<strong>de</strong> soi, <strong>de</strong> l’existence corporelle et <strong>de</strong><br />

la relation avec les objets et les personnes.<br />

Le patient est amené à retrouver<br />

du sens à ses émotions et à les verbaliser.<br />

Woodburry en 1966 parle <strong>de</strong><br />

l’enveloppement anaclitique comme<br />

un moyen d’enrayer la crise <strong>de</strong> morcellement<br />

et les troubles chroniques<br />

du schéma corporel chez le psychotique.<br />

L’effet thérapeutique se fon<strong>de</strong><br />

sur la dimension relationnelle <strong>de</strong> la<br />

technique. L’entourage soignant fait<br />

partie intégrante du processus. Il y a<br />

au moins <strong>de</strong>ux personnes, un psychiatre<br />

et un infirmier par exemple. Le<br />

sujet, enveloppé dans les draps humi<strong>de</strong>s<br />

connaît une réactivation <strong>de</strong> l’angoisse et<br />

<strong>de</strong> ses mécanismes <strong>de</strong> défense. Le<br />

corps soignant contient ces projections<br />

par un environnement physique, il soutient<br />

par le regard, touche, masse le<br />

sujet. Il tente aussi <strong>de</strong> restituer les projections<br />

sous forme bonifiée par une<br />

mise en mots <strong>de</strong> leurs propres ressentis.<br />

Il se crée une sorte d’enveloppe à<br />

partir <strong>de</strong> l’action pare-excitante <strong>de</strong>s soignants.<br />

Le sujet vit la sensation d’être.<br />

Puis va se créer un champ intermédiaire<br />

que certains comparent à un<br />

objet transitionnel. C’est un espace <strong>de</strong><br />

paroles, même <strong>de</strong> jeu entre les soignants<br />

et le sujet qui retrouve une capacité<br />

à verbaliser. Cette technique fait<br />

évi<strong>de</strong>mment penser à ce qui peut se


16<br />

■ CLINIQUE<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Autismes<br />

Etat <strong>de</strong>s lieux du soin<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Graciela C.<br />

Crespin<br />

Cahiers <strong>de</strong> Préaut<br />

L’Harmattan, 13 €<br />

Après les <strong>de</strong>ux premières livraisons,<br />

qui ont abordé la prévention et l’état<br />

actuel <strong>de</strong>s recherches et débats entre<br />

psychanalyse et neurosciences, cette<br />

troisième livraison <strong>de</strong>s Cahiers <strong>de</strong> Préaut<br />

abor<strong>de</strong> la délicate question du soin.<br />

Un premier état <strong>de</strong>s lieux donne la parole<br />

aux différentes approches, autant<br />

<strong>de</strong> la clinique <strong>de</strong> l’autisme que celle<br />

du bébé.<br />

Des praticiens <strong>de</strong> tous bords ont l’occasion<br />

<strong>de</strong> présenter leurs approches,<br />

qu’elles soient d’inspiration psychodynamique<br />

ou cognitivo-comportementale,<br />

et <strong>de</strong> les discuter. Les approches<br />

du soin mère/bébé, qu’il<br />

s’adresse aux difficultés relationnelles<br />

précoces ou aux problèmes <strong>de</strong> prématurité<br />

sont également présentées.<br />

La partie centrale <strong>de</strong> ce Cahier est<br />

consacrée à <strong>de</strong>s observations cliniques.<br />

Les femmes et la science<br />

Gérard Chazal<br />

Ellipses<br />

L’histoire <strong>de</strong>s femmes en science montre<br />

que le fait <strong>de</strong> les tenir à l’écart <strong>de</strong>s<br />

sciences tient à <strong>de</strong>s raisons idéologiques,<br />

religieuses, sociales et politiques.<br />

Lorsque les barrages et les<br />

contraintes imposées par ces raisons<br />

non biologiques cè<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong>s femmes<br />

peuvent <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s scientifiques exemplaires.<br />

Certes, cela ne va pas, encore<br />

aujourd’hui, sans difficulté. Si Marie<br />

Curie obtint <strong>de</strong>ux prix Nobel, si elle occupa,<br />

non sans mal, un poste à la Sorbonne,<br />

elle n’est pas entrée à l’Académie<br />

<strong>de</strong>s sciences. Pour voir une<br />

femme dans cette assemblée, il faudra<br />

attendre 1980 avec la mathématicienne<br />

Yvonne Choquet-Bruhat. Aujourd’hui,<br />

il y a seulement trois femmes<br />

sur 130 membres. La National Aca<strong>de</strong>my<br />

of Sciences aux Etats-Unis, avec<br />

33 femmes sur 1329 membres ne fait<br />

guère mieux. Pas mieux la Royal Society<br />

avec 29 femmes sur 909 membres.<br />

Ce livre retrace quelques grands moments<br />

<strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s femmes en<br />

science <strong>de</strong> l’Antiquité grecque à nos<br />

jours.<br />

Il se limite à l’occi<strong>de</strong>nt car c’est la science<br />

occi<strong>de</strong>ntale qui a triomphé et s’est imposée<br />

au mon<strong>de</strong> entier aujourd’hui et<br />

c’est par rapport à cette science que<br />

les femmes aujourd’hui peuvent définir<br />

leur place dans le mon<strong>de</strong> encore<br />

très masculin <strong>de</strong> la science.<br />

Les marques du corps<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Didier Lauru<br />

et Jean-Jacques Lemaire<br />

Enfances & Psy 2006 n°32<br />

Erès<br />

Ce numéro montre que l’inscription corporelle<br />

chez l’enfant ou l’adolescent<br />

(cicatrices, scarifications, tatouages,<br />

piercing...) revêt <strong>de</strong> nombreux aspects<br />

selon qu’elle est subie ou agie.<br />

Le rôle <strong>de</strong>s cicatrices dans la maladie<br />

<strong>de</strong> l’enfant est abordé au travers <strong>de</strong> la<br />

clinique <strong>de</strong> la maladie chronique <strong>de</strong><br />

l’enfant (Catherine Graindorge), <strong>de</strong>s lésions<br />

corporelles somatiques ou acci<strong>de</strong>ntelles<br />

(MarieThérèse Aeschbacher),<br />

dans le trauma à l’adolescence (Jean-<br />

Yves Le Fourn) ou dans la maladie somatique<br />

et le handicap, visible ou invisible<br />

(Patrick Alvin).<br />

Les coups et blessures sont autant<br />

d’autres traumatismes que l’enfant ou<br />

l’adolescent aura à intégrer dans sa<br />

psyché, et il est important alors <strong>de</strong> ne<br />

pas négliger les divers aspects <strong>de</strong> la<br />

prise en charge médicale et psychologique<br />

(Annie Soussy).<br />

Dans la pratique contemporaine, on<br />

a aussi affaire à <strong>de</strong> nombreuses histoires<br />

<strong>de</strong> scarifications (David Le Bre-<br />

ton) ou, autrement dit, à <strong>de</strong>s violences<br />

cutanées auto-infligées (Xavier Pommereau).<br />

Il peut s’agir symboliquement<br />

d’un sacrifice (Carina Basualdo) ou bien<br />

d’une démarque du regard inscrite<br />

dans la violence du politique comme<br />

du pubertaire (Véronique Bourboulon).<br />

Sur un autre plan, l’inscription corporelle<br />

est également « agie » quand il y<br />

a recours au tatouage et/ou piercing<br />

comme affirmation <strong>de</strong> soi, d’une saga<br />

infantile (Elisabeth Darchis), d’appartenance<br />

à un groupe social, religieux,<br />

ethnique, avec une place spécifique<br />

pour la circoncision (Philippe Scialom).<br />

Mais la marque corporelle peut aussi<br />

tenter <strong>de</strong> relayer une virilité défaillante,<br />

une position <strong>de</strong> lea<strong>de</strong>rship... ou encore<br />

soutenir une écriture symbolique<br />

(Catherine Grognard). Le registre sera<br />

différent selon qu’il relève d’effets <strong>de</strong><br />

mo<strong>de</strong>, <strong>de</strong> séduction, <strong>de</strong> crise i<strong>de</strong>ntitaire<br />

(Bruno Rouers) avec ses formes<br />

d’imitation, d’opposition, <strong>de</strong> provocation<br />

ou <strong>de</strong> défi.<br />

Imaginaire <strong>de</strong> la famille<br />

Imaginaire et inconscient 2006, n°18,<br />

L’Esprit du Temps, 21 €<br />

Une récente journée d’étu<strong>de</strong>s du Groupe<br />

International du Rêve Eveillé en Psychanalyse<br />

a été consacrée à la famille,<br />

pas d’un point <strong>de</strong> vue sociologique ou<br />

éthique, mais du point <strong>de</strong> vue où nous<br />

assistons au travail <strong>de</strong> l’imaginaire.<br />

Ce numéro publie les interventions <strong>de</strong><br />

la Journée d’étu<strong>de</strong>s auxquelles s’ajoutent<br />

<strong>de</strong> nouveaux articles. La mythologie<br />

constitue le socle <strong>de</strong> ce travail.<br />

Aux mythes venus <strong>de</strong> l’Antiquité et à<br />

la réflexion qu’ils suscitent, succè<strong>de</strong>nt<br />

diverses étu<strong>de</strong>s mettant en évi<strong>de</strong>nce<br />

dans nos vies d’aujourd’hui la construction<br />

<strong>de</strong> mythes auxquels nous participons,<br />

la construction du roman familial<br />

avec en écho l’étu<strong>de</strong> du roman<br />

familial, que ce soit chez le romancier<br />

ou dans les contes.<br />

La représentation <strong>de</strong> la maison comme<br />

symbole du vécu familial, est présenté<br />

comme révélateur à la fois d’une réalité<br />

et <strong>de</strong> ce qui s’en imagine.<br />

Quatre analyses <strong>de</strong> livres concernent<br />

certains aspects du vécu familial.<br />

Des « intermè<strong>de</strong>s » sont consitués par<br />

<strong>de</strong>s extraits <strong>de</strong> textes <strong>de</strong> Claudie Obin,<br />

conteuse, qui participe à la Journée<br />

d’étu<strong>de</strong>s et a séduit par sa manière <strong>de</strong><br />

parler <strong>de</strong>s mythes fondateurs <strong>de</strong> la<br />

Grèce antique, mythes dans lesquels<br />

nous assistons à la dramatique <strong>de</strong><br />

l’amour, <strong>de</strong> la haine, <strong>de</strong> la vie et <strong>de</strong> la<br />

mort, qui sillonnent nos vécus familiaux.<br />

Accompagner ou<br />

contraindre ?<br />

Psychotropes 2006 n°2<br />

De Boeck<br />

Comme à l’accoutumée, ce numéro se<br />

compose d’un dossier et <strong>de</strong> quelques<br />

articles hors thématique.<br />

Pour le dossier a été retenu le thème<br />

abordé par l’ASPSTA lors <strong>de</strong> ses journées<br />

nationales qui se sont tenues à<br />

Limoges les 20 et 21 octobre 2005 et<br />

dont le titre était : « Soigner ou punir ».<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la référence à Michel Foucault,<br />

le titre <strong>de</strong> ce congrès mettait en<br />

exergue le fait que « ce sont d’abord<br />

l’interdit, la répression et la punition qui<br />

ont marqué l’abord contemporain du<br />

phénomène <strong>de</strong> dépendance ou d’addiction<br />

: sous forme d’interdit et <strong>de</strong> pénalisation<br />

<strong>de</strong> l’usage », ainsi que le rappelle<br />

Jean Harbonnier.<br />

La loi <strong>de</strong> 1970, qui considère l’usage<br />

simple comme un délit, incarne cette<br />

tentation <strong>de</strong> l’éradication par l’interdit.<br />

Le législateur pourrait s’inspirer <strong>de</strong><br />

ce « précepte » émis dès le XVIII e siècle<br />

par les disciples <strong>de</strong> Cesare Beccaria :<br />

« Punir pas plus qu’il n’est juste, pas plus<br />

qu’il n’est utile », la punition <strong>de</strong> l’usage<br />

simple apparaissant à la fois injuste et<br />

inutile.<br />

Clau<strong>de</strong> Jacob présente la notion <strong>de</strong><br />

contrat dans son article, où il pose les<br />

questions nécessaires à une telle dé-<br />

<br />

marche : « Comment et pourquoi créer<br />

un espace spécifique, pourquoi le contrat,<br />

et quel contrat rend l’institution habitable,<br />

à quelles conditions, pourquoi et<br />

comment organiser les échanges ». En<br />

résumé, définir un lieu <strong>de</strong> rencontre, un<br />

lieu thérapeutique où « chacun y parle<br />

en son nom ».<br />

Pour éviter ces risques <strong>de</strong> confusion, intervenants<br />

en toxicomanie et représentants<br />

du système judiciaire ont souvent<br />

travaillé ensemble pour respecter<br />

la compétence <strong>de</strong> chacun afin que l’action<br />

<strong>de</strong>s uns ne nuise pas à la mission<br />

<strong>de</strong>s autres.<br />

Le dispositif POSS initié dans le département<br />

<strong>de</strong> la Marne, présenté par Alain<br />

Rigaux, participe <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> réflexion.<br />

Jean-Pierre Assailly présente un mo<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> lecture <strong>de</strong>s mises en danger <strong>de</strong> soi<br />

chez l’adolescent. Cette conduite est interprétée<br />

comme un modèle socio-<br />

jouer au cours du holding maternel<br />

et fait appel à <strong>de</strong>s vécus et <strong>de</strong>s mouvements<br />

très archaïques.<br />

Revenons, maintenant, au sujet traumatisé<br />

qui est profondément bouleversé,<br />

confronté à <strong>de</strong>s angoisses massives<br />

<strong>de</strong> mort, un vécu impossible à<br />

élaborer et assimiler. Le sujet perd une<br />

certaine conscience <strong>de</strong> soi et est en<br />

incapacité <strong>de</strong> pouvoir verbaliser son<br />

vécu. Son enveloppe psychique est<br />

mise à mal. Il serait intéressant, d’autant<br />

que le sujet témoigne d’une incapacité<br />

à pouvoir bénéficier d’un <strong>de</strong>briefing,<br />

<strong>de</strong> travailler à partir <strong>de</strong> cette<br />

enveloppe fragilisée en cherchant à la<br />

consoli<strong>de</strong>r. En reconstituant une enveloppe<br />

pare-exctitante, le sujet pourra<br />

peut-être retrouver plus facilement un<br />

sentiment <strong>de</strong> cohésion et d’existence.<br />

J’abor<strong>de</strong>rai la question <strong>de</strong> la mise en<br />

pratique après la présentation <strong>de</strong>s<br />

vignettes cliniques.<br />

Cas cliniques<br />

Une femme <strong>de</strong> 35 ans se présente<br />

pour un arrêt <strong>de</strong> travail. Elle est infirmière<br />

et a été, le jour même, victime<br />

d’une agression à l’hôpital. Un patient<br />

s’est jeté sur elle lorsqu’elle a refusé<br />

d’accé<strong>de</strong>r à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Il l’a prise par<br />

le cou, l’a jetée à terre et a commencé<br />

à la rouer <strong>de</strong> coups lorsque <strong>de</strong>s collègues<br />

alertés par le bruit sont venus<br />

la secourir. Elle est encore sous le choc.<br />

Elle a pensé mourir. Tout <strong>de</strong> suite après<br />

l’agression, elle a été conduite auprès du<br />

mé<strong>de</strong>cin du travail qui a tenté <strong>de</strong> lui<br />

faire verbaliser ses émotions. Pour l’heure,<br />

elle souhaite simplement avoir son<br />

arrêt <strong>de</strong> travail et retourner auprès <strong>de</strong>s<br />

siens. Elle accepte <strong>de</strong> revenir pour une<br />

réévaluation. C’est lors <strong>de</strong>s consultations<br />

suivantes qu’elle raconte son expérience.<br />

Face au mé<strong>de</strong>cin du travail, elle<br />

se sentait incapable <strong>de</strong> penser, encore<br />

moins <strong>de</strong> verbaliser. Elle trouvait, <strong>de</strong><br />

plus, incongru <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> cette expérience<br />

intime à un étranger. Son seul<br />

souhait était <strong>de</strong> retrouver ses proches,<br />

d’être entourée par eux sur un plan<br />

affectif et physique. Elle avait ressenti<br />

clairement le besoin d’être soutenue,<br />

rassurée, blottie dans les bras protecteurs<br />

d’un proche qui lui tiendrait <strong>de</strong>s<br />

propos rassurants.<br />

L’évolution fut rapi<strong>de</strong>ment favorable.<br />

Elle eut quelques cauchemars dont le<br />

contenu retraçait, en partie, le scénario<br />

<strong>de</strong> l’agression. Elle eut pendant<br />

quelques jours <strong>de</strong>s réminiscences <strong>de</strong><br />

l’épiso<strong>de</strong> sous forme <strong>de</strong> flashs lorsqu’elle<br />

croisait un homme au profil <strong>de</strong><br />

l’agresseur. Mais rapi<strong>de</strong>ment ce syndrome<br />

<strong>de</strong> répétition débutant a disparu.<br />

Elle reprit le travail et retrouva un<br />

fonctionnement habituel et satisfaisant.<br />

Je n’ai plus eu, ensuite, <strong>de</strong> ses nouvelles.<br />

La <strong>de</strong>uxième vignette clinique relate<br />

un traumatisme beaucoup plus grave. Il<br />

s’agit d’une femme âgée <strong>de</strong> 39 ans qui<br />

a subi durant son enfance et son adolescence<br />

<strong>de</strong>s viols répétés perpétrés par<br />

son père. Lors <strong>de</strong> sa première consultation,<br />

nous sommes à distance du trau-<br />

séquentiel dans lequel la causalité ne<br />

serait pas linéaire.<br />

Maurice Corcos, dans son texte « La force<br />

et le sens », montre que les conduites à<br />

risques, lorsqu’elles <strong>de</strong>viennent addictives,<br />

ne tiennent pas seulement lieu <strong>de</strong><br />

culpabilité comme dans la majorité <strong>de</strong>s<br />

névroses, « mais d’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> compensation<br />

face à un vi<strong>de</strong> i<strong>de</strong>ntificatoire » et<br />

installent « un néo-système <strong>de</strong> régulation<br />

du relationnel avec une source <strong>de</strong> jouissance<br />

perverse (dans la honte qui semble<br />

<strong>de</strong>venir l’excitant esentiel) qui fixe le sujet<br />

à ses objets infantiles ».<br />

Enfin, Marie-Ma<strong>de</strong>leine Jacquet abor<strong>de</strong><br />

le moment clé que représente la fin <strong>de</strong>s<br />

prises en charge ou <strong>de</strong>s psychothérapies,<br />

moment particulièrement intense<br />

réactivant ou réactualisant bien souvent<br />

les problématiques <strong>de</strong> séparation,<br />

<strong>de</strong> prise d’autonomie et <strong>de</strong> reconnaissance<br />

individuelle.<br />

matisme, il n’y a pas <strong>de</strong> symptomatologie<br />

évoquant un PTSD. En revanche,<br />

on retrouve une phobie du toucher et<br />

<strong>de</strong>s troubles d’ordre sexuel. Ces <strong>de</strong>rniers<br />

apparaissent lorsqu’elle rencontre<br />

<strong>de</strong>s hommes pour lesquels elle éprouve<br />

<strong>de</strong>s sentiments. Le toucher <strong>de</strong>vient<br />

impossible et l’acte sexuel insupportable.<br />

Elle a l’impression d’être une<br />

prostituée et se dégoûte. D’autre part,<br />

il existe un fonctionnement <strong>de</strong> clivage,<br />

avec une mise à distance <strong>de</strong> ses<br />

affects et le sentiment <strong>de</strong> ne plus reconnaître<br />

ni habiter son corps. Elle ne ressent<br />

plus rien. Elle tente un travail <strong>de</strong><br />

psychothérapie, mais il est laborieux,<br />

elle se défend... La première relation<br />

thérapeutique, vraie, vécue comme<br />

telle, est la rencontre avec un ostéopathe<br />

; il parle <strong>de</strong> lier le corps à la psyché.<br />

Il lui dit que son corps est un bout<br />

<strong>de</strong> bois mort, que son dos est comme<br />

une grille <strong>de</strong> métro. Puis, débute un<br />

travail avec une psychomotricienne qui<br />

la touche, la masse. Son corps est enfin<br />

pris en compte. La patiente travaille<br />

sur le contours <strong>de</strong> son corps et sa représentation.<br />

Progressivement, elle reconstitue<br />

ou se constitue une enveloppe<br />

physique. C’est à ce moment là que<br />

lors d’un exercice <strong>de</strong> respiration, elle<br />

est prise d’une violente angoisse, association<br />

refoulée d’une effraction ancienne.<br />

Elle parle pour la première fois <strong>de</strong><br />

ses agressions... d’abord dans un langage<br />

très cru puis plus nuancé et avec<br />

davantage <strong>de</strong> contrôle.<br />

Actuellement, elle reconnaît que parmi<br />

toutes les thérapeutiques dont elle a<br />

bénéficié, les plus opérantes pour elle<br />

ont été les traitements corporels ; sans<br />

elles, toute tentative d’élaboration en<br />

psychothérapie serait restée vaine...<br />

Ces exemples soulèvent <strong>de</strong> nombreuses<br />

questions. Il est possible que<br />

le besoin <strong>de</strong> passer à nouveau par le<br />

corps ait été d’autant plus prégnant<br />

qu’il y a eu atteinte physique dans les<br />

<strong>de</strong>ux cas. Y aurait-il eu la même<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> en cas d’absence d’atteinte<br />

corporelle ? On peut supposer que oui,<br />

puisque au-<strong>de</strong>là du traumatisme physique,<br />

c’est aussi d’une effraction psychique<br />

dont il est question.<br />

Une autre inconnue se pose : il semble<br />

que pour le premier cas, l’enveloppe<br />

psychique semblait d’assez bonne qualité<br />

avant d’avoir été mise à mal. Il ne<br />

s’agit que d’une agression ponctuelle<br />

survenant à l’âge adulte. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

du sujet était plutôt <strong>de</strong> consoli<strong>de</strong>r une<br />

enveloppe à priori bien constituée.<br />

Pour la <strong>de</strong>uxième femme, la problématique<br />

est différente. Le traumatisme<br />

a eu lieu durant une longue pério<strong>de</strong><br />

où l’enfant puis l’adolescente avait à<br />

se construire. Il est probable que la personnalité<br />

s’est organisée autour du trauma,<br />

et que son sentiment <strong>de</strong> soi s’en est<br />

trouvé fragilisé. Qu’a-t-elle trouvé dans<br />

ces séances <strong>de</strong> psychomotricité ? La<br />

consolidation ou la constitution d’une<br />

enveloppe physique et psychique ?<br />

Il est évi<strong>de</strong>nt que le soignant n’aura<br />

pas <strong>de</strong> réponse à ces questions lorsqu’il<br />

se trouve pour la première fois<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Comprendre l’anxiété pour<br />

mieux la traiter<br />

Sous la coordination <strong>de</strong> Philippe<br />

Nuss<br />

Editions Médicales<br />

Ce recueil témoigne <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s<br />

situations cliniques dans lesquelles<br />

l’anxiété s’exprime, rend compte <strong>de</strong> la<br />

complexité <strong>de</strong>s tableaux rencontrés en<br />

pratique quotidienne. Plusieurs cliniciens<br />

illustrent, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> situations cliniques<br />

qu’ils ont rencontrées, les différents<br />

troubles anxieux. Ils font part <strong>de</strong><br />

démarches cliniques, diagnostiques et<br />

thérapeutiques tout en cheminant avec<br />

l’histoire immédiate du patient.<br />

Cette démarche, avec ses incertitu<strong>de</strong>s,<br />

ses anecdotes, ses paradoxes, fait partager<br />

la démarche intellectuelle <strong>de</strong> leurs<br />

auteurs et témoigne aussi <strong>de</strong> leur expertise.<br />

face à un traumatisé. C’est au cours<br />

du suivi que pourra être évaluée cette<br />

problématique et donc posé le type<br />

d’approche corporelle la mieux adaptée.<br />

Car elle reste aussi à définir : les<br />

bras d’un proche, un enveloppement<br />

dans une couverture, un pack, le tout<br />

en tachant <strong>de</strong> l’intégrer dans la relation<br />

à l’autre comme nous l’avons vu ?<br />

Réaliser, <strong>de</strong> manière systématique, une<br />

prise en charge corporelle est sûrement<br />

aussi inappropriée que d’imposer systématiquement<br />

un <strong>de</strong>briefing. Il est probable<br />

que si cela peut avoir un effet<br />

contenant et restructurant, pour<br />

d’autres cela peut correspondre à une<br />

nouvelle intrusion. Peut-être faut-il seulement<br />

proposer un soutien <strong>de</strong> cet<br />

ordre ; et ce aussi bien au décours<br />

immédiat qu’à distance du traumatisme.<br />

De même que le sujet a parfois besoin<br />

<strong>de</strong> temps pour verbaliser son expérience,<br />

il est peut-être opportun <strong>de</strong> respecter<br />

sa disponibilité physique.<br />

Il faut aussi être pru<strong>de</strong>nt sur le risque<br />

régressif que cette prise en charge<br />

implique. Peut-être cela peut-il se faire<br />

en ne prolongeant pas trop les séances.<br />

Il faudrait aussi veiller à les intégrer<br />

dans la relation à l’autre pour inciter<br />

le sujet à rétablir un contact et un lien<br />

au mon<strong>de</strong> extérieur. En réalité, avant<br />

<strong>de</strong> craindre d’accentuer un éventuel<br />

retrait défensif, il me semble surtout<br />

important <strong>de</strong> savoir reconnaître et<br />

accueillir cet état inhérent au traumatisme<br />

pour l’accompagner et permettre<br />

une mobilisation.<br />

Qui pourra réaliser cette approche ?<br />

La patiente du premier cas clinique a<br />

témoigné <strong>de</strong> son besoin d’être entourée<br />

<strong>de</strong>s siens.<br />

Est-ce imaginable <strong>de</strong> proposer et d’organiser<br />

un accompagnement par un<br />

proche ? Proche qu’il faudra aussi savoir<br />

accompagner... Quel type d’enveloppe<br />

ce proche pourra-t-il alors réaliser ?<br />

Probablement en fonction <strong>de</strong> ce qu’il<br />

est, <strong>de</strong> sa propre capacité à pouvoir<br />

contenir ... Encore beaucoup d’inconnues<br />

et <strong>de</strong> variables incertaines ... il<br />

s’agit en effet d’un facteur essentiellement<br />

humain. Mais ne sous-estimonsnous<br />

pas la force <strong>de</strong> ce soutien ?<br />

S’il ne s’agit pas <strong>de</strong> proches, on imagine<br />

difficilement le psychiatre spécialiste<br />

<strong>de</strong> l’urgence, assurer seul ce type <strong>de</strong><br />

prise en charge. Les infirmiers et les<br />

psychométriciens y auraient probablement<br />

toute leur place.<br />

Je terminerai sur cette réflexion : finalement,<br />

je n’ai soulevé qu’une hypothèse<br />

bien banale. Une main sur l’épaule<br />

est pour certains le geste le plus<br />

naturel du mon<strong>de</strong> lorsque l’on a à soutenir<br />

quelqu’un. Il est vrai que ce geste,<br />

le contact en général, est soumis aussi<br />

pour <strong>de</strong>s raisons culturelles à <strong>de</strong>s résistances<br />

multiples. Peut-être faudrait-il<br />

travailler pour revenir à <strong>de</strong>s actes naturels,<br />

archaïques pour faire face à <strong>de</strong>s<br />

choses qui relèvent du même ordre...■<br />

Dr E. Botvinik<br />

Service Dr G. Vidon, Hôpital Esquirol


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

CHUT !<br />

Une petite histoire <strong>de</strong> la sectorisation psychiatrique à Lille (1966-2006)<br />

C<br />

’est en 1966 qu’a été créé à Saint-<br />

André-Lez-Lille le Centre Hospitalier<br />

Ulysse Trélat (CHUT), <strong>de</strong>venu au<br />

fil du temps Centre <strong>de</strong> Soins et d’Hygiène<br />

Mentale Ulysse Trélat (CSH-<br />

MUT), Centre Hospitalier Spécialisé<br />

Ulysse Trélat (CHSUT) et site Ulysse<br />

Trélat <strong>de</strong> l’Etablissement Public <strong>de</strong><br />

Santé Mentale <strong>de</strong> l’Agglomération <strong>de</strong><br />

Lille (EPSMAL)... Il a pris la suite <strong>de</strong><br />

l’hôpital-hospice suburbain (1945-<br />

1958), lui-même héritier <strong>de</strong> l’hospice<br />

<strong>de</strong>s Incurables (1907-1939). Son appellation<br />

rend hommage aux aspects novateurs<br />

<strong>de</strong> l’œuvre d’un grand aliéniste<br />

du XIXème siècle.<br />

Le Conseil Général du Nord a acquis<br />

l’établissement <strong>de</strong>s hospices civils <strong>de</strong><br />

Lille, dans le but d’expérimenter à Lille<br />

et dans sa banlieue immédiate, la politique<br />

<strong>de</strong> sectorisation psychiatrique,<br />

que la circulaire du 5 mars 1960 vient<br />

d’officialiser. En 1974, le plan départemental<br />

<strong>de</strong> lutte contre les maladies<br />

mentales, l’alcoolisme et les toxicomanies<br />

confie au CHUT la mission <strong>de</strong> <strong>de</strong>sservir<br />

à titre définitif, les trois secteurs <strong>de</strong><br />

Lille (59G22, 59G23 et 59G24) et, à<br />

titre provisoire, les <strong>de</strong>ux secteurs <strong>de</strong><br />

Denain (59G33 et 59G34). Cette mission<br />

a été redéfinie au fur et à mesure<br />

du transfert <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s secteurs<br />

provisoires à Denain, <strong>de</strong> 1982 à 1996,<br />

et au moment <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> l’intersecteur<br />

<strong>de</strong> toxicomanie <strong>de</strong> Lille<br />

Métropole (59T01), en 1994. Enfin,<br />

en 1998, le CHUT a été fusionné avec<br />

le Centre Hospitalier <strong>de</strong> Lommelet<br />

(CHL) pour donner naissance à l’Etablissement<br />

Public <strong>de</strong> Santé <strong>de</strong> Saint-<br />

André (EPS).<br />

Les murs<br />

A Saint-André, l’hôpital est construit<br />

dans un parc <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux hectares largement<br />

ouvert sur la ville. Au centre, le<br />

bâtiment principal, sur le plan pavillonnaire,<br />

où l’influence du style 1900 n’est<br />

pas étrangère (Dubuisson 1902-1906).<br />

Il a été mo<strong>de</strong>rnisé dans sa totalité en<br />

1964, et à nouveau, pour partie, en<br />

1987 et 1993-94. A la périphérie s’élèvent<br />

les quatre cliniques, le centre social<br />

et le pavillon <strong>de</strong> l’administration, sobre<br />

reflet <strong>de</strong> l’architecture hospitalière <strong>de</strong>s<br />

Trente-Glorieuses (Delrue 1970-1971<br />

et 1981).<br />

Sur les secteurs, à Lille comme à<br />

Denain, le patrimoine immobilier n’a<br />

pas le caractère pérenne et parfois<br />

monumental <strong>de</strong> l’hôpital. Consultations<br />

médico-psychologiques et accueils thérapeutiques<br />

vont d’un lieu à l’autre, et<br />

les mètres-carrés, loués ou mis à disposition<br />

par les collectivités, ont beaucoup<br />

augmenté.<br />

Le 174 rue <strong>de</strong> Wazemmes à Lille fait<br />

exception : cet hôtel particulier, datant<br />

<strong>de</strong> la fin du siècle <strong>de</strong>rnier, sis sur la<br />

seule artère partagée entre les trois secteurs<br />

lillois - tout un symbole - et acquis<br />

par le CHUT, associe désormais le<br />

Centre <strong>de</strong> Jour <strong>de</strong>s Quatre-Chemins<br />

(1983) et le Centre d’Accueil Permanent<br />

Ilôt-Psy (1992), tous <strong>de</strong>ux intersectoriels.<br />

A Denain, les dispensaires<br />

<strong>de</strong> la place Baudin, maisons bourgeoises<br />

du début du siècle construites en enfila<strong>de</strong>,<br />

<strong>de</strong>viennent la référence majeure<br />

à côté <strong>de</strong>s antennes <strong>de</strong> Bouchain, Douchy,<br />

Escaudain, Wallers...<br />

A proximité <strong>de</strong> l’hôpital, l’Institut <strong>de</strong><br />

Formation en Soins Infirmiers occupe<br />

un bâtiment construit en 1981. Il<br />

regroupe une école base (1966) et une<br />

école cadre (1984), et porte le nom<br />

<strong>de</strong> Georges Daumezon, en souvenir<br />

<strong>de</strong> ce pionnier <strong>de</strong> la sectorisation psychiatrique.<br />

Les hommes<br />

Le mérite revient aux mé<strong>de</strong>cins directeurs,<br />

les docteurs M. Champion et H.<br />

Nicaise d’initier la politique <strong>de</strong> secteur<br />

et aux directeurs Messieurs J.L. Lesieur,<br />

J.J. Montagne, Madame 0. Didier, Messieurs<br />

E. Svahn, J.M. Toulouse, J.C. Bué<br />

<strong>de</strong> l’appliquer. Et il ne faut pas sousestimer<br />

le rôle tenu par Madame A.<br />

Dams, cadre administratif, laquelle se<br />

voit souvent confier l’intérim <strong>de</strong> direction.<br />

De leur côté, les prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong><br />

Commission Médicale, les Docteurs J.<br />

Boulin, J.P. Provoost, M.H. Leborgne,<br />

M. Cabal, J. Bie<strong>de</strong>r, J. Debiève, assurent<br />

pleinement leurs responsabilités.<br />

Cette politique est régulièrement<br />

approuvée par le Conseil d’Adminis-<br />

SÉMINAIRE DU JEUDI<br />

Rencontres cliniques<br />

Hôpital Esquirol - Secteur 75G1O/11 (Porte 19) - 10h3O<br />

ASSOCIATION E.C.A.R.T. Psy<br />

Enseignement.Création.Analyse.Recherche.Transmission<br />

2007<br />

Thème : Impossible - mais quand même !<br />

« Il y a trois métiers impossibles - Eduquer, Soigner, Gouverner »<br />

Sigmund Freud<br />

18 janvier 2007 : Amaro <strong>de</strong> Villanova, Psychanalyste à la Société <strong>de</strong> Psychanalyse<br />

Freudienne et Psychanalyste à la Clinique <strong>de</strong> La Bor<strong>de</strong>. Interviendra sur le<br />

thème : De l’impossible répit, dans le travail avec un patient schizophrène.<br />

15 février 2007 : Jean-Clau<strong>de</strong> Aguerre, Psychanalyste, Directeur <strong>de</strong> publication<br />

aux Editions Erès. Interviendra sur le thème : Je dis toujours la vérité, mais<br />

pas toute.<br />

8 mars 2007 : Anne-Marie Picard, Professeur à l’Université américaine, auteur<br />

d’une thèse <strong>de</strong> doctorat « Le Corps lisant : Lecture, psychanalyse et différence<br />

sexuelle ». Interviendra sur le thème : L’écriture matrici<strong>de</strong>.<br />

26 avril 2007 : Patrice Cannone, Psychologue service d’oncologie CHU La<br />

Timone à Marseille. Interviendra sur le thème : La clinique <strong>de</strong> l’impossible.<br />

10 mai 2007 : Florence Reznik, Psychologue-Psychanalyste. Interviendra sur le<br />

thème : D’impossible - mais quand même ! à Quand même, l’impossible.<br />

Journée <strong>de</strong> l’association E.C.A.R.T. Psy à l’hôpital Esquirol sur inscription<br />

8 juin 2007 - Impossible - mais quand même !<br />

Florence Reznik : Fondatrice <strong>de</strong> l’Association ECART Psy et Responsable du séminaire.<br />

Le programme <strong>de</strong>s séminaires est disponible sur le site www.ecart-psy.org<br />

tration du CHUT, qui est présidé successivement<br />

par Messieurs M.<br />

Deplanck, G. Merheim, A. Valette, J.C.<br />

Dubus. Doit être mentionnée ici l’ai<strong>de</strong><br />

apportée, dans le cadre <strong>de</strong> la resocialisation,<br />

par l’Association Ulysse Trélat,<br />

l’Association <strong>de</strong> santé mentale du<br />

Valenciennois, l’Association <strong>de</strong> santé<br />

mentale <strong>de</strong> Lille et l’Association Germinal,<br />

toutes fédérées à la Croix-Marine.<br />

Les effectifs du personnel du CHUT<br />

évoluent favorablement au fil <strong>de</strong>s ans,<br />

même si l’on note un fléchissement<br />

quantitatif, à périmètre comparable, à<br />

partir <strong>de</strong>s années 1980, et un changement<br />

qualitatif à partir <strong>de</strong>s années<br />

1990.<br />

A l’origine, l’hôpital est correctement<br />

doté. Il bénéficie par la suite <strong>de</strong> l’expansion<br />

économique <strong>de</strong>s années 1970.<br />

Mais les effectifs soignants sont réduits<br />

au début <strong>de</strong>s années 1980 par le glissement<br />

<strong>de</strong> postes infirmiers et <strong>de</strong> surveillants<br />

au profit <strong>de</strong> l’école Daumezon,<br />

puis en 1994 par la transformation<br />

<strong>de</strong> postes infirmiers en postes d’ai<strong>de</strong>-soignants.<br />

Sur le plan qualitatif, lors <strong>de</strong> l’ouverture,<br />

le choix d’une équipe pluridisciplinaire<br />

est fait : mé<strong>de</strong>cins spécialistes,<br />

infirmiers, assistants sociaux, psychologues,<br />

psychomotriciens, que viennent<br />

ai<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s vacataires très spécialisés, tels<br />

les psychanalystes. Il est remis en cause<br />

dans les années 1990 avec l’apparition<br />

d’ergothérapeutes, d’ai<strong>de</strong>-soignants,<br />

d’ai<strong>de</strong>s médico-psychologiques... Il est<br />

vrai que les changements <strong>de</strong> statut <strong>de</strong>s<br />

personnels, les contraintes budgétaires,<br />

la réduction du nombre d’intervenants<br />

extérieurs ne permettent plus le maintien<br />

du cadre unique infirmier.<br />

L’administration et le corps médical<br />

vont toujours au <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s revendications<br />

légitimes du personnel soignant,<br />

en particulier <strong>de</strong> celles <strong>de</strong>s infirmiers,<br />

qui souhaitent une amélioration <strong>de</strong> leur<br />

formation et <strong>de</strong> plus gran<strong>de</strong>s responsabilités<br />

dans leur exercice professionnel.<br />

Ils n’ont pas attendu les textes officiels<br />

pour assurer un enseignement <strong>de</strong><br />

qualité, se soucier <strong>de</strong> la formation permanente<br />

et promouvoir les agents ;<br />

quant aux réunions <strong>de</strong> service et <strong>de</strong><br />

pavillons, et aux cahiers d’observation<br />

du mala<strong>de</strong>, ils anticipent dès 1966 les<br />

conseils <strong>de</strong> service et <strong>de</strong> soins infirmiers,<br />

et les dossiers <strong>de</strong> soins infirmiers,<br />

officiels <strong>de</strong>puis la réforme <strong>de</strong> 1993.<br />

Les soins<br />

Au CHUT, l’approche du mala<strong>de</strong> est<br />

médico-psycho-sociale. Les soins sont<br />

intimement liés à la prévention et à la<br />

post-cure, surtout dans les secteurs, et<br />

la vie institutionnelle est analysée dans<br />

chaque pavillon <strong>de</strong> l’hôpital, où la mixité<br />

est <strong>de</strong> règle <strong>de</strong>puis 1968. L’ensemble<br />

<strong>de</strong>s soins dispensés augmente et se<br />

diversifie <strong>de</strong>puis trente ans. Ils connaissent<br />

un fléchissement à l’hôpital et un<br />

développement considérable sur les<br />

secteurs.<br />

A l’hôpital, le nombre <strong>de</strong> lits d’hospitalisation<br />

temps plein passe <strong>de</strong> 367 en<br />

1966 à 249 en 1998. Quatre <strong>de</strong>s cinq<br />

services sont restructurés (Denain-Bouchain<br />

et Denain-Wallers 1987, Lille-<br />

Sud 1992, Lille-Est 1994) et l’intersecteur<br />

<strong>de</strong> toxicomanie existe <strong>de</strong>puis<br />

1994 (10 lits). L’hospitalisation <strong>de</strong> jour<br />

peut se faire soit à Saint-André (20<br />

places aujourd’hui dispersées dans les<br />

différents services lillois), soit à Lille<br />

(25 places <strong>de</strong>puis 1997) ; l’une et<br />

l’autre <strong>de</strong> ces formules ont atteint leur<br />

rythme <strong>de</strong> croisière. L’hospitalisation<br />

<strong>de</strong> nuit, quant à elle, tend à tomber en<br />

désuétu<strong>de</strong> (12 lits). Enfin, <strong>de</strong>s appartements<br />

thérapeutiques et associatifs,<br />

gérés à Saint-André mais situés à Lille<br />

ou dans sa banlieue proche, fonctionnent<br />

<strong>de</strong>puis 1988 (36 places).<br />

<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Penser la crise <strong>de</strong> l’école<br />

Revue du M.A.U.S.S. n°28<br />

La Découverte, 30 €<br />

Nous sommes, bel et bien, confrontés<br />

à une crise grave <strong>de</strong> la transmission<br />

<strong>de</strong>s connaissances institutionnellement<br />

légitimes. Pour sortir <strong>de</strong>s<br />

querelles particulièrement féroces en<br />

France sur la question <strong>de</strong> l’Ecole, ce<br />

constat implique d’évaluer la part respective<br />

<strong>de</strong>s facteurs endogènes - spécifiques<br />

au système scolaire - et exogènes<br />

<strong>de</strong> la crise. Le seul fait <strong>de</strong> poser<br />

que la crise scolaire est multi-dimensionnelle<br />

à la fois crise <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s,<br />

<strong>de</strong>s finalités, du sens, <strong>de</strong> l’autorité,<br />

du rapport aux publics et aux<br />

emplois, permet une approche plus<br />

sereine et plus juste <strong>de</strong> la question.<br />

Sans doute faudra-t-il commencer par<br />

s’attaquer à une réforme en profon<strong>de</strong>ur<br />

et radicale <strong>de</strong> l’université, <strong>de</strong><br />

loin le secteur le plus sinistré <strong>de</strong> tout<br />

le système d’enseignement français.<br />

Il n’en a pas été question dans ce numéro<br />

déjà trop volumineux qui serait<br />

<strong>de</strong>venu totalement indigeste et<br />

aussi, raison plus troublante et plus<br />

grave, parce que la littérature un peu<br />

structurée et informée sur l’université<br />

est aussi maigre et rare que les<br />

écrits et libelles sur l’école surabon<strong>de</strong>nt.<br />

Il faudra donc organiser et,<br />

presque, contribuer à faire naître ce<br />

débat si urgent, que tout le mon<strong>de</strong><br />

semble s’évertuer à l’éviter.<br />

Faisant la transition entre la discussion<br />

menée ici sur l’école et le débat<br />

à organiser sur l’université, l’article<br />

<strong>de</strong> Stéphane Beaud montre comment,<br />

dans les premiers cycles universitaires,<br />

ceux qu’il appelle « les enfants<br />

<strong>de</strong> la démocratisation » sont voués à<br />

un <strong>de</strong>stin d’échec massif si prévisible<br />

qu’on ne leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en fait, que<br />

<strong>de</strong> travailler. Et d’ailleurs, ils travaillent<br />

le plus souvent à côté <strong>de</strong> leurs étu<strong>de</strong>s.<br />

Tout se passe comme si on faisait<br />

semblant <strong>de</strong> leur prodiguer un enseignement<br />

supérieur digne <strong>de</strong> ce<br />

nom et qu’ils faisaient semblant <strong>de</strong><br />

travailler.<br />

Abrégé <strong>de</strong> psychologie<br />

William James<br />

Traduction <strong>de</strong> E. Baudin, G.<br />

Bertier, avec une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

Emile Boutroux<br />

Préface <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />

L’Harmattan<br />

En 1878, William James (1842-1910)<br />

s’est engagé à écrire un manuel <strong>de</strong><br />

psychologie qu’il comptait terminer<br />

en <strong>de</strong>ux ans. L’ouvrage lui a <strong>de</strong>mandé<br />

dix années <strong>de</strong> plus, et fut tout autre<br />

chose qu’un manuel. La publication<br />

en 1890 <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux volumes <strong>de</strong>s Principes<br />

<strong>de</strong> psychologie marque une date<br />

importante dans la carrière <strong>de</strong> James.<br />

C’était, comme on le fit remarquer<br />

alors, une nouvelle « déclaration d’indépendance<br />

», qui établit la réputation<br />

scientifique <strong>de</strong> son auteur et étendit<br />

son influence. Les proportions <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux volumes du livre étaient énormes,<br />

et James entreprit, sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> son éditeur, d’en rédiger un résumé<br />

plus accessible, qui parut aux<br />

Etats-Unis sous le titre <strong>de</strong> Psychology :<br />

Briefer Course en 1892. En composant<br />

cet abrégé <strong>de</strong> psychologie, James<br />

a voulu lui donner la forme d’un livre<br />

à mettre entre les mains <strong>de</strong>s élèves.<br />

Il a ainsi écarté tout ce qui a trait à<br />

l’histoire et à l’examen critique <strong>de</strong>s<br />

doctrines, aux discussions métaphysiques<br />

et, en général, tout ce qui ne<br />

présente qu’un intérêt spéculatif.<br />

Est proposée ici une traduction intégrale,<br />

la seule actuellement disponible,<br />

<strong>de</strong> l’Abrégé <strong>de</strong> psychologie réalisée<br />

par E. Baudin et G. Bertier. Cette<br />

réédition <strong>de</strong> cette traduction est précédée<br />

par un texte <strong>de</strong> James publié<br />

par le philosophe E. Boutroux.<br />

HISTOIRE ■ 17<br />

Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’éducateur <strong>de</strong><br />

jeunes enfants<br />

2 e édition<br />

Bruno Le Capitaine<br />

Annick Karpowicz<br />

Dunod<br />

Ce gui<strong>de</strong> i<strong>de</strong>ntifie le métier d’éducateur<br />

<strong>de</strong> jeunes enfants, en décrit le<br />

contour, en précise le savoir-faire en<br />

cinq parties.<br />

Un rappel historique met en valeur<br />

les expressions contemporaines <strong>de</strong><br />

la profession. Une mise en perspective<br />

<strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> la profession<br />

est proposée à travers sa formation,<br />

réformée en 2005, et son cadre d’emploi.<br />

Une synthèse à partir <strong>de</strong>s notions<br />

d’accueil et d’accompagnement<br />

éducatif spécifient le positionnement<br />

professionnel avec une approche du<br />

contexte idéologique et institutionnel<br />

<strong>de</strong> la fonction éducative mais<br />

aussi une présentation actualisée du<br />

cadre réglementaire et institutionnel.<br />

Le multi-accueil tend à <strong>de</strong>venir la<br />

norme, en réponse à la diversité et<br />

à l’hétérogénéité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s<br />

parents, salariés ou indépendants<br />

aux horaires <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> plus en<br />

plus atypiques. Dans ce contexte, les<br />

professionnels sont appelés à repenser<br />

leurs pratiques sans rien lâcher<br />

sur l’essentiel.<br />

Les éducateurs <strong>de</strong> jeunes enfants formés<br />

les prochaines années investiront<br />

un domaine en expansion. Le<br />

nombre <strong>de</strong> structures d’accueil <strong>de</strong> la<br />

petite enfance ne cesse d’augmenter,<br />

à l’initiative <strong>de</strong>s collectivités territoriales<br />

comme à celle d’associations<br />

ou <strong>de</strong> sociétés privées, sans<br />

résorber pour autant l’écart entre<br />

l’offre et la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, notamment en<br />

milieu rural.<br />

Cultures et développement<br />

cognitif<br />

Numéro thématique coordonné<br />

par Bertrand Troa<strong>de</strong>c<br />

Enfance 2006 n°2<br />

PUF, 22 €<br />

Le nouveau-né est un individu déjà<br />

équipé pour répondre <strong>de</strong> façon différenciée<br />

à <strong>de</strong> nombreuses stimulations<br />

<strong>de</strong> son environnement. Mieux<br />

même, il est capable <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s<br />

choix, <strong>de</strong> rechercher certaines stimulations<br />

plus que d’autres, <strong>de</strong><br />

« construire » en quelque sorte, ses<br />

interactions. La culture ne serait-elle<br />

plus qu’une affaire individuelle ?<br />

Il n’est que <strong>de</strong> prendre en compte la<br />

diversité <strong>de</strong>s savoir-faire, <strong>de</strong>s expressions<br />

artistiques, <strong>de</strong>s préférences<br />

cognitives selon les pays, pour comprendre<br />

qu’un processus <strong>de</strong> « sculpture<br />

<strong>de</strong> l’esprit » s’interpose entre le<br />

petit en développement et les possibilités<br />

d’expérience que lui offre l’environnement.<br />

De cette sculpture <strong>de</strong> l’esprit, il est<br />

question, tout au long du numéro<br />

thématique coordonné par Bertrand<br />

Troa<strong>de</strong>c, qui montre la relation entre<br />

culture et développement cognitif,<br />

rassemble <strong>de</strong>s grands noms <strong>de</strong> la<br />

psychologie comme Jérôme Bruner<br />

et Patricia Greenfield, et donne à <strong>de</strong><br />

nombreux auteurs reconnus l’occasion<br />

<strong>de</strong> présenter <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s collaboratives<br />

comparant le développement<br />

cognitif dans diverses cultures<br />

rurales et urbaines à la Réunion, en<br />

Côte-d’Ivoire, au Sénégal, en In<strong>de</strong>...<br />

Ce numéro propose un ensemble<br />

d’informations qui <strong>de</strong>vrait ai<strong>de</strong>r à<br />

mieux comprendre l’apport <strong>de</strong> la culture<br />

dans ce qui fait que notre construction<br />

cognitive n’est pas une aventure<br />

solitaire et sans support. Il se termine<br />

par un hommage à Carol Feldman,<br />

spécialiste <strong>de</strong> psychologie culturelle,<br />

qui vient <strong>de</strong> nous quitter.


18<br />

LIVRES<br />

■ HISTOIRE ■ HUMEUR<br />

Adultères<br />

Aldo Naouri<br />

Odile Jacob, 22,90 €<br />

Pédiatre nourri à l’enseignement <strong>de</strong>s<br />

textes bibliques et talmudiques, ainsi<br />

qu’à la psychanalyse (surtout Lacanienne),<br />

Aldo Naouri nous livre ici ses<br />

réflexions à propos <strong>de</strong>s adultères. Au<br />

pluriel parce que les histoires qu’il<br />

rapporte sont nombreuses et variées,<br />

tirées <strong>de</strong> son expérience <strong>de</strong> pédiatre<br />

qui, <strong>de</strong>puis longtemps, s’intéresse<br />

aussi à ce qui fait symptôme chez les<br />

parents, au-<strong>de</strong>là du symptôme <strong>de</strong><br />

l’enfant. Ici donc, les adultères, <strong>de</strong>s<br />

pères ou <strong>de</strong>s mères.<br />

On lui sait gré <strong>de</strong> laisser <strong>de</strong> côté les<br />

raisons apparentes souvent mises en<br />

avant (les différentes formes <strong>de</strong><br />

mésententes ou d’insatisfactions<br />

sexuelles). Mais on sera, sans doute,<br />

un peu déçu <strong>de</strong> l’interprétation assez<br />

univoque qu’il en donne, aussi bien<br />

chez l’homme que chez la femme, et<br />

pour <strong>de</strong>s situations apparemment<br />

très différentes les unes <strong>de</strong>s autres.<br />

Pour lui en effet, dans les <strong>de</strong>ux sexes,<br />

l’ombre <strong>de</strong> la mère est toujours présente.<br />

Chez l’homme, « la rencontre<br />

avec le corps d’une femme, -quel que<br />

soit son rang, met toujours cette femme<br />

en rang <strong>de</strong>ux, le rang un étant à jamais<br />

occupé par sa mère (...). Ce qui<br />

ne signifie pas (...) que l’accès à une<br />

femme ait été totalement interdit par<br />

la plupart <strong>de</strong> ces mères à leur fils. Mais<br />

un tel accès ne <strong>de</strong>vrait en aucun cas<br />

autoriser ces fils à installer durablement<br />

une telle femme dans leur vie ».<br />

Chez la femme adultère, « la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

apparente s’adresse bien à un homme,<br />

et même à <strong>de</strong>ux, mais elle sert aussi à<br />

se défendre <strong>de</strong> l’homosexualité inscrite<br />

dans l’histoire <strong>de</strong> la petite fille (...). La<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> hétérosexuelle continue à<br />

couvrir la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> homosexuelle<br />

inassouvissable ».<br />

Ce schéma est probablement souvent<br />

un jeu, mais résume-t-il pour autant<br />

toutes les notions inconscientes<br />

qui sous-ten<strong>de</strong>nt telle ou telle conduite<br />

adultère ?<br />

Il n’empêche que ce livre mérite d’être<br />

lu, pour la saveur <strong>de</strong> son écriture et<br />

la variété <strong>de</strong>s situations parfois étonnantes<br />

qu’il décrit.<br />

M. Goutal<br />

Jules Verne et la psyché<br />

Luc-Christophe Guillerm<br />

L’Harmattan, 17 €<br />

L.-Ch. Guillerm étudie la personnalité<br />

et les troubles psychopathologiques<br />

<strong>de</strong> certains personnages <strong>de</strong> Jules<br />

Verne, comme s’ils l’avaient consulté.<br />

Si Jules Verne fut visionnaire sur bien<br />

<strong>de</strong>s thèmes, il est tout à fait étonnant<br />

<strong>de</strong> constater la pertinence <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>scriptions<br />

psychopathologiques. Si le<br />

thème <strong>de</strong> la folie dans son œuvre est<br />

régulièrement étudié, Jules Verne décrivit<br />

avec ses personnages bien plus.<br />

Son œuvre est en fait une extraordinaire<br />

galerie <strong>de</strong> portraits psychologiques<br />

et psychopathologiques, <strong>de</strong>s<br />

hommes et femmes les plus valeureux<br />

aux plus perturbés <strong>de</strong>s héros délirants,<br />

en passant par <strong>de</strong>s anxieux,<br />

maniaques, déprimés et névrotiques.<br />

On retrouve par contre assez peu <strong>de</strong><br />

conduites addictives avérées, troubles<br />

où l’individu est dépendant d’une<br />

substance (alcool, toxique) ou d’un<br />

comportement (anorexie, boulimie,<br />

jeu pathologique...).<br />

Jules Verne n’émit pas d’hypothèses<br />

sur l’explication <strong>de</strong>s phénomènes psychologiques,<br />

à une époque il est vrai<br />

où l’on découvre tout juste l’inconscient<br />

au travers <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Freud<br />

et où la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s maladies mentales<br />

est purement sémiologique et<br />

médicale.<br />

<br />

Pour Denain, les services hospitaliers<br />

ont été rapi<strong>de</strong>ment individualisés : service<br />

double <strong>de</strong> Denain- Douchy-Trith<br />

(1973), services jumelés <strong>de</strong> Denain-<br />

Bouchain et Denain-Wallers (1977),<br />

hôpital <strong>de</strong> jour Le Duquesnoy à<br />

Denain (1984), service <strong>de</strong>s Quinze lits<br />

à l’hôpital <strong>de</strong> Denain (1987). S’inscrivent<br />

ici un regret et une joie : le grand<br />

regret que le nouvel hôpital <strong>de</strong> la Belle-<br />

Vue, et ses <strong>de</strong>ux services <strong>de</strong> psychiatrie,<br />

ne soient pas sortis <strong>de</strong> terre. La joie<br />

que la totalité <strong>de</strong>s lits et la totalité <strong>de</strong>s<br />

mala<strong>de</strong>s soient enfin transférés du<br />

CHUT vers l’actuel hôpital <strong>de</strong> Denain<br />

dans les prochains mois. Au total, l’équipement<br />

comporte 50 lits d’hospitalisation<br />

temps plein, 20 lits d’hospitalisation<br />

<strong>de</strong> jour, 14 places d’appartements associatifs.<br />

Il faut mentionner que le CHUT<br />

doit faire face, à trois reprises, à <strong>de</strong>s<br />

charges hospitalières exceptionnelles :<br />

transfert <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s venant <strong>de</strong> l’hôpital<br />

psychiatrique d’Armentières, alors<br />

que le taux d’occupation baisse au<br />

point <strong>de</strong> mettre en péril les finances<br />

<strong>de</strong> l’établissement, dans les années<br />

1970 ; internement (!) d’handicapés<br />

profonds originaires du département<br />

du Nord, vivant en Belgique <strong>de</strong>puis<br />

leur plus tendre enfance, qui, <strong>de</strong>venus<br />

adultes, se voient refuser la prolongation<br />

<strong>de</strong> leur séjour à l’étranger, à la fin<br />

<strong>de</strong>s années 1980 ; prise en charge <strong>de</strong>s<br />

« Sans Domicile Fixe » dont le nombre<br />

augmente au fur et à mesure que Lille<br />

prend le visage d’une métropole et que<br />

la crise économique s’aggrave, dans les<br />

années 1990...<br />

L’activité ambulatoire est <strong>de</strong>puis toujours<br />

un <strong>de</strong>s points forts du CHUT et<br />

ceci fait sa réputation ; la réunion <strong>de</strong>s<br />

budgets hospitaliers et sectoriels en<br />

1986 n’a été ici que <strong>de</strong> pure forme.<br />

Consultations et visites à domicile<br />

datent <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> l’établissement.<br />

Les interventions dans les hôpitaux<br />

généraux, hospices, maisons <strong>de</strong> retraite<br />

et autres établissements sanitaires et<br />

sociaux sont presque aussi précoces.<br />

Les Centres d’Accueil Thérapeutique à<br />

Temps Partiel naissent officiellement<br />

en 1986. La première maison communautaire<br />

est inaugurée en 1990.<br />

Enfin, le Centre d’Accueil Permanent<br />

<strong>de</strong> Lille ouvre en 1992 (CAP Ilôt-Psy).<br />

L’intersecteur <strong>de</strong> toxicomanie dispose,<br />

lui, <strong>de</strong> 25 places « méthadone » <strong>de</strong>puis<br />

1997. Par ailleurs, <strong>de</strong>puis 25 ans, les<br />

activités <strong>de</strong>naisiennes se développent à<br />

un rythme aussi soutenu qu’à Lille.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce double constat, fléchissement<br />

<strong>de</strong>s prestations à l’hôpital, développement<br />

sur les secteurs, on précisera<br />

que les responsables du CHUT<br />

optent dès 1970 pour l’intersectorialité<br />

(hôpital <strong>de</strong> jour 1970, départementalisation<br />

du Denaisis 1985, appartements<br />

thérapeutiques 1988, Centre<br />

d’Accueil Thérapeutique a Temps Partiel<br />

1992, les Lilas -unité pour polyhandicapés<br />

1994). Ils ten<strong>de</strong>nt actuellement<br />

à l’élargir (tentative d’extension<br />

du CAP en 1993, intersecteur <strong>de</strong> toxicomanie<br />

1994, réseau Diogène pour<br />

les mala<strong>de</strong>s en situation <strong>de</strong> précarité,<br />

auquel participent également le Centre<br />

Hospitalier Régional Universitaire et<br />

l’Etablissement <strong>de</strong> Santé Mentale Lille<br />

Métropole 1998...). Nul doute que la<br />

fusion avec le Centre Hospitalier <strong>de</strong><br />

Lommelet voisin, également situé à<br />

Saint-André, et qui <strong>de</strong>ssert les quatre<br />

secteurs <strong>de</strong> Roubaix et un <strong>de</strong>mi-secteur<br />

du Pas-<strong>de</strong>-Calais permette <strong>de</strong><br />

confirmer cette pratique mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la<br />

psychiatrie. Cette même intersectorialité<br />

se retrouve dans le Denaisis, où<br />

l’individualisation précoce <strong>de</strong>s services<br />

hospitaliers et une parfaite connaissance<br />

du terrain ont permis une<br />

implantation remarquable <strong>de</strong>s équipes,<br />

exceptionnelle pour la région Nord-<br />

Pas-<strong>de</strong>-Calais.<br />

En résumé, évoquer le CHUT, c’est<br />

ressortir un cliché et ouvrir une page<br />

d’histoire.<br />

Le cliché sera emprunté à l’écrivain J.<br />

Berroyer : « Le Centre <strong>de</strong> Soins et d’Hygiène<br />

Mentale, cet hôpital assez coquet<br />

d’apparence, avec une large cour inté-<br />

rieure, <strong>de</strong>s arbres et <strong>de</strong> la pelouse, un<br />

grand bâtiment en U comprenant huit<br />

unités qui abritent chacune une trentaine<br />

<strong>de</strong> personnes ».<br />

Quant à l’histoire, le temps en jugera.<br />

Mais, dès à présent, on peut écrire que<br />

si le CHUT a pâti <strong>de</strong> certaines rigueurs<br />

administratives et contraintes budgétaires,<br />

sa chance a été d’avoir été fondé<br />

par <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins missionnaires <strong>de</strong> la<br />

sectorisation, soutenus par <strong>de</strong>s gestionnaires<br />

compréhensifs et <strong>de</strong>s équipes<br />

ouvertes à tous les courants <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />

Post-scriptum<br />

En 2000, le CHUT et le Centre Hospitalier<br />

<strong>de</strong> Lommelet (CHL) <strong>de</strong>viennent<br />

ensemble l’Etablissement Public<br />

<strong>de</strong> Santé Mentale <strong>de</strong> l’Agglomération<br />

Lilloise (EPSMAL). Très vite, les responsables<br />

du nouvel établissement,<br />

Monsieur J. Noël, directeur et le docteur<br />

J.Y. Alexandre, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> CME,<br />

favorisent le pôle roubaisien, avec l’aval<br />

<strong>de</strong> l’Agence Régionale <strong>de</strong> l’Hospitalisation<br />

(ARH) : ouverture en 2006 <strong>de</strong> la<br />

Clinique du Nouveau-Mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong><br />

l’hôpital Lucien Bonnafé à Roubaix,<br />

orientation prioritaire <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s originaires<br />

<strong>de</strong> Roubaix et du Pas-<strong>de</strong>-Calais<br />

« L’ours polaire et la baleine, dit-on, ne<br />

peuvent se faire la guerre, car, étant<br />

chacun confiné dans son propre élément,<br />

ils ne peuvent se rencontrer. Il<br />

m’est tout aussi impossible <strong>de</strong> discuter<br />

avec les chercheurs qui, au domaine<br />

<strong>de</strong> la psychologie ou <strong>de</strong>s névroses,<br />

ne reconnaissent pas les postulats <strong>de</strong> la<br />

psychanalyse et tiennent ses résultats<br />

pour <strong>de</strong>s inventions <strong>de</strong> toutes pièces ».<br />

S. Freud (Extrait <strong>de</strong> l’histoire d’une<br />

névrose infantile, 1914-15)<br />

C’est respectueusement, bien qu’un<br />

tant soit peu amusé, que j’ai lu l’opinion<br />

<strong>de</strong> Monsieur Yves Ferroul parue<br />

dans le journal Le Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> mardi<br />

19 <strong>de</strong>rnier. Non, les psychanalystes<br />

n’ont pas peur <strong>de</strong> la confrontation<br />

scientifique. Ils se confrontent scientifiquement<br />

<strong>de</strong>puis le premier<br />

congrès <strong>de</strong> psychanalyse à Salzburg<br />

en 1908. Et c’est sans peur, comme<br />

il était <strong>de</strong> ses habitu<strong>de</strong>s, que Freud<br />

était allé parler <strong>de</strong> psychanalyse à la<br />

Clark University en 1909. Le problème<br />

– puisque problème il y a – se<br />

situe donc ailleurs. Les psychanalystes<br />

ne veulent pas être alliés <strong>de</strong>s<br />

gens qui veulent le bien <strong>de</strong>s patients<br />

(Que Dieu nous en gar<strong>de</strong> !). Cela<br />

signifie-t-il qu’ils leur veulent du mal ?<br />

Evi<strong>de</strong>mment non. La psychanalyse<br />

est, à un moment, thérapeutique, au<br />

sens médical du terme. Le psychanalyste<br />

peut tout à fait assurer cette<br />

démarche, il a la formation et la compétence<br />

pour cela. Et c’est justement<br />

cette compétence qui lui a appris à<br />

être modéré et pru<strong>de</strong>nt face à la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> suppression <strong>de</strong> la souffrance,<br />

ce qui n’est pas en faire peu<br />

<strong>de</strong> cas. Les mala<strong>de</strong>s et les patients<br />

ont le droit <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la guérison,<br />

mais il est très délicat <strong>de</strong><br />

répondre à cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sans<br />

prendre en considération les enjeux<br />

<strong>de</strong> celle-ci. Les psychanalystes ne se<br />

dérobent pas <strong>de</strong> leur responsabilité.<br />

Bien au contraire. Ils travaillent énormément.<br />

Ils sont à leurs consultations<br />

du matin au soir à rencontrer<br />

<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s patients et <strong>de</strong>s psychanalysants<br />

avec les plaintes, les<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, les désirs les plus variés et<br />

féconds. Tout cela exige un tri et<br />

d’être dirigé vers une voie possible <strong>de</strong><br />

vie ; il en est <strong>de</strong> la responsabilité clinique<br />

du psychanalyste. Comment,<br />

lorsqu’on est comportementaliste,<br />

vers le Département <strong>de</strong> PsychoRéhabilitation<br />

(DPR, issu <strong>de</strong> l’unité <strong>de</strong>s<br />

« polyhandicapés » du CHUT et <strong>de</strong>s<br />

travaux du docteur M. Breton), prise<br />

en charge par les seuls secteurs lillois du<br />

CAP, qui <strong>de</strong>ssert toute l’agglomération,<br />

investissements reportés ou annulés<br />

(maison communautaire, CMP du secteur<br />

59G23..).<br />

Au CHUT, en 2002, les secteurs<br />

jumeaux <strong>de</strong> Villeneuve-d’Ascq 59G11<br />

et <strong>de</strong> toxicomanie T02 s’installent dans<br />

les locaux libérés par les secteurs <strong>de</strong>naisiens,<br />

tandis que la clinique Jean-Varlet<br />

<strong>de</strong> Villeneuve d’Ascq, d’une capacité<br />

<strong>de</strong> 24 lits, s’ouvre à tous les mala<strong>de</strong>s<br />

anxio-dépressifs <strong>de</strong> Lille et <strong>de</strong>s environs.<br />

Mais la dangerosité <strong>de</strong>s bâtiments<br />

en peigne <strong>de</strong> la cour d’honneur - par<br />

risque <strong>de</strong> propagation d’incendie -, révélée<br />

par la commission d’accréditation,<br />

oblige à un transfert - en cours - <strong>de</strong><br />

trois <strong>de</strong>s six services à Lommelet, là<br />

où était antérieurement hospitalisé Roubaix.<br />

A l’aube du XXI ème siècle, l’espoir<br />

renaît, à la croisée <strong>de</strong> trois principes<br />

fondamentaux que sont une<br />

intersectorialité élargie (secteurs 59G22,<br />

59G23, 59G24 et 59G11), un adossement<br />

à l’hôpital général et une<br />

implantation <strong>de</strong>s services hospitaliers<br />

à Lille même. Si les volontés politiques<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à comparer sa clinique à<br />

celle d’un psychanalyste ? Elles sont<br />

incomparables. Des personnes viennent<br />

à notre consultation <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s<br />

années. Et, <strong>de</strong>puis, par effet <strong>de</strong> cette<br />

relation singulière avec le psychanalyste,<br />

elles tombent moins mala<strong>de</strong>s organiquement,<br />

ont trouvé un travail, voire<br />

un amour. Surtout, elles ne sont pas<br />

passées à l’acte ultime. Bien sûr, il y a<br />

toujours un quelqu’un qui, alors qu’il<br />

rencontrait un psychanalyste, s’est suicidé.<br />

Et qui, auparavant, avait rencontré<br />

un comportementaliste, et encore<br />

avant était allé consulter son mé<strong>de</strong>cin<br />

traitant et ainsi <strong>de</strong> suite. La faute au<br />

psychanalyste ? Au comportementaliste<br />

? Au généraliste ? Pas forcément. Il<br />

y a <strong>de</strong>s gens qui ne sont pas aptes pour<br />

la vie. Et vouloir leur bien n’est pas la<br />

voie thérapeutique la mieux indiquée.<br />

Reconnaître la présence du désir et<br />

opérer dans ce registre semble être une<br />

voie possible. C’est celle choisie par la<br />

psychanalyse. Elle opère dans un<br />

champ d’une particularité étonnante.<br />

Nous savons que les disciplines scientifiques<br />

– telles la physique ou la biologie<br />

– ont <strong>de</strong>s objets bien définis. Celui<br />

<strong>de</strong> la psychanalyse c’est le désir dont la<br />

particularité est qu’il se représente par<br />

le manque. C’est le manque qui met en<br />

route la dynamique pour que tout un<br />

chacun puisse se lever le matin et<br />

vaquer à ses activités journalières. La vie<br />

a cette dimension <strong>de</strong> répétition,<br />

presque d’ennui. Depuis la nuit <strong>de</strong>s<br />

temps les êtres se sont réfugiés dans<br />

l’aliénation (soit obsédante, soit délirante),<br />

dans la drogue, dans l’alcool.<br />

Face à ces <strong>de</strong>stinées, les psychanalystes<br />

essayent <strong>de</strong> construire, d’inventer, <strong>de</strong><br />

bricoler (dans cet ordre-là), <strong>de</strong>s voies<br />

possibles pour que l’être puisse être<br />

parmi nous. Les psychanalystes n’y parviennent<br />

pas toujours, certes. Et alors,<br />

les comportementalistes eux, y arrivent-ils<br />

toujours ? Les psychanalystes<br />

sont évalués tout le temps, partout, par<br />

leurs patients tout d’abord, puis par<br />

eux-mêmes et leur entourage, par la<br />

société civile enfin et ils s’y prêtent toujours<br />

volontiers. Mais pas n’importe<br />

comment. Qui vient remplir les salles<br />

d’attente <strong>de</strong>s psychanalystes, qui ne<br />

désemplissent pas d’ailleurs ? Ce ne<br />

sont pas <strong>de</strong>s cobayes, ce sont <strong>de</strong>s personnes<br />

qui travaillent et payent leurs<br />

impôts. Depuis ses débuts la psychanalyse<br />

travaille avec <strong>de</strong>s êtres humains.<br />

Comment croire à cette idée qu’on<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

soutiennent le projet formulé par les<br />

équipes psychiatriques et si les crédits<br />

le permettent, les prochaines années<br />

verront l’ouverture d’un Centre d’Accueil<br />

et d’Admission <strong>de</strong> 24 lits situé<br />

dans l’enceinte <strong>de</strong> l’hôpital Saint-Vincent<br />

<strong>de</strong> Paul, qui participe au service<br />

public et qui est bâti selon la formule<br />

<strong>de</strong> l’hôpital-rue (C2A, par association<br />

du CAP et <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier<br />

établissement). L’implantation <strong>de</strong> 120<br />

lits <strong>de</strong> psychiatrie et <strong>de</strong> toxicomanie<br />

en ville, probablement dans le sud-est<br />

<strong>de</strong> Lille, suivra rapi<strong>de</strong>ment (1).<br />

L’avenir ? Le CHUT sera mort, Lommelet<br />

se concentrera sur le médicosocial,<br />

DPR et Maison d’Accueil Spécialisé.<br />

Et, surtout Lille sera à Lille. ■<br />

Michel Cabal<br />

Secteur 59G23, Lille Sud<br />

(1) Concernant la restructuration <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

dans la métropole lilloise, différents<br />

scénarios ont été avancés où, chaque fois,<br />

le Centre Hospitalier Régional Universitaire<br />

(C.H.R.U.) joue un rôle important. Ce<br />

qui est présenté ici, pour Lille même, a le<br />

triple avantage <strong>de</strong> respecter l’unité territoriale<br />

<strong>de</strong> la commune, <strong>de</strong> reposer sur un<br />

projet médical ambitieux et cohérent et<br />

d’aller, comme une force tranquille, dans le<br />

sens <strong>de</strong> l’histoire.<br />

■ HUMEUR<br />

Même pas peur !<br />

Réponse à la question<br />

« Les psychanalystes auraient-ils peur <strong>de</strong> la confrontation scientifique ? »<br />

puisse calquer les résultats <strong>de</strong> la lecture<br />

du comportement animal sur<br />

le comportement humain ? Une telle<br />

transposition ne me choque pas<br />

outre mesure car il existe, il est vrai,<br />

<strong>de</strong>s personnes qui ont besoin <strong>de</strong><br />

cette i<strong>de</strong>ntification vétérinaire. Pour<br />

se distinguer du champ <strong>de</strong> la neurologie,<br />

Freud met en évi<strong>de</strong>nce un<br />

appareil psychique où nous pouvons<br />

trouver <strong>de</strong>s instances en conflit entre<br />

elles. Jusqu’à présent, aucune discipline<br />

n’a pu prouver que le surmoi,<br />

le moi et le ça n’existaient pas, pourquoi<br />

alors exiger <strong>de</strong>s psychanalystes<br />

qu’ils abandonnent une théorie qu’ils<br />

vérifient au quotidien ? Les patients<br />

et les psychanalysants apportent<br />

chaque jour dans nos consultations<br />

leurs relations complexes, difficiles,<br />

insupportables avec leur mon<strong>de</strong> psychique.<br />

Leur chance est <strong>de</strong> vivre à un<br />

moment <strong>de</strong> l’humanité où cela est<br />

traité dans un cadre civil, discrètement<br />

et non en étant brûlé pour sorcellerie<br />

ou en moisissant dans <strong>de</strong>s<br />

asiles, comme ce fut le cas pour<br />

Camille Clau<strong>de</strong>l. Les psychanalystes<br />

responsabilisent les êtres et les poussent<br />

à quitter les positions <strong>de</strong><br />

mala<strong>de</strong>s pour <strong>de</strong>venir patients, pour<br />

<strong>de</strong>venir psychanalysants, pour <strong>de</strong>venir<br />

sujets, dans cette logique-là. Les<br />

psychanalystes ne nourrissent pas<br />

chez leur patients ces fantasmes<br />

d’être toujours portés par l’autre<br />

(l’autre familial, l’autre social). Dans<br />

une psychanalyse on paye <strong>de</strong> sa<br />

poche pour ne pas payer avec sa<br />

peau. La science a beaucoup à<br />

apprendre <strong>de</strong> la psychanalyse – psychanalyse,<br />

ici, est l’autre nom <strong>de</strong> l’inconscient<br />

– et les psychanalystes ont<br />

aussi beaucoup à apprendre <strong>de</strong>s<br />

autres sciences. Pour conclure, voici<br />

quelques mots <strong>de</strong> Freud empruntés<br />

au même texte que l’exergue : « Il<br />

me semble par suite incomparablement<br />

plus indiqué <strong>de</strong> combattre <strong>de</strong>s<br />

conceptions divergentes en les expérimentant<br />

sur <strong>de</strong>s cas et <strong>de</strong>s problèmes<br />

particuliers ». Non, décidément, les<br />

psychanalystes n’ont pas peur <strong>de</strong> la<br />

confrontation scientifique ! ■<br />

Fernando <strong>de</strong> Amorim*<br />

* Directeur du service d’écoute téléphonique<br />

d’urgence et <strong>de</strong> la consultation publique <strong>de</strong><br />

psychanalyse du Réseau pour la psychanalyse<br />

à l’hôpital.


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Le Je : Qui suis-je ? Qui est Je ?<br />

Qu’est-ce que Je ?<br />

La raison : La conscience, c’est-à-dire<br />

l’infime portion du soi qui se sait, (ou,<br />

autre définition, le Je qui dit Je), peut<br />

être considérée, dans une première<br />

approximation, comme l’effet <strong>de</strong> l’agencement<br />

du corps et plus particulièrement<br />

du cerveau, (plus précisément,<br />

comme l’effet d’un module <strong>de</strong> gestion<br />

du corps parmi d’autres, remarquable<br />

en ce sens que, d’une part il gère <strong>de</strong>s<br />

données venant d’une gran<strong>de</strong> partie<br />

du cortex cérébral, d’autre part il se<br />

distingue <strong>de</strong>s autres modules en gérant<br />

les représentations et notamment le<br />

langage), ainsi que comme la cause du<br />

fonctionnement volontaire, moteur et<br />

psychique, et enfin comme le témoin<br />

du fonctionnement volontaire et d’une<br />

part du fonctionnement involontaire<br />

moteur et psychique.<br />

Le Je : Mais qui suis-je ? Qui est Je ?<br />

Qu’est-ce que Je ? Est-il réellement<br />

cause ?<br />

La raison : Un stimulus interne ou<br />

externe entraînera (selon les mécanismes<br />

biologique propre à l’organisme,<br />

dans sa dimension structurelle <strong>de</strong><br />

base, et dans sa dimension d’acquis,<br />

c’est-à-dire, par exemple pour le cerveau,<br />

par l’existence <strong>de</strong> – ou la facilitation<br />

à mobiliser – certaines chaînes<br />

neuronale ; ces mécanismes biologiques<br />

dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s mécanismes chimiques,<br />

qui dépen<strong>de</strong>nt eux-mêmes <strong>de</strong>s quatre<br />

forces physiques élémentaires) <strong>de</strong>s<br />

modifications corporelles, qui, par réaction,<br />

en entraîneront d’autres.<br />

Quand la modification corporelle<br />

initiale concerne le module <strong>de</strong> la<br />

conscience, les modifications corporelles<br />

<strong>de</strong> réaction se feront, selon la<br />

modification initiale, soit uniquement<br />

au niveau <strong>de</strong> la conscience (et se traduiront<br />

par une représentation seule),<br />

soit aussi à d’autres niveaux (et se traduiront<br />

par une représentation et, soit<br />

un effet corporel involontaire, soit un<br />

mouvement volontaire). Une modification<br />

corporelle <strong>de</strong> réaction sera, une<br />

fois réalisée, dans la situation fonctionnelle<br />

d’une modification initiale<br />

(c'est-à-dire d’un stimulus interne), et<br />

provoquera, associée plus ou moins à<br />

d’autres stimuli internes ou externes,<br />

<strong>de</strong>s modifications corporelles <strong>de</strong> réaction,<br />

qui eux-mêmes en entraîneront<br />

d’autres, et ainsi <strong>de</strong> suite sans interruption<br />

jusqu’à la mort (le sommeil<br />

n’étant qu’un état particulier où la proportion<br />

<strong>de</strong>s stimuli internes <strong>de</strong>vient<br />

quasi exclusive par rapport à celle <strong>de</strong>s<br />

stimuli externes), la succession <strong>de</strong>s<br />

modifications constituant, pour les<br />

zones motrices, <strong>de</strong>s gestes, et pour le<br />

module gérant la conscience, <strong>de</strong>s représentations,<br />

(et, dans leurs formes plus<br />

structurées, <strong>de</strong>s pensées).<br />

Rien ne permet <strong>de</strong> penser qu’une<br />

modification corporelle initiale au<br />

45 €*<br />

pour un an<br />

75 €*<br />

pour 2 ans<br />

Tarif<br />

étudiant et internes<br />

30 €*<br />

*supplément étranger<br />

et DOM/TOM =30 €/an<br />

Dialogue <strong>de</strong> la<br />

définition minimale<br />

Qui suis-je ? Qui est Je ?<br />

niveau du module gérant la conscience<br />

puisse avoir lieu <strong>de</strong> façon indépendante,<br />

sans être une <strong>de</strong>s conséquences<br />

<strong>de</strong> modifications antérieures. Aucune<br />

représentation ne peut donc apparaître<br />

spontanément. Le Je est prisonnier<br />

d’une inéluctable chaîne causale. La<br />

sensation <strong>de</strong> relative liberté intérieure<br />

que partage tous les individus, et qui fait<br />

que la notion d’i<strong>de</strong>ntité a un sens, est<br />

une inconscience presque totale <strong>de</strong> la<br />

chaîne causale responsable <strong>de</strong> la<br />

conscience. La distinction entre volontaire<br />

et involontaire n’a <strong>de</strong> sens que<br />

dans le prisme étroit <strong>de</strong> la subjectivité,<br />

individuelle et collective. Toutes les fois<br />

où le Je se trouve être cause, il est en<br />

réalité l’effet <strong>de</strong> la conjonction, à cet<br />

instant, <strong>de</strong> l’état du corps (et notamment<br />

du réseau neuronal qui gère la<br />

conscience), <strong>de</strong> l’environnement, et <strong>de</strong>s<br />

mécanismes biologiques propres à ce<br />

corps.<br />

Bien entendu, dans une chaîne causale,<br />

tout effet est aussi cause <strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s<br />

effets suivants. Mais la conscience, qui<br />

est la continuité <strong>de</strong> l’être, ne peut être<br />

définie par tronçon. La conscience n’est<br />

aucunement ni effet ni cause en tant<br />

qu’ils sont <strong>de</strong>s instants <strong>de</strong> la conscience,<br />

elle n’est pas les maillons <strong>de</strong> cette<br />

chaîne, mais la chaîne dans son entier,<br />

ou plutôt un <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> cette chaîne<br />

dans son entier.<br />

La définition <strong>de</strong> l’individu, sur le plan<br />

existentiel, est d’être cause <strong>de</strong> soi, et<br />

cause en soi, mais, sur un plan plus<br />

absolu, l’individu perd sa définition<br />

pour ne plus être que l’effet d’une casca<strong>de</strong><br />

intouchable, dont il n’est qu’un<br />

témoin particulier. Qu’un témoin éberlué.<br />

Le Je : Alors je ne suis que ça, qu’une<br />

vache qui regar<strong>de</strong> passer le train <strong>de</strong> soimême<br />

?<br />

Mais qui suis-je ? Qui est Je ?<br />

Qu’est-ce que Je ? Et s’il n’est pas cause,<br />

est-il au moins réellement témoin ?<br />

La raison : Le problème est que la<br />

vache est enfermée dans le train <strong>de</strong><br />

soi-même, dans le wagon <strong>de</strong> tête, et<br />

qu’elle ne dispose que d’une ouverture<br />

pour voir les autres wagons, et d’une<br />

fenêtre pour voir l’extérieur, d’où elle<br />

distingue d’autres trains, mais <strong>de</strong> loin, et<br />

qui passent, chacun recelant invisible<br />

une vache, et qui ne suffisent pas à lui<br />

permettre <strong>de</strong> comprendre son propre<br />

train.<br />

Le Je : Qui suis-je ? Qui est Je ?<br />

Qu’est-ce que Je ? Qu’un témoin presque<br />

Nom :<br />

Prénom :<br />

Adresse :<br />

aveugle ?<br />

La raison : L’organisation est <strong>de</strong> l’information<br />

; la conscience, conséquence<br />

d’une partie <strong>de</strong> l’organisation hypercomplexe<br />

du cerveau, est, par le fait<br />

que cette organisation soit en constante<br />

recombinaison, <strong>de</strong> l’information<br />

dynamique.<br />

Qui est le témoin intérieur <strong>de</strong> cette<br />

information ? On peut commencer par<br />

dire que le témoin intérieur est l’effet<br />

d’un niveau d’information différent,<br />

plus intégratif. Et…<br />

Non ! Je ne peux pas !… Ecoute, avant<br />

<strong>de</strong> poursuivre, il faut que je t’avoue<br />

quelque chose. Je triche <strong>de</strong>puis le<br />

début, par facilité. Chaque fois que j’ai<br />

employé le mot effet, je t’ai menti. Tu<br />

n’es pas l’effet d’une partie d’un enchaînement<br />

causal, tu es une partie <strong>de</strong> cet<br />

enchaînement. Tu n’es pas l’effet d’un<br />

niveau d’information plus intégratif, tu<br />

es cette information. J’ai triché aussi<br />

pour te ménager, pour te laisser encore<br />

un peu croire, comme peut l’impliquer<br />

le mot effet, que tu es une production,<br />

donc une singularité. Mais,<br />

pauvre Je, tu ne l’es pas. Tu es <strong>de</strong> l’information,<br />

ni un support d’information,<br />

ni une entité témoignant <strong>de</strong> cette<br />

information.<br />

Tu te sens témoin parce que tu es <strong>de</strong><br />

l’information située à un haut niveau<br />

intégratif, c’est-à-dire <strong>de</strong> l’information<br />

élaborée à partir <strong>de</strong> multiples informations.<br />

(Le module gérant la conscience<br />

est un module <strong>de</strong> traitement d’information,<br />

c’est-à-dire une organisation<br />

fonctionnelle syntaxique dont la propriété<br />

émergente est le sémantique,<br />

toi).<br />

Mais pour témoigner il te faudrait être<br />

à côté ou au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ces informations,<br />

toi tu es fait <strong>de</strong> ça. Tu es cette<br />

information, irrémédiablement tu l’es, et<br />

tu n’es que ça ; tu ne peux en être le<br />

témoin. Un œil ne s’est jamais vu luimême.<br />

Ou seulement son reflet. N’astu<br />

jamais constaté que chaque fois que<br />

tu te hasar<strong>de</strong>s à te concevoir, tu dois<br />

tenter une extraction <strong>de</strong> toi-même, et,<br />

comme inévitablement tu t’emportes<br />

avec toi, fatalement lié à toi-même, la<br />

réponse que tu ramènes n’est rien<br />

d’autre que ton reflet, le son creux du<br />

mot Je ? Et quand tu crois te cerner,<br />

fatalement celui qui te cerne c’est encore<br />

toi, et tu t’aperçois être encore au<br />

<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ta définition. Tu es la tentative<br />

incessante d’être le témoin <strong>de</strong> toimême,<br />

et tu es ce qui indéfiniment<br />

repousse le témoignage ; tu es la fuite<br />

en avant <strong>de</strong> toi-même.<br />

Je m’abonne pour : 1 an 2 ans<br />

DIALOGUE DE LA DÉFINITION MINIMALE ■ 19<br />

Le Je : Qui suis-je ? Qui est Je ?<br />

Qu’est-ce que Je ? Ni effet, ni témoin,<br />

ni cause, est-il au moins réellement <strong>de</strong><br />

l’information ?<br />

La raison : De l’information dynamique.<br />

Ce qui ne veut rien dire. Là<br />

encore je t’ai menti. Je t’ai menti pour<br />

étager ta progression dans les plaines<br />

ari<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la lucidité. Pour adoucir la<br />

vérité. Mais on y est. Voici la <strong>de</strong>rnière<br />

étape.<br />

L’information a comme caractéristique<br />

d’être stable, même pour une fraction<br />

infime <strong>de</strong> temps. Elle est sens, et elle est<br />

durée. Ce qui n’est que dynamique ne<br />

peut être <strong>de</strong> l’information ; il peut en<br />

générer, mais il ne peut en être. Un<br />

flux charrie du sens, mais, en lui-même,<br />

il est abstrait. Constamment en fuite<br />

ou en aspiration, tu traverses le sens<br />

mais ne le fixes pas. Tu es la condition<br />

pour que du sens existe et évolue, mais<br />

tu n’as pas <strong>de</strong> sens. Tu es une question<br />

qui ne cesse <strong>de</strong> se poser, une question<br />

insensée et imprononçable, une<br />

question qui roule, et qui donne réalité<br />

à celui qui la pose, mais celui qui la<br />

pose n’est autre que le mouvement <strong>de</strong><br />

cette question qui roule. Et cette question<br />

n’est plus la même à chaque instant,<br />

seul <strong>de</strong>meure le fait qu’elle roule.<br />

Tu n’es pas <strong>de</strong> l’information, tu es un<br />

mouvement. Tu es, indirectement, le<br />

mouvement <strong>de</strong> chaque particule <strong>de</strong><br />

ton corps, et, directement, le mouvement<br />

<strong>de</strong> chaque neurone intégré au<br />

module <strong>de</strong> la conscience. Non, pauvre<br />

Je, ne rêve pas, ne t’accroche pas inutilement,<br />

tu n’es pas leurs matières, tu<br />

n’es pas la résultante <strong>de</strong> leurs mouvements,<br />

tu es leurs mouvements, juste<br />

leurs mouvements.<br />

Le Je : Qui suis-je ? Qui est Je ?<br />

Qu’est-ce que Je ? Ni effet, ni témoin,<br />

ni cause, ni information, juste mouvement.<br />

Il s’amincit à mesure <strong>de</strong> raisonnement.<br />

Je le sens presque disparaître.<br />

Je n’est pas une question qui roule, mais<br />

une question qui chute, une chute qui<br />

dure toute la vie, et qui s’écrase sur la<br />

mort.<br />

La raison : Pourquoi ne parles-tu pas<br />

<strong>de</strong> toi à la première personne ?<br />

Le Je : Pour prendre <strong>de</strong> la distance. Parce<br />

que j’ai peur. J’ai peur <strong>de</strong> n’être pas. J’ai<br />

peur <strong>de</strong> n’être pas avant <strong>de</strong> n’être plus.<br />

C’est dur d’être un secret pour soi-même.<br />

Je me sens étranger à moi-même, et je ne<br />

sais ni ce que veut dire Je, ni ce que veut<br />

dire moi-même. Mais tu as raison, je<br />

vais assumer mon Je : Je me sens<br />

presque disparaître ; Je suis une question<br />

qui chute. Non, je suis le mouvement<br />

<strong>de</strong> cette chute, juste ça. Même pas<br />

son vertige, juste son mouvement. J’ai<br />

bien retenu, mais je ne comprends<br />

presque pas ce que je dis. Je suis une<br />

chute qui chute. C’est la formule la plus<br />

proche pour exprimer le peu que je comprenne.<br />

En fait non, une chute qui chute<br />

Bulletin d’abonnement<br />

Le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong> <strong>Nervure</strong> + La Revue<br />

CHÈQUE À L’ORDRE DE MAXMED à envoyer avec ce bulletin,<br />

54, boulevard <strong>de</strong> la Tour Maubourg, 75007 Paris<br />

Téléphone : 01 45 50 23 08<br />

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✂<br />

<br />

REVUES<br />

Collectifs et singularités<br />

Psychologie clinique n°21<br />

L’Harmattan<br />

La revue Psychologie clinique fête ses<br />

10 ans avec un numéro <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />

ampleur consacré aux liens entre le<br />

singulier et le collectif. C’est l’occasion<br />

pour Olivier Douville <strong>de</strong> revenir<br />

sur la définition <strong>de</strong> la psychologie clinique,<br />

qu’il présente comme un maillon<br />

entre la psychanalyse et les pratiques<br />

psychothérapiques non analytiques.<br />

Cette discipline, explique-t-il, se caractérise<br />

par une ambition particulière<br />

: se tenir au plus proche <strong>de</strong>s «variations<br />

symptomatiques liées aux<br />

modifications sociales et culturelles <strong>de</strong>s<br />

contours <strong>de</strong> l’individualité, <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité,<br />

<strong>de</strong>s processus d’affiliation et <strong>de</strong><br />

transmission ». Dans ce cadre, plusieurs<br />

auteurs traitent <strong>de</strong> l’interdépendance<br />

du psychique et du social,<br />

à travers divers exemples : la « psychopathologie<br />

du suren<strong>de</strong>ttement »<br />

(Jean-Jacques Rassial), l’impact <strong>de</strong>s<br />

mouvements sociaux sur le fonctionnement<br />

psychique <strong>de</strong>s individus<br />

(Rachel Simbü), les adolescents en<br />

institut <strong>de</strong> rééducation (Clau<strong>de</strong> Wacjman),<br />

pour n’en citer que quelquesuns.<br />

On retiendra aussi un texte percutant<br />

<strong>de</strong> Robert Samacher à propos<br />

du poids <strong>de</strong>s gestionnaires et <strong>de</strong>s cognitivo-comportementalistes<br />

dans les<br />

velléités politiques <strong>de</strong> formalisation<br />

du statut <strong>de</strong> psychothérapeute. Bref,<br />

un numéro tonique.<br />

M. Jaeger<br />

Diversité <strong>de</strong>s<br />

psychothérapies<br />

psychanalytiques <strong>de</strong> groupe<br />

L’individu et le groupe II<br />

Revue <strong>de</strong> psychothérapie<br />

psychanalytique <strong>de</strong> groupe 2006<br />

n°47<br />

Erès, 25 €<br />

Les articles qui composent ce numéro<br />

montrent l’intérêt <strong>de</strong>s psychothérapies<br />

psychanalytiques <strong>de</strong> groupe. Leur<br />

pratique n’est pas aisée pour les psychanalystes<br />

qui s’intéressent, sur ce<br />

mo<strong>de</strong>, à la psychopathologie <strong>de</strong> la<br />

vie quotidienne. C’est pourtant ainsi<br />

qu’on peut les considérer, même si<br />

les dispositifs mis en place imposent<br />

<strong>de</strong>s règles spécifiques et <strong>de</strong>s limites<br />

qui sécurisent la pratique et la ren<strong>de</strong>nt<br />

possible pour eux-mêmes et<br />

leurs patients. La scène du groupe<br />

analytique n’est jamais si loin <strong>de</strong> celle<br />

<strong>de</strong> la vie. Il ne s’agit pas d’aseptiser<br />

la situation <strong>de</strong> groupe, les crises peuvent<br />

y naître, s’y développer afin que<br />

chacun puisse en faire l’expérience<br />

avec le gain d’une meilleure connaissance<br />

<strong>de</strong>s enjeux inconscients dans<br />

ses propres alliances et mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> relation<br />

à autrui.<br />

Lorsque l’indication est bien posée,<br />

quel que soit le dispositif et la technique<br />

utilisée dans la pratique, un<br />

processus analytique peut s’engager<br />

pour plusieurs membres du groupe<br />

et favoriser l’activité psychique <strong>de</strong>s<br />

autres patients. La situation <strong>de</strong> groupe,<br />

par le biais <strong>de</strong>s transferts et <strong>de</strong> leur<br />

déplacement, <strong>de</strong>s projections, <strong>de</strong>s<br />

i<strong>de</strong>ntifications selon <strong>de</strong>s modalités<br />

différentes, ouvre la voie aux formations<br />

psychiques à l’œuvre dans<br />

le fonctionnement pathologique <strong>de</strong>s<br />

patients. La mise en jeu <strong>de</strong>s fantasmes<br />

et <strong>de</strong>s représentations dans les liens<br />

qui se créent entre les patients et le<br />

ou les analystes, les résonances aux<br />

affects mobilisés dans ces liens, révèlent<br />

les ancrages <strong>de</strong> ces formations<br />

inconscientes et les investissements<br />

dont elles sont l’objet. Le travail du<br />

rêve, souvent présent en situation <strong>de</strong><br />

groupe, témoigne <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong><br />

la mobilisation psychique <strong>de</strong>s patients<br />

qui peuvent faire le récit <strong>de</strong> leur rêve<br />

évoqué dans le cours <strong>de</strong>s associations.


20<br />

LIVRES<br />

■ DIALOGUE DE LA DÉFINITION MINIMALE<br />

Ontologie <strong>de</strong> la différence<br />

Une exploration du champ<br />

épistémologique<br />

Jean Milet<br />

Beauchesne, 23 €<br />

Ce livre propose une analyse critique<br />

<strong>de</strong>s principales formes que revêt l’exercice<br />

<strong>de</strong> la pensée scientifique et philosophique.<br />

Son sous-titre, Une exploration<br />

du champ épistémologique, explicite<br />

cette recherche historique et thématique.<br />

En examinant les thèses ontologiques<br />

et épistémologiques qui ont présidé<br />

à l’évolution <strong>de</strong> la pensée - <strong>de</strong>s<br />

Grecs à la physique quantique -, Jean<br />

Milet, en se référant notamment à Leibniz,<br />

Kant, Cournot, Tar<strong>de</strong>, Bergson et<br />

Deleuze, retrace l’évolution <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />

formes, catégories et principes qui ont<br />

permis <strong>de</strong> penser l’Etre. Il montre l’importance<br />

du dépassement du continu,<br />

<strong>de</strong> l’homogène et du statique par le discontinu,<br />

l’hétérogène et le mouvant, <strong>de</strong><br />

l’i<strong>de</strong>ntité par l’altérité et la différence.<br />

La différence, intrinsèquement marquée<br />

<strong>de</strong> temporalité, avec sa durée, ses qualités<br />

concrètes, ses différenciations, ses<br />

ruptures et ses « béances », mais aussi<br />

ses rythmes, ses périodicités et ses<br />

constances, donne accès à la richesse<br />

du Mon<strong>de</strong> et, au-<strong>de</strong>là - au plan métaphysique<br />

ou méta-rationnel -, au mystère<br />

<strong>de</strong> l’Etre.<br />

La crise<br />

Jackie Pigeaud<br />

Editions Cécile Defaut, 10 €<br />

La notion <strong>de</strong> crise en mé<strong>de</strong>cine est née<br />

d’une conception du corps, <strong>de</strong> la maladie,<br />

du temps, qui nous est étrangère.<br />

Elle est liée à la mé<strong>de</strong>cine hippocratique<br />

et à la Grèce antique. Il faut retourner<br />

à Hippocrate inventeur <strong>de</strong> la notion qui<br />

va se préciser.<br />

Cela implique <strong>de</strong> donner à l’Antiquité<br />

une dimension temporelle. On a tendance<br />

à comprimer le temps alors qu’il<br />

faut le distendre. Par exemple, on oublie<br />

qu’entre l’Hippocrate <strong>de</strong>s Epidémies<br />

I-III et Galien, il y a environ sept siècles<br />

et déjà une histoire <strong>de</strong> la pensée médicale.<br />

La crise fait partie <strong>de</strong> cette histoire,<br />

et elle continuera <strong>de</strong> poser problème<br />

jusqu’à <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s très récentes.<br />

Crise est une métaphore, ce qui est l’opinion<br />

<strong>de</strong> Galien. Ce terme, selon ce <strong>de</strong>rnier,<br />

a passé du barreau à la mé<strong>de</strong>cine,<br />

et signifie proprement jugement. « Le<br />

nom <strong>de</strong> jugement (crise) dans maladies<br />

vient par métaphore <strong>de</strong> ce qui se passe<br />

au tribunal, pour signifier le prompt changement<br />

dans la maladie ». Ce court essai<br />

montre comment a joué cette notion<br />

et son importance dans la pensée<br />

<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins, qu’ils l’acceptent ou qu‘ils<br />

la refusent, jusqu’aux temps mo<strong>de</strong>rnes.<br />

On perçoit la complexité <strong>de</strong> l’analyse<br />

historique d’une notion qui nous est<br />

pourtant familière.<br />

La fabrication du psychisme<br />

Pratiques rituelles au carrefour <strong>de</strong>s<br />

sciences humaines et <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong><br />

la vie<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Silvia Mancini<br />

La Découverte, 28,50 €<br />

Ce livre rassemble les travaux du colloque<br />

international Ethopoïesis. Les états<br />

modifiés <strong>de</strong> conscience et les psychotechniques<br />

<strong>de</strong> transformation du soi, tenu<br />

à l’université <strong>de</strong> Lausanne en juin 2005.<br />

Ethnologues (M.-C. Latry, Ch. Bergé), historiens<br />

<strong>de</strong>s religions (S. Mancini, A. Faivre),<br />

orientalistes (J. Bronkhorst, J.-F. Billeter),<br />

psychologues (P.-Y. Brandt), psychothérapeutes<br />

(T. Melchior), n’ont pas seulement<br />

interrogé les rites dans le contexte<br />

<strong>de</strong>s institutions magico-religieuses. Ils<br />

ont remis en perspective d’autres formes<br />

d’ortho-pratiques qui reposent sur un<br />

« technicisme » interne spécifique : exercices<br />

psycho-corporels ressortissant<br />

aux traditions mystiques et/ou ésotériques<br />

occi<strong>de</strong>ntales ; techniques orientales<br />

<strong>de</strong> discipline psychique et corporelle<br />

; régimes rhétoriques codifiés<br />

qui, en raison <strong>de</strong> leur efficacité performative,<br />

sont censés produire <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s<br />

modifications sur le plan existentiel<br />

et psychosomatique.<br />

Les rites ou les orthopratiques, dès lors<br />

qu’ils poursuivent <strong>de</strong>s buts explicitement<br />

correctifs et transformationnels,<br />

et agissent dans le cadre magico-religieux,<br />

thérapeutique ou pédagogique,<br />

sont dotés d’une efficacité factuelle et<br />

d’un pouvoir actif.<br />

Discours, institutions et pratiques émanant<br />

<strong>de</strong> la culture scientifique officielle<br />

sont soumis à un régime <strong>de</strong> fonctionnement<br />

analogue ; ils semblent agir<br />

comme autant <strong>de</strong> « dispositifs techniques<br />

» <strong>de</strong> production d’une réalité<br />

dont ils préten<strong>de</strong>nt dégager les fon-<br />

qui elle-même chute qui elle-même<br />

chute etc.… à l’infini…<br />

Non, voilà ce qui me définit le mieux :<br />

Je suis un manque au fond <strong>de</strong> Je. Je<br />

suis un abîme où chute Je.<br />

C’est absur<strong>de</strong>. Je crois presque me saisir,<br />

presque comprendre, et puis, à<br />

l’instant où je le formule, tout s’échappe.<br />

La raison : J’aimerai t’ai<strong>de</strong>r. Peutêtre<br />

dans l’avenir réussirai-je à plus<br />

t’apporter. Mais peut-être que non.<br />

Suis-je condamné, par le simple fait<br />

que tu es ce que tu es, à ne jamais<br />

savoir qui tu es, et donc qui je suis ?<br />

Je pense beaucoup à toi. En réalité tu<br />

m’obsè<strong>de</strong>s, sans toi je ne suis rien et<br />

je le sais. Je veux te comprendre,<br />

pour me comprendre, et comprendre<br />

le réel. Et parce que tu me<br />

le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s. Les différents mensonges<br />

que je t’ai fait, je me les suis<br />

fait aussi, parce que la lucidité est<br />

trop dure, et la folie trop proche. Je<br />

les ai fait aussi parce que, sans le<br />

savoir, tu me l’as <strong>de</strong>mandé.<br />

J’ai conçu <strong>de</strong> nombreuses hypothèses<br />

sur ce que tu es. Je t’ai imaginé sous<br />

toutes les formes. Parfois, quand je<br />

ne supportais plus ce trop lourd mystère,<br />

quand je voulais m’enfuir à tout<br />

prix dans une solution, n’importe<br />

laquelle, je t’imaginais comme une<br />

entité immatérielle, autre, <strong>de</strong> laquelle<br />

on ne peut rien dire, mais dont la<br />

certitu<strong>de</strong> est en elle-même l’explication,<br />

et dont le frémissement seul<br />

tient lieu d’effet, <strong>de</strong> témoin, et <strong>de</strong><br />

cause.<br />

Avant <strong>de</strong> comprendre que tu es ni<br />

effet ni cause, j’ai inventé un moyen<br />

<strong>de</strong> te concevoir effet et cause à la<br />

fois. Veux-tu l’entendre ?<br />

Le Je : Tout ce qui peut me rappeler<br />

les anciens attributs auxquels je croyais<br />

me fait du bien…<br />

La raison : Si on te conceptualise<br />

d’un point <strong>de</strong> vue plus global, tu es<br />

un <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> la structure d’ensemble<br />

du corps, (suivant la topologie<br />

<strong>de</strong> l’abstraction qu’on en fait, tu<br />

peux être vue comme le point central<br />

dynamique et adaptatif <strong>de</strong> l’entier<br />

du soi, ou le sens enveloppant l’entier<br />

du soi ), et, en tant que tel, une<br />

cause au fonctionnement <strong>de</strong>s éléments<br />

<strong>de</strong> cet ensemble, car toute<br />

forme d’ensemble est une cause à<br />

la dynamique <strong>de</strong> ses parties.<br />

Le Je : Intéressant. Mais je t’avoue<br />

n’y trouver finalement aucun réconfort.<br />

La raison : Moi non plus.<br />

Je t’ai parlé tout à l’heure <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière<br />

étape. C’était mon <strong>de</strong>rnier<br />

mensonge. Il n’y a pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>rnière<br />

étape. Premièrement je ne suis sûr <strong>de</strong><br />

rien dans ce que je t’ai dit, <strong>de</strong>uxièmement<br />

ça ne constitue pas une<br />

explication. Dire que tu es un mouvement<br />

ne veut, au fond, pas dire<br />

<strong>de</strong>ments par <strong>de</strong>s opérations critiques.<br />

Les contributions <strong>de</strong> I. Stengers (philosophe),<br />

B. Méheust (sociologue <strong>de</strong>s<br />

sciences), Ph. Pignarre (éditeur, historien<br />

et sociologue <strong>de</strong>s pratiques pharmaceutiques),<br />

M. Varvoglis (parapsychologue),<br />

éclairent cette dynamique<br />

et ses « effets <strong>de</strong> boucle ».<br />

Ainsi, tant les « orthopratiques » institutionnels,<br />

sur le plan existentiel que<br />

les pratiques émanant <strong>de</strong> nos systèmes<br />

ten<strong>de</strong>nt vers <strong>de</strong>s objectifs transformationnels<br />

et opératoires.<br />

Alors que les unes opèrent dans un<br />

cadre magico-religieux, thérapeutique<br />

ou pédagogique, les autres se situent<br />

dans le contexte <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité.<br />

Mais elles se rejoignent en une dynamique<br />

dont les contributions éclairent<br />

la nature et l’homme aux niveaux organique,<br />

psychique et historico-social.<br />

Ce qui revient à l’interrogation philosophique<br />

qui porte sur la notion même<br />

<strong>de</strong> « réalité ».<br />

grand-chose. Je rêve <strong>de</strong> cohérence,<br />

<strong>de</strong> solidité, et plus j’avance en toi,<br />

plus l’incomplétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> mon système<br />

me semble flagrant, plus je<br />

m’embourbe dans l’évanescent.<br />

Le Je : Et pourtant, pour moi, c’est toi<br />

ma solidité. Même si ce que tu dis,<br />

parfois, me fragilise, me fait <strong>de</strong>scendre<br />

<strong>de</strong> mes rêves <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, comme<br />

quand, au cours <strong>de</strong> l’Histoire, tu m’as<br />

montré que ma planète n’est pas le<br />

centre <strong>de</strong> l’univers, ou que mon espèce<br />

n’est pas le centre du vivant, et que<br />

tu remets ça en me montrant que moi,<br />

le Je, je ne suis pas le centre <strong>de</strong> l’être,<br />

mais une fonction parmi d’autres, tu<br />

restes, toi ma raison, l’axe qui m’a<br />

mené le plus loin.<br />

Maintenant pardonne moi, mais je<br />

suis épuisé. Je vais te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong><br />

momentanément t’éclipser (même si<br />

on sait tous les <strong>de</strong>ux que ce que je te<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> est ce que la Causalité te<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à travers moi, et que ton<br />

obéissance sera ce que la Causalité<br />

fera à travers toi). J’ai besoin d’autre<br />

chose, <strong>de</strong> poésie peut-être. En fait non,<br />

pas <strong>de</strong> poésie, je sais combien tu es<br />

proche du langage. Je crois que je ne<br />

veux rien. Peut-être simplement dormir,<br />

me tourner <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> moi,<br />

du côté qui sait s’abandonner, qui se<br />

satisfait <strong>de</strong> n’être que <strong>de</strong> l’involontaire.<br />

La raison : Je ferais selon ta volonté.<br />

Je vais m’éclipser. Pour aller où ?<br />

Dans la boite noire <strong>de</strong> l’attente <strong>de</strong><br />

ressurgir. Si je pouvais m’éloigner <strong>de</strong><br />

toi sans disparaître, si nous n’étions<br />

pas irrémédiablement liés l’un à<br />

l’autre, je pourrais cerner ton mystère,<br />

du moins je le crois. C’est dur<br />

<strong>de</strong> partir. Je pars, et ton mystère toujours<br />

<strong>de</strong>meure. Et mon mystère avec.<br />

Mais c’est peut-être le mystère qui<br />

palpite au fond <strong>de</strong> toi qui est ce qui<br />

te pousse, ce qui fait rouler la question<br />

<strong>de</strong> ton être, et qui crée le mouvement,<br />

le fameux mouvement qui,<br />

dans ma pensée qui n’est qu’un rêve<br />

<strong>de</strong> logique, et presque la logique du<br />

rêve, te définit. Tu es le point <strong>de</strong> vue<br />

intérieur d’un processus matériel qui<br />

n’est par définition qu’extériorité ;<br />

tu es un paradoxe. Et si tu n’étais<br />

que la résultante <strong>de</strong> l’impossibilité<br />

<strong>de</strong> te connaître ?… Et si, étant le<br />

fruit <strong>de</strong> ton être, tous les mensonges<br />

que je t’ai dis n’étaient là que pour<br />

nous révéler le mensonge structurel<br />

<strong>de</strong> ton être ?... Mais je délire. Je m’en<br />

vais.<br />

Le Je : Peut être ne suis-je rien d’autre<br />

que le rêve <strong>de</strong> moi. Mais si je rêve,<br />

c’est que je suis…<br />

…<br />

Mais qui suis-je ? Qui est Je ?...<br />

…<br />

Suis-je ?... ■<br />

Stephane Chemla<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007


22 ■ ANNONCES PROFESSIONNELLES<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

Pour vos annonces professionnelles<br />

contactez Madame Susie Caron au<br />

01 45 50 23 08<br />

ou par e-mail<br />

info@nervure-psy.com<br />

L’ARI accompagne plus <strong>de</strong> 1000 enfants,<br />

adolescents et adultes dans ses établissements<br />

et services (ITEP, IME, EEAP, Foyers, CAT) et près<br />

<strong>de</strong> 3500 enfants suivis en CMPP, CAMSP et<br />

Hôpitaux <strong>de</strong> Jour.<br />

Notre projet consiste à promouvoir et faciliter le soutien à l’intégration <strong>de</strong><br />

ces personnes dans le milieu social, scolaire, culturel et professionnel, en les<br />

accompagnant <strong>de</strong> la nécessaire dimension <strong>de</strong> soins. Notre souci permanent<br />

d’adaptation induit la reconnaissance <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s pratiques et <strong>de</strong>s<br />

mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> prises en charge ainsi que la promotion <strong>de</strong>s approches plurielles.<br />

C’est pourquoi, nous privilégions les structures adaptatives, pluri-professionnelles,<br />

souples, réduites et mobiles, organisées autour <strong>de</strong> la personne.<br />

Si ce projet associatif vous intéresse et si vous aimez travailler en équipe,<br />

nous recrutons <strong>de</strong>s :<br />

Mé<strong>de</strong>cins Psychiatres h/f Réf. MP/NV<br />

Pédopsychiatres h/f Réf. PP/NV<br />

Pédiatres h/f Réf. PE/NV<br />

Postes à temps partiel ou temps complet<br />

à pourvoir dans les Bouches du Rhône et le Vaucluse<br />

Vous travaillez dans l’ensemble <strong>de</strong> nos structures et assurez la prise en charge<br />

individuelle <strong>de</strong>s enfants ou adultes et <strong>de</strong> leur famille.<br />

Vous soutenez et participez aux réflexions <strong>de</strong>s équipes pluridisciplinaires,<br />

notamment autour <strong>de</strong> la construction et la mise en œuvre <strong>de</strong>s projets<br />

individuels.<br />

Adressez-nous votre dossier <strong>de</strong> candidature,<br />

en précisant le type d’établissement, le lieu et le<br />

temps <strong>de</strong> travail recherchés à : Yolan<strong>de</strong> OBADIA<br />

Directeur Général - 26 rue Saint Sébastien<br />

13006 MARSEILLE<br />

ou par mail à la Direction <strong>de</strong>s Ressources<br />

Humaines : f-<strong>de</strong>courbeville@ari.asso.fr<br />

www.ari.asso.fr<br />

Partagez notre projet médico-social<br />

dans le Sud <strong>de</strong> la France<br />

URGENT<br />

LE CENTRE HOSPITALIER SPÉCIALISÉ<br />

DE SARREGUEMINES<br />

(MOSELLE)<br />

Recherche<br />

Association Régionale<br />

pour l'Intégration<br />

1 PRATICIEN CONTRACTUEL<br />

Secteur <strong>Psychiatrie</strong> Adulte (57G11)<br />

Rémunération 4ème échelon majoré <strong>de</strong> 10%<br />

Possibilité <strong>de</strong> logement<br />

2 à 3 gar<strong>de</strong>s mensuelles rémunérées comme telles<br />

Adresser candidature + CV + copies<br />

du Doctorat en Mé<strong>de</strong>cine et du DES <strong>de</strong> psychiatrie à :<br />

Monsieur le Directeur du<br />

Centre Hospitalier Spécialisé<br />

BP 10629<br />

57206 Sarreguemines Ce<strong>de</strong>x<br />

L’I.M.P ’I.M.P ST-JOSEPH<br />

ST-JOSEPH<br />

21 rue Paul-Louis Lan<strong>de</strong> • 33000 BORDEAUX<br />

recherche un psychiatre quart temps,<br />

à partir d’octobre 2007,<br />

orientation analytique souhaitée<br />

Contacts : Dr J. Bénazet,<br />

05 56 92 72 36 ou 05 56 06 34 45<br />

Association Hospitalière <strong>de</strong> Franche-Comté<br />

www.ahfc.asso.fr<br />

Etablissement Privé participant au Service Public Hospitalier, recrute<br />

pour le site <strong>de</strong> Montbéliard - <strong>Psychiatrie</strong> Infanto-Juvénile<br />

2 Psychiatres à temps plein (h/f)<br />

postes disponibles à pourvoir dans les meilleurs délais.<br />

Conditions statutaires : CCN 1951 (FEHAP) sous CDI<br />

ou Praticien Hospitalier en détachement.<br />

Pour tout renseignement sur ces postes, contacter :<br />

Monsieur le docteur Ph. BOUNIOL, Mé<strong>de</strong>cin Chef, tél. 03 81 37 71 20<br />

Envoyer lettre + cv + photo à AHFC - Direction <strong>de</strong>s Affaires Médicales<br />

CHS <strong>de</strong> Saint Rémy et Nord Franche-Comté, 70160 Saint Rémy.<br />

Tél. 03 84 97 24 14 Fax 03 84 68 25 09<br />

sylvie.lemarquis@ahfc.fr prbcom.fr<br />

LE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE<br />

DE NANTES (44)<br />

Recrute<br />

Psychiatre à Temps Plein<br />

Pour tout renseignement s’adresser à :<br />

Monsieur le Docteur DELVIGNE<br />

Chef <strong>de</strong> Service <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> III<br />

Tél. : 02 40 84 63 15<br />

Monsieur le Docteur BELONCLE<br />

Directeur du Pôle <strong>Psychiatrie</strong><br />

Tél. : 02 40 84 61 52<br />

***<br />

Adresser CV et candidature à :<br />

Monsieur le Directeur <strong>de</strong>s Affaires Médicales<br />

Centre Hospitalier Universitaire <strong>de</strong> Nantes<br />

Immeuble Deurbroucq - 5, allée <strong>de</strong> l’Ile Gloriette<br />

44093 Nantes Ce<strong>de</strong>x 01<br />

Secteur 16 <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> Adulte<br />

Recrute<br />

PH temps plein<br />

Pour travail en EXTRA - HOSPITALIER<br />

Contacter Mme le Dr Roche-Rabreau<br />

01.64.30.72.08<br />

L’INSTITUT LE VAL<br />

MANDÉ<br />

Etablissement Médico-social<br />

relevant <strong>de</strong> la Fonction Publique<br />

Hospitalière<br />

Recherche<br />

2 Mé<strong>de</strong>cins Psychiatres<br />

à 50%<br />

pour ses sites <strong>de</strong><br />

Saint-Mandé<br />

(200m <strong>de</strong> Paris) et<br />

Corbeil (91)<br />

***<br />

Toute candidature est à<br />

adresser à :<br />

Monsieur le Directeur,<br />

7 rue Mongenot,<br />

94165 Saint-Mandé<br />

Contact :<br />

Service <strong>de</strong>s Ressources<br />

Humaines<br />

Tél.: 01 49 57 70 12<br />

E-mail : drh@ilvm.fr<br />

Centre Français <strong>de</strong><br />

Protection <strong>de</strong> l’Enfance<br />

Association loi 1901<br />

créée en 1947<br />

Recherche<br />

1 Pédo-Psychiatre<br />

ou<br />

1 Psychiatre<br />

pour son Centre Familial<br />

<strong>de</strong> Lozère sur Yvette (91),<br />

lieu d’accueil,<br />

d’observation et <strong>de</strong> travail <strong>de</strong><br />

la relation mère-enfant.<br />

CDI Temps partiel<br />

(0,11 ETP) CCN66<br />

***<br />

Adresser lettre <strong>de</strong> motivation<br />

et CV :<br />

Centre Français <strong>de</strong> Protection<br />

<strong>de</strong> l’Enfance<br />

Monsieur le Directeur Général<br />

Femme Mé<strong>de</strong>cin<br />

Généraliste<br />

cherche poste en<br />

psychiatrie<br />

pour formation en<br />

DIU <strong>Psychiatrie</strong><br />

Générale<br />

Toutes régions<br />

Tél. 06 67 25 85 58


N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

ANNONCES EN BREF<br />

19 et 20 janvier 2007. Lyon. 3 ème Colloque<br />

<strong>de</strong> l’Association Rhône-Alpes <strong>de</strong><br />

Gérontologie Psychanalytique (ARAGP)<br />

sur le thème : Ecrire... aux temps <strong>de</strong> vieillir.<br />

Inscriptions : Tél. : 04 37 90 13 60. Fax :<br />

04 37 90 13 13. E-mail : aragp@st-jean<strong>de</strong>-dieu-lyon.fr<br />

22 et 23 janvier 2007. Paris. Réunion<br />

d’hiver <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> Neurophysiologie<br />

Clinique <strong>de</strong> langue française sur<br />

le thème : Moi et l’autre. Bases neuronales<br />

<strong>de</strong> la relation avec autrui. Inscriptions :<br />

Service <strong>de</strong> Neurophysiologie Clinique,<br />

Centre Hospitalier Sainte-Anne, 1 rue<br />

Cabanis, 75674 Ce<strong>de</strong>x 14. Tél. :<br />

01 45 65 81 89. Fax : 01 45 65 74 20.<br />

E-mail : c.soufflet@ch-sainte-anne.fr<br />

26 et 27 janvier 2007. Paris. XXXIX e<br />

Congrès National <strong>de</strong> l’Unafam. Journées<br />

annuelles d’étu<strong>de</strong> sur le thème : Les nouvelles<br />

actions <strong>de</strong> l’Unafam. Inscriptions :<br />

Unafam-Congrès, 12 Villa Compoint,<br />

75017 Paris. Fax : 01 42 63 44 00.<br />

2 février 2007. Montesson. Carrefours<br />

<strong>de</strong> la Pédopsychiatrie organisés par l’Association<br />

<strong>de</strong>s Psychiatres d’Intersecteur<br />

et la Société Française <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong><br />

l’Enfant et <strong>de</strong> l’Adolescent et disciplines<br />

associées sur le thème : Le berceau au<br />

cœur du réseau : les secteurs <strong>de</strong> psychiatrie<br />

infanto-juvénile partenaires du réseau pérnatal.<br />

Inscriptions : API-SFPEADA, Centre<br />

<strong>de</strong> la Mère et <strong>de</strong> l’Enfant, 11 rue du Général<br />

Cerez, 87000 Limoges. Renseignements<br />

: fax : 05 55 32 89 94.<br />

3 et 4 février 2007. Paris. Journées<br />

scientifiques du Quatrième Groupe sur<br />

le thème : Contrôle, supervision, analyse<br />

quatrième. Inscriptions : Secrétariat du<br />

IV e Groupe, 19 bd Montmartre, 75002<br />

Paris. Tél./Fax : 01 55 04 75 27. E-mail :<br />

quatrieme-groupe@wanadoo.fr<br />

8 février 2007. Paris. 2 èmes Recontres<br />

<strong>de</strong> neurologie Comportementale. Inscriptions<br />

: BCA, 6 bd du Général Leclerc,<br />

92115 Clichy Cé<strong>de</strong>x. Tél. : 01 41 06 67 70.<br />

Fax : 01 41 06 67 79.<br />

8 et 9 février 2007. Hyères. Congrès<br />

organisé par l’Institut <strong>de</strong> Recherche en<br />

psychothérapie (IRP) sur le thème : Adolescence,<br />

institutions, réseaux et thérapie<br />

familiale. Une approche psychanalytique<br />

du lien. Inscriptions : Bruno Manuel. Tél. :<br />

06 60 99 59 47. E-mail : mc.manuel<br />

@therapie-familiale.net<br />

5 mars 2007. Paris. Séminaire sur le<br />

thème : Grandir avec une sœur ou un frère<br />

handicapé ? Inscriptions : CTNERHI, Régine<br />

Martinez, 236 bis rue <strong>de</strong> Tolbiac,<br />

75013 Paris. Tél. : 01 45 65 59 40. Fax :<br />

01 45 65 44 94. E-mail : r.martinez@ctnerhi.com.fr<br />

- Site : www.ctnerhi.com.fr<br />

9 mars 2007. Paris. Colloque organisé<br />

par le Collège International <strong>de</strong> l’Adolescence<br />

(CILA) et le Laboratoire <strong>de</strong> psychologie<br />

clinique et <strong>de</strong> psychopathologique<br />

<strong>de</strong> l’Université Paris 5, sur le thème :<br />

Alcool et adolescence. Lieu : Espace Reuilly.<br />

Contact : Tél. : 01 42 23 44 12. E-mail :<br />

v.discour@wanadoo.fr<br />

15 mars 2007. Lille. Journée organisée<br />

par le Groupement d’intérêt public Santexcel<br />

et l’équipe <strong>de</strong> pédopsychiatrie du<br />

CHRU <strong>de</strong> Lille sur le thème : Schizophrénies<br />

infantiles : schizophrénie <strong>de</strong> l’enfant<br />

ou schizophrénie dès l’enfance ? Inscriptions<br />

: Delphine Coens, Santexcel,<br />

255 rue Nelson Man<strong>de</strong>la, 59120 Loos.<br />

Tél. : 03 28 55 67 32. E-mail : dcoens@santexcel.com<br />

15 et 16 mars 2007. Bruxelles. X e réunion<br />

annuelle <strong>de</strong> la Société Marcé francophone<br />

(association francophone pour<br />

l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pathologies pédiatriques<br />

puerpérales et périnatales) sur le thème :<br />

Une mère rencontre son enfant... Les intervenants<br />

se rencontrent... Renseignements<br />

: Mme Chrystelle Le<strong>de</strong>cq. Tél. :<br />

00 (32)2 344 18 94. E-mail : c.le<strong>de</strong>cq@laramee.be<br />

15 et 16 mars 2007. Paris. Réunion <strong>de</strong><br />

la Société Française d’Alcoologie sur le<br />

thème : Du changement sans traitement<br />

à l’obligation <strong>de</strong> soins. La clinique au quotidien.<br />

Inscriptions : Princeps/SFA, 64<br />

ave du Général <strong>de</strong> Gaulle, 92130 Issyles-Moulineaux.<br />

Tél. : 01 46 38 24 14/<br />

06 62 19 72 15. Fax : 01 40 95 72 15.<br />

E-mail : princeps.formation@wanadoo.fr<br />

17 et 18 mars 2007. Angers. Journées<br />

scientifiques 2007 <strong>de</strong> la Société Française<br />

<strong>de</strong> Psychothérapie Psychanalytique<br />

(SFPPG) sur le thème : Groupes <strong>de</strong><br />

parole. Quels dispositifs pour quelles <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<br />

? Inscriptions : SFPPG, 35 rue<br />

Elisée Reclus, 93300 Aubervilliers. Tél. :<br />

01 48 34 23 06.<br />

19 et 20 mars 2007. Marseille. Colloque<br />

organisé par l’Association Anthea sur<br />

le thème : Quand la sexualité <strong>de</strong>vient délit.<br />

Inscriptions : 7 place aux Herbes, BP<br />

219, 83006 Draguignan Ce<strong>de</strong>x. Tél. :<br />

04 94 68 98 48. Fax : 04 94 68 28 74.<br />

E-mail : anthea@club-internet.fr. Site :<br />

www.anthea.fr<br />

23 mars 2007. Paris. Colloque du CMPP<br />

du centre Etienne Marcel sur le thème :<br />

De l’Agir à la représentation à l’adolescence.<br />

Renseignements : Tél. : 01 42 33 21 52.<br />

E-mail : cmpp.emarcel@noos.fr<br />

23 mars 2007. Paris. 6 ème Rencontre <strong>de</strong>s<br />

mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> l’Education Nationale et <strong>de</strong>s<br />

psychiatres sur le thème : L’élève bouc<br />

émissaire : sa place dans l’école. Renseignements<br />

: CHSA, Secteur 15, CMP Tiphaine,<br />

Mme Sylvie Lecuyer, 23 rue Tiphaine,<br />

75015 Paris. Tél. : 01 45 75 03 50.<br />

Fax : 01 45 79 20 40. E-mail : s.lecuyer@ch-sainte-anne.fr<br />

23 au 25 mars 2007. Paris. 9 ème Colloque<br />

Mé<strong>de</strong>cine et Psychanalyse sur le<br />

thème : La place <strong>de</strong> la vie sexuelle dans la<br />

mé<strong>de</strong>cine. Renseignements : Tél. :<br />

06 50 67 32 32. Fax : 01 53 34 90 76.<br />

E-mail : medpsycha@paris7.jussieu.fr<br />

24 et 25 mars 2007. Lorient. Journée<br />

<strong>de</strong> travail Tavistock <strong>de</strong> l’Association<br />

d’Etu<strong>de</strong> du Développement et <strong>de</strong> la Psychopathologie<br />

<strong>de</strong> l’Enfant et <strong>de</strong> l’adolescent<br />

(AEDPEA) sur le thème : Qu’estce<br />

qu’une relation émotionnelle ? Rôle <strong>de</strong>s<br />

émotions dans le développement d’une relation.<br />

Capacité <strong>de</strong> l’enfant à établir une relation<br />

d’ordre émotionnel avec autrui. Renseignements<br />

: Tél. : 02 97 65 49 40.<br />

Fax : 02 97 33 68 39.<br />

29 mars 2007. Charleville-Mézières. 1 er<br />

Séminaire Tabac et <strong>Psychiatrie</strong> organisé<br />

par le Comité local <strong>de</strong> Prévention du tabagisme<br />

du Centre Hospitalier Bélair.<br />

Inscriptions : CH Bélair, Service Formation<br />

Continue, Catherine Fournier, 1 rue<br />

Pierre Hallali, 08013 Charleville-Mézières<br />

Ce<strong>de</strong>x. Renseignements : Tél. :<br />

03 24 56 87 23. E-mail : cfournier@chbelair.fr<br />

31 mars 2007. Paris. Colloque <strong>de</strong> l’Association<br />

Primo Levi sur le thème : Transmettre<br />

et témoigner. Effets <strong>de</strong> la torture et<br />

<strong>de</strong> la violence politique. Renseignements<br />

et inscriptions : Association Primo Levi,<br />

107 ave Parmentier, 75011 Paris. Tél. :<br />

01 43 14 88 50. E-mail : colloque@primolevi.asso.fr.<br />

Site : www.primolevi.asso.fr/<br />

colloques<br />

21 avril 2007. Lyon. Colloque Psychanalyse<br />

en débat du Groupe Lyonnais<br />

<strong>de</strong> Psychanalyse Rhône-Alpes sur le<br />

thème : Les nouvelles donnes pour la psychanalyse.<br />

Renseignements : Tél. :<br />

04 78 38 78 01. Fax : 04 78 38 78 09.<br />

E-mail : gpl.spp@wanadoo.fr<br />

25 mai 2007. Avignon. 6 ème Journée<br />

d’Etu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’ANREP sur le thème : La<br />

passion. Renseignements : Françoise<br />

Hurst, Centre Hospitalier <strong>de</strong> Montfavet,<br />

2 ave <strong>de</strong> la Pinè<strong>de</strong>, BP 92, 84143 Montfavet<br />

Ce<strong>de</strong>x. E-mail : francoise.hurst@chmontfavet.fr<br />

22 au 24 mai 2007. Paris. Forum <strong>de</strong>s<br />

professions <strong>de</strong> gérontologie et du handicap.<br />

Inscriptions : Fédération Hospitalière<br />

<strong>de</strong> France, Forum <strong>de</strong>s professions<br />

<strong>de</strong> la gérontologie et du handicap, 33<br />

avenue d’Italie, 75013 Paris. Tél. :<br />

01 44 06 84 44. Fax : 01 44 06 84 45.<br />

E-mail : fhf@fhf.fr. Site : fhf.fr<br />

1er et 2 juin 2007. Paris. 70 ème anniversaire<br />

<strong>de</strong> la Société Française <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />

<strong>de</strong> l’Enfant et <strong>de</strong> l’Adolescent<br />

et Disciplines Associées. Journées Nationales<br />

sur le thème : Enfants d’ailleurs.<br />

Vivre les différences. Inscriptions : BCA,<br />

6 bd du Général Leclerc, 92115 Clichy<br />

Cé<strong>de</strong>x. Tél. : 01 41 06 67 70. Fax :<br />

01 41 06 67 79.<br />

4 et 5 juin 2007. Marseille. Colloque organisé<br />

par l’Association Anthea sur le<br />

thème : L’individu et le groupe. Evaluer les<br />

jeux et penser les pratiques thérapeutiques,<br />

éducatives et sociales. Inscriptions : 7<br />

place aux Herbes, BP 219, 83006 Draguignan<br />

Ce<strong>de</strong>x. Tél. : 04 94 68 98 48.<br />

Fax : 04 94 68 28 74. E-mail : anthea<br />

@club-internet.fr. Site : www.anthea.fr<br />

Ce colloque, animé par <strong>de</strong>s conférences-débats et <strong>de</strong>s ateliers,<br />

posera la question <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> santé mentale en Slovaquie,<br />

en Allemagne et en France : les systèmes <strong>de</strong> soin, la place du<br />

patient, le travail en réseau, la formation <strong>de</strong>s soignants, etc.<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Clinique et pédagogie<br />

Connexions n°86<br />

Erès, 25 €<br />

Dans la suite notamment <strong>de</strong> ses<br />

numéros précé<strong>de</strong>nts, Connexions<br />

consacre ce numéro à l’approche clinique<br />

<strong>de</strong>s difficultés pédagogiques et<br />

<strong>de</strong> la violence dans l’institution scolaire<br />

et à l’accompagnement <strong>de</strong>s enseignants,<br />

avec la conviction, que l’attention<br />

portée à la dimension<br />

institutionnelle et organisationnelle,<br />

la prise au sérieux <strong>de</strong>s dynamiques<br />

inconscientes et <strong>de</strong> la groupalité à<br />

l’œuvre dans l’activité enseignante<br />

et la relation éducative sont le moyen<br />

<strong>de</strong> redonner sens et efficacité à la<br />

tâche primaire et <strong>de</strong> maintenir vivante<br />

une éthique humanisante...<br />

C’est pourquoi on pourra lire dans ce<br />

numéro <strong>de</strong>s articles qui reprennent<br />

les communications concernant la dimension<br />

groupale et l’espace pédagogique<br />

qui ont été présentées au<br />

congrès <strong>de</strong> la FAPAG et <strong>de</strong> la SFPPG<br />

(Paris, septembre 2005) « L’individu<br />

et le groupe » et <strong>de</strong>s contributions originales,<br />

l’ensemble <strong>de</strong> ces travaux issus<br />

<strong>de</strong> l’expérience éclairant les difficultés<br />

contemporaines <strong>de</strong> la pratique<br />

enseignante et proposant <strong>de</strong>s dispositifs<br />

sont susceptibles <strong>de</strong> soutenir<br />

les professionnels dans leur pratique.<br />

Complémentaire maladie<br />

d’entreprise : contrats<br />

obligatoires ou facultatifs,<br />

lutte contre l’antisélection<br />

et conséquences pour les<br />

salariés<br />

Camille Francesconi, Marc<br />

Perronnin, Thierry Rochereau<br />

Questions d’économie <strong>de</strong> la Santé<br />

n°115<br />

La couverture complémentaire maladie<br />

d’entreprise proposée à 72%<br />

<strong>de</strong>s salariés, d’après l’enquête sur la<br />

Protection sociale complémentaire<br />

en entreprise (PSCE), est loin <strong>de</strong> représenter<br />

un bloc uniforme. De multiples<br />

offres existent : contrats obligatoires<br />

proposés à tous les salariés<br />

ou à une partie d’entre eux, contrats<br />

à souscription facultative avec ou<br />

sans options... Ces offres ne sont pas<br />

toutes exposées au même <strong>de</strong>gré <strong>de</strong><br />

risque d’antisélection qui reflète le<br />

comportement <strong>de</strong> jeunes en bonne<br />

santé qui préfèrent ne pas s’assurer,<br />

le financement du risque maladie<br />

étant alors reporté sur ceux en mauvaise<br />

santé. D’après l’enquête, les assureurs<br />

se protègent <strong>de</strong> ce risque en<br />

proposant en gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s<br />

contrats collectifs obligatoires ou <strong>de</strong>s<br />

?<br />

23<br />

contrats facultatifs à options. Les contrats<br />

facultatifs sans option qui sont les plus<br />

exposés à ce risque, concernent à peine<br />

15% <strong>de</strong>s salariés. Dans ce cas, <strong>de</strong>s majorations<br />

<strong>de</strong> cotisations peuvent être<br />

prévues pour les salariés qui reportent<br />

la souscription du contrat.<br />

Contrats collectifs obligatoires et contrats<br />

facultatifs n’offrent pas les mêmes intérêts.<br />

Les premiers, non soumis à l’antisélection<br />

et qui cumulent une série<br />

d’avantages en termes <strong>de</strong> coûts, proposent<br />

<strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong> garanties en<br />

moyenne plus élevés. Les seconds laissent<br />

plus <strong>de</strong> liberté, notamment celle<br />

<strong>de</strong> souscription, et semblent, dans le<br />

secteur <strong>de</strong>s services, plus souvent proposés<br />

par <strong>de</strong>s entreprises qui délèguent<br />

la gestion du contrat aux salariés.<br />

Pour comman<strong>de</strong>r cette synthèse : http://<br />

www.ir<strong>de</strong>s.fr/Diff/bdc/rapO6/qes115.htm<br />

Pour s’abonner aux bulletins d’information « Questions<br />

d’économie <strong>de</strong> la santé » http://www.ir<strong>de</strong>s.fr/<br />

Diff/bdc/abont/abon_qes.htm<br />

A noter que ce document est téléchargeable gratuitement<br />

sur le site internet www.ir<strong>de</strong>s.fr<br />

A la rencontre <strong>de</strong> l’éthique<br />

Gui<strong>de</strong> pratique <strong>de</strong>s textes <strong>de</strong><br />

référence<br />

Les fon<strong>de</strong>ments du<br />

questionnement éthique<br />

0. Paycheng, S. Szerman<br />

2 ème édition révisée et augmentée<br />

Préface <strong>de</strong> René Schærer<br />

Heures <strong>de</strong> France, 34 €<br />

Cet ouvrage propose un ensemble <strong>de</strong><br />

textes dont la consultation est nécessaire<br />

lorsqu’on se trouve confronté à<br />

un questionnement éthique que ce soit<br />

dans l’exercice <strong>de</strong> sa profession médicale<br />

ou sur un plan personnel ou familial.<br />

La première partie est constituée<br />

<strong>de</strong> textes <strong>de</strong> références fondamentaux,<br />

pouvant être utilisés pour un questionnement<br />

éthique, ayant trois origines :<br />

- textes français : le questionnement<br />

ethique doit s’appuyer sur les lois, les<br />

déclarations, les co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déontologie,<br />

les chartes... élaborés par la France ;<br />

- textes européens : la France étant l’un<br />

<strong>de</strong>s vingt cinq pays <strong>de</strong> l’Union Européenne,<br />

il est important <strong>de</strong> prendre en<br />

compte <strong>de</strong>s textes élaborés par <strong>de</strong>s instances<br />

européennes: Parlement européen,<br />

Conseil <strong>de</strong> l’Europe.<br />

- textes internationaux : la France ayant<br />

ratifié certaines conventions élaborées<br />

par <strong>de</strong>s instances internationales, ces<br />

conventions doivent donc être intégrées<br />

Ces textes sont classés selon quatre<br />

repères : juridiques, déontologiques,<br />

chartes-recommandations et moraux<br />

(philisophiques et religieux).<br />

Des explications sur ces repères sont<br />

données en introduction aux différents<br />

chapitres. La <strong>de</strong>uxième partie est constituée<br />

<strong>de</strong> textes <strong>de</strong> références propres à<br />

certains problèmes éthiques. Pour<br />

chacun <strong>de</strong> ces problèmes on trouve le<br />

classement <strong>de</strong>s textes <strong>de</strong> référence fondamentaux<br />

en lien avec le problème<br />

étudié ; <strong>de</strong>s textes spécifiques ; <strong>de</strong>s notions<br />

philosophiques. En fin d’ouvrage,<br />

un in<strong>de</strong>x <strong>de</strong>s textes classés par nature<br />

et par date <strong>de</strong> publication permet <strong>de</strong><br />

trouver facilement les repères recherchés.<br />

La métho<strong>de</strong> expérimentale<br />

selon Aristote<br />

Reconstruction doctrinale <strong>de</strong><br />

l’épistémologie aristotélicienne<br />

Michel Siggen<br />

L’Harmattan, 22 €<br />

Ce livre met en évi<strong>de</strong>nce la dépendance<br />

<strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à l’égard <strong>de</strong><br />

l’objet atteint dans chacune <strong>de</strong>s sciences.<br />

Ce n’est pas un simple commentaire<br />

<strong>de</strong>s textes aristotéliciens sur l’expérience.<br />

L’auteur vise plutôt une reconstruction<br />

doctrinale <strong>de</strong> l’épistémologie d’Aristote,<br />

qui va jusqu’à considérer la dimension<br />

sapientielle <strong>de</strong> tout l’ordre <strong>de</strong> la connaissance<br />

et ce, <strong>de</strong> la dialectique à la métaphysique<br />

en passant par la physique<br />

et la morale.


24<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Effets <strong>de</strong> la violence politique<br />

D’une génération à l’autre<br />

Mémoires 2006 n°34<br />

Revue trimestrielle d’information <strong>de</strong><br />

l’Association Primo Levi, 5 €<br />

Ce numéro montre que dans la transmission<br />

<strong>de</strong>s parents à leurs enfants, il<br />

s’agit <strong>de</strong> dire quelque chose <strong>de</strong> ce double<br />

<strong>de</strong>stin <strong>de</strong> victime et <strong>de</strong> survivant porteur<br />

toujours d’histoires intriquées et <strong>de</strong><br />

sentiments paradoxaux, voire contradictoires.<br />

La carence <strong>de</strong>s soins appropriés pour<br />

les personnes qui ont été victimes <strong>de</strong><br />

la violence politique a <strong>de</strong>s conséquences<br />

sur plusieurs générations. La question<br />

<strong>de</strong> la transmission sera l’un <strong>de</strong>s thèmes<br />

du prochain colloque proposé par l’Association<br />

Primo Levi et coordonné par<br />

Béatrice Patsali<strong>de</strong>s et Armando Cote,<br />

psychologues cliniciens dans l’équipe<br />

<strong>de</strong> soins.<br />

Les idéalistes passionnés<br />

Maurice Di<strong>de</strong><br />

Préface <strong>de</strong> Caroline Mangin-<br />

Lazarus<br />

Editions Frison-Roche<br />

La réédition attendue <strong>de</strong>s Idéalistes passionnés<br />

<strong>de</strong> Maurice Di<strong>de</strong> est préfacée<br />

<strong>de</strong> façon documentée par Caroline Mangin-Lazarus,<br />

auteur <strong>de</strong> la biographie <strong>de</strong><br />

Maurice Di<strong>de</strong> (Un psychiatre et la Guerre,<br />

Erès, 1994). Elle rappelle la carrière et<br />

l’œuvre <strong>de</strong> Di<strong>de</strong> et établit le rôle du résistant.<br />

Elle relate, également, la discussion<br />

autour <strong>de</strong> l’idéalisme passionné<br />

Directeur <strong>de</strong> la rédaction :<br />

Gérard Massé<br />

Rédacteur en chef : François Caroli<br />

Comité <strong>de</strong> rédaction : Centre Hospitalier<br />

Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.<br />

Tél. 01 45 65 83 09.<br />

Botbol M., Carrière Ph., Dalle B., Goutal M.,<br />

Guedj M.-J., Jonas C., Lascar Ph., Martin A.,<br />

Paradas Ch., Sarfati Y., Spadone C.,<br />

Tribolet S., Weill M.<br />

Comité scientifique : Bailly-Salin P.<br />

(Paris), Besançon G. (Nantes), Bourgeois<br />

M. (Bor<strong>de</strong>aux), Buisson G. (Paris), Caillard<br />

V. (Caen), Chabannes J.-P. (Grenoble),<br />

Chaigneau H. (Paris), Christoforov B.<br />

(Paris), Colonna L. (Rouen), Cornillot P.<br />

(Paris), Dufour H. (Genève), Dugas M.<br />

(Paris), Féline A. (Paris), Ginestet D.<br />

(Paris), Guelfi J.-D. (Paris), Guyotat J.<br />

(Lyon), Hochmann J. (Lyon), Koupernik<br />

C. (Paris), Lambert P. (Chambéry), Loo H.<br />

(Paris), Marcelli D. (Poitiers), Marie-<br />

Cardine M. (Lyon), Mises R. (Paris),<br />

Pequignot H. (Paris), Planta<strong>de</strong> A. (Paris),<br />

Ropert R. (Paris), Samuel-Lajeunesse B.<br />

(Paris), Scotto J.-C. (Marseille), Sechter D.<br />

(Lille), Singer L. (Strasbourg), Viallard A.<br />

(Paris), Zarifian E. (Caen).<br />

Comité francophone : Anseau M.<br />

(Belgique), Aubut J. (Canada), Bakiri M.-A.<br />

(Algérie), Cassan Ph. (Canada), Douki S.<br />

(Tunis), Held T. (Allemagne), Lalon<strong>de</strong> P.<br />

(Canada), Moussaoui D. (Maroc), Romila A.<br />

(Roumanie), Simon Y.-F. (Belgique), Stip E.<br />

(Canada), Touari M. (Algérie).<br />

Publicité<br />

médical<br />

SUPPORTER<br />

promotion<br />

Renata Laska - Susie Caron,<br />

54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris.<br />

Tél. 01 45 50 23 08.<br />

Télécopie : 01 45 55 60 80<br />

E-mail : info@nervure-psy.com<br />

Edité par Maxmed<br />

S.A. au capital <strong>de</strong> 40 000 €<br />

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Maquette : Maëval. Imprimerie Fabrègue<br />

Directeur <strong>de</strong> la Publication :<br />

G. Massé<br />

www.nervure-psy.com<br />

parmi les psychiatres qui n’ont pas toujours<br />

su reconnaître la portée mortifère<br />

<strong>de</strong> la notion dans la sphère historique.<br />

C. Magnani-Lazarus explique leur silence<br />

après la guerre sur la notion d’idéalisme<br />

passionné et le fait qu’ils n’aient<br />

pas porté plus tôt l’ouvrage et l’œuvre<br />

à la connaissance d’un public pourtant<br />

préoccupé <strong>de</strong> comprendre les racines<br />

du nazisme. Di<strong>de</strong> en avait pourtant démontré<br />

les dangers dès 1935.<br />

Rééditer Les idéalistes passionnés, permet<br />

<strong>de</strong> faire connaître aussi Maurice<br />

Di<strong>de</strong> et l’idéalisme passionné. C’est aussi<br />

montrer comment cette ignorance <strong>de</strong><br />

Di<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l’idéalisme passionné s’est<br />

habillée <strong>de</strong> l’étoffe même <strong>de</strong> cet idéalisme<br />

qui travestit et passionne le réel<br />

<strong>de</strong> l’Histoire, et que Di<strong>de</strong> a décelé dès<br />

1913. Ce n’est qu’avec le rapprochement<br />

entre l’ouvrage et la mort comme<br />

résistant à Buchenwald en 1944, qu’on<br />

peut reconnaître la pertinence <strong>de</strong> sa<br />

peinture, mais surtout la portée mortifère<br />

<strong>de</strong> cette passion que son auteur<br />

avait stigmatisée avant qu’elle ne s’incarne<br />

dans les <strong>de</strong>ux guerres mondiales.<br />

Après sa <strong>de</strong>scription en 1913, l’idéalisme<br />

passionné avait été consacré par<br />

la psychiatrie française du côté <strong>de</strong> l’amour<br />

et du platonisme, comme un sentimentalisme<br />

éthéré à moquer plutôt qu’à<br />

redouter. Pourtant, dans cet ouvrage,<br />

c’est une proie nouvelle <strong>de</strong> la haine<br />

dans la pathologie contemporaine que<br />

Di<strong>de</strong> a examinée. Il y dépeint une fresque<br />

shakespearienne d’hommes comme<br />

Calvin, Torquemada, Tolstoï, et Robespierre,<br />

ou <strong>de</strong> saints comme François<br />

d’Assise et Thérèse d’Avila. Dans le rapport<br />

passionné <strong>de</strong> ces hommes et ces<br />

femmes à leurs objets idéaux, et dans<br />

la fixité <strong>de</strong> l’attachement à leur cause,<br />

Di<strong>de</strong> a décelé une pathologie affective<br />

qu’il baptise du terme d’idéalisme pas-<br />

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007<br />

sionné : <strong>de</strong> l’amour (<strong>de</strong>s femmes, <strong>de</strong>s<br />

mystiques), <strong>de</strong> la bonté (<strong>de</strong>s réformistes<br />

religieux ou mystiques), et <strong>de</strong> la beauté<br />

et <strong>de</strong> la justice aboutissant à la cruauté<br />

(<strong>de</strong>s esthètes et <strong>de</strong>s réformistes politiques).<br />

L’éditeur a complété cette réédition<br />

d’une iconographie photographique<br />

qui ne figurait pas dans l’ouvrage<br />

initial. C’est un choix fait parmi les personnages,<br />

qui donne une idée <strong>de</strong> l’iconographie<br />

dont pouvait disposer Maurice<br />

Di<strong>de</strong> à l’époque, et qui ouvre une<br />

réflexion sur le portrait, la mise en scène<br />

<strong>de</strong>s personnages et les débuts <strong>de</strong> la<br />

photographie.

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