Octobre - Nervure Journal de Psychiatrie
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www.nervure-psy.com<br />
EDITORIAL C. Fabre<br />
L’information<br />
du patient en<br />
psychiatrie : un<br />
droit et après ?<br />
Le législateur, en accordant à l’usager<br />
le droit d’être informé par son<br />
prestataire <strong>de</strong> soins, a posé un acte<br />
fondateur. En effet, la Loi du 4 mars<br />
2002 place, solennellement, le patient<br />
au cœur du dispositif <strong>de</strong> soins, dans<br />
le cadre d’un contrat <strong>de</strong> confiance basé sur<br />
la qualité <strong>de</strong>s relations établies entre lui-même<br />
et les différents acteurs <strong>de</strong>s soins.<br />
Les attentes <strong>de</strong>s personnes en matière d’information<br />
sont très fortes, les différentes enquêtes<br />
menées auprès <strong>de</strong>s usagers en témoignent.<br />
Il ressort <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong> l’enquête <strong>de</strong><br />
satisfaction du CHS Esquirol (1) que 30 à 40%<br />
<strong>de</strong>s patients souhaitent obtenir <strong>de</strong>s informations<br />
sur leur pathologie, les traitements, les<br />
soins, les médicaments.<br />
Nous-mêmes avons conduits ce type d’enquête<br />
auprès <strong>de</strong> 400 familles <strong>de</strong> l’UNAFAM (2)<br />
et nos résultats sont similaires à ceux d’autres<br />
enquêtes <strong>de</strong> satisfaction échangées ou conduites<br />
auprès <strong>de</strong> patients hospitalisés en soins généraux<br />
(Enquête ANAES-IFOP, Mars 98).<br />
Ce constat étant fait, il faut en prendre acte<br />
et s’interroger.<br />
Qui doit informer ? Qui informer ? Avec quels<br />
objectifs ? Comment ? Dans quel cadre ?<br />
Le patient, au cœur du dispositif <strong>de</strong> soins, va<br />
être amené à rencontrer différents professionnels<br />
: en premier le mé<strong>de</strong>cin, qui initie la<br />
stratégie du soin et prescrit un traitement médicamenteux<br />
qui sera analysé et délivré par<br />
le pharmacien, puis administré par l’infirmier.<br />
Sans oublier les autres partenaires que sont<br />
les proches et la famille et qui donneront leur<br />
opinion, celle-ci pouvant être favorable ou<br />
pas. Le patient atteint d’une maladie chronique<br />
va, très rapi<strong>de</strong>ment, être confronté à<br />
l’usure du temps et il va lui être difficile <strong>de</strong><br />
maintenir une observance régulière <strong>de</strong> son<br />
traitement.<br />
(suite page 3 )<br />
Ce thème a été celui du symposium satellite du<br />
6ème Congrès <strong>de</strong> l’European Association for the<br />
History of Psychiatry qui s’est déroulé le 23 septembre<br />
2005 au Centre Hospitalier Sainte-Anne.<br />
Modérées par le Professeur Julien-Daniel Guelfi, les<br />
interventions ont été précédées d’une présentation <strong>de</strong><br />
Daniel Gérard, Directeur médical <strong>de</strong> la division Santé<br />
classique <strong>de</strong> Sanofi-Aventis qui a resitué l’intérêt <strong>de</strong><br />
l’histoire <strong>de</strong>s neuroleptiques, à commencer par celle<br />
du Largactil lié aux laboratoires Rhône-Poulenc qui est<br />
à l’origine <strong>de</strong> Sanofi-Aventis.<br />
Une diffusion incroyablement<br />
rapi<strong>de</strong><br />
Le Professeur Pierre Pichot qui présidait le symposium,<br />
a relevé que, sans aucun doute, la découverte<br />
par Jean Delay et Pierre Deniker <strong>de</strong> l’efficacité du<br />
Ces parents décrivent leur incapacité à s’occuper <strong>de</strong><br />
leur progéniture <strong>de</strong>venue opposante et maltraitante.<br />
Cette violence exercée par les enfants sur leurs<br />
parents reste taboue. La famille est généralement<br />
considérée comme un symbole d’amour, <strong>de</strong> chaleur<br />
et comme centre <strong>de</strong> l’affection et <strong>de</strong> la sécurité. Mais<br />
rappelons qu’il est aussi le premier foyer <strong>de</strong> violence :<br />
un tiers à un quart <strong>de</strong> tous les homici<strong>de</strong>s sont <strong>de</strong>s<br />
meurtres domestiques où un membre <strong>de</strong> la famille en<br />
tue un autre. Après une approche historique <strong>de</strong>s<br />
rares étu<strong>de</strong>s concernant ce phénomène, nous tenterons<br />
dans un premier temps <strong>de</strong> définir la tyrannie<br />
familiale. Afin d’appréhen<strong>de</strong>r, plus directement, la<br />
réalité clinique <strong>de</strong> ces situations, nous illustrerons<br />
ces quelques données théoriques par l’observation<br />
clinique d’une patiente consultant au CMP du 14ème arrondissement <strong>de</strong> Paris. Enfin, nous tenterons d’éclaircir<br />
la psychopathologie sous jacente <strong>de</strong> ces parents<br />
maltraités dits « martyrs ».<br />
La question du transfert est au cœur <strong>de</strong> la pratique<br />
<strong>de</strong>s psychanalystes avec les sujets psychotiques, ces<br />
<strong>de</strong>rniers étant <strong>de</strong> plus en plus nombreux à faire une<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’ai<strong>de</strong>, d’entretiens voire <strong>de</strong> cure. Cette<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> correspond aux modifications qui se sont<br />
produites jusqu’à une pério<strong>de</strong> récente dans le champ<br />
<strong>de</strong> la santé mentale, avec une orientation qui a cherché<br />
à favoriser la restauration d’un lien social <strong>de</strong> ces<br />
sujets. Le travail <strong>de</strong> psychanalystes en centres médico-psychologiques,<br />
hôpitaux <strong>de</strong> jour, a été rendu possible<br />
par le développement d’une politique <strong>de</strong> réseau,<br />
auquel il convient d’associer les progrès médicamenteux.<br />
Pour autant la rencontre <strong>de</strong> la psychanalyse et <strong>de</strong> la<br />
psychose n’a pas toujours été <strong>de</strong> soi.<br />
50 ans <strong>de</strong> découverte <strong>de</strong>s<br />
neuroleptiques<br />
Psychopathologie <strong>de</strong>s<br />
« parents martyrs »<br />
Les professionnels <strong>de</strong> santé mentale<br />
peuvent être confrontés à <strong>de</strong>s<br />
patients, aussi parents, souffrant<br />
d’une forme <strong>de</strong> violence mal connue :<br />
la tyrannie familiale.<br />
Largactil dans les symptômes psychotiques est une <strong>de</strong>s<br />
données majeures <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie et, au<br />
<strong>de</strong>là, <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine. Elle <strong>de</strong>meure le symbole <strong>de</strong><br />
la naissance <strong>de</strong> la psychopharmacologie et a changé<br />
profondément les modalités du soin. Par la compréhension<br />
ultérieure <strong>de</strong> mécanismes d’action, elle a<br />
pesé sur la pensée psychiatrique. La soudaineté <strong>de</strong><br />
cette découverte s’impose comme frappante.<br />
Auparavant, les manuels <strong>de</strong> thérapeutique psychiatrique<br />
(Cossa en 1945 ou Sergent et Slater 1946)<br />
n’abordaient, essentiellement, que les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
choc, seuls quelques médicaments étant mentionnés<br />
comme certains hypnotiques ou sédatifs.<br />
Lors du 1 er Congrès Mondial <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Paris<br />
en 1950, une synthèse <strong>de</strong>s connaissances a été permise<br />
par les rapports <strong>de</strong> Sackel, Von Meduna et Cerletti,<br />
mais rien ne concernait les thérapeutiques médicamenteuses.<br />
Historique et approches<br />
théoriques<br />
Alors que l’intérêt pour les enfants battus et maltraités<br />
est ancien, remontant à la fin du XIX ème siècle<br />
avec l’apparition <strong>de</strong>s premiers mouvements <strong>de</strong> protection<br />
<strong>de</strong> l’enfance, la <strong>de</strong>scription du phénomène<br />
<strong>de</strong>s parents maltraités est récente, tant en France<br />
qu‘aux Etats-Unis. En France, les premières observations<br />
cliniques <strong>de</strong> cette forme <strong>de</strong> violence familiale<br />
sont dues à Léon Michaux qui consacre un traité sur<br />
« l’enfant pervers ». Le premier cas publié <strong>de</strong> parents<br />
battus fût décrit par Girone en 1974, ce <strong>de</strong>rnier parla<br />
<strong>de</strong> Syndrome <strong>de</strong>s Parents Battus à propos d’une mère<br />
<strong>de</strong> 26 ans amenée dans un service d’urgences pour<br />
toux et fièvre. L’examen révéla <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> coups et<br />
une fracture <strong>de</strong> côte. L’entretien permit <strong>de</strong> retrouver<br />
le coupable, son fils âgé <strong>de</strong> 4 ans. A la même<br />
époque, Barcai (1974) développa, à propos <strong>de</strong>s<br />
familles tyrannisées, l’idée d’une soumission parentale<br />
faisant écho à la dépendance anxieuse <strong>de</strong> l’enfant<br />
ou <strong>de</strong> l’adolescent. Un travail, plus systématique, a<br />
été réalisé par Harbin en 1977 qui proposa <strong>de</strong>s caractéristiques<br />
communes à ces enfants et ces familles, en<br />
développant <strong>de</strong>s hypothèses psychopathologiques.<br />
Le transfert dans la psychose<br />
Une question freudienne<br />
HISTOIRE G. Massé<br />
(suite page 9 )<br />
FMC E. Delaunay<br />
(suite page 3 )<br />
PSYCHANALYSE H. Hubert<br />
La transmission d’un pessimisme<br />
voire d’un veto<br />
Freud était souvent pessimiste à ce sujet, du moins estce<br />
ce qui s’est transmis dans le champ psychanalytique.<br />
Une remarque <strong>de</strong> sa part à ce sujet témoigne <strong>de</strong> ce<br />
pessimisme qui est justement en lien avec la question<br />
<strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins en psychiatrie. Il s’agit, dans le<br />
texte qu’il consacre aux Mémoires du Prési<strong>de</strong>nt Schreber,<br />
d’un passage préliminaire où il précise d’emblée<br />
les difficultés <strong>de</strong> l’affaire : « L’investigation psychanalytique<br />
<strong>de</strong> la paranoïa présente, pour nous mé<strong>de</strong>cins<br />
ne travaillant pas dans les asiles, <strong>de</strong>s difficultés particulières.<br />
Nous ne pouvons prendre en traitement ces<br />
(suite page 6 )<br />
OCTOBRE 2005 1<br />
ISSN 0988-4068<br />
n° 7 - Tome XVIII - <strong>Octobre</strong> 2005<br />
Tirage : 10 000 exemplaires<br />
Directeur <strong>de</strong> la Publication et <strong>de</strong> la<br />
Rédaction : G. Massé<br />
Rédacteur en chef : F. Caroli<br />
Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,<br />
1 rue Cabanis - 75014 Paris<br />
Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40<br />
Abonnements :<br />
54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris<br />
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Prix au numéro : 9,15 €<br />
E-mail : info@nervure-psy.com<br />
AU SOMMAIRE<br />
EDITORIAL<br />
L’information du patient<br />
en psychiatrie :<br />
un droit et après ? p.1<br />
FMC<br />
Psychopathologie <strong>de</strong>s<br />
« parents martyrs ” p.1<br />
PSYCHANALYSE<br />
Le transfert dans<br />
la psychose p.6<br />
HISTOIRE<br />
50 ans <strong>de</strong> découverte<br />
<strong>de</strong>s neuroleptiques p.9<br />
HUMEUR<br />
L’autre, ce sujet qui fâche p.11<br />
ENTRETIEN AVEC<br />
Anne Henry<br />
Le <strong>de</strong>rnier rempart pour<br />
entendre p.14<br />
DOSSIER : L’INFORMATION DU<br />
PATIENT EN PSYCHIATRIE<br />
Développement du<br />
projet P.A.C.T. p.14<br />
Information du patient<br />
bipolaire p.15<br />
La place du pharmacien<br />
dans l’information et<br />
l’éducation thérapeutique<br />
du patient p.16<br />
Groupe <strong>de</strong> parole <strong>de</strong>stiné<br />
aux parents <strong>de</strong> personnes<br />
atteintes <strong>de</strong> troubles<br />
psychotiques p.17<br />
THÉRAPEUTIQUE<br />
Critères <strong>de</strong> rechute et<br />
décision thérapeutique dans<br />
les schizophrénies : résultats<br />
<strong>de</strong> l’enquête SACRES p.18<br />
ANNONCES<br />
PROFESSIONNELLES p.20<br />
ANNONCES EN BREF p.22<br />
Vous pouvez consulter l’intégralité<br />
<strong>de</strong> nos éditions, vous abonner<br />
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N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
La première étu<strong>de</strong> en France fût<br />
menée un an après la publication <strong>de</strong><br />
Girone en 1975 par Vauris à l’hôpital<br />
Saint-Louis à Paris sur 25 enfants ayant<br />
un comportement agressif à l’encontre<br />
<strong>de</strong> leurs parents. Ce travail fût repris<br />
et complété par Dugas, Mouren-Siméoni<br />
et Halfon (1985) qui, analysant 36<br />
observations d’enfants battant leurs<br />
parents, les ont classées en trois groupes<br />
nosographiques : celui <strong>de</strong>s enfants<br />
autistes (5) et psychotiques (11), un<br />
second comprenant <strong>de</strong>s enfants « Bor<strong>de</strong>r<br />
line » (6) et au comportement psychopathique<br />
(2) et un troisième groupe,<br />
ceux souffrant <strong>de</strong> troubles<br />
névrotiques <strong>de</strong> la personnalité (11). Les<br />
caractéristiques relationnelles liées à la<br />
personnalité <strong>de</strong>s sujets psychotiques,<br />
psychopathes ou état limite les incitèrent,<br />
comme Harbin et Mad<strong>de</strong>n<br />
(1977), à étudier plus particulièrement<br />
le groupe <strong>de</strong>s sujets « névrotiques ».<br />
C’est aux familles <strong>de</strong> ce troisième groupe<br />
que les auteurs ont réservé le terme<br />
<strong>de</strong> parents battus.<br />
Au regard <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, nous pouvons<br />
définir cette forme <strong>de</strong> violence familiale<br />
<strong>de</strong> la manière suivante : il s’agit<br />
<strong>de</strong> maltraitance psychologique et/ou<br />
physique s’exerçant <strong>de</strong> façon quasiconstante<br />
vis-à-vis d’au moins un<br />
parent. Cette tyrannie familiale ne s’accompagne<br />
pas, obligatoirement, <strong>de</strong><br />
sévices physiques sur les parents. Elle<br />
peut s’exprimer essentiellement sous<br />
la forme d’une maltraitance psychologique.<br />
Le point commun essentiel <strong>de</strong><br />
toutes ces situations <strong>de</strong> violence familiale<br />
est l’inversion <strong>de</strong> la hiérarchie familiale.<br />
Tout s’organise autour <strong>de</strong>s désirs<br />
et caprices <strong>de</strong> l’enfant. Il existe une<br />
forme <strong>de</strong> soumission du ou <strong>de</strong>s parents<br />
à l’égard <strong>de</strong> l’enfant tout puissant.<br />
La tyrannie familiale peut exister chez<br />
<strong>de</strong>s familles d’enfants présentant <strong>de</strong>s<br />
troubles mentaux auxquels l’agressivité<br />
est fortement associée comme la<br />
psychose, le retard mental ou le trouble<br />
envahissant du développement. Cette<br />
violence dépasse la sphère familiale.<br />
Aussi, parlerons-nous <strong>de</strong> comportements<br />
tyranniques plus que <strong>de</strong> tyrannie<br />
familiale.<br />
La maltraitance physique qu’exercent<br />
certains enfants tyrans sur leurs parents<br />
L’information du patient<br />
en psychiatrie : un droit et<br />
après ?<br />
Il doit donc pouvoir trouver un soutien<br />
auprès <strong>de</strong>s différents partenaires<br />
qui vont l’accompagner tout au long<br />
<strong>de</strong> son parcours.<br />
Chaque professionnel, dans son champ<br />
<strong>de</strong> compétences, va œuvrer pour que<br />
la personne mala<strong>de</strong> et son entourage<br />
s’engagent <strong>de</strong> manière responsable<br />
dans la prise en charge du traitement,<br />
et, pour cela, il faut leur en donner<br />
les moyens, car une personne responsable<br />
est une personne informée,<br />
voire éduquée. En psychiatrie, la plupart<br />
<strong>de</strong>s patients conservent la capacité<br />
<strong>de</strong> comprendre l’information donnée.<br />
Néanmoins, en raison d’altérations<br />
cognitives spécifiques, il faudra prendre<br />
en compte leur capacité d’assimilation<br />
particulière et s’assurer que l’information<br />
donnée a bien été comprise.<br />
En effet, il existe un écart important<br />
entre l’information donnée et ce que<br />
les patients peuvent en comprendre.<br />
Lors d’une communication au Salon<br />
du SNC <strong>de</strong> novembre 2001, le Dr<br />
Marie-Clau<strong>de</strong> Muret, sur la base d’un<br />
questionnaire d’évaluation <strong>de</strong> la qualité<br />
<strong>de</strong> l’information reçue par le patient<br />
sur sa pathologie et son traitement,<br />
dans un service <strong>de</strong> psychiatrie,<br />
montre que 74% <strong>de</strong>s personnes jugent<br />
l’information satisfaisante. Si<br />
78,5% <strong>de</strong>s cas affirment connaître le<br />
nom <strong>de</strong> leurs médicaments, 56,7%<br />
le nomment et 39,7% nomment correctement<br />
le nom <strong>de</strong> leur maladie.<br />
Psychopathologie <strong>de</strong>s<br />
« parents martyrs »<br />
peut entraîner <strong>de</strong> véritables lésions<br />
secondaires aux coups portés (fracture,<br />
hématome…). Nous excluons <strong>de</strong> notre<br />
définition <strong>de</strong> la tyrannie familiale l’aboutissement<br />
extrême <strong>de</strong> cette violence<br />
que serait le parrici<strong>de</strong>. En effet, ce <strong>de</strong>rnier<br />
s’inscrit dans un tout autre contexte<br />
répondant à <strong>de</strong>s caractéristiques particulières<br />
: l’acte est généralement<br />
unique et extrêmement violent et létal,<br />
le parent victime est souvent une figure<br />
sadique haïe par toute la famille,<br />
enfin il existe fréquemment <strong>de</strong>s antécé<strong>de</strong>nts<br />
d’abus sexuel ou physique sur<br />
l’enfant meurtrier, la fratrie ou la mère.<br />
Cas clinique<br />
Mme V., 45 ans, se plaint d’insomnie,<br />
d’anxiété à type d’oppression thoracique<br />
et <strong>de</strong> difficultés à assumer les<br />
tâches <strong>de</strong> la vie quotidienne. Ce qui<br />
est frappant lors <strong>de</strong> l’entretien, c’est<br />
que tout son discours est focalisé autour<br />
<strong>de</strong> sa relation avec son fils : Nicolas,<br />
12 ans, qu’elle n’arrive plus à « gérer ».<br />
La mère rapporte une intolérance à la<br />
moindre frustration. Lors <strong>de</strong>s crises clastiques,<br />
Nicolas s’en prend aux objets<br />
et à tout ce qui l’entoure. Si un <strong>de</strong>s<br />
parents lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> ranger ses<br />
affaires ou le contraint même <strong>de</strong><br />
manière minime, Nicolas casse, donne<br />
<strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> pied, lance <strong>de</strong>s crachats.<br />
Les violences sont principalement dirigées<br />
contre la mère. Mme V. se sent<br />
démunie et ne peut contrôler ces accès<br />
d’agressivité.<br />
Tous les moyens sont utilisés pour satisfaire<br />
ses désirs et faire pression sur ses<br />
parents. Madame raconte que Nicolas<br />
a abîmé volontairement la voiture <strong>de</strong><br />
son père qu’il affectionne particulièrement.<br />
Elle rajoute qu’« il prend un malin<br />
plaisir » à casser les jouets du petit frère.<br />
Avec le temps, la situation s’aggrave.<br />
Il donne <strong>de</strong>s ordres « donne moi ça …je<br />
veux aller là…Je veux regar<strong>de</strong>r la télévision<br />
quand je veux… ».<br />
Il s’oppose activement à toutes les<br />
Notre expérience d’une dizaine d’années<br />
<strong>de</strong> conduites d’Ateliers du médicament<br />
nous montre que l’information<br />
n’est assimilée que si elle est<br />
offerte plusieurs fois et <strong>de</strong> différentes<br />
manières. Il paraît donc nécessaire <strong>de</strong><br />
répéter ces informations tout au long<br />
<strong>de</strong> la prise en charge du patient pour<br />
favoriser l’alliance thérapeutique prédictive<br />
d’une adhésion aux soins <strong>de</strong><br />
meilleure qualité.<br />
Dans ces conditions, le patient se sentira<br />
respecté et reconnu dans sa dignité<br />
<strong>de</strong> mala<strong>de</strong> souffrant.<br />
C’est pourquoi, nous avons réuni dans<br />
ce numéro certains textes (3), dont celui<br />
<strong>de</strong> Catherine Faruch, Chef <strong>de</strong> service<br />
au CH Gérard Marchant à Toulouse,<br />
qui a, <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses<br />
années, fait <strong>de</strong> l’information <strong>de</strong>s patients<br />
une <strong>de</strong> ses priorités. Elle-même<br />
et différents membres <strong>de</strong> son équipe<br />
relatent ci-<strong>de</strong>ssous les différentes expériences<br />
menées auprès <strong>de</strong>s patients<br />
et <strong>de</strong> leurs familles. Marie-Lise Biscay,<br />
Pharmacien Chef <strong>de</strong> service au CH<br />
<strong>de</strong> Pau, présente le concept <strong>de</strong> l’Atelier<br />
du médicament et le rôle du pharmacien<br />
dans l’informatin et l’éducation<br />
au traitement psychotrope. <br />
Claudine Fabre*<br />
*Pharmacien, CH Gérard Marchant, Toulouse.<br />
(1) A. CARIA et coll, Les usagers <strong>de</strong> psychiatrie<br />
sont-ils satisfaits ? Démarche qualité<br />
en santé mentale, 165-177, Editions<br />
In Press.<br />
(2) M.L. BISCAY et C. FABRE, <strong>Journal</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>Nervure</strong>, 2001, 4, 10-11.<br />
(3) Dossier : L’information du patient en<br />
psychiatrie, pages 14 à 17.<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s parents.<br />
Progressivement, « la terreur s’installe »<br />
dira la mère. La famille évite toute situation<br />
susceptible <strong>de</strong> précipiter une crise.<br />
Au moindre accroc, l’enfant hurle, trépigne<br />
et insulte ses parents. Il existe<br />
<strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s plus calmes mais qui sont<br />
très anxiogènes pour la famille qui<br />
appréhen<strong>de</strong> une nouvelle crise.<br />
A l’extérieur <strong>de</strong> la maison, notamment<br />
à l’école, Nicolas est décrit comme un<br />
enfant tranquille ayant <strong>de</strong> bons résultats<br />
scolaires et parvenant à se lier d’amitié<br />
avec <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> son âge.<br />
Madame V. reconnaît spontanément<br />
que la relation entre elle et son fils est<br />
très proche. Elle décrit une violence<br />
que ni elle ni son époux ne peuvent<br />
contenir ni canaliser. Cependant, tantôt<br />
elle rapporte son désarroi, son impuissance<br />
<strong>de</strong>vant les troubles du comportement<br />
<strong>de</strong> l’enfant, tantôt elle semble<br />
l’excuser ou minimiser les violences :<br />
« vous savez, il n’est pas toujours comme<br />
ça, parfois il est très gentil ».<br />
Quant au père, elle le décrit sans autorité.<br />
Au début, il tentait d’intervenir<br />
pour faire cesser la crise mais « sans<br />
conviction » dit-elle. Ces <strong>de</strong>rniers temps,<br />
Monsieur V. abandonne <strong>de</strong> plus en<br />
plus rapi<strong>de</strong>ment, évitant même le<br />
conflit mère-fils. L’histoire <strong>de</strong> la famille<br />
commence par <strong>de</strong>s difficultés à avoir<br />
<strong>de</strong>s enfants. Les fausses couches furent<br />
nombreuses et le couple désespérait<br />
d’avoir un enfant et la question <strong>de</strong> la<br />
procréation médicalement assistée a<br />
même été soulevée. Finalement, <strong>de</strong>vant<br />
ces tentatives <strong>de</strong> grossesses infructueuses<br />
répétées, le gynécologue lui<br />
conseille un alitement précoce. A 32<br />
ans, Madame V. est enceinte et est alitée<br />
dès le <strong>de</strong>uxième mois. La grossesse<br />
se poursuit jusqu’au septième mois<br />
et l’enfant, tant attendu, naît prématuré.<br />
Depuis sa naissance jusqu’à la scolarisation<br />
en petite section maternelle,<br />
Nicolas est gardé par sa mère qui déci<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> ne pas reprendre son travail pour<br />
« se consacrer entièrement » à l’enfant.<br />
Nicolas a eu un développement psychomoteur<br />
normal et aucun retard<br />
d’acquisition n’est noté. Cependant, les<br />
parents mentionnent, très tôt, <strong>de</strong>s<br />
troubles du sommeil à type d’insomnie<br />
d’endormissement jusqu’à l’âge <strong>de</strong><br />
2 ans et <strong>de</strong>mi. L’enfant ne pouvait s’endormir<br />
sans que la mère soit présente<br />
près <strong>de</strong> lui. Elle <strong>de</strong>vait attendre que<br />
Nicolas s’endorme avant d’aller, discrètement,<br />
rejoindre la chambre du<br />
couple. Les troubles diminuent lorsque<br />
les parents installent une veilleuse dans<br />
sa chambre et disparaissent seulement<br />
quand ils laissent ouverte la porte <strong>de</strong><br />
leur chambre donnant sur celle <strong>de</strong> l’enfant.<br />
L’entrée en maternelle est difficile<br />
et s’accompagne <strong>de</strong> pleurs, <strong>de</strong> cris et<br />
d’accès <strong>de</strong> colère « déjà impressionnant<br />
pour son âge » dira la mère. Les mêmes<br />
accès se répèteront à chaque séparation<br />
avec la mère et dureront plusieurs<br />
semaines. La gar<strong>de</strong> par une nourrice<br />
est tentée mais rapi<strong>de</strong>ment abandonnée,<br />
d’ailleurs le couple pendant cette<br />
pério<strong>de</strong> ne s’autorisera aucune sortie.<br />
La famille fait remonter les premiers<br />
accès <strong>de</strong> colère lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième<br />
grossesse, Nicolas a alors 5 ans. A nouveau,<br />
la mère dut être alitée et, vers le<br />
cinquième mois, est hospitalisée plusieurs<br />
semaines pour menace d’accouchement<br />
prématuré. Nicolas est séparé<br />
<strong>de</strong> sa mère, c’est à cette pério<strong>de</strong><br />
précisément qu’apparaissent les premières<br />
manifestations d’agressivité. A<br />
son retour d’hôpital, Madame V. qui<br />
impérativement <strong>de</strong>vait rester alitée ira<br />
habiter chez un oncle avec Nicolas car<br />
le père très pris par son travail d’ingénieur,<br />
n’a pas le temps <strong>de</strong> s’occuper<br />
« <strong>de</strong> la maman alitée et <strong>de</strong> Nicolas », en<br />
plus <strong>de</strong>s activités ménagères quotidiennes.<br />
Madame V. ne mentionne<br />
aucun antécé<strong>de</strong>nt psychiatrique. Elle<br />
se décrit seulement comme anxieuse,<br />
très soucieuse <strong>de</strong> la santé <strong>de</strong> son enfant<br />
ne le quittant pas, <strong>de</strong> peur qu’il lui arrive<br />
un quelconque danger domestique.<br />
Psychopathologie <strong>de</strong>s<br />
parents martyrs<br />
La prévalence <strong>de</strong> la violence d’enfants<br />
ou adolescents sur leurs parents est difficile<br />
à chiffrer (la maltraitance psychologique<br />
reste difficile à évaluer). Les<br />
rares étu<strong>de</strong>s montrent <strong>de</strong>s taux oscillant<br />
entre 10 % (Strauss, 1979) et 14 %<br />
(Paulson, 1990) en population générale<br />
et <strong>de</strong>s taux variant <strong>de</strong> 0,6 %<br />
(Dugas, 1985) à 13 % (Charles, 1986)<br />
en population clinique.<br />
Les données socio-démographiques<br />
montrent que ces parents martyrs<br />
appartiennent plutôt à <strong>de</strong>s catégories<br />
socioprofessionnelles aisées, ont un âge<br />
élevé et présentent plus <strong>de</strong> pathologies<br />
somatiques et/ou psychiatriques<br />
(Dugas, 1985 ; Paulson, 1990 ; Laurent,<br />
1999). Contrairement à ce que<br />
l’on peut penser, les parents explicitement<br />
permissifs <strong>de</strong>viennent rarement<br />
<strong>de</strong> vrais tyrans. Il est frappant <strong>de</strong> constater<br />
que nombre d’enfants ayant bénéficié<br />
d’une éducation radicalement antiautoritaire,<br />
ont un profil hypermature.<br />
En règle générale, ces parents sont<br />
motivés par le désir <strong>de</strong> bien faire et<br />
d’être <strong>de</strong> bons parents. Souvent, ils ont<br />
consulté <strong>de</strong> nombreux ouvrages traitant<br />
<strong>de</strong> l’éducation. Ils ont, cependant,<br />
souvent tendance à confondre autorité<br />
et autoritarisme, colère et détresse<br />
émotionnelle. Du coup, tout vécu <strong>de</strong><br />
frustration chez l’enfant est insupportable.<br />
Par réaction à cette violence, ils<br />
remettent en cause leur attitu<strong>de</strong> éducative<br />
mais pas souvent dans la bonne<br />
direction. Ils ont tendance à développer<br />
une « hyper-compréhension » <strong>de</strong> leur<br />
enfant qui aboutit à trouver encore<br />
plus d’excuses à son attitu<strong>de</strong>, alors<br />
même que celle-ci apparaît simplement<br />
inacceptable pour tout spectateur extérieur.<br />
Ils cherchent, constamment, à<br />
développer la communication et<br />
l’échange avec leur enfant, l’exhortant<br />
à leur confier sa « souffrance » au cours<br />
<strong>de</strong> discussions sans fin. La crainte sousjacente<br />
<strong>de</strong> ces parents martyrs est souvent<br />
<strong>de</strong> perdre l’amour <strong>de</strong> leur enfant.<br />
Certains sont convaincus que s’opposer<br />
au désir d’un jeune enfant revient à le<br />
traumatiser. Ils tentent <strong>de</strong> s’appliquer un<br />
modèle <strong>de</strong> parent idéal.<br />
Un enfant surinvesti<br />
Le surinvestissement apparaît fréquemment<br />
dans les situations <strong>de</strong> tyrannie<br />
familiale. Il s’accompagne, généralement,<br />
d’une anxiété parentale<br />
excessive et d’une tendance à la surprotection.<br />
Au début <strong>de</strong> sa vie, le bébé<br />
est dans la satisfaction totale avec sa<br />
mère « dans la pure jouissance ». Cette<br />
position d’omnipotence <strong>de</strong> l’enfant au<br />
lieu <strong>de</strong> régresser va être, en quelque<br />
sorte, favorisée aboutissant à un renversement<br />
<strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> force parentenfant.<br />
Toute l’organisation familiale<br />
va être régie autour <strong>de</strong>s désirs <strong>de</strong> l’enfant.<br />
Ces enfants sont choyés, valorisés,<br />
surinvestis bénéficiant d’une surprotection<br />
parentale. « Gavés d’amour<br />
jusqu’à la nausée, ils ont recours à la<br />
haine pour se séparer » écrit Cyrulnik<br />
(2001). Le paradoxe <strong>de</strong> cette position<br />
d’omnipotence c’est qu’elle nécessite<br />
la présence continue <strong>de</strong>s parents. Ces<br />
<strong>de</strong>rniers qui évitent pour leur enfant<br />
toute frustration les réduisent en position<br />
<strong>de</strong> dépendance continuelle pour<br />
les actes <strong>de</strong> la vie quotidienne.<br />
Finalement, on arrive à une situation<br />
telle que l’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux parents, mais le<br />
plus souvent les <strong>de</strong>ux, traitent leur<br />
enfant comme s’il était leur propre<br />
parent. On observe une forme <strong>de</strong> soumission<br />
anxieuse à l’égard <strong>de</strong> l’enfant<br />
« est-ce que je peux regar<strong>de</strong>r la télévision<br />
? …puis je rentrer dans le salon ? »<br />
s’excuse Mme V. auprès <strong>de</strong> son enfant.<br />
Dans d’autres situations familiales, le<br />
surinvestissement <strong>de</strong>s parents est plus<br />
<br />
LIVRES<br />
FMC 3<br />
Le syndrome <strong>de</strong> Rett, une<br />
maladie génétique<br />
Ouvrage collectif <strong>de</strong> l’Association<br />
Française du syndrome <strong>de</strong> Rett<br />
L’Association Française du Syndrome<br />
<strong>de</strong> Rett (AFSR) a édité, en 2004, un<br />
ouvrage collectif décrivant cette maladie<br />
dans toutes ses dimensions :<br />
clinique, génétique, thérapeutique,<br />
sociale. Rappelons que le syndrome<br />
<strong>de</strong> Rett ne touche que les filles, et<br />
qu’il y aurait entre 25 et 40 nouveaux<br />
cas par an. Chez un nourrisson hypotonique<br />
et stagnant dans son développement<br />
neuromoteur, apparaissent<br />
peu à peu <strong>de</strong>s troubles du<br />
comportement d’un syndrome autistique,<br />
puis <strong>de</strong>s manifestations neurologiques<br />
: comitialité, retard <strong>de</strong> développement,<br />
apraxie <strong>de</strong>s membres<br />
avec, <strong>de</strong> façon évocatrice, une perte<br />
<strong>de</strong> la capacité à utiliser ses mains. Ce<br />
syndrome nécessite une prise en<br />
charge spécialisée. Cet ouvrage peut<br />
être considéré comme un document<br />
<strong>de</strong> référence qui aura sa place dans<br />
toute bibliothèque d’hôpital <strong>de</strong> jour,<br />
mais aussi <strong>de</strong> centre <strong>de</strong> consultation<br />
psychologique.<br />
Alain Frottin<br />
L’histoire <strong>de</strong>s maisons<br />
maternelles<br />
Entre secours et<br />
redressement<br />
L’exemple du département <strong>de</strong><br />
l’Au<strong>de</strong><br />
Yves Boulbès<br />
Préface <strong>de</strong> Jean-Louis Escudier<br />
L’Harmattan 16 €<br />
Yves Boulbès est l’auteur d’une thèse<br />
d’histoire contemporaine intitulée :<br />
« L’Assistance Publique, <strong>de</strong> la loi Roussel<br />
à la Libération. Fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong><br />
Sociale à l’Enfance. L’exemple du département<br />
<strong>de</strong> l’Au<strong>de</strong> ». Educateur spécialisé,<br />
il a travaillé dix ans en Centre<br />
maternel et Centre d’hébergement et<br />
<strong>de</strong> réadaptation sociale. Exerçant, actuellement,<br />
à la Structure d’accueil<br />
enfance du Conseil Général <strong>de</strong> l’Au<strong>de</strong>,<br />
il oriente ses recherches sur la conceptualisation<br />
<strong>de</strong> la notion d’enfant et le<br />
rôle incitatif créé par la prise en charge<br />
<strong>de</strong> l’enfant assisté. Les centres maternels<br />
accueillent <strong>de</strong>s femmes enceintes,<br />
majeures ou mineures et leurs<br />
enfants. Séparées, divorcées, ce sont<br />
le plus souvent <strong>de</strong>s familles monoparentales.<br />
Jusqu’aux années cinquante<br />
les femmes sans hommes ne<br />
sont que <strong>de</strong>s filles-mères, reléguées<br />
aux marges <strong>de</strong> la société. L’histoire<br />
<strong>de</strong> la Maison Maternelle Départementale<br />
<strong>de</strong> l’Au<strong>de</strong> offre une approche<br />
originale <strong>de</strong> ces maternités. Elle permet<br />
d’apprécier la condition <strong>de</strong> la<br />
fille-mère <strong>de</strong> la fin du XIX e siècle à<br />
nos jours et surtout <strong>de</strong> comprendre<br />
le dilemme auquel est confrontée la<br />
fille-mère, d’abord objet du regard<br />
réprobateur <strong>de</strong> la communauté villageoise.<br />
Dodo, l’enfant do<br />
Le sommeil du tout-petit<br />
Dossier coordonné par Jacky<br />
Israël<br />
Spirale juin 2005, n°34<br />
Erès, 12 €<br />
Le sommeil du tout-petit est l’une <strong>de</strong>s<br />
principales préoccupations <strong>de</strong>s<br />
parents au même titre que l’alimentation<br />
et, bien évi<strong>de</strong>mment, sous couvert<br />
d’« éveil », ses capacités intellectuelles...<br />
Dès la naissance, l’absence <strong>de</strong><br />
sommeil et les pleurs qui en résultent<br />
sont tout autant sources d’angoisse<br />
qu’une mauvaise prise du sein ou du<br />
biberon. Seulement voilà, le nouveauné<br />
a sa propre horloge (cycles cumulés<br />
<strong>de</strong> trois à quatre heures), et<br />
son sommeil n’est pas aussi paisible<br />
que les parents le souhaitent, et encore<br />
moins <strong>de</strong> tout repos ! Ce numéro<br />
<strong>de</strong> Spirale tente <strong>de</strong> comprendre et<br />
saisir les objectifs <strong>de</strong> cette activité qui<br />
prend autant <strong>de</strong> place.
4<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Numéro varia<br />
Enfance 2005 n°2<br />
Presses Universitaires <strong>de</strong> Farnce, 22 €<br />
Ce numéro varia d’Enfance réunit une<br />
somme d’informations sur les questions<br />
que chacun se pose à propos du développement<br />
<strong>de</strong> l’enfant.<br />
Comment se fait-il que nous cherchions<br />
une explication autre que le hasard<br />
lorsque se produit la rencontre inopinée<br />
entre <strong>de</strong>ux événements sans lien ?<br />
Fabien Mathy et Joël Bradmetz, montrent<br />
que la formation d’une fausse<br />
croyance fondée sur une coïnci<strong>de</strong>nce<br />
se réalise à l’âge <strong>de</strong> 4-5 ans, au moment<br />
même où s’exprime la capacité à<br />
attribuer une fausse croyance sur la<br />
base d’une information erronée. Les<br />
jeunes enfants aussi inventent <strong>de</strong>s relations<br />
causales entre événements qui<br />
n’en n’ont pas.<br />
La reconnaissance <strong>de</strong>s visages est l’un<br />
<strong>de</strong>s domaines les plus fascinants <strong>de</strong><br />
l’étu<strong>de</strong> du développement : comment<br />
un jeune bébé reconnaît-il un même visage<br />
malgré les changements incessants<br />
<strong>de</strong> ses expressions faciales ? Comment<br />
évolue au cours <strong>de</strong> l’enfance<br />
l’analyse qui nous permet <strong>de</strong> réaliser<br />
cette reconnaissance dans les situations<br />
les plus diverses ? Olivier Pascalis, Marianne<br />
Rotsaert et Stephen Want indiquent<br />
que l’enfant se base sur <strong>de</strong>s éléments<br />
comme le nez ou la bouche, alors<br />
que l’adulte combine ces divers éléments.<br />
L’article débouche sur une réflexion<br />
comparant le traitement <strong>de</strong>s visages<br />
par rapport au traitement <strong>de</strong> toute<br />
autre configuration perceptive.<br />
Les matériels <strong>de</strong> jeu ont une importance<br />
déterminante sur l’orientation <strong>de</strong>s activités<br />
: plus sociale dans le cas <strong>de</strong> jeux<br />
moteurs, plus solitaire dans le cas <strong>de</strong><br />
jeux <strong>de</strong> manipulation. Ces aspects d’écologie<br />
développementale offerts par<br />
Anne-Marie Fontaine sont une source<br />
d’enseignement pour les crèches et jardins<br />
d’enfants.<br />
Toujours en milieu scolaire, Janvier et<br />
Testu montrent que les fluctuations d’attention<br />
concernent <strong>de</strong>s séquences d’une<br />
heure chez l’enfant <strong>de</strong> 4-5 ans, tandis<br />
qu’elles s’expriment en termes <strong>de</strong> <strong>de</strong>mijournées<br />
et sont comparables à celles<br />
<strong>de</strong> l’adulte au travail pour les enfants<br />
<strong>de</strong> 10-11 ans.<br />
Enfin, Dominique Bassano et ses collaborateurs<br />
présentent un outil pour l’évaluation<br />
du développement du langage<br />
qui n’est pas la simple transposition <strong>de</strong>s<br />
évaluations en langue anglaise.<br />
Le bonheur en famille<br />
Psychologie <strong>de</strong> la vie familiale<br />
Pierre Angel avec la collaboration<br />
<strong>de</strong> Christine Schilte<br />
Odile Jacob, 21,90 €<br />
Pierre Angel est le fondateur du Centre<br />
<strong>de</strong> thérapie familiale Monceau à Paris.<br />
Il rapporte, dans ce livre, ce que les familles<br />
lui ont appris. On a tendance aujourd’hui<br />
à surestimer le pourcentage<br />
<strong>de</strong> familles dysfonctionnelles, instables,<br />
brisées, incestueuses ou en échec<br />
moral et social. En vérité, la majorité<br />
<strong>de</strong>s familles sont capables, fort heureusement,<br />
<strong>de</strong> mobiliser <strong>de</strong>s ressources<br />
propres, <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s solutions efficaces<br />
et <strong>de</strong> prévenir les rechutes. Ces<br />
potentiels ont été longtemps sous-estimés,<br />
mais ils existent indéniablement.<br />
Encore faut-il y croire et, parfois, apprendre<br />
comment les mobiliser.<br />
Traiter les cas difficiles<br />
Les réussites <strong>de</strong> la thérapie brève<br />
Richard Fisch, Karin Schlanger<br />
Seuil<br />
Voilà un livre véritablement novateur,<br />
qui donc va déplaire à beaucoup. En effet<br />
Richard Fisch, succulent petit bonhomme<br />
<strong>de</strong> psychiatre, créateur avec<br />
Paul Watzlawick <strong>de</strong> la célèbre école <strong>de</strong><br />
Palo Alto, et son élève Karin Schlanger,<br />
nous décrivent une psychothérapie stratégique<br />
brève, en récusant toute normativité<br />
et toute référence à la sacrosainte<br />
psychopathologie.<br />
Pire, ils se piquent <strong>de</strong> respecter, selon<br />
l’exigence <strong>de</strong>s (autres) sciences actuelles,<br />
les principes <strong>de</strong> l’épistémologie mo<strong>de</strong>rne.<br />
A savoir :<br />
- rechercher l’« utile » que l’on sait à peu<br />
près estimer, et non l’hypothétique « vérité<br />
», ou la trompeuse « sincérité » ;<br />
- traquer les faits objectivant le « comment<br />
», en délaissant le « pourquoi » ob-<br />
solète et insaisissable (Wittgenstein) ;<br />
- récuser la causalité linéaire qui n’a plus<br />
<strong>de</strong> sens que pour la physique la plus<br />
élémentaire et, étrangement pour toutes<br />
les théories psy ;<br />
- se référer à la causalité circulaire, seule<br />
apte à rendre compte <strong>de</strong>s domaines<br />
complexes comme le psychisme ;<br />
- respecter le principe essentiel <strong>de</strong> « falsifiabilité<br />
» en évaluant, non pas seulement<br />
certains consultants artificiellement<br />
triés en vertu d’un quelconque<br />
DSM, mais tous ceux qui consultent au<br />
moins une fois. Ce qui est autrement<br />
exigeant. Etc... Mais pour cela Fisch, qui<br />
montre <strong>de</strong>s trésors d’habileté dans l’abord<br />
<strong>de</strong> patients que l’on sait rétifs à suivre<br />
les voies <strong>de</strong> la guérison, nous livre simplement<br />
et clairement ses métho<strong>de</strong>s<br />
comme si nous, ses confrères, ne <strong>de</strong>mandions<br />
qu’à les entendre. Pour cette<br />
naïveté, l’Histoire oubliera son nom,<br />
comme elle a oublié celui <strong>de</strong> ce Grec<br />
qui, <strong>de</strong>ux millénaires avant Galilée, découvrait<br />
que la terre était ron<strong>de</strong>. Chers<br />
confrères, si malgré cela vous lisez tout<br />
<strong>de</strong> même ce bouquin étonnant, si votre<br />
organicisme, votre psychanalysme, votre<br />
comportementalisme ou votre systémisme<br />
familial ne vous l’interdisent pas,<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
vous apprendrez comment on peut<br />
« traiter les cas difficiles » par les outils<br />
<strong>de</strong> la parole et <strong>de</strong> la relation. Vous découvrirez<br />
comment non pas « guérir alcooliques,<br />
anorexiques, dépressifs ou psychotiques...<br />
», mais amener un sujet<br />
souffrant à contrôler, selon sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
et son désir, sa prise d’alcool ou d’aliments,<br />
sa thymie ou ses idées délirantes,<br />
et comment cela se construit sur cette<br />
idée essentielle, véritable théorème basal<br />
d’une conception enfin originale et<br />
cohérente <strong>de</strong>s ratés du psychisme : « le<br />
problème vient <strong>de</strong>s solutions ».<br />
M. Pradère
W<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
narcissique qu’anxieux. Certains parents<br />
sont fascinés par les capacités intellectuelles<br />
<strong>de</strong> leur enfant, qui sont bien<br />
réelles mais il s’agit rarement d’authentiques<br />
enfants dits précoces (ou<br />
surdoués). Le plus souvent, ces enfants<br />
sont doués mais aussi charmeurs et<br />
surestimés par leurs parents. Ainsi, la<br />
moindre remise en cause <strong>de</strong> son omnipotence<br />
est susceptible <strong>de</strong> déclencher<br />
une crise. Une situation d’échec <strong>de</strong>vant<br />
un exercice peut provoquer <strong>de</strong>s colères.<br />
Un cas extrême <strong>de</strong> surinvestissement<br />
narcissique est illustré par le syndrome<br />
<strong>de</strong> réussite par procuration. Il s’agit <strong>de</strong><br />
parents sur-stimulant les talents et la<br />
réussite <strong>de</strong> leurs enfants dans différents<br />
domaines (sport, musique…) en vue<br />
d’un bénéfice narcissique personnel.<br />
L’amour parental est entièrement<br />
conditionné par les succès <strong>de</strong> l’enfant<br />
au détriment <strong>de</strong> son épanouissement<br />
affectif. L’inversion du rapport <strong>de</strong> force<br />
parent-enfant avec survenue <strong>de</strong> comportements<br />
tyranniques peut se développer<br />
après une phase plus ou moins<br />
longue <strong>de</strong> tolérance et <strong>de</strong> soumission<br />
aux désirs parentaux.<br />
Des parents en position<br />
<strong>de</strong> faiblesse<br />
La faiblesse réelle ou symbolique <strong>de</strong>s<br />
parents représente un facteur clé <strong>de</strong><br />
l’inversion <strong>de</strong> la hiérarchie familiale.<br />
Ses effets se conjuguent, bien sûr, à ceux<br />
du contexte familial, environnemental<br />
et aux caractéristiques propres <strong>de</strong> l’enfant.<br />
Plus le parent est démuni, plus<br />
l’enfant fera preuve <strong>de</strong> violence envers<br />
sa victime. Le parent peut être fragilisé<br />
par une pathologie somatique ou un<br />
trouble mental. L’image <strong>de</strong>s parents<br />
est, ainsi, amoindrie auprès <strong>de</strong> l’enfant<br />
ou l’adolescent. Dugas (1985) observe<br />
la présence d’une maladie somatique et<br />
d’un trouble mental respectivement<br />
dans 23% et 60% <strong>de</strong>s cas chez le père.<br />
La vieillesse peut contribuer à renforcer<br />
cette position <strong>de</strong> victime <strong>de</strong>s parents<br />
et <strong>de</strong> toute puissance <strong>de</strong> l’enfant.<br />
Contrairement à <strong>de</strong>s parents plus<br />
jeunes qui restent mobilisés par <strong>de</strong>s<br />
projets d’avenir qui leur sont propres,<br />
ceux-là vont avoir tendance à se mettre<br />
en retrait au profit <strong>de</strong> leur progéniture,<br />
qui sera chargée <strong>de</strong> répondre à leur<br />
besoin d’amour et <strong>de</strong> bénéfices narcissiques.<br />
Ces parents âgés vont être<br />
confrontés a la comparaison avec <strong>de</strong>s<br />
familles d’amis <strong>de</strong>s enfants. Pour parer<br />
à cette défaillance, ils auront tendance<br />
à compenser par une surabondance<br />
<strong>de</strong> ca<strong>de</strong>aux et l’anticipation <strong>de</strong> ses<br />
moindres souhaits. L’enfant trop<br />
conscient <strong>de</strong> son importance risque <strong>de</strong><br />
multiplier les exigences.<br />
Parfois, il n’apparaît pas d’éléments évi<strong>de</strong>nts<br />
concrets favorisant cette évolution.<br />
Pas <strong>de</strong> facteurs comme une maladie<br />
somatique ou un conflit parental<br />
manifeste, il faut reprendre l’histoire<br />
familiale pas à pas. Il n’est pas rare <strong>de</strong><br />
Françoise Dolto<br />
constater que <strong>de</strong>s parents expriment<br />
leur refus <strong>de</strong> reproduire ce qu’ils ont<br />
vécu eux-mêmes durant leur enfance.<br />
Ils évoquent <strong>de</strong>s relations rigi<strong>de</strong>s et peu<br />
chaleureuses avec leurs propres parents.<br />
Les thèmes <strong>de</strong> carences d’amour et<br />
du manque <strong>de</strong> disponibilité sont récurrents.<br />
Ainsi, ils manifestent le désir<br />
d’être un parent chaleureux et compréhensible,<br />
quelle que soit la situation,<br />
les amenant à négliger le besoin<br />
d’autorité et <strong>de</strong> limites dont les enfants<br />
ont besoin pour se structurer. Toute<br />
discussion éducative fait l’objet <strong>de</strong><br />
longues explications, voire <strong>de</strong> négociations<br />
soutenues.<br />
Il existe, <strong>de</strong> façon constante, une perturbation<br />
<strong>de</strong> l’autorité parentale même<br />
en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s disputes ou <strong>de</strong>s crises<br />
<strong>de</strong> colère. Les parents n’arrivent pas à<br />
fixer <strong>de</strong>s limites. Pour certains parents,<br />
imposer <strong>de</strong>s limites relève du <strong>de</strong>spotisme<br />
ou <strong>de</strong> l’abus <strong>de</strong> pouvoir. Dire<br />
non à l’enfant, c’est le contrarier, ce<br />
qui culpabilise les parents.<br />
Une forte dépendance<br />
affective<br />
On la retrouve, <strong>de</strong> façon quasi permanente,<br />
dans toutes les situations <strong>de</strong><br />
parents martyrs. Dans les cas d’enfants<br />
tyrans garçons, très souvent la relation<br />
mère-fils baigne dans une « a m b i a n c e »<br />
incestueuse. La mère développe un<br />
grand investissement <strong>de</strong> l’enfant (souvent<br />
plus important qu’avec son<br />
conjoint) lui laissant peu d’autonomie,<br />
agissant et parlant à sa place, exigeant<br />
sa présence continuelle auprès d’elle,<br />
exauçant immédiatement ses désirs,<br />
prévenant les frustrations, effectuant à<br />
sa place les efforts nécessaires. Ces relations<br />
incestueuses prennent <strong>de</strong>s formes<br />
diverses, allant du climat érotique à <strong>de</strong>s<br />
relations sexuelles complètes entre<br />
l’adulte et l’enfant. L’érotisation <strong>de</strong>s<br />
relations peut se traduire par la<br />
recherche constante d’une certaine<br />
proximité physique. Mère et fils peuvent<br />
partager le même lit. Souvent, la<br />
famille met en avant le fait que le fils<br />
n’a jamais pu s’endormir dans son lit<br />
seul. L’agressivité envers le parent<br />
<strong>de</strong>vient effective lorsqu’une certaine<br />
ambivalence vient compliquer le lien<br />
incestueux. Soit elle est le fait <strong>de</strong> l’enfant<br />
qui « é t o u f f e », souffre <strong>de</strong> cette<br />
emprise parentale exclusive. Dans cette<br />
relation <strong>de</strong> dépendance affective, l’enfant<br />
ne parvient à ménager son autonomie<br />
voire son i<strong>de</strong>ntité qu’en ayant<br />
recours au passage à l’acte agressif. « L a<br />
violence dans les relations diurnes rétablit<br />
ainsi comme une distance <strong>de</strong> sécurité et<br />
un déni explicite au besoin vital mais<br />
apparemment inavouable qu’éprouve<br />
chacun <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> ces familles à<br />
vivre dans une étroite interdépendance »<br />
(Sibertin-Blanc, 1984). Soit elle vient<br />
<strong>de</strong>s parents qui prenant conscience <strong>de</strong><br />
cette relation <strong>de</strong> dépendance tentent<br />
d’y mettre fin. Ce lien incestueux peut<br />
Film 1 - Tu as choisi <strong>de</strong> naître - 53 mn<br />
Film 2 - Parler vrai - 55 mn<br />
Film 3 - N’ayez pas peur - 53 mn<br />
Complément - Maud Mannoni, évocations - 22 mn<br />
Trois films <strong>de</strong> Elisabeth Coronel et Arnaud <strong>de</strong> Mezamat<br />
Gallimard, 39,90 E<br />
Cette édition rassemble, dans une version renumérisée, trois films <strong>de</strong> référence<br />
consacrés à la vie et à l’œuvre <strong>de</strong> Françoise Dolto. Diffusés pour la première fois<br />
en 1995, ces films ont connu un succès en France et à l’étranger, à la télévision<br />
et dans les festivals. Ils furent récompensés en 1997 par le Grand Prix <strong>de</strong> l’Académie<br />
Charles Cros. Cette édition propose, en outre, les compléments suivants :<br />
un entretien inédit <strong>de</strong> 20 minutes avec Maud Mannoni, un châpitrage détaillé <strong>de</strong>s<br />
trois films, un sous-titrage en français pour les sourds ou les malentendants, un<br />
livret exclusif <strong>de</strong> quarante pages comprenant en particulier une bibliographie commentée<br />
<strong>de</strong> l’œuvre éditée <strong>de</strong> Françoise Dolto (mise à jour 2005). Ces films sont<br />
construits à partir <strong>de</strong> plusieurs éléments :<br />
- <strong>de</strong>s archives inédites dans lesquelles Françoise Dolto apporte <strong>de</strong>s témoignages<br />
d i r e c t s ,<br />
- <strong>de</strong>s interviews <strong>de</strong> psychanalystes et d’historiens qui ont connu et travaillé avec<br />
Françoise Dolto,<br />
- <strong>de</strong>s situations concrètes tournées en France et en Belgique (La Maison Verte,<br />
La pouponnière d’Antony),<br />
- une importante source <strong>de</strong> documents iconographiques.<br />
Dormir dans le lit <strong>de</strong>s parents augmente le risque<br />
<strong>de</strong> mort subite du nourrisson avant 3 mois<br />
Les bébés qui dorment dans le lit <strong>de</strong> leurs parents, même si ceux-ci sont nonfumeurs,<br />
ont un risque accru <strong>de</strong> mort subite avant 11 semaines <strong>de</strong> vie, selon<br />
une étu<strong>de</strong> cas-contrôles écossaise*.<br />
Des étu<strong>de</strong>s antérieures n'ont pas montré d'association entre la mort subite<br />
du nourrisson et le partage du lit si les parents étaient non-fumeurs et n'avaient<br />
consommé ni alcool ni médicament. Le partage du lit est actuellement promu<br />
afin <strong>de</strong> favoriser l'allaitement maternel. Mais l'augmentation <strong>de</strong> cette pratique<br />
aux Etats-Unis a vu, en parallèle, une augmentation <strong>de</strong> la prévalence du partage<br />
<strong>de</strong> lit parmi les morts subites du nourrisson.<br />
David Tappin <strong>de</strong> l'Université <strong>de</strong> Glasgow et ses collègues ont comparé 123<br />
nourrissons décédés <strong>de</strong> mort subite entre janvier 1996 et mai 2000 et 263<br />
contrôles, soit environ 2 pour chaque cas, les contrôles étant constitués par<br />
les enfants nés immédiatement avant et immédiatement après un cas dans<br />
la même maternité. Le partage d'une couche avec les parents était associé à<br />
un risque accru <strong>de</strong> mort subite du nourrisson, multiplié par 2,89. Le risque<br />
le plus élevé était associé au fait <strong>de</strong> dormir sur un canapé avec les parents,<br />
quel que soit l'âge <strong>de</strong> l'enfant, le risque <strong>de</strong> mort subite étant alors multiplié<br />
par 66,9. Sur 46 nourrissons décédés qui partageaient leur couche lors <strong>de</strong><br />
leur <strong>de</strong>rnier sommeil, 87% étaient dans le lit <strong>de</strong>s parents. Avant 11 semaines<br />
<strong>de</strong> vie, cette situation était associée à un risque <strong>de</strong> mort subite multiplié par<br />
10,20, tandis qu'après 11 semaines le risque n'était augmenté que <strong>de</strong> 7%.<br />
Chez les enfants <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 11 semaines, l'association forte avec le risque<br />
<strong>de</strong> mort subite était observée quelle que soit la durée du partage du lit, la<br />
proximité <strong>de</strong>s parents, et la localisation dans le lit. Le fait <strong>de</strong> dormir entre les<br />
<strong>de</strong>ux parents était associé au plus grand risque (OR = 28,6). Toujours chez<br />
les plus jeunes, le risque <strong>de</strong> mort subite associé au partage du lit était présent<br />
même si la mère était non fumeuse, le risque étant alors multiplié par 8,01.<br />
Par ailleurs, le fait <strong>de</strong> dormir dans une chambre séparée <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s parents<br />
n'était pas associé à un risque accru <strong>de</strong> mort subite, sauf en cas <strong>de</strong> parents<br />
fumeurs, le risque étant alors multiplié par 12,2. En conclusion, les auteurs<br />
écrivent que « nous soutenons l'avis du ministère <strong>de</strong> la Santé britannique selon<br />
lequel la place la plus sûre pour dormir pour un bébé est dans un lit <strong>de</strong> bébé<br />
dans la chambre <strong>de</strong> ses parents pendant les 6 premiers mois ». W<br />
P.C.<br />
*The <strong>Journal</strong> of Pediatrics, Vol 147 No 1, pp. 32-37<br />
se rompre également indirectement du<br />
fait d’une séparation physique parentenfant<br />
(lors d’une séparation parentale<br />
par exemple). L’enfant est tenté alors<br />
<strong>de</strong> réagir agressivement pour essayer<br />
<strong>de</strong> maintenir sa place privilégiée.<br />
Un couple désinvesti<br />
Très souvent, ces parents présentent en<br />
général une apparence <strong>de</strong> couple uni,<br />
maintenant une alliance <strong>de</strong> faça<strong>de</strong>. Au<br />
fil <strong>de</strong>s consultations, on s’aperçoit que<br />
leur relation est creuse. On se rend<br />
compte qu’un fils essaye d’occuper la<br />
place symbolique du conjoint, surtout<br />
lorsque ce <strong>de</strong>rnier est disqualifié par<br />
l’épouse. Il existe, très souvent, une<br />
alliance forte avec un <strong>de</strong>s parents au<br />
détriment <strong>de</strong> la relation conjugale. Le<br />
couple est désinvesti au profit <strong>de</strong> l’enfant.<br />
Les pères sont symboliquement<br />
ou physiquement absents. Ils sont parfois<br />
dévalorisés par l’entourage, physiquement<br />
affaiblis, décédés ou ont abandonné<br />
l’enfant rapi<strong>de</strong>ment après la<br />
naissance. « Le parent du même sexe que<br />
l’enfant battant (le père en général) n’assure<br />
pas son rôle d’objet désirant pour la mère.<br />
Même s’il est présent physiquement, il est en<br />
réalité absent car dévalorisé, disqualifié par<br />
la mère » (Dugas, 1985). La complicité<br />
passive avec l’enfant est également possible,<br />
le père se positionnant en spectateur<br />
<strong>de</strong>s troubles du comportement<br />
sans parvenir à mettre en place <strong>de</strong>s<br />
limites éducatives cohérentes (Maqueda,1988).<br />
Dans les situations <strong>de</strong> mésentente<br />
ou séparation parentale, il peut<br />
parfois exister un conflit <strong>de</strong> loyauté.<br />
L’enfant, tiraillé entre l’un et l’autre <strong>de</strong><br />
ses parents, peut se rallier à celui qu’il<br />
juge injustement agressé. Le risque est,<br />
dans ce cas, l’installation d’une relation<br />
d’exclusivité entre l’enfant et le parent<br />
avec lequel il a choisi <strong>de</strong> s’allier. On<br />
peut observer <strong>de</strong>s situations similaires<br />
dans certaines familles monoparentales,<br />
lorsque le lien parent-enfant n’est pas<br />
contre-balancé par les investissements<br />
affectifs, intellectuels ou professionnels<br />
du père ou <strong>de</strong> la mère. Une telle relation<br />
fusionnelle peut favoriser la survenue<br />
<strong>de</strong> comportements tyranniques.<br />
Dans d’autres cas, « l’enfant par i<strong>de</strong>ntification<br />
au parent insatisfait <strong>de</strong>vient agressif<br />
et opposant comme s’il reprenait à son<br />
compte les reproches que le parent victime<br />
formulent clairement ou non » ( P u rper-Ouakil,<br />
2004).<br />
Conclusion<br />
Même si elles présentent <strong>de</strong>s caractéristiques<br />
communes sur le plan psychopathologique,<br />
les situations <strong>de</strong><br />
maltraitance parentale sont très hétérogènes<br />
et il n’est pas toujours facile<br />
<strong>de</strong> les repérer car peu <strong>de</strong> familles osent<br />
consulter. Quand elles le font, il n’est<br />
pas rare que les parents minimisent la<br />
violence à leur égard. Il paraît important<br />
que les professionnels <strong>de</strong> santé mentale<br />
(mais pas seulement) soient sensibilisés<br />
à ce phénomène afin d’orienter au<br />
mieux la prise en charge. Outre l’abord<br />
psychothérapique individuel du parent<br />
victime, les psychothérapies familiales<br />
qu’elles soient analytiques ou systémiques<br />
constituent l’indication <strong>de</strong> choix.<br />
En pratique, le traitement <strong>de</strong> ces situations<br />
est difficile car la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
changement <strong>de</strong>s familles est ambivalente<br />
et la résistance aux soins importante.<br />
Les interruptions thérapeutiques<br />
ne sont pas rares ainsi que le nomadisme<br />
médical. Toute remise en question<br />
<strong>de</strong> la dynamique familiale, <strong>de</strong>s pratiques<br />
éducatives et du climat affectif<br />
est évitée. Des entretiens individuels<br />
avec les parents et les enfants peuvent<br />
être d’abord proposés dans l’idée <strong>de</strong><br />
préparer à <strong>de</strong>s entretiens familiaux ou<br />
un projet thérapeutique et éducatif<br />
a d a p t é . W<br />
E. Delaunay*<br />
* Département médico-psychologique du 14ème<br />
arrondissement, CH Sainte-Anne , 1rue Cabanis,<br />
75014 Paris.<br />
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tyranny observations on the tyrannical child,<br />
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Paris 7, Lariboisière – Saint-Louis, 1978.<br />
LIVRES<br />
Portrait <strong>de</strong> groupe avec<br />
a n a l y s t e<br />
Des enfants polyhandicapés en<br />
institution<br />
Michèle Faivre-Jussiaux<br />
Erès, 15 E<br />
L’ouverture d’un service pour enfants<br />
polyhandicapés au sein d’un IME,<br />
dans une population où psychose,<br />
autisme et débilité, considérés comme<br />
handicaps majeurs, affectent le psychisme<br />
tout en épargnant le corps,<br />
pose <strong>de</strong> multiples questions.<br />
Auparavant, les enfants polyhandicapés<br />
étaient regroupés dans quelques<br />
centres peu nombreux et souvent<br />
éloignés du domicile parental.<br />
L’admission <strong>de</strong> cette population, qui<br />
semble en voie <strong>de</strong> développement,<br />
dans divers services médico-éducatifs<br />
a eu comme principal avantage<br />
<strong>de</strong> rapprocher géographiquement<br />
certains enfants <strong>de</strong> leur famille. Quant<br />
à la discrimination qu’elle aurait pu<br />
contribuer à enrayer, elle n’est que<br />
reconduite dans les nouvelles structures<br />
d’accueil où les unités pour enfants<br />
polyhandicapés se retrouvent<br />
vite marginalisées. Les mêmes causes<br />
engendrent les mêmes effets, et cette<br />
invariante reproduction <strong>de</strong>s conditions<br />
<strong>de</strong> la ségrégation exigerait une<br />
vigilance <strong>de</strong> chaque instant pour être,<br />
sinon évitée, du moins réinterrogée.<br />
C’est à partir <strong>de</strong> telles interrogations<br />
que s’est construit cet essai.<br />
Danse avec l’inconscient<br />
Les coulisses <strong>de</strong> la<br />
psychothérapie<br />
Francesca Champignoux<br />
Calman-Lévy, 17 E<br />
Psychologue et psychothérapeute à<br />
Milan, Montpellier et Paris, Francesca<br />
Champignoux propose une prise en<br />
charge <strong>de</strong>s difficultés psychologiques<br />
dans un cadre qui, selon sa propre<br />
expression, « pourra apparaître comme<br />
excessivement souple, mobile et fluctuant<br />
».<br />
Et <strong>de</strong> fait, à côté <strong>de</strong> prises en charge<br />
plus ou moins « classiques », elle n’hésite<br />
pas à « sauter le pas ». Nous parlant<br />
d’une patiente dont elle a fait la<br />
connaissance chez <strong>de</strong>s amis communs,<br />
elle ne cache pas son émotion<br />
et son projet : « Qu’elle était belle ! (...).<br />
Comment l’intéresser ? (...) Comment<br />
la séduire ? (...). J’ai réussi à lui glisser<br />
ma carte <strong>de</strong> visite tout en l’invitant à<br />
venir découvrir mon atelier ». F. Champignoux<br />
nous apprend, en effet, qu’elle<br />
est aussi décoratrice et que le mélange<br />
<strong>de</strong>s genres ne la gêne nullement.<br />
Ainsi, à cette femme déprimée,<br />
perdue, en instance <strong>de</strong> divorce, elle<br />
ose dire : « Laisse-toi aimer par moi et<br />
tu verras ensuite ». S’ensuit une véritable<br />
lune <strong>de</strong> miel avec elle en Toscane,<br />
à l’issue <strong>de</strong> laquelle la patiente<br />
divorce. F. Champignoux lui fait rencontrer<br />
<strong>de</strong>s amis et amies à elle, dont<br />
<strong>de</strong>ux call-girls. La patiente <strong>de</strong>viendra<br />
finalement call-girl à son tour... Curieuse<br />
psycho(?) thérapie (?), tout <strong>de</strong><br />
même...<br />
M . G o u t a l<br />
5
6<br />
LIVRES<br />
PSYCHANALYSE<br />
Mais où est donc... ma<br />
mémoire ?<br />
Découvrir et maîtriser les<br />
procédures mnémotiques<br />
Alain Lieury<br />
Dunod, 18,50 €<br />
Ce livre offre un bilan <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s<br />
en fonction d’évaluations expérimentales.<br />
Après une première partie<br />
historique, qui retrace les lointaines<br />
racines <strong>de</strong> certaines métho<strong>de</strong>s, une<br />
<strong>de</strong>uxième partie rappelle quelques<br />
mécanismes <strong>de</strong> base <strong>de</strong> la mémoire<br />
dont la connaissance est nécessaire<br />
pour comprendre l’efficacité ou, à l’inverse,<br />
les raisons <strong>de</strong> l’inefficacité <strong>de</strong><br />
certaines métho<strong>de</strong>s. La troisième partie<br />
présente une classification <strong>de</strong>s procédés<br />
mnémothechniques en « co<strong>de</strong>s,<br />
indices, plans » et leur évaluation par<br />
<strong>de</strong>s expériences. Proposée dans une<br />
première édition, cette classification<br />
a été adoptée dans un classement<br />
pour les bibliothèques. La plupart <strong>de</strong>s<br />
métho<strong>de</strong>s classiques peuvent être<br />
vues, en effet, comme <strong>de</strong>s cas particuliers,<br />
astucieux, <strong>de</strong> mécanismes <strong>de</strong><br />
codage et <strong>de</strong> récupération. Enfin, une<br />
quatrième partie est consacrée aux<br />
apports et limites <strong>de</strong> ces métho<strong>de</strong>s,<br />
ainsi qu’aux nouvelles perspectives.<br />
La dissociation d’une<br />
personnalité<br />
Etu<strong>de</strong> biographique <strong>de</strong><br />
psychologie pathologique<br />
Le cas Miss Beauchamp<br />
1906<br />
Morton Prince<br />
Avec une introduction <strong>de</strong> Serge<br />
Nicolas<br />
L’Harmattan, 44 €<br />
Le mé<strong>de</strong>cin américain Morton Prince<br />
(1854-1929) doit sa réputation à ses<br />
étu<strong>de</strong>s sur les personnalités multiples.<br />
Miss Beauchamp (<strong>de</strong> son vrai nom<br />
Clara Ellen Fowler) reste la figure emblématique<br />
<strong>de</strong> son œuvre. Il réunira<br />
l’ensemble <strong>de</strong> ses observations sur<br />
cette patiente dans son ouvrage intitulé<br />
: « The Dissociation of a Personality.<br />
A biographical study in abnormal<br />
psychology » (1906). Il s’agit,<br />
certainement, <strong>de</strong> l’histoire la plus complète<br />
qui ait été donnée d’un cas présentant<br />
<strong>de</strong>s personnalités multiples.<br />
Cette histoire est passionnante comme<br />
un roman et William James ne s’y est<br />
pas trompé lorsqu’il écrit à l’auteur<br />
le 28 septembre 1906 : « J’en suis ravi.<br />
Non seulement le cas est probablement<br />
<strong>de</strong>stiné à <strong>de</strong>venir historique, mais encore<br />
votre exposé est un parfait exemple<br />
<strong>de</strong> lucidité et <strong>de</strong> maîtrise narrative. Je<br />
le considère comme un classique ». C’est<br />
au printemps 1898 que Miss Beauchamp<br />
consulte le Dr Prince pour ses<br />
troubles neurasthéniques (maux <strong>de</strong><br />
tête, insomnie, douleurs, fatigue, etc.).<br />
Mais, alors qu’elle est sous hypnose,<br />
une nouvelle personnalité apparaît,<br />
elle est enjouée, effrontée et impertinente.<br />
Elle se nomme Sally. Prince<br />
pense maintenant qu’il y a trois personnalités<br />
distinctes BI (la sainte) est<br />
la véritable Miss Beauchamp ; BII est<br />
la personnalité sous hypnose ; BIII (la<br />
diablesse puérile) est Sally. Une quatrième<br />
personnalité fera son apparition<br />
par la suite. C’est dans la perspective<br />
théorique <strong>de</strong> Pierre Janet que<br />
Prince va interpréter le cas Miss Beauchamp.<br />
Le texte est précédé d’une introduction<br />
où l’on trouve une biographie<br />
<strong>de</strong> l’auteur et une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
son œuvre, <strong>de</strong> nouveaux éléments<br />
biographiques concernant Miss Beauchamp,<br />
puis enfin une reproduction<br />
du rapport préliminaire <strong>de</strong> Prince sur<br />
Miss Beauchamp publié à l’occasion<br />
du IV e Congrès international <strong>de</strong> psychologie<br />
qui eut lieu à Paris en 1900.<br />
<br />
mala<strong>de</strong>s, ou bien nous ne pouvons les<br />
soigner longtemps, parce que la possibilité<br />
d’un succès thérapeutique est la condition<br />
<strong>de</strong> notre traitement. C’est pourquoi<br />
je n’arrive qu’exceptionnellement à entrevoir<br />
plus profondément la structure <strong>de</strong><br />
la paranoïa, soit que l’incertitu<strong>de</strong> d’un<br />
diagnostic, d’ailleurs pas toujours facile à<br />
poser, justifie une tentative d’intervention,<br />
soit que je cè<strong>de</strong> aux instances <strong>de</strong> la<br />
famille et que je prenne alors en traitement<br />
pour quelques temps un mala<strong>de</strong><br />
dont le diagnostic ne fait cependant pas<br />
<strong>de</strong> doute » (1). Le traitement psychanalytique<br />
<strong>de</strong>s psychoses est donc raccordé,<br />
pour une part, à la difficulté particulière<br />
<strong>de</strong> la prise en charge en cabinet,<br />
la prise en charge à l’asile étant alors la<br />
référence unique dans ce domaine. Le<br />
cadre asilaire permettrait, selon Freud,<br />
<strong>de</strong>s investigations psychanalytiques, qui<br />
seront développés d’ailleurs par Jung<br />
et Bleuler. Freud n’exclue, cependant<br />
pas, dans ce texte <strong>de</strong> 1911 un traitement<br />
en cabinet, notamment lorsque la<br />
famille insiste ou lorsque la pathologie<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> un éclaircissement entre<br />
névrose et psychose. Le moteur du<br />
traitement psychanalytique étant le<br />
transfert, implicitement l’existence d’un<br />
transfert possible dans la psychose est<br />
donc reconnue par Freud.<br />
Il peut être avancé que ce texte <strong>de</strong><br />
1911 concerne l’étu<strong>de</strong> d’un écrit psychotique,<br />
les Mémoires du Prési<strong>de</strong>nt<br />
Schreber, différente, par conséquent,<br />
d’une étu<strong>de</strong> à partir d’une rencontre<br />
avec un sujet. La question du transfert<br />
n’a certes pas la même portée. Néanmoins,<br />
Freud dégagera <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong><br />
un élément essentiel qui concerne le<br />
transfert. Il raccor<strong>de</strong>, en effet, l’éclosion<br />
du délire <strong>de</strong> Schreber aux conditions <strong>de</strong><br />
transfert envers son thérapeute. Cela<br />
est un fait d’importance qui orientera la<br />
conduite <strong>de</strong>s cures en général. Lacan le<br />
reprend dans le séminaire III dans la<br />
séance du 31 mai 1956 : « Il arrive<br />
que nous prenions <strong>de</strong>s pré-psychotiques<br />
en analyse, et nous savons ce que cela<br />
donne –cela donne <strong>de</strong>s psychotiques. On<br />
ne se poserait pas la question <strong>de</strong>s contreindications<br />
<strong>de</strong> l’analyse si nous n’avions<br />
pas tous en mémoire tel cas <strong>de</strong> notre<br />
pratique, ou <strong>de</strong> la pratique <strong>de</strong> nos collègues,<br />
où une belle et bonne psychose –<br />
psychose hallucinatoire, je ne parle pas<br />
d’une schizophrénie précipitée – est déclenchée<br />
lors <strong>de</strong>s premières séances d’analyse<br />
un peu chau<strong>de</strong>s, à partir <strong>de</strong> quoi le<br />
bel analyste <strong>de</strong>vient rapi<strong>de</strong>ment un émetteur<br />
qui fait entendre toute la journée à<br />
l’analysé ce qu’il doit faire et ne pas faire.<br />
Ne touchons-nous pas là dans notre<br />
expérience même, et sans avoir à le chercher<br />
plus loin, à ce qui est au cœur <strong>de</strong>s<br />
motifs d’entrée dans la psychose ? » (2).<br />
L’effet du transfert dans la situation<br />
inaugurale <strong>de</strong> l’analyse peut faire<br />
déclencher une psychose, et parait un<br />
argument supplémentaire contre l’analyse<br />
<strong>de</strong>s psychoses. Pourtant, dans ce<br />
texte <strong>de</strong> Freud sur les mémoires <strong>de</strong><br />
Schreber, texte qui vaut l’éloge <strong>de</strong><br />
Lacan « ce que Freud a écrit <strong>de</strong> mieux »,<br />
apparaît un énoncé fondamental pour<br />
le traitement psychanalytique <strong>de</strong>s psychoses<br />
: « Ce que nous prenons pour<br />
une production morbi<strong>de</strong>, la formation<br />
du délire, est en réalité une tentative <strong>de</strong><br />
guérison, une reconstruction » (3).<br />
Une question reste en suspens : comment<br />
le génie freudien qui déchiffre<br />
un écrit psychotique <strong>de</strong> manière aussi<br />
limpi<strong>de</strong>, en faisant référence au transfert<br />
du sujet envers son thérapeute puis<br />
envers Dieu, dans la logique <strong>de</strong> la production<br />
<strong>de</strong>s manifestations morbi<strong>de</strong>s,<br />
aboutit dans ce qui s’est transmis à un<br />
impératif : « Il n’y a pas <strong>de</strong> transfert<br />
dans la psychose ou s’il y en a, il ne se<br />
prête pas au traitement analytique ».<br />
Il convient <strong>de</strong> reprendre la question<br />
au départ <strong>de</strong> la découverte freudienne.<br />
La découverte<br />
freudienne<br />
Le premier intérêt <strong>de</strong> Freud était l’hystérie,<br />
et Lacan résume cette découverte<br />
en 1975 : « Ce fut pendant qu’il écou-<br />
tait les hystériques qu’il lut qu’il y avait<br />
un inconscient » (4). Il y a passage <strong>de</strong><br />
l’écoute d’un discours à une lecture.<br />
Cette découverte <strong>de</strong> l’inconscient s’accompagne<br />
<strong>de</strong> celle du transfert. Lacan<br />
insiste, dans cette conférence, sur l’importance<br />
du contact avec la psychose<br />
dès le début <strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s en psychiatrie<br />
: « Ça a été une sorte <strong>de</strong> glissa<strong>de</strong>,<br />
du fait qu’à la fin <strong>de</strong> mes étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />
je fus amené à voir <strong>de</strong>s fous et à en<br />
parler, et fus ainsi conduit à Freud qui en<br />
parla dans un style, qui à moi aussi, s’est<br />
imposé <strong>de</strong> fait <strong>de</strong> mon contact avec la<br />
maladie mentale ». Lacan fait également<br />
dans cette conférence un distinguo<br />
avec Freud qui, contrairement à lui, a<br />
pour principal intérêt l’hystérie et non<br />
la psychose. Il conviendrait dans l’ensemble.<br />
Un <strong>de</strong>s premiers textes <strong>de</strong><br />
Freud : Nouvelles remarques sur les psychonévroses<br />
<strong>de</strong> défense publié en 1896<br />
est consacré dans ce cadre, certes à<br />
l’hystérie et l’obsession mais aussi à<br />
l’analyse d’un cas <strong>de</strong> paranoïa chronique.<br />
Freud fait part du traitement<br />
psychanalytique d’une patiente, Madame<br />
P. Ce qui est intéressant <strong>de</strong> noter<br />
est la conception continuiste <strong>de</strong> Freud<br />
entre névrose et psychose à l’époque,<br />
une théorie issue <strong>de</strong> sa pratique et donc<br />
d’une pratique <strong>de</strong> transfert : « (…) grâce<br />
à la bonté du Dr J.Breuer, il me fut possible<br />
<strong>de</strong> soumettre à une psychanalyse<br />
dans un but thérapeutique le cas d’une<br />
femme intelligente, âgée <strong>de</strong> trente-<strong>de</strong>ux<br />
ans, qu’on ne pourra refuser <strong>de</strong> caractériser<br />
comme paranoïa chronique » (5). Il<br />
écrit encore : « Depuis assez longtemps<br />
je nourris le soupçon que la paranoïa –<br />
ou les groupes <strong>de</strong> cas qui appartiennent<br />
à la paranoïa – est une psychose <strong>de</strong><br />
défense, c’est-à-dire que, comme l’hystérie<br />
et les obsessions, elle provient du<br />
refoulement <strong>de</strong> souvenirs pénibles, et que<br />
ses symptômes sont déterminés dans leur<br />
forme par le contenu du refoulé » (6).<br />
Qu’indique Freud dans cette observation<br />
<strong>de</strong> Mme P ? La circonstance <strong>de</strong><br />
déclenchement est la maternité, le<br />
trouble est d’abord <strong>de</strong> l’ordre d’un<br />
changement relationnel, avec les frères<br />
et sœurs <strong>de</strong> son mari, les voisins qui<br />
se comportent avec elle autrement<br />
qu’avant. Ce changement a un caractère<br />
<strong>de</strong> rabaissement et aboutit au sentiment<br />
qu’on avait quelque chose<br />
contre elle. Ce sentiment ne laisse<br />
aucun doute mais reste énigmatique :<br />
« (…) on avait quelque chose contre elle,<br />
bien qu’elle ne pût avoir l’idée <strong>de</strong> ce que<br />
ça pouvait être. Mais il n’y avait aucun<br />
doute, tout le mon<strong>de</strong> – parents et amis–<br />
lui refusait toute considération et faisait<br />
tout pour la blesser. Elle se cassait la tête<br />
pour savoir d’où cela provenait ; mais<br />
elle ne le savait pas » (7). Le point <strong>de</strong><br />
départ <strong>de</strong> la psychose <strong>de</strong> cette patiente,<br />
tel qu’il est décrit par Freud, correspond,<br />
à ce que Lacan signale, <strong>de</strong><br />
façon lumineuse, dans le séminaire III<br />
« (…) le délire commence à partir du<br />
moment où l’initiative vient d’un Autre,<br />
avec un A majuscule, où l’initiative est<br />
fondée sur une activité subjective. L’Autre<br />
veut cela, et il veut surtout qu’on le sache,<br />
il veut le signifier » (8).<br />
Pour revenir sur la question du transfert,<br />
ce qui est mis en évi<strong>de</strong>nce par<br />
Freud dès 1896 est qu’il y a, dans ce<br />
cas <strong>de</strong> psychose, un transfert <strong>de</strong> signification,<br />
un transfert d’attribution du<br />
désir à l’autre et que cet autre veut le<br />
signifier à un tiers.<br />
Ce qui est tout à fait mis en évi<strong>de</strong>nce<br />
dans le processus par Freud, dans sa<br />
dynamique subjective est qu’après cette<br />
initiative malveillante et énigmatique<br />
<strong>de</strong>s autres à son égard, vient comme<br />
manifestation symptomatique, le scopique,<br />
l’événement <strong>de</strong> corps et la voix.<br />
La patiente se plaint d’être observée,<br />
notamment le soir lorsqu’elle se déshabille,<br />
ce qui l’entraîne à se déshabiller en<br />
se glissant au lit dans l’obscurité en se<br />
dévêtant seulement sous les couvertures.<br />
Le refus <strong>de</strong> relation avec les<br />
autres, le refus <strong>de</strong> nourriture ont nécessité,<br />
pendant l’été 1895, <strong>de</strong>s soins dans<br />
un établissement d’hydrothérapie. Il est<br />
intéressant <strong>de</strong> noter que Freud indique<br />
que <strong>de</strong> nouveaux symptômes apparurent<br />
tandis que les anciens se renforçaient.<br />
Le traitement qui a pour objet<br />
l’ensemble <strong>de</strong> la peau, l’ensemble <strong>de</strong><br />
l’enveloppe corporelle, a pour effet <strong>de</strong><br />
développer <strong>de</strong> nouveaux symptômes<br />
qui concernent le corps.<br />
Nous avons souligné dans notre thèse<br />
<strong>de</strong> Doctorat <strong>de</strong> Psychanalyse (9), la fonction<br />
particulière qu’a la peau dans la<br />
logique psychotique, à savoir une fonction<br />
<strong>de</strong> suppléance par rapport à celle<br />
du phallus. La peau est donc sollicitée<br />
soit vers un plus <strong>de</strong> jouir soit vers un<br />
moins <strong>de</strong> jouir et cela a <strong>de</strong>s effets, <strong>de</strong>s<br />
symptômes. Ces symptômes concernent<br />
la sexualité : « Elle ressentait ses<br />
organes génitaux « comme on ressent<br />
une main lour<strong>de</strong> ». Alors elle commença<br />
à voir <strong>de</strong>s images qui la remplissaient<br />
d’horreur, <strong>de</strong>s hallucinations <strong>de</strong> nudités<br />
féminines, en particulier un bas-ventre<br />
féminin nu avec sa pilosité » (10). Ces<br />
symptômes survenaient, généralement,<br />
lorsqu’elle était en compagnie d’une<br />
femme « et il s’y ajoutait l’interprétation<br />
qu’elle voyait alors cette femme dans<br />
une nudité inconvenante, mais qu’au<br />
même moment la femme avait d’elle la<br />
même image » (11). Puis vinrent <strong>de</strong>s voix<br />
lorsqu’elle était dans la rue : « Voilà<br />
Mme P. elle s’en va. Où va-t-elle ? ». La<br />
question <strong>de</strong> son désir se pose, est attribuée<br />
à l’autre et lui revient sans lien<br />
avec le symbolique, c’est-à-dire sans<br />
lien avec la fonction habituelle du<br />
manque.<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
Le transfert dans la psychose ?<br />
Une question freudienne<br />
12 octobre 2005<br />
9 novembre 2005<br />
7 décembre 2005<br />
C’est après ces événements que Freud<br />
la soigna pendant l’hiver 1895. Il appliqua<br />
la métho<strong>de</strong> psychanalytique : « Je<br />
trouvai l’étiologie lorsque je mis en application,<br />
tout comme dans une hystérie,<br />
la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> Breuer, tout d’abord pour<br />
étudier et supprimer les hallucinations.<br />
Je partais là <strong>de</strong> la présupposition qu’il<br />
<strong>de</strong>vait y avoir dans cette paranoïa,<br />
comme dans les <strong>de</strong>ux autres névroses<br />
<strong>de</strong> défense que je connais, <strong>de</strong>s pensées<br />
inconscientes et <strong>de</strong>s souvenirs refoulés<br />
qui, <strong>de</strong> la même façon, peuvent être amenés<br />
à la conscience lorsqu’ est surmontée<br />
une certaine résistance ; la patiente confirma<br />
aussitôt cette attente en se comportant<br />
dans l’analyse tout à fait à l’exemple<br />
d’une hystérique et, son attention étant<br />
dirigée par la pression <strong>de</strong> ma main (cf. les<br />
Etu<strong>de</strong>s sur l’hystérie), en amenant <strong>de</strong>s<br />
pensées qu’elle ne se souvenait pas avoir<br />
eues, qu’elle ne comprenait pas tout<br />
d’abord et qui contredisaient son attente.<br />
La présence <strong>de</strong> représentations inconscientes<br />
importantes était ainsi démontrée<br />
pour un cas <strong>de</strong> paranoïa aussi, et je pouvais<br />
espérer ramener également la compulsion<br />
<strong>de</strong> la paranoïa au refoulement<br />
» (12). Freud utilise la métho<strong>de</strong><br />
associative et <strong>de</strong> remémoration <strong>de</strong>s<br />
souvenirs. Le point <strong>de</strong> départ du processus<br />
associatif sera l’image du basventre<br />
féminin et surtout la sensation<br />
organique dans le bas-ventre, beaucoup<br />
plus constante. C’est donc à partir<br />
du corps et dans sa jointure au scopique<br />
que le travail <strong>de</strong> parole, le travail<br />
signifiant va se mettre en place. Ce travail<br />
aboutit au sentiment <strong>de</strong> honte, qui<br />
fait aller Freud vers le constat suivant :<br />
« Etant obligé <strong>de</strong> considérer cette honte<br />
comme quelque chose <strong>de</strong> compulsionnel,<br />
j’en conclue, d’après le mécanisme <strong>de</strong><br />
la défense, qu’en ce point un événement<br />
11 janvier 2006<br />
Florence Guignard Bianca Lechevalier<br />
Jean-José Baranès<br />
Béatrice Ithier<br />
8 mars 2006<br />
Françoise Fe<strong>de</strong>r<br />
10 mai 2006<br />
Marthe Cartier-Bresson<br />
14 juin 2006<br />
Gérard Lucas<br />
LIEU DES CONFÉRENCES : UNIVERSITÉ RENÉ DESCARTES<br />
Un mercredi par mois à 21h15. Conférences ouvertes à tout public - 12 rue <strong>de</strong> l’Ecole <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine 75006 Paris<br />
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mercredi : 90 € (60 € pour les étudiants - joindre copie carte), à l’unité : 15 € (10 € pour les<br />
étudiants sur présentation <strong>de</strong> la carte). AUCUNE INSCRIPTION N’EST PRISE PAR<br />
L’UNIVERSITÉ RENÉ DESCARTES.
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
avait dû être refoulé, lors duquel elle<br />
n’avait pas eu honte. Je l’invitai alors à<br />
laisser émerger les souvenirs qui appartenaient<br />
au thème <strong>de</strong> la honte » (13).<br />
La chaîne associative aboutit sur une<br />
scène à l’âge <strong>de</strong> six ans, dans la<br />
chambre <strong>de</strong>s enfants, où la patiente se<br />
dévêtait pour aller se coucher, sans<br />
avoir honte <strong>de</strong>vant son frère. Freud<br />
interprète le symptôme psychotique<br />
<strong>de</strong> surveillance : « Je compris alors ce<br />
qu’avait signifié l’idée brusquement survenue<br />
qu’on l’observait lorsqu’elle allait<br />
se coucher. C’était un fragment intact<br />
du vieux souvenir passible <strong>de</strong> reproche,<br />
et elle rattrapait maintenant en honte ce<br />
qu’elle avait omis dans son enfance ».<br />
Ce souvenir viendra en écho avec le<br />
fait que le début <strong>de</strong> sa maladie coïncidait<br />
avec une querelle entre son mari et<br />
son frère, à la suite <strong>de</strong> laquelle ce <strong>de</strong>rnier<br />
ne lui rendit plus visite, ainsi<br />
qu’avec un souvenir concernant sa<br />
belle-sœur, l’épouse <strong>de</strong> son frère, qui lui<br />
dit un jour : « Lorsque quelque chose<br />
<strong>de</strong> semblable m’arrive, je le traite par<br />
<strong>de</strong>ssus l’épaule ! », et que cela sera le<br />
point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> la conviction qu’elle<br />
est universellement méprisée et<br />
intentionnellement blessée. Ce souvenir<br />
d’une phrase banale conduit à l’interprétation<br />
du ton <strong>de</strong> la voix <strong>de</strong> la<br />
belle-sœur, considéré comme faisant<br />
signe du mépris et <strong>de</strong> l’intention <strong>de</strong><br />
blesser. Cette interprétation se produit<br />
après-coup et est pour Freud un détail<br />
caractéristique <strong>de</strong> la paranoïa. Ainsi, la<br />
phrase <strong>de</strong> Lacan : « (…) le délire commence<br />
à partir du moment où l’initiative<br />
vient d’un Autre, avec un A majuscule,<br />
où l’initiative est fondée sur une activité<br />
subjective. L’Autre veut cela, et il veut<br />
surtout qu’on le sache, il veut le signifier<br />
» (14) s’éclaire du réel freudien : il ne<br />
s’agit pas uniquement <strong>de</strong> l’Autre du<br />
symbolique comme le martèle Lacan à<br />
l’époque, mais du réel du corps, du<br />
réel <strong>de</strong> la voix, le ton <strong>de</strong> la voix <strong>de</strong> la<br />
belle-sœur, l’autre femme qui a l’objet<br />
privilégié, problématique qui s’inscrit<br />
dans une dimension du registre du<br />
20 octobre 2005<br />
Thierry Bokanowski<br />
17 novembre 2005<br />
Marc Babonneau<br />
15 décembre 2005<br />
Litza Guttieres-Green<br />
complexe <strong>de</strong> castration. Là, s’ancre le<br />
point <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>, le seul qui permette<br />
<strong>de</strong> signer la forclusion et la psychose,<br />
l’initiative vient <strong>de</strong> l’autre.<br />
La pratique <strong>de</strong> Freud amènera la<br />
patiente à <strong>de</strong>ux souvenirs par association<br />
qui concerne le frère. Freud poursuit<br />
: « C’est <strong>de</strong> façon surprenante que se<br />
résolut aussi sa manière bizarre <strong>de</strong> fixer<br />
à son frère <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>z-vous au cours <strong>de</strong>squels<br />
elle n’avait ensuite rien à dire. Son<br />
explication était la suivante : elle pensait<br />
qu’il <strong>de</strong>vait comprendre sa peine simplement<br />
à recevoir son regard, car il<br />
connaissait la cause <strong>de</strong> cette peine.<br />
Comme effectivement ce frère était<br />
l’unique personne qui pouvait savoir<br />
quelque chose <strong>de</strong> l’étiologie <strong>de</strong> sa maladie,<br />
il s’ensuit qu’elle avait agi pour un<br />
motif qu’elle ne comprenait certes pas<br />
elle-même consciemment, mais qui se<br />
montrait parfaitement justifié dès qu’on<br />
lui mettait par en-<strong>de</strong>ssous un sens venant<br />
<strong>de</strong> l’inconscient » (15). Le traitement proposé<br />
par Freud permet donc dans ce<br />
cas particulier <strong>de</strong> psychose <strong>de</strong> produire<br />
un sens qui vient <strong>de</strong> la patiente et lui<br />
permet <strong>de</strong> se séparer, en partie, <strong>de</strong> ce<br />
qui jouit d’elle à son insu et qui est<br />
attribué à l’Autre. Cela est possible par<br />
la pratique <strong>de</strong> transfert et la supposition<br />
<strong>de</strong> savoir attribuée à Freud. Cependant<br />
ce transfert n’est pas uniquement un<br />
transfert adressé au savoir médical, il<br />
<strong>de</strong>vient analytique à partir du moment<br />
où Freud y glisse son désir. Cela vient<br />
avec la phrase : « Pendant ce travail <strong>de</strong><br />
reproduction, la sensation organique dans<br />
le ventre entra dans le dialogue, ce qu’on<br />
observe régulièrement dans l’analyse <strong>de</strong>s<br />
restes mnésiques hystériques » (16). Freud<br />
insiste, tout au long <strong>de</strong> la narration du<br />
cas, sur la question du reproche. Un<br />
reproche qui fait retour dans le symptôme<br />
qui concerne le scopique, la<br />
honte, et le corps. Dans le commentaire,<br />
Freud signale que c’est après avoir<br />
parcouru la série <strong>de</strong>s scènes, les sensations<br />
et les images hallucinatoires<br />
étaient disparues pour ne plus revenir.<br />
Ce reproche concerne aussi l’analyse<br />
19 janvier 2006<br />
Jacqueline Schaeffer<br />
16 mars 2006<br />
Chantal Lechartier-Atlan<br />
18 mai 2006<br />
Diane L’Heureux-Le Beuf<br />
22 juin 2006<br />
Liliane Abensour<br />
et Nadine Amar<br />
LIEU DES CONFÉRENCES : UNIVERSITÉ RENÉ DESCARTES<br />
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DESCARTES.<br />
du phénomène élémentaire, la voix,<br />
« les reproches refoulés font retour sous<br />
forme <strong>de</strong> pensées mises à voix<br />
haute » (17). Freud aboutira à propos <strong>de</strong><br />
Mme P. à la question du traumatisme<br />
sexuel avec le frère.<br />
Il conviendrait <strong>de</strong> développer plus<br />
avant ce cas <strong>de</strong> traitement psychanalytique<br />
d’une psychose, notamment<br />
dans la référence que fait Freud au<br />
récit <strong>de</strong> Otto Ludwig, Die Heiterethei.<br />
Dans ce temps <strong>de</strong> découverte freudienne,<br />
la théorie continuiste <strong>de</strong> traitement<br />
entre névrose et psychose nous<br />
paraît porteuse <strong>de</strong> savoir nouveau si<br />
l’on fait référence aux <strong>de</strong>rniers enseignements<br />
<strong>de</strong> Freud et <strong>de</strong> Lacan. Nous<br />
reviendrons sur ce point en conclusion.<br />
Paradoxes freudiens<br />
Après ce temps où un traitement possible<br />
<strong>de</strong> la psychose par la psychanalyse<br />
est promu vient celui, repérable en<br />
1907 où les psychoses sont <strong>de</strong>s états<br />
narcissiques, dans lesquels la libido d'objet<br />
se retire dans le moi. Cela entraîne<br />
une conséquence majeure : l'abandon<br />
<strong>de</strong>s représentations d'objet pour le sujet.<br />
Ainsi, l'analyste ne pourrait être investi<br />
libidinalement par le sujet psychotique.<br />
Ce problème du transfert dans la psychose,<br />
Freud y revient en 1916 dans<br />
son Introduction à la psychanalyse. Là,<br />
il est catégorique, et c’est cela qui s’est<br />
transmis finalement : « L’observation<br />
montre que les mala<strong>de</strong>s atteints <strong>de</strong> névrose<br />
narcissique (la psychose <strong>de</strong> l’époque),<br />
ne possè<strong>de</strong>nt pas la faculté du transfert,<br />
ou n’en présentent que <strong>de</strong>s restes insignifiants.<br />
Ils repoussent le mé<strong>de</strong>cin, non<br />
avec hostilité mais avec indifférence, c’est<br />
pourquoi ils ne sont pas accessibles à son<br />
influence, tout ce qu’il dit les laissent<br />
froids, ne les impressionnent en aucune<br />
façon. Aussi ce mécanisme <strong>de</strong> la guérison,<br />
si efficace chez les autres,(donc les<br />
névrosés) et qui consiste à ranimer le<br />
conflit pathogène et à surmonter la résistance<br />
opposée par le refoulement ne se<br />
laissera pas établie chez eux » (18).<br />
Il y aurait donc impossibilité <strong>de</strong> ranimer<br />
le conflit pathogène, cette division<br />
du sujet qui découvre qu’il ne sait pas<br />
ce qu’il dit, par la question <strong>de</strong> la remémoration<br />
du traumatisme dans la théorie<br />
Freudienne <strong>de</strong> l’époque. Surmonter<br />
la résistance opposée au refoulement,<br />
cela ne peut s’établir chez les psychotiques.<br />
« Ils restent ce qu’ils sont, ils ont<br />
déjà fait <strong>de</strong> leur propre initiative <strong>de</strong>s tentatives<br />
<strong>de</strong> redressement <strong>de</strong> la situation<br />
mais ces tentatives n’ont abouti qu’à <strong>de</strong>s<br />
effets pathologiques, nous ne pouvons<br />
rien y changer » (19). L’approche thérapeutique<br />
semble se confronter à <strong>de</strong>s<br />
obstacles majeurs.<br />
Mais ce qui est intéressant, c’est que<br />
dans le même texte, Freud écrit :<br />
« Dans les névroses narcissiques (les psychoses)<br />
la résistance est insurmontable,<br />
nous pouvons tout au plus jeter un coup<br />
d’œil <strong>de</strong> curiosité par <strong>de</strong>ssus le mur, pour<br />
épier ce qui se passe <strong>de</strong> l’autre côté » (20).<br />
Ça a un effet justement <strong>de</strong> transfert<br />
<strong>de</strong> savoir, transfert quasiment sémiologique<br />
aussi, la curiosité <strong>de</strong> passer par<br />
<strong>de</strong>ssus le mur pour épier ce qui se<br />
passe, ce qui peut se transmettre <strong>de</strong> la<br />
psychose ou <strong>de</strong> la paranoïa, il poursuit<br />
: « Nos métho<strong>de</strong>s usuelles doivent<br />
donc être remplacées par d’autres, et<br />
nous ignorons encore si nous réussirons<br />
à opérer cette substitution » (21).<br />
Possibilité peut être… Se profile toutefois<br />
un espoir pour une autre métho<strong>de</strong>.<br />
« Certes, même en ce qui concerne<br />
ces mala<strong>de</strong>s, les matériaux ne nous font<br />
pas défaut, ils manifestent leur état <strong>de</strong><br />
nombreuses manières. Bien que ce ne<br />
soit pas toujours sous la forme <strong>de</strong> réponse<br />
à nos questions, et nous en sommes<br />
momentanément réduits à interpréter<br />
leur manifestation en nous aidant <strong>de</strong>s<br />
notions que nous avons acquises grâce à<br />
l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s symptômes <strong>de</strong>s névroses <strong>de</strong><br />
transfert. L’analogie est assez gran<strong>de</strong><br />
pour nous garantir au début un résultat<br />
positif sans que nous puissions dire<br />
toute fois si cette technique est susceptible<br />
<strong>de</strong> nous conduire très loin » (22).<br />
Il y a quelque chose <strong>de</strong> contradictoire<br />
dans ce texte <strong>de</strong> 1916 où d’un côté<br />
cela se ferme complètement, « nous ne<br />
pourrons rien y changer » et <strong>de</strong> l’autre<br />
« on a appris <strong>de</strong>s choses à travers <strong>de</strong>s<br />
cures <strong>de</strong> névrosés et même si cela ne<br />
garantit pas au début un résultat positif,<br />
peut être que cela peut conduire, peut<br />
être pas très loin, mais il a y un esprit <strong>de</strong><br />
conduction possible vers un traitement ».<br />
Pour continuer, dans cette découverte<br />
Freudienne : qu’est-ce que l’opinion <strong>de</strong><br />
Freud par rapport au transfert dans la<br />
psychose ?, en 1923 donc cinq ans<br />
après, dans sa présentation par lui-même,<br />
Selbsdarstellung, il évoque cette fois-ci<br />
les succès possibles <strong>de</strong> la psychanalyse<br />
dans le champ <strong>de</strong> la psychose. « Ces<br />
mala<strong>de</strong>s psychiques, écrit-il en parlant<br />
<strong>de</strong>s psychotiques sont en général privés<br />
<strong>de</strong> l’aptitu<strong>de</strong> d’effectuer un transfert<br />
positif <strong>de</strong> sorte que l’instrument principal<br />
<strong>de</strong> la technique analytique leur est inapplicable.<br />
On voit toutefois se <strong>de</strong>ssiner<br />
maintes voies d’accès » (23). Plusieurs<br />
possibilités existent donc. Il poursuit :<br />
« Le transfert n’est souvent pas totalement<br />
absent, qu’on ne puisse faire un<br />
bout <strong>de</strong> chemin avec lui. Dans le cas <strong>de</strong><br />
troubles cycliques <strong>de</strong> l’humeur, d’altérations<br />
paranoïaques légères, <strong>de</strong> schizophrénies<br />
partielles, on est arrivé par l’analyse<br />
à quelques succès non douteux » (24).<br />
Nous ne sommes plus dans l’absence<br />
<strong>de</strong> transfert ou dans l’indifférence ou<br />
dans le transfert hostile, le transfert<br />
négatif, mais il y a une possibilité <strong>de</strong><br />
transfert positif avec l’idée <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s<br />
bout <strong>de</strong> chemin avec un sujet psychotique,<br />
certes avec un <strong>de</strong>gré, un bémol :<br />
c’est la légèreté, le partiel <strong>de</strong> la forme<br />
psychotique ou les troubles <strong>de</strong> l’humeur,<br />
mais les succès sont non douteux.<br />
Enfin, il évoque également un<br />
transfert <strong>de</strong> savoir, à partir <strong>de</strong> la psychose,<br />
qui n’est, sans doute, pas sans<br />
anticiper Lacan : « En outre ce fut au<br />
moins pour la science, un avantage que<br />
dans beaucoup <strong>de</strong> cas, le diagnostic puisse<br />
osciller un certain temps entre l’hypothèse<br />
d’une psychonévrose et celle<br />
d’une démence précoce ». Ce temps d’oscillation<br />
du mé<strong>de</strong>cin entre une hypothèse<br />
diagnostique d’une névrose et<br />
d’une schizophrénie est fructueux pour<br />
la science.<br />
« La tentative thérapeutique entreprise<br />
put ainsi apporter <strong>de</strong>s renseignements<br />
importants avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir être interrompue.<br />
Mais le point le plus important<br />
est que dans les psychoses, beaucoup <strong>de</strong><br />
choses sont amenées à la surface, ainsi<br />
visibles par tout un chacun, qui dans les<br />
névroses doivent être hissées <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs<br />
au prix d’un pénible travail.<br />
C’est pourquoi pour beaucoup d’assertion<br />
<strong>de</strong> l’analyse, c’est la clinique psychiatrique<br />
qui offre les meilleurs objets<br />
<strong>de</strong> démonstration » (25). Freud fait l’éloge<br />
<strong>de</strong> la psychose pour approfondir le<br />
savoir psychanalytique, à travers la rencontre<br />
avec <strong>de</strong>s sujets psychotiques, ce<br />
que Lacan développera avec la pratique<br />
<strong>de</strong>s présentations <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s. Il<br />
cite à nouveau, en exemple, le cas <strong>de</strong><br />
Mme P. dans une théorie continuiste<br />
psychose/névrose : « Très tôt (en 1896),<br />
j’ai pu constater dans un cas <strong>de</strong> démence<br />
paranoï<strong>de</strong> les mêmes facteurs étiologiques<br />
et la présence <strong>de</strong>s mêmes complexes<br />
affectifs que dans les névroses » (26).<br />
Un refoulement <strong>de</strong>s<br />
impulsions<br />
Dans une interview retrouvée <strong>de</strong> Sigmund<br />
Freud dans la Neue Freie Press<br />
en date du 14 août 1933 et publiée<br />
dans la Revue Internationale <strong>de</strong> Psychanalyse,<br />
Freud parle <strong>de</strong>s succès <strong>de</strong><br />
la psychanalyse. A la première question<br />
<strong>de</strong> l’interview : « En quoi consistent<br />
les conquêtes et les possibilités immédiates<br />
<strong>de</strong> la psychanalyse ? », Freud<br />
répond : « Dans la thérapie <strong>de</strong>s névroses<br />
et <strong>de</strong> certaines psychoses, dans certains<br />
cas <strong>de</strong> modification fondamentale du<br />
caractère, et même dans certaines formes<br />
<strong>de</strong> clivages <strong>de</strong> conscience (schizophrénie),<br />
<br />
PSYCHANALYSE 7<br />
LIVRES ET REVUES<br />
L’informe et l’archaïque<br />
Recherches en Psychanalyse<br />
Les Cahiers <strong>de</strong> l’Ecole Doctorale <strong>de</strong><br />
Recherches en Psychanalyse <strong>de</strong><br />
l’Université Paris 7 - Denis Di<strong>de</strong>rot<br />
2005 n°3<br />
L’Esprit du Temps 21 €<br />
Les <strong>de</strong>ux notions <strong>de</strong> l’Informe et <strong>de</strong><br />
l’Archaïque sont travaillées en fonction<br />
<strong>de</strong> leur proximité et <strong>de</strong> leurs différences<br />
par rapport à la question <strong>de</strong><br />
l’origine à laquelle elles renvoient.<br />
Dans les mythes hésiodiques, l’informe<br />
apparaît comme ce vers quoi<br />
tout aspire comme à sa finalité ultime,<br />
mais le Chaos originel n’a pas<br />
pu <strong>de</strong>meurer tel, il lui a fallu engendrer<br />
et donc entrer dans le cycle<br />
<strong>de</strong> la transformation. Les premières<br />
formes archaïques dans leur rai<strong>de</strong>ur<br />
caractéristique en sont issues.<br />
Mais l’informe n’est pas nécessairement<br />
porteur <strong>de</strong> la forme, il peut tout<br />
autant la refouler, l’avaler et l’empêcher<br />
<strong>de</strong> venir au jour et, surtout, il<br />
constitue pour la régression une possibilité<br />
entropique que révèlent les<br />
pathologies dépressives sous leurs<br />
divers aspects, notamment les toxicomanies.<br />
L’archaïque, qui n’est pas le précoce,<br />
apparaît à l’inverse comme une forme<br />
résistante et susceptible <strong>de</strong> faire retour,<br />
analysable aussi bien dans les<br />
rêves, les processus créateurs et les<br />
traces <strong>de</strong> ces premiers mythes magico-sexuels<br />
par lesquels une saisie<br />
<strong>de</strong> l’énigme s’opère pour l’enfant bien<br />
avant les « théories sexuelles ».<br />
La majorité <strong>de</strong>s textes <strong>de</strong> ce volume<br />
correspon<strong>de</strong>nt aux recherches <strong>de</strong>s<br />
auteurs inscrits dans <strong>de</strong>ux équipes<br />
<strong>de</strong> l’Ecole Doctorale, animées, respectivement,<br />
par S. <strong>de</strong> Mijolla-Mellor<br />
et S. Le Poulichet. On trouve, également,<br />
dans ce numéro un hommage<br />
à Pierre Fédida avec <strong>de</strong> nombreuses<br />
participations.<br />
Korsakov<br />
Eric Fottorino<br />
Gallimard, 19,50 €<br />
Que le lecteur n’ouvre pas ce livre en<br />
pensant y trouver une analyse scientifique<br />
du syndrome que <strong>Nervure</strong> avait<br />
au <strong>de</strong>meurant, abondamment traité,<br />
dans le numéro <strong>de</strong> Juin.<br />
Car, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> quelques brèves<br />
allusions du type « Korsakov manie<br />
l’oubli comme une anesthésie », le registre<br />
<strong>de</strong> l’ouvrage reste purement<br />
romanesque.<br />
Il s’agit du récit <strong>de</strong> la vie d’un petit<br />
garçon <strong>de</strong>venu à l’âge adulte mé<strong>de</strong>cin,<br />
précisément neurologue, à Palerme<br />
: mais ne pensez pas découvrir<br />
un récit linéaire car le narrateur<br />
rassemble ses souvenirs au moment<br />
où l’exercice <strong>de</strong> mémoire <strong>de</strong>vient <strong>de</strong><br />
plus en plus défaillant. Cela conduit<br />
à un récit où les premiers moments<br />
<strong>de</strong> sa vie à Bor<strong>de</strong>aux- il est « un enfant<strong>de</strong>sbrouillards<br />
» - viennent s’entremêler<br />
avec la vie adulte en Italie<br />
ou avec la vie du grand père bienaimé<br />
en Tunisie. Le lecteur perd parfois<br />
ses repères entre le « réel » et<br />
« l’imaginaire » et se laisse emporter,<br />
mais à ce moment quelques affirmations<br />
fortes, par exemple sur le<br />
temps, qui est le thème principal du<br />
roman, plus que la mémoire, viennent<br />
ponctuer l’évocation et forcer le<br />
retour à la réflexion « on dit que le<br />
temps est comme le pain : on doit le<br />
gar<strong>de</strong>r pour le len<strong>de</strong>main ».<br />
En <strong>de</strong>hors d’un problème <strong>de</strong> construction<br />
: pourquoi la troisième partie est<br />
elle si courte ? Il s’agit d’un très beau<br />
roman portant un regard tendre sur<br />
la vie, à l’opposé du syndrome <strong>de</strong><br />
Korsakov constitué par « une amnésie<br />
<strong>de</strong> fixation <strong>de</strong>s souvenirs, compensée<br />
par un mélange <strong>de</strong> fabulations et <strong>de</strong><br />
faux souvenirs ». A lire pour ceux qui<br />
cherchent leur i<strong>de</strong>ntité.<br />
P. Juhan
8<br />
LIVRES<br />
PSYCHANALYSE<br />
De la suggestion et <strong>de</strong> ses<br />
applications à la<br />
thérapeutique (1886)<br />
Hippolyte Bernheim<br />
Avec une préface <strong>de</strong> Serge<br />
Nicolas et une critique <strong>de</strong><br />
Sigmund Freud et d’Alfred Binet<br />
L’Harmattan, 38 €<br />
Hippolyte Bernheim est connu pour<br />
être le principal représentant <strong>de</strong> l’école<br />
<strong>de</strong> Nancy qui a osé s’opposer, sur la<br />
question <strong>de</strong> l’hypnose, à école <strong>de</strong> la<br />
Salpêtrière. Son ouvrage intitulé De<br />
la suggestion et <strong>de</strong> ses applications à<br />
la thérapeutique (1886) est le plus généralement<br />
cité dans la littérature<br />
psychologique comme le manifeste<br />
<strong>de</strong> l’école <strong>de</strong> Nancy. C’est cette édition<br />
du livre <strong>de</strong> Bernheim qui a été<br />
traduite en allemand en 1888 par<br />
Freud à une époque où il utilise l’hypnose<br />
comme technique thérapeutique<br />
après avoir effectué un stage<br />
en 1885 dans le service <strong>de</strong> Charcot<br />
à la Salpêtrière.<br />
La métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> Bernheim consistait<br />
à suggérer, sous hypnose, la disparition<br />
du symptôme ou <strong>de</strong> sa cause<br />
prochaine. Le principe en était le suivant<br />
: l’hypnotisme, comme le sommeil<br />
naturel, exalte l’imagination et<br />
rend le cerveau plus accessible à la<br />
suggestion. Provoquer par l’hypnotisme<br />
cet état psychique spécial et<br />
exploiter dans un but <strong>de</strong> guérison ou<br />
<strong>de</strong> soulagement la suggestion ainsi<br />
artificiellement exaltée, tel est le rôle<br />
<strong>de</strong> la psycho thérapeutique hypnotique.<br />
Cette attitu<strong>de</strong> s’opposait à l’attitu<strong>de</strong><br />
purement nosographique <strong>de</strong><br />
la Salpêtrière, qui étudiait l’hypnose<br />
à titre d’état morbi<strong>de</strong>.<br />
L’agression sexuelle chez les<br />
adolescents placés<br />
Josiane Marie Régi<br />
L’Harmattan, 24 €<br />
Dans une population d’enfants placés<br />
dans les services <strong>de</strong> l’Ai<strong>de</strong> sociale<br />
à l’enfance, l’auteur a isolé <strong>de</strong>s situations<br />
d’adolescents <strong>de</strong>venus déviants<br />
sexuels bien qu’ils aient été<br />
pris en charge entre trois et vingt années.<br />
Elle présente un accompagnement<br />
et a démontre l’utilité <strong>de</strong> la cohérence<br />
interinstitutionnelle. On peut<br />
ainsi tenter d’effectuer les réparations<br />
nécessaires, afin d’éviter les récidives,<br />
grâce à l’approche systémique, à sa<br />
métho<strong>de</strong> rétroprospective et à la thérapie<br />
contextuelle qui en découle.<br />
Il ne peut y avoir <strong>de</strong> réparations que<br />
si le contexte permet la reconstruction<br />
<strong>de</strong>s liens sociaux. Ceci n’est acquis<br />
que si l’emboîtement <strong>de</strong>s différents<br />
cadres, judiciaire, administratif,<br />
soignant, éducatif et social est cohérent.<br />
La rééducation contre<br />
l’école, tout contre<br />
L’i<strong>de</strong>ntité professionnelle <strong>de</strong>s<br />
rééducateurs en question<br />
Félix Gentili<br />
Erès, 16 €<br />
Cet ouvrage s’intéresse à l’i<strong>de</strong>ntité<br />
<strong>de</strong>s rééducateurs. S’il s’adresse à eux,<br />
puisqu’ils en constituent la matière<br />
initiale, l’auteur a la conviction que<br />
son livre est susceptible d’intéresser<br />
tous les acteurs sociaux qui œuvrent<br />
dans l’ai<strong>de</strong>, comme c’est le cas <strong>de</strong>s<br />
rééducateurs et <strong>de</strong> tous ceux qui ont<br />
le sentiment d’être dans « l’entre-<strong>de</strong>ux ».<br />
Dans ces pages, l’i<strong>de</strong>ntité professionnelle<br />
<strong>de</strong>s rééducateurs est décrite<br />
à partir <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s parcours professionnels<br />
<strong>de</strong>s rééducateurs du département<br />
du Rhône, <strong>de</strong>s critiques <strong>de</strong>s<br />
rapports <strong>de</strong> l’Inspection générale, <strong>de</strong><br />
l’analyse <strong>de</strong>s publications <strong>de</strong> la Fédération<br />
nationale <strong>de</strong>s associations<br />
<strong>de</strong>s rééducateurs <strong>de</strong> l’Education nationale,<br />
et, enfin, <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong> contenu<br />
<strong>de</strong>s mémoires professionnels.<br />
<br />
les succès <strong>de</strong> la psychanalyse sont indiscutables<br />
» (27).<br />
Il y a donc un succès possible, indiscutable<br />
du traitement psychanalytique<br />
dans la psychose, y compris schizophrénique.<br />
Il est tout à fait étonnant donc, que ce<br />
qui n’a été retenu <strong>de</strong> l’enseignement<br />
Freudien ne soit que : il n’y a pas <strong>de</strong><br />
transfert et il ne vaut mieux pas toucher<br />
du côté <strong>de</strong> la psychanalyse à la psychose,<br />
soit une tendance à la contre<br />
indication d’un traitement psychanalytique<br />
alors que l’on peut voir qu’en<br />
1916, 1923 et 1933 l’inverse est clairement<br />
écrit ou dit. Il serait intéressant<br />
<strong>de</strong> voir pourquoi cela ne s’est transmis<br />
que <strong>de</strong> ce côté là ? Freud avait en<br />
contrôle <strong>de</strong>s analystes qui recevaient<br />
<strong>de</strong>s psychotiques, la plus éminente<br />
étant Ruth Mack Brunswick qui a décrit<br />
en 1929 une cure réussie <strong>de</strong> courte<br />
durée avec une femme paranoïaque<br />
et qui prendra en analyse l’Homme<br />
aux Loups à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> Freud.<br />
Pourquoi cela ne s’est-il pas transmis ?<br />
La réponse est peut-être à chercher,<br />
en partie, dans la relation <strong>de</strong> Freud<br />
avec Ruth Mack Brunswick.<br />
Ce qui paraît riche d’enseignement<br />
pour la pratique transférentielle avec<br />
les psychotiques se situe encore chez<br />
Freud, toujours dans cette interview<br />
<strong>de</strong> 1933. Freud insiste tout au long <strong>de</strong><br />
l’interview sur l’importance du symptôme<br />
: « On peut guérir même <strong>de</strong>s<br />
troubles psychiques et <strong>de</strong>s dysfonctionnements<br />
organiques en partant <strong>de</strong>s symptômes.<br />
Car toutes les manifestations <strong>de</strong><br />
l’individu, pour infimes et incohérentes<br />
qu’elles paraissent, sont <strong>de</strong>s symptômes<br />
déterminés par les ressorts <strong>de</strong> son état<br />
et sa maladie psychique » (28). Plus encore,<br />
à une question sur le rêve, il<br />
répond : « Il s’agit moins en psychanalyse<br />
d’expliquer le rêve en soi, que <strong>de</strong> le<br />
démasquer comme symptôme et <strong>de</strong> former<br />
un diagnostic grâce au rêve » (29).<br />
La question du symptôme prime par<br />
rapport à la question <strong>de</strong> la structure<br />
dans la pratique. A la question : « Comment<br />
évite-t-on l’arbitraire dans l’interprétation<br />
<strong>de</strong> souvenirs, associations<br />
d’idées, rêves et, <strong>de</strong> manière générale,<br />
dans tout traitement psychanalytique ? »<br />
Freud insiste sur <strong>de</strong>ux points : l’impulsion<br />
refoulée (Vor verdrängten Impulsen)<br />
et le symptôme : « Les variantes <strong>de</strong>s<br />
formes <strong>de</strong> manifestation que peut prendre<br />
une impulsion refoulée dans <strong>de</strong>s figures<br />
libidinales sont infinies et les sublimations<br />
<strong>de</strong> cette impulsion englobent pour<br />
ainsi dire la totalité <strong>de</strong>s aspirations<br />
humaines. Il s’agit pour nous, comme<br />
dans le rêve, moins d’une explication,<br />
d’une dogmatique casuistique, que <strong>de</strong><br />
traiter <strong>de</strong>s symptômes. La métho<strong>de</strong> psychanalytique<br />
est essentiellement dynamique<br />
; nous tenons compte <strong>de</strong> l’immense<br />
finesse, <strong>de</strong>s métamorphoses<br />
ininterrompues <strong>de</strong> la libido. De là résulte<br />
le problème brûlant que j’appelle<br />
« transfert ». Un refoulement <strong>de</strong>s impulsions<br />
dont l’analyse n’a pas su encore<br />
éclairer l’origine. Il s’agit d’effets toujours<br />
prêts à s’adapter, à se transformer suivant<br />
les circonstances et, dans le cas du traitement<br />
psychanalytique, à se transférer<br />
sur le mé<strong>de</strong>cin. La complexité et la variabilité<br />
<strong>de</strong> ces facteurs imposent au mé<strong>de</strong>cin<br />
la nécessité d’un contrôle extrêmement<br />
strict <strong>de</strong> ses recherches , dans<br />
lesquelles l’arbitraire est pris en compte et<br />
éclate au grand jour » (30).<br />
Freud a une définition tout à fait inédite<br />
du transfert. Il appelle cela le problème<br />
brûlant, « le problème brûlant<br />
que j’appelle transfert » mais il le définit<br />
comme un refoulement <strong>de</strong>s impulsions,<br />
dont l’analyse n’a pas encore pu éclairer<br />
l’origine.<br />
Qu’est-ce que le refoulement d’une<br />
impulsion ? Est-ce que paradoxalement,<br />
la psychose, la question du transfert<br />
dans la psychose ne pourrait pas nous<br />
éclairer sur qu’est-ce que ces formes <strong>de</strong><br />
manifestation que peut prendre une<br />
impulsion refoulée dans <strong>de</strong>s figures libidinales,<br />
pour reprendre le terme <strong>de</strong><br />
Freud. Les formes <strong>de</strong> manifestations<br />
sont le symptôme, les figures libidinales<br />
la jouissance, à reprendre les termes<br />
<strong>de</strong> Lacan. Le transfert est une impulsion<br />
refoulée. Le corps, la pulsion sont dans<br />
le transfert qui n’est pas uniquement<br />
du transfert <strong>de</strong> mots, <strong>de</strong> signifiants.<br />
Il paraît intéressant <strong>de</strong> mettre en rapport<br />
ce <strong>de</strong>rnier enseignement <strong>de</strong> Freud<br />
avec le premier, le cas <strong>de</strong> Mme P. <strong>de</strong><br />
1896. L’important est le symptôme et<br />
la façon <strong>de</strong> le traiter dans le transfert. Il<br />
convient <strong>de</strong> s’éloigner <strong>de</strong> la dogmatique<br />
casuistique pour privilégier ce<br />
traitement du symptôme qui a une<br />
face signifiante mais aussi une face pulsionnelle,<br />
du corps.<br />
Françoise Dolto<br />
Une vie <strong>de</strong> correspondances<br />
1938-1988<br />
Gallimard, 39 €<br />
Ce volume <strong>de</strong> correspondance <strong>de</strong><br />
Françoise Dolto a été constitué à partir<br />
<strong>de</strong> ses archives personnelles où<br />
elle conservait les lettres qu’elle recevait.<br />
Ces documents ont permis <strong>de</strong><br />
mener <strong>de</strong>s recherches afin <strong>de</strong> retrouver<br />
les lettres qu’elles avait écrites.<br />
Ce volume réunit donc les lettres <strong>de</strong><br />
Françoise Dolto - environ trois cents -<br />
que ses correspondants ont bien voulu<br />
communiquer, et quelques-unes <strong>de</strong>s<br />
Il convient <strong>de</strong> mettre en tension cette<br />
problématique freudienne avec le <strong>de</strong>rnier<br />
enseignement <strong>de</strong> Lacan, notamment<br />
le séminaire, Le Sinthome. Lacan<br />
prend en compte le corps, parle <strong>de</strong><br />
suppléance au phallus, <strong>de</strong> forclusion<br />
du sens. Nous ne sommes plus dans<br />
l’explication exclusive par le Nom-du-<br />
Père et le signifiant <strong>de</strong> 1958. L’enseignement<br />
<strong>de</strong> la prévalence du signifiant<br />
a pu entraîner chez certains <strong>de</strong> ses<br />
élèves une dogmatique casuistique <strong>de</strong>s<br />
plus arbitraires, préjudiciable parfois.<br />
L’explication par la forclusion du Nomdu-Père<br />
<strong>de</strong>venant l’équivalent du « voilà<br />
pourquoi votre fille est muette ! », le<br />
risque était grand d’expliquer, <strong>de</strong> faire<br />
coller la clinique à la théorie et d’ignorer<br />
la prévalence du transfert dans le<br />
traitement pour privilégier une conception<br />
déficitaire <strong>de</strong> la psychose.<br />
La logique qui prévalait alors était en<br />
effet <strong>de</strong> mettre en avant le « il n’y a<br />
pas » : il n’y a pas <strong>de</strong> métaphore paternelle,<br />
il n’y a pas <strong>de</strong> signification phallique,<br />
qui avait pour <strong>de</strong>stin un certain<br />
fatalisme, le sujet « n’arrivant pas » à<br />
construire une métaphore délirante stabilisatrice.<br />
Outre cette conception déficitaire,<br />
l’autre avatar était <strong>de</strong> prendre<br />
pour exemple une psychiatrie à la De<br />
Clérambault avec repérage du phénomène<br />
élémentaire langagier pour produire<br />
un diagnostic, une catégorisation.<br />
Le Sinthome qui vient d’être publié<br />
récemment (31) est subversif et salutaire<br />
par rapport à cet ordre ancien, qui<br />
entraînait, parfois, <strong>de</strong>s positions très<br />
conservatrices. En plaçant le symptôme<br />
comme primat à prendre en compte<br />
dans le traitement, Lacan rejoint le<br />
Freud <strong>de</strong> 1933, sans le savoir et<br />
déconstruit la nosographie classique<br />
ainsi que le structuralisme. Il traite du<br />
corps et préconise une orientation vers<br />
le réel, ce que Freud n’avait, quant à<br />
lui, jamais quitté dans la narration <strong>de</strong> sa<br />
pratique. Il réintroduit la question freudienne<br />
<strong>de</strong> la pulsion et du corps dans<br />
la suppléance à la psychose non déclenchée<br />
<strong>de</strong> Joyce et permet une autre lecture,<br />
celle <strong>de</strong>s nouages.<br />
Ce que nous dégageons, cependant,<br />
<strong>de</strong> l’articulation avec l’enseignement<br />
freudien que nous avons exposé est<br />
que le primat du symptôme dans la<br />
psychose se saisit à partir du fait que le<br />
symptôme est nouage, nouage du réel<br />
entre le signifiant, le scopique, le corps<br />
(la pulsion). Ce nouage est nouage du<br />
réel, à savoir qu’il noue <strong>de</strong>s plus-<strong>de</strong>jouir<br />
dans ces trois registres. Notre<br />
expérience clinique et thérapeutique<br />
insiste sur les nouages et dénouages<br />
qui peuvent se faire entre le signifiant et<br />
le corps via le scopique qui a un rôle<br />
moteur. C’est ce qu’indique Lacan dans<br />
la première séance du séminaire Le<br />
Sinthome le 18 novembre 1975. Après<br />
avoir souligné le nouage du corps avec<br />
le dire, il insiste sur le regard : « More<br />
geometrico, à cause <strong>de</strong> la forme chère à<br />
Platon, l’individu se présente comme il<br />
est foutu, comme un corps. Et ce corps a<br />
une puissance <strong>de</strong> captivation qui est telle<br />
que, jusqu’à un certain point, c’est les<br />
aveugles qu’il faudrait envier » (32). C’est<br />
à partir <strong>de</strong> la forme que le symptôme<br />
psychotique va s’exprimer souvent<br />
d’abord sous forme <strong>de</strong> laisser tomber<br />
puis <strong>de</strong> ré-accrochage d’un signifiant<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
lettres qu’elle a reçues, au nombre<br />
d’environ quatre cents. A côté <strong>de</strong>s intimes,<br />
<strong>de</strong>s intellectuels, <strong>de</strong>s artistes,<br />
apparaissent les gran<strong>de</strong>s figures <strong>de</strong><br />
la psychanalyse : Rudolph Loewenstein,<br />
Marie Bonaparte, René Spitz,<br />
et plus tard Daniel Lagache, Serge Leclaire,<br />
Wladimir Granoff, Maud Mannoni,<br />
et surtout Jacques Lacan, le compagnon<br />
<strong>de</strong> route. Puis viendront les<br />
« suivants », jeunes analystes à qui<br />
elle se fait un <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> transmettre,<br />
et enfin tous ceux qui lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />
conseil et auxquels elle répond toujours<br />
<strong>de</strong> longues lettres attentives.<br />
et d’une pulsion à une forme. Antonin<br />
Artaud, dans son œuvre, ne cesse<br />
<strong>de</strong> déployer cette logique, le primat <strong>de</strong><br />
la forme en tant qu’il est plus-<strong>de</strong>-jouir,<br />
en témoigne cette phrase extraite <strong>de</strong>s<br />
Cahiers <strong>de</strong> Ro<strong>de</strong>z : « L’être ne commence<br />
pas par l’âme, il se fait par la forme<br />
d’un corps principe que j’anime peu à<br />
peu et pousse jusqu’à la femme » (33).<br />
Nous déploierons dans un autre article<br />
ce qu’enseigne, <strong>de</strong> façon plus spécifique,<br />
le séminaire Le Sinthome dans<br />
la logique <strong>de</strong>s psychoses et <strong>de</strong> son traitement<br />
psychanalytique. <br />
Hervé Hubert<br />
Psychiatre, psychanalyste, Institut Paul Sivadon,<br />
22 rue <strong>de</strong> la Rochefoucault, 75009 Paris.<br />
Bibliographie<br />
(1) FREUD, Le Prési<strong>de</strong>nt Schreber in Cinq<br />
psychanalyses, PUF, Paris, 1954, p.263.<br />
(2) LACAN J, Le Séminaire III, Les psychoses,<br />
Le Seuil, Paris, 1981, p.285.<br />
(3) i<strong>de</strong>m, p.315.<br />
(4) LACAN J, Conférence <strong>de</strong> Yale University,<br />
24 novembre 75, in Scilicet 6/7, Le Seuil,<br />
Paris, 1976, p.10.<br />
(5) FREUD S, Nouvelles remarques sur les psychonévroses<br />
<strong>de</strong> défense in Névrose, Psychose et<br />
perversion, Paris, PUF, 1973, p.72-73.<br />
(6) FREUD S, i<strong>de</strong>m, p.72.<br />
(7) i<strong>de</strong>m, p.73.<br />
(8) LACAN J, Le Séminaire III, Les psychoses,<br />
opus cité, p.218.<br />
(9) HUBERT H, Clinique du transsexualisme,<br />
une logique <strong>de</strong> retranchement, thèse <strong>de</strong> Doctorat<br />
<strong>de</strong> Psychanalyse, Université Paris VIII,<br />
2003.<br />
(10) FREUD S, opus cité, p.73-74.<br />
(11) i<strong>de</strong>m, p.74.<br />
(12) i<strong>de</strong>m, p.74-75.<br />
(13) FREUD S, i<strong>de</strong>m, p.75.<br />
(14) LACAN J, Le Séminaire III, Les psychoses,<br />
opus cité, p. 218.<br />
(15) FREUD, i<strong>de</strong>m, p.75-76.<br />
(16) i<strong>de</strong>m, p.77.<br />
(17) i<strong>de</strong>m, p.81.<br />
(18) FREUD S, Introduction à la psychanalyse,<br />
Petite Bibliothèque Payot n°6, Paris,<br />
p.425.<br />
(19) i<strong>de</strong>m.<br />
(20) i<strong>de</strong>m, p. 400.<br />
(21) i<strong>de</strong>m.<br />
(22) i<strong>de</strong>m.<br />
(23) FREUD S, Freud présenté par lui-même,<br />
Gallimard, Paris, p.101.<br />
(24) i<strong>de</strong>m.<br />
(25) i<strong>de</strong>m, p.101-102.<br />
(26) i<strong>de</strong>m, p.102.<br />
(27) FREUD S, une interview retrouvée <strong>de</strong><br />
Sigmund Freud, présentée par J. LE RIDER,<br />
Revue Internationale <strong>de</strong> Psychanalyse,<br />
Paris,1992, 5, p.614.<br />
(28) FREUD S, i<strong>de</strong>m, p.615.<br />
(29) i<strong>de</strong>m.<br />
(30) i<strong>de</strong>m, p.616.<br />
(31) J. LACAN, Le séminaire Livre XXIII<br />
Le sinthome, Texte établi par Jacques-Alain<br />
Miller, Le Seuil, Paris, mars 2005.<br />
(32) i<strong>de</strong>m, p.18.<br />
(33) ARTAUD A, Œuvres Complètes, tome<br />
XXI.
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
Les prototypes <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s catégories<br />
<strong>de</strong> psychotropes ont été découverts<br />
en une décennie. Certes, l’action favorable<br />
<strong>de</strong>s sels <strong>de</strong> lithium sur les états<br />
maniaques avait été remarquée en<br />
1949 mais son emploi n’avait pas pu<br />
être poursuivi du fait <strong>de</strong> la méconnaissance<br />
<strong>de</strong> la nécessité d’un contrôle<br />
strict <strong>de</strong> la lithiémie. La valeur prophylactique<br />
du lithium ne fut mise en<br />
évi<strong>de</strong>nce qu’en 1963 et le lithium n’a<br />
pu être propagé qu’ultérieurement, la<br />
FDA n’autorisant sa prescription qu’en<br />
1970. Les découvertes <strong>de</strong> l’Iproniazi<strong>de</strong><br />
et <strong>de</strong> l’Imipramine furent indépendantes.<br />
Puis, ce fut celle <strong>de</strong>s anxiolytiques<br />
avec le Diazepam.<br />
En 1952 <strong>de</strong>ux tonnes et <strong>de</strong>mi <strong>de</strong> chlorpromazine<br />
avaient été prescrites dans<br />
96 hôpitaux psychiatriques français. En<br />
1969, 50 millions <strong>de</strong> patients avaient<br />
reçu du Largactil. Si ses gran<strong>de</strong>s lignes<br />
historiques apparaissent claires <strong>de</strong> prime<br />
abord, la diffusion <strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
apparaît plus complexe.<br />
Elle s’inscrit au sein <strong>de</strong>s diverses tendances<br />
et sensibilités <strong>de</strong> l’époque qui<br />
avaient pu s’affirmer dès la fin <strong>de</strong> la<br />
guerre : déclin <strong>de</strong> l’asile, traitements<br />
ambulatoires, nouvelles structures <strong>de</strong><br />
soins, émergence <strong>de</strong> la réhabilitation<br />
et <strong>de</strong> la resocialisation alors que la sécurité<br />
sociale avait pu être mise en place.<br />
L’affirmation <strong>de</strong> la psychiatrie sociale<br />
s’est combinée avec les succès <strong>de</strong> la<br />
psychopharmacologie.<br />
Entre le 7 juillet 1953 et le 16 juin<br />
1954, les services <strong>de</strong> Spécia ont diffusé<br />
<strong>de</strong>s documents <strong>de</strong> synthèse basés<br />
sur la bibliographie disponible consacrée<br />
à la Chlorpromazine. Dix lettres<br />
ont été rassemblées en un volume. En<br />
octobre 1955, au moment du colloque<br />
international sur la Chlorpromazine<br />
qui s’est tenu à Sainte-Anne, on relevait<br />
3500 références. La lettre consacrée à<br />
la psychiatrie indique, comme applications<br />
cliniques, les psychoses, les états<br />
névropathiques avec un appendice<br />
consacré à la cure <strong>de</strong> sommeil. Pour<br />
les psychoses l’accent était mis sur l’agitation<br />
et les états confusionnels, à commencer<br />
par le <strong>de</strong>lirium tremens. Etaient<br />
ajoutés, pêle-mêle : <strong>de</strong>s effets encourageants<br />
pour la mélancolie, les délires<br />
chroniques et, finalement, les états schizophréniques<br />
avec <strong>de</strong>s rémissions plus<br />
ou moins marquées. Les psychoses<br />
schizophréniques n’étaient pas, alors, la<br />
cible principale.<br />
H.E. Lehmann, psychiatre canadien<br />
anglophone à Montréal, eut accès aux<br />
publications françaises par sa femme<br />
québécoise qui les lui avaient traduites.<br />
Il est à l’origine <strong>de</strong> la première publication<br />
anglo-saxonne, en 1954, dans<br />
les Archives of neurology and psychiatry<br />
dont le titre était : « Chlorpromazine<br />
New inhibiting agent for psychomoteur<br />
excitement and maniac states ».<br />
Rapi<strong>de</strong>ment, la bibliographie a pris un<br />
caractère mondial puisque venant <strong>de</strong><br />
40 pays dont un tiers pour la France, à<br />
égalité avec les Etats-Unis.<br />
On ne peut donc qu’être surpris par<br />
la rapidité avec laquelle la Chlorpromazine<br />
a été introduite sur le plan thérapeutique.<br />
L’essor <strong>de</strong> la<br />
psychopharmacologie<br />
Abordant l’essor <strong>de</strong> la psychopharmacologie<br />
le Professeur Alain Puech a<br />
souligné que ce <strong>de</strong>rnier a correspondu<br />
à la conjonction d’un besoin médical<br />
et du développement <strong>de</strong>s neurosciences.<br />
La première génération <strong>de</strong>s<br />
psychotiques a bénéficié <strong>de</strong>s moyens<br />
limités <strong>de</strong> la psychopharmacologie <strong>de</strong><br />
l’époque qu’il s’agisse du modèle <strong>de</strong> la<br />
réserpine dépressogène chez l’homme<br />
appliqué à la souris ou <strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong>s<br />
amphétamines chez le rat comme<br />
modèle <strong>de</strong> psychose.<br />
En parallèle, se sont développées les<br />
connaissances concernant les neurotransmetteurs<br />
et les récepteurs. Les<br />
étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> binding, ont concerné, in<br />
vivo et in vitro, <strong>de</strong>s cibles précises alors<br />
50 ans <strong>de</strong> découverte<br />
<strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
que la recherche <strong>de</strong> récepteurs spécifiques<br />
a longtemps côtoyé celle, naïve,<br />
<strong>de</strong> récepteurs <strong>de</strong> maladies.<br />
Au fils du temps on a donc pu mieux<br />
comprendre certains mécanismes, obtenir<br />
moins d’effets secondaires mais l’efficacité<br />
n’a guère évolué. Il est probable<br />
que le mythe <strong>de</strong> la pureté <strong>de</strong>s médicaments,<br />
en recherchant une forte spécificité,<br />
a induit une perte d’efficacité.<br />
Les progrès ont concerné les posologies<br />
optimales capables <strong>de</strong> permettre le<br />
meilleur rapport bénéfice thérapeutique/<br />
risque. La pharmacologie <strong>de</strong>s<br />
comportements n’a guère abouti à la<br />
découverte <strong>de</strong> nouveaux médicaments.<br />
Alain Puech a relevé, en conclusion,<br />
qu’on était, aujoud’hui, au bout <strong>de</strong> ce<br />
qu’on peut faire avec la Dopamine, la<br />
Noradrénaline, le gaba. Il considère<br />
que le courage consiste, probablement,<br />
à essayer <strong>de</strong>s nouveaux produits dont<br />
on espère un potentiel thérapeutique<br />
chez <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> patients dans le<br />
cadre du DSM-IV ou hors DSM-IV.<br />
Neuroleptiques et<br />
parkinsonisme<br />
Vassilis Kapsambelis a abordé l’historique<br />
et les implications psychopathologiques<br />
<strong>de</strong> ce qu’il appelle « une faus-<br />
se conviction scientifique » et qui<br />
concerne les relations entre neuroleptiques<br />
et parkinsonisme.<br />
La fausse conviction scientifique dont il<br />
est question peut être formulée ainsi :<br />
les effets secondaires, notamment neurologiques,<br />
<strong>de</strong>s neuroleptiques sont<br />
nécessaires à leur efficacité thérapeutique.<br />
La découverte empirique <strong>de</strong> l’action<br />
thérapeutique <strong>de</strong>s neuroleptiques a été<br />
initialement celle d’un désintéressement<br />
du mala<strong>de</strong> pour ce qui se passe<br />
autour <strong>de</strong> lui. L’accent était mis sur<br />
l’importance <strong>de</strong>s effets sur la motricité<br />
lors d’accès maniaque, sur l’indifférence<br />
psychomotrice, ce qui a précédé,<br />
par exemple, la perception <strong>de</strong> l’action<br />
antihallucinatoire. Un tel constat<br />
renvoie aux divers termes antérieurs à<br />
celui <strong>de</strong> neuroleptique comme ataraxique,<br />
ganglioplégique, neuroplégique<br />
ou neurolytique.<br />
Alors que Jean Delay et Pierre Deniker<br />
étaient amenés à parler <strong>de</strong> parkinsonisme<br />
thérapeutique induit par les neuroleptiques,<br />
l’inhibition et le contrôle<br />
<strong>de</strong> l’agitation psychomotrice étaient<br />
reliés à un mo<strong>de</strong> d’action sous-corticale.<br />
Le parkinsonisme était compris<br />
comme une condition préalable, siné<br />
qua non, un effet non toxique car<br />
constituant l’élément central à partir<br />
duquel les effets thérapeutiques sont<br />
produits.<br />
Le dogme psychopharmacologique <strong>de</strong>s<br />
effets secondaires était tel que l’absence<br />
<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers a fait invali<strong>de</strong>r, à lui<br />
seul, l’action antipsychotique possible<br />
<strong>de</strong> certaines molécules. Une telle<br />
conception n’a pas rencontré <strong>de</strong> contradiction<br />
pendant longtemps.<br />
Les cliniciens observaient une liaison<br />
entre effets thérapeutiques et secondaires,<br />
notamment lors <strong>de</strong> délire aigu<br />
au cours <strong>de</strong>squels l’agitation par sa force<br />
motrice imposait un mouvement continuel<br />
ou important. Ils constataient un<br />
apaisement particulier avec un retour<br />
du sommeil, <strong>de</strong> la faim, un accès au<br />
calme marqué par une indifférence au<br />
mon<strong>de</strong> et à l’environnement alors qu’il<br />
était également pensé que le psychis-<br />
me, avant toute action favorable, ne<br />
faisait pas <strong>de</strong> différence entre les perceptions<br />
normales et les hallucinations.<br />
Mais il était, aussi, pensé que l’indifférence<br />
pour le mon<strong>de</strong> extérieur ne<br />
<strong>de</strong>meurait pas complète et qu’au fur<br />
et à mesure que le délire et les hallucinations<br />
régressent, l’intérêt se tourne<br />
vers le corps. Cette place, au premier<br />
plan, du corps est retrouvée dans les<br />
notions <strong>de</strong> pathomimies délirantes<br />
(Kammerer), <strong>de</strong> névrose psychomotrice<br />
<strong>de</strong> substitution, <strong>de</strong> dyskinésies aiguës<br />
non compréhensibles hystériformes car<br />
cédant par la suggestion (Deniker).<br />
Les effets secondaires neuroleptiques<br />
ont été amenés à être perçus comme<br />
prenant, en lieu et place, le relais du<br />
délire. Le parkinsonisme iatrogène<br />
apparaissait important pour ce qu’il<br />
représentait pour le patient. A partir<br />
d’une conception neurophysiologique,<br />
l’intérêt se déplaçait du pôle extéroceptif<br />
au pôle proprioceptif. La psychose<br />
pouvait être comprise comme<br />
une pathologie hypocondriaque qui<br />
capte l’intérêt du sujet.<br />
Une adhésion aussi tenace à « une fausse<br />
idée scientifique » s’inscrit dans la<br />
conception beaucoup plus large, en<br />
mé<strong>de</strong>cine, que la maladie thérapeutique<br />
remplace la maladie initiale. En<br />
outre, le concept <strong>de</strong> maladie thérapeutique<br />
renvoyait aux traitements <strong>de</strong><br />
choc employés <strong>de</strong>puis longtemps et<br />
que les psychotropes feront disparaître.<br />
Il n’en <strong>de</strong>meure pas moins qu’une telle<br />
approche présente un réel intérêt, ne<br />
serait-ce que par l’opportunité <strong>de</strong><br />
repenser les cadres nosographiques à<br />
travers les transformations induites par<br />
la thérapeutique. Ce renouveau <strong>de</strong> la<br />
recherche clinique gar<strong>de</strong>, probablement,<br />
un potentiel qui n’est pas épuisé.<br />
La question <strong>de</strong>meure, posée <strong>de</strong>puis<br />
Moreau <strong>de</strong> Tours et les premières psychoses<br />
expérimentales, <strong>de</strong> savoir pourquoi<br />
les maladies thérapeutiques ont<br />
gardé un intérêt particulièrement attractif.<br />
Le colloque<br />
international sur la<br />
Chlorpromazine <strong>de</strong><br />
Sainte-Anne en 1955<br />
Le Colloque International sur la Chlorpromazine<br />
et les médicaments neuroleptiques<br />
en thérapeutique psychiatrique<br />
qui s’est tenu à Sainte-Anne du<br />
20 au 22 octobre 1955, a marqué une<br />
étape importante puisqu’il a permis un<br />
bilan attendu et un échange d’expériences<br />
entre les nombreuses équipes<br />
qui, <strong>de</strong>puis quelques années, employaient<br />
le Largactil. Jean Delay en<br />
était le Prési<strong>de</strong>nt et Pierre Deniker, le<br />
secrétaire.<br />
Au cours d’une table ron<strong>de</strong> du symposium,<br />
Roger Ropert a situé ce colloque<br />
dans le temps : 3 ans après la<br />
première publication consacrée à une<br />
phénothiazine d’action centrale élective<br />
(4560 RP), un an et <strong>de</strong>mi après son<br />
emploi lors <strong>de</strong> psychose chronique par<br />
les suisses, un an après que l’intérêt se<br />
soit porté sur les effets secondaires<br />
notamment, neurologiques. Ce colloque<br />
a été suivi, en 1956, d’un colloque<br />
national italien à Milan sur le<br />
même thème et, en 1957, du rapport<br />
<strong>de</strong> Pierre Deniker présenté au cours<br />
du <strong>de</strong>uxième Congrès Mondial <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />
à Zurich.<br />
Le Professeur Thérèse Lempérière a<br />
rappelé que le colloque <strong>de</strong> Sainte-Anne,<br />
à l’origine <strong>de</strong> 147 communications, a<br />
regroupé pendant <strong>de</strong>ux jours et <strong>de</strong>mi<br />
150 participants représentant 20 pays<br />
avec une forte participation française<br />
dont <strong>de</strong> nombreux mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>s hôpitaux<br />
psychiatriques parmi lesquels H.<br />
Ey, M. Hyvert, P.C. Racamier, P.A. Lambert.<br />
La Suisse était représenté, notamment,<br />
par F. Labhardt (700 observations<br />
<strong>de</strong> février 1953 à février 1955)<br />
qui avait employé le Largactil lors <strong>de</strong><br />
schizophrénies d’évolution ancienne et<br />
H. Steck qui a rendu compte <strong>de</strong> son<br />
expérience concernant la réserpine pour<br />
insister, plus particulièrement, sur les<br />
effets secondaires neurologiques.<br />
Le fait que ces <strong>de</strong>rniers étaient observés<br />
chez <strong>de</strong>s patients non psychotiques est<br />
apparu comme important alors q’un<br />
rapprochement sur le plan clinique était<br />
fait avec l’encéphalite épidémique.<br />
Manfred Bleuler a pu rendre compte<br />
<strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong> la réserpine rendue disponible<br />
et isolée par Ciba, sous le nom<br />
<strong>de</strong> Serpasil, emploi induit par <strong>de</strong>s publications<br />
montrant que la prescription<br />
<strong>de</strong> l’alcaloï<strong>de</strong> <strong>de</strong> Rauwolfia « avait calmé<br />
quelques artério-sclérotiques agités sans<br />
les faire dormir ». Les anglais étaient<br />
peu nombreux avec notamment, D.L.<br />
Davies, L. Rees, D.B. Watt (était-ce un<br />
effet <strong>de</strong> leur scepticisme vis à vis <strong>de</strong>s<br />
français ?) alors que leur apport a été<br />
surtout marqué par un apport métho-<br />
<br />
LIVRES<br />
HISTOIRE 9<br />
Observations sur la<br />
phrénologie<br />
1818<br />
G. Spurzheim<br />
Préface <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />
L’Harmattan, 36 €<br />
C’est en 1800 que J. G. Spurzheim<br />
(1776-1832) est <strong>de</strong>venu l’élève <strong>de</strong><br />
Franz Joseph Gall. L’ayant suivi à Paris<br />
pour répandre la doctrine phrénologique,<br />
son nom a été associé à<br />
l’œuvre <strong>de</strong> son maître avec qui il se<br />
brouillera. Mais c’est Spurzheim qui<br />
répand le système <strong>de</strong> Gall dans les<br />
pays anglo-saxons. En 1815, il a fait<br />
éditer un gros ouvrage en langue anglaise<br />
qui lui sert <strong>de</strong> référence pour<br />
son enseignement. Propagateur du<br />
mot phrénologie, il l’utilise la première<br />
fois, trois ans plus tard, dans<br />
le titre <strong>de</strong> l’ouvrage réédité ici. Ce livre<br />
propose un autre système phrénologique<br />
différent <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Gall qui<br />
va obtenir un succès considérable en<br />
France et à l’étranger.<br />
Toutes les fonctions avec connaissance<br />
qui ont lieu chez l’homme peuvent<br />
être divisées en <strong>de</strong>ux ordres :<br />
les unes sont simplement affectives,<br />
les autres intellectuelles. Mais ces<br />
<strong>de</strong>ux ordres peuvent être subdivisés<br />
en plusieurs genres. Certaines facultés<br />
affectives ne donnent qu’un désir,<br />
une inclination ou un penchant,<br />
ou bien ce qu’on appelle instinct chez<br />
les animaux. Ces facultés sont presque<br />
soustraites à la volonté et sont appelées<br />
penchants. D’autres facultés<br />
affectives ne sont pas bornées à un<br />
simple penchant, mais elles éprouvent<br />
quelque chose <strong>de</strong> plus ; c’est ce<br />
qu’on nomme sentiment. L’amourpropre<br />
ou la circonspection peuvent<br />
servir d’exemples. Le second ordre<br />
<strong>de</strong>s facultés renferme celles <strong>de</strong> l’enten<strong>de</strong>ment,<br />
ce sont les facultés intellectuelles.<br />
On peut les subdiviser en<br />
trois genres. Quelques-unes appartiennent<br />
aux sens extérieurs ; d’autres<br />
sont <strong>de</strong>stinées à faire connaître aux<br />
animaux et à l’homme les objets extérieurs,<br />
leurs qualités et leurs relations<br />
; elles sont nommées perceptives.<br />
D’autres, encore, agissent sur<br />
toutes les sortes <strong>de</strong> sensations et <strong>de</strong><br />
connaissances, sous le nom <strong>de</strong> facultés<br />
réflectives.<br />
Troubles bipolaires :<br />
pratiques, recherches et<br />
perspectives<br />
Coordonné par M. Leboyer<br />
John Libbey Eurotext<br />
Dans sa préface, D. Widlöcher relève<br />
que : « La maladie bipolaire apparaît<br />
aujourd’hui dans sa parfaite autonomie<br />
nosologique aussi distincte <strong>de</strong>s<br />
états dissociatifs que <strong>de</strong>s troubles névrotiques.<br />
Son intérêt est même qu’elle<br />
se situe à la croisée <strong>de</strong>s chemins. Trouble<br />
primaire <strong>de</strong>s régulations émotionnelles<br />
et motivationnelles, elle peut montrer<br />
dans les cas graves <strong>de</strong>s formes cliniques<br />
qui, d’un point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>scriptif, peuvent<br />
présenter <strong>de</strong>s altérations <strong>de</strong> type<br />
délirant, donc psychotique. A l’inverse,<br />
les turbulences émotionnelles qu’il crée<br />
viennent, dans les formes subaiguës,<br />
se mêler et donner une coloration clinique<br />
particulière aux difficultés existentielles,<br />
cause ou effet selon les cas<br />
et le poids <strong>de</strong>s déterminismes biologiques<br />
ou psychologiques ».<br />
C’est ce qu’illustre ce livre dont la première<br />
partie décrit la clinique <strong>de</strong>s<br />
troubles bipolaires, aussi bien dans<br />
leur ensemble que dans les formes<br />
cliniques récemment individualisées.<br />
La secon<strong>de</strong> partie décline les différentes<br />
stratégies thérapeutiques et<br />
leurs indications.<br />
La troisième partie fait le point sur<br />
les différents résultats <strong>de</strong> recherches<br />
dans les domaines <strong>de</strong> la neurobiologie,<br />
<strong>de</strong> la génétique, <strong>de</strong>s facteurs<br />
environnementaux, <strong>de</strong>s aspects cognitifs<br />
et <strong>de</strong> l’Imagerie cérébrale.
10<br />
LIVRES<br />
HISTOIRE<br />
Le Lion <strong>de</strong> Florence<br />
Sur l’imaginaire <strong>de</strong>s fondateurs <strong>de</strong><br />
la psychiatrie, Pinel (1745-1826)<br />
et Itard (1774-1838)<br />
Thierry Gineste<br />
Albin Michel, 22 €<br />
Chose attendue, promise, due… Essai<br />
transformé : Le Lion <strong>de</strong> Florence. Une<br />
monographie. Une page d’histoire. Mais<br />
aussi un livre d’auteur. Psychiatre, cofondateur<br />
<strong>de</strong> la Société internationale<br />
d’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie et <strong>de</strong> la psychanalyse,<br />
Thierry Gineste est l’auteur<br />
<strong>de</strong> Victor <strong>de</strong> l’Aveyron, <strong>de</strong>rnier enfant<br />
sauvage, premier enfant fou (Hachette,<br />
2004). Fidèle aux travaux qu’il mène et<br />
aux réflexions qui l’animent, Gineste<br />
commence par une question sans fin :<br />
pourquoi le bon Itard disposa-t-il dans<br />
sa salle à manger ce tableau : le fameux<br />
Lion <strong>de</strong> Florence ? Pourquoi un fauve qui<br />
dévore un nourrisson, au vue et sous<br />
les cris <strong>de</strong> sa mère ? Quant à Pinel, l’autre<br />
grand fondateur mythique <strong>de</strong>s arts psychiatriques,<br />
par quelle étrange coïnci<strong>de</strong>nce<br />
choisit-il en guise <strong>de</strong> décor pour<br />
son salon, une gravure représentant un<br />
jeune homme anorexique « d’amour » :<br />
La Maladie d’Antiochus ? Au commencement,<br />
le fil donc d’une double énigme.<br />
Toute recherche tourne autour d’un<br />
point aveugle. Alors, vous me direz, à<br />
chacun ses raisons, ses goûts, ses couleurs,<br />
ses zones d’ombres. Pinel, Itard,<br />
Gineste… Il y a l’histoire, les petites histoires<br />
et les gran<strong>de</strong>s. Sans parler du<br />
reste, plus ou moins inaccessible. Une<br />
question d’imagination, d’initiation, <strong>de</strong><br />
méditation, <strong>de</strong> composition… Car l’intérieur,<br />
le lieu « <strong>de</strong> vie », est aussi ce livre<br />
entrouvert, où chaque détail voile et<br />
dévoile, en même temps, ses parcelles<br />
<strong>de</strong> vérité, offrant aux regards silencieux<br />
ses lumières et ses ombres par bribes.<br />
Thierry Gineste analyse ainsi pru<strong>de</strong>mment,<br />
à distance raisonnable, comment<br />
les fantasmes <strong>de</strong> Pinel et d’Itard se conjuguent<br />
sur la scène <strong>de</strong> leur théâtre intime.<br />
Composition, décomposition, recomposition…<br />
Sans oublier les convictions<br />
messianiques qui animent nombres <strong>de</strong><br />
« grands hommes ». Rêves <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur<br />
dont naturellement le meurtre, le suici<strong>de</strong>,<br />
la séduction et la transgression ne<br />
sont pas absents… « Confi<strong>de</strong>nces partielles<br />
et simplement balbutiées, presque<br />
inaudibles, aux limites <strong>de</strong> l’enten<strong>de</strong>ment,<br />
souffle <strong>de</strong> l’invisible, chuchotements <strong>de</strong>s<br />
cœurs éclairant pourtant l’opaque ». L’auteur<br />
cherche à débusquer les fils du <strong>de</strong>stin<br />
immortalisés par ces héros visionnaires,<br />
à leur insu, à travers l’excès et<br />
le malheur, la solitu<strong>de</strong>, le mystère. Quant<br />
à la vérité biographique, nous savons<br />
bien ce qu’il en est… Il se pourrait, en<br />
outre, que les folies sanguinaires <strong>de</strong> la<br />
terreur, dont Pinel (révolutionnaire <strong>de</strong><br />
la mé<strong>de</strong>cine) et Itard (révolutionnaire<br />
<strong>de</strong> la psychothérapie) furent les témoins<br />
impuissants, les aient convaincus <strong>de</strong><br />
l’intrication profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la raison et <strong>de</strong><br />
la folie dans la vie psychique, au cœur<br />
<strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s civilisations. Une interrogation<br />
tenace et un cauchemar obsédant.<br />
De l’archéologie <strong>de</strong> la raison<br />
aux logiques délirantes. Et réciproquement.<br />
Bien sûr, nul ne saurait ignorer à<br />
quel point l’imaginaire <strong>de</strong>s « aliénés »,<br />
comme celui <strong>de</strong>s génies invite à se défaire<br />
<strong>de</strong>s folies <strong>de</strong> la raison pure, du trop<br />
sérieux, du bien pensant… Se laisser<br />
prendre à condition <strong>de</strong> s’en déprendre.<br />
Cette nécessité interminable d’un travail<br />
<strong>de</strong> l’imaginaire à laquelle renvoie<br />
la citation <strong>de</strong> Daniel Arasse (On n’y voit<br />
rien, Denoël), choisie par l’auteur en<br />
guise d’exergue. Le travail salvateur <strong>de</strong>s<br />
rêves, partout, tout le temps, enfin quand<br />
ça n’est pas impossible, trop tard : « Vous<br />
ne voyez rien dans ce que vous regar<strong>de</strong>z.<br />
Ou, plutôt, dans ce que vous voyez, vous<br />
ne voyez pas ce que vous regar<strong>de</strong>z, ce<br />
pour quoi, dans l’attente <strong>de</strong> quoi vous regar<strong>de</strong>z<br />
: l’invisIble venu dans la vision ».<br />
Avec Le Lion <strong>de</strong> Florence, justement, on<br />
aurait tendance à apprendre à y voir<br />
un peu plus clair, petit à petit… Au fur<br />
et à mesure <strong>de</strong>s pages qui se tournent<br />
d’elle-même, comme notre regard qui<br />
s’en échappe pour se laisser aller à imaginer.<br />
L’iconographie <strong>de</strong> l’ouvrage en-<br />
richit notre regard, en le projetant ailleurs,<br />
entre les mots et les images, à mi-chemin,<br />
comme dans les rêves. Les souvenirs<br />
se nouent et se dénouent au gré<br />
<strong>de</strong>s images intempestives qui nous sont<br />
proposées : Hippocrate refusant les ca<strong>de</strong>aux<br />
d’Artaxercès, Le songe <strong>de</strong> Saint<br />
Bruno, La résurrection <strong>de</strong> Raymond Diocrès,<br />
Paysage orageux avec Pyrame et<br />
Thisbé, Repos pendant la fuite en Egypte,<br />
Phèdre et Hippolyte, Et in Arcadia ego,<br />
Bélisaire <strong>de</strong>mandant l’aumône, Le sommeil<br />
d’Endymion… Des noms, une narration,<br />
<strong>de</strong>s images multiples. Croisements<br />
<strong>de</strong> représentations et d’affects,<br />
même entre les lignes, longtemps après.<br />
L’idée, souvent reprise par Malraux, d’un<br />
musée absolument imaginaire, unique<br />
à chacun. Comme la translation lente<br />
d’un paravent qui ouvrirait sur un espace<br />
transitionnel sans limite. À la mesure<br />
<strong>de</strong> l’opacité qui habite chacun <strong>de</strong>s<br />
protagonistes <strong>de</strong> l’affaire… Ainsi « apparaîtront<br />
peut-être, <strong>de</strong>rrière les images<br />
i<strong>de</strong>ntificatoires idéales mais conformistes<br />
dont la facticité, aveugle et asservit, d’autres<br />
images, celles surgies d’un horizon inconnu<br />
et toujours plus vaste, qu’explore le traitement<br />
<strong>de</strong>s fous compris comme questionnement<br />
sans fin sur la naissance et la<br />
construction <strong>de</strong> la vie psychique » (p.186).<br />
Un archipel d’image. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s légen<strong>de</strong>s<br />
; <strong>de</strong>s êtres <strong>de</strong> chair et d’os. Une<br />
trace, plusieurs, au loin. Comme l’impression<br />
d’exister. Peut-être. C’est déjà<br />
ça. Au cœur <strong>de</strong>s histoires officielles, un<br />
peu <strong>de</strong> vérité, oblique ? Avec Le Lion <strong>de</strong><br />
Florence, prenons la tangente, avec joie.<br />
Ch. Paradas<br />
Graphologie et recrutement<br />
Marcelle Desurvire<br />
Préface <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine Béchu<br />
L’Harmattan, 24 €<br />
Cet ouvrage explique comment la graphologie<br />
est insérée dans le processus<br />
<strong>de</strong> recrutement, quels sont ses repères<br />
techniques, ses apports et ses limites,<br />
ses points <strong>de</strong> jonction avec d’autres approches<br />
<strong>de</strong> la personnalité, et les problèmes<br />
qui se posent au recruteur. Ce<br />
manuel insiste sur la rigueur nécessaire<br />
au métier <strong>de</strong> graphologue, qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
une expérience technique et humaine<br />
pour s’exercer avec sérieux, et sur le fait<br />
qu’une étu<strong>de</strong> graphologique professionnelle<br />
est centrée sur la personnalité<br />
engagée dans son métier : elle en<br />
évalue le comportement le plus probable<br />
en situation <strong>de</strong> travail, et apporte<br />
un éclairage parmi d’autres.<br />
Henri Sellier, urbaniste et<br />
réformateur social<br />
Roger-Henri Guerrand et Christine<br />
Moissinac<br />
La Découverte, 20 €<br />
Cette biogtaphie d’envergure souligne<br />
la gran<strong>de</strong> originalité <strong>de</strong> Sellier : mû par<br />
un objectif <strong>de</strong> solidarité sociale, il a été<br />
un homme du quotidien, proche <strong>de</strong> ses<br />
administrés, ancré dans son territoire,<br />
minutieux dans ses directives, qui a toujours<br />
tenté, dans sa recherche <strong>de</strong> solutions<br />
pragmatiques d’élargir sa vision<br />
<strong>de</strong>s problèmes en s’entourant <strong>de</strong> spécialistes<br />
variés. Il fut le premier à associer,<br />
étroitement, les questions dé santé<br />
et d’habitat : la « défense sanitaire », et<br />
il fera <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Suresnes, dont il <strong>de</strong>vient<br />
le maire en 1919, une vitrine. Ce<br />
souci l’a conduit à embrasser <strong>de</strong>s préoccupations<br />
touchant à l’ensemble <strong>de</strong><br />
la vie <strong>de</strong> ses administrés : soins attentifs<br />
à la petite enfance, allongement et<br />
diversification <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s jeunes,<br />
éducation populaire sous toutes ses<br />
formes, accompagnement <strong>de</strong>s plus âgés.<br />
Pour justifier les nombreuses mesures<br />
qu’il a initiées, il s’est appuyé sur une<br />
conception « scientiste » <strong>de</strong> ce que certains<br />
<strong>de</strong> ses conseillers dénommaient<br />
à l’époque le « milieu », en fait le terrain<br />
social. C’est ainsi que, au sein <strong>de</strong> l’Office<br />
départemental d’HBM créé à son<br />
initiative et dont il <strong>de</strong>vient l’administrateur<br />
délégué en 1914, comme dans<br />
ses interventions au Conseil général et<br />
surtout dans ses expériences d’élu municipal<br />
à Puteaux, puis à Suresnes, il a<br />
été conduit à imposer, parallèlement à<br />
la réalisation d’ensembles <strong>de</strong> logements,<br />
<br />
dologique (étu<strong>de</strong>s en double<br />
aveugle) relayé par W. Mayer-Gross.<br />
La participation nord-américaine a surtout<br />
été marquée par le canadien H.<br />
E. Lehmann amené à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si le<br />
largactif était un sédatif au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> son<br />
action réductrice sur la tension émotionnelle.Roger<br />
Ropert a rappelé que<br />
Jean Delay dans son exposé introductif<br />
a rendu hommage à Leriche, Reilly<br />
et Laborit qui « a découvert une métho<strong>de</strong>,<br />
l’hibernation artificielle dont les applications<br />
théoriques et pratiques sont d’un<br />
intérêt considérable » mais aussi « aux<br />
chimistes » ce qui était adressé aux travaux<br />
concernant les phénothiazines du<br />
centre <strong>de</strong> recherche Rhône-Poulenc. Il<br />
n’était pas fait mention <strong>de</strong>s tentatives<br />
antérieures <strong>de</strong> traitement par le phénergan<br />
(P.Guiraud) ou l’antergan (G. Daumezon<br />
et L. Cassan, Essai thérapeuthique<br />
abortive d’accès maniaco-dépressifs<br />
AMP, 1943, T2, p 432).<br />
Pour Jean Delay, les neuroleptiques<br />
s’opposent au concept <strong>de</strong> choc puisque<br />
les thérapeutiques <strong>de</strong> choc provoquent<br />
une réaction d’alarme, <strong>de</strong> défense, <strong>de</strong><br />
démobilisation mettant en jeu l’axe<br />
diencéphalo-hypophysaire alors que la<br />
« neurolepsie » induit « une sorte <strong>de</strong><br />
démobilisation, une réaction <strong>de</strong> détente ».<br />
La cure neuroleptique ne se confond ni<br />
avec la cure <strong>de</strong> sommeil (le sujet ne<br />
dort pas), ni avec l’hibernation artificielle<br />
(même si l’objectif est i<strong>de</strong>ntique<br />
car il n’y a pas une diminution <strong>de</strong> la<br />
température centrale).<br />
Les termes <strong>de</strong> narcolepsie et <strong>de</strong> neuroleptique<br />
ont été proposés en référence<br />
à Pierre Janet « qui avait créé la<br />
notion <strong>de</strong> psycholepsie pour désigner la<br />
chute <strong>de</strong> la tension psychologique ». La<br />
clarté d’analyse et d’expression <strong>de</strong> Jean<br />
Delay est apparue, une fois <strong>de</strong> plus<br />
évi<strong>de</strong>nte et a rallié l’ensemble <strong>de</strong>s participants<br />
: « ces médicaments sont neuroleptiques<br />
grâce à une prégnance particulière<br />
sur les centres nerveux<br />
régulateurs du tonus mental ; ils ne sont<br />
pas à proprement parler neuroplégiques,<br />
car cette <strong>de</strong>rnière expression convient à<br />
une action frappante et paralysante dont<br />
d’autres drogues sont beaucoup plus<br />
représentatives ».Pour ce qui avait pu<br />
être considéré comme une trouvaille<br />
et qui ne relevait certainement pas du<br />
hasard, le colloque s’était donné les<br />
objectifs suivants : indications et contreindications,<br />
comparaison avec les autres<br />
métho<strong>de</strong>s, comparaison <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
entre eux, effets neuro-physiologiques<br />
et psycho-physiologiques et,<br />
enfin, hypothèses sur les mo<strong>de</strong>s d’action.<br />
Un accord s’est fait sur <strong>de</strong> nombreux<br />
points :<br />
- une activité reconnue sur les psychoses<br />
aiguës et chroniques,<br />
- une posologie <strong>de</strong> 300 à 500 mg,<br />
- une modalité d’emploi marquée par<br />
la voie intramusculaire dans un premier<br />
temps relayée, au bout <strong>de</strong> 15 à 20<br />
jours, par la voie orale,<br />
- le traitement doit être prolongé et<br />
peut être interrompu.<br />
Si l’accent était mis sur les psychoses<br />
aiguës et les états d’acuité, certains<br />
aspects ont été abordés comme l’intérêt<br />
<strong>de</strong> l’ergothérapie par P. Sivadon à<br />
<strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> vie dont il espérait qu’elles<br />
assureraient l’épanouissement physique,<br />
intellectuel et moral <strong>de</strong> chacun.<br />
Pour Sellier, l’accompagnement <strong>de</strong>s familles<br />
et la construction <strong>de</strong> logements<br />
allaient dans le même sens, et c’est pourquoi,<br />
pleinement compris par ses auxiliaires<br />
médico-sociales, Sellier le sera<br />
aussi par une équipe <strong>de</strong> jeunes architectes<br />
adhérant à son idéal. Inspirés par<br />
le modèle britannique <strong>de</strong>s cités-jardins,<br />
ils feront surgir ensemble, en banlieue<br />
parisienne, <strong>de</strong>s ensembles mariant<br />
formes rurales et urbaines.<br />
Grâce à Sellier, l’Office départemental<br />
<strong>de</strong>s habitations à bon marché <strong>de</strong>viendra<br />
le lea<strong>de</strong>r en France en matière <strong>de</strong><br />
constructions sociales. Il n’oubliera pas<br />
- et il sera le premier homme politique<br />
à y penser - <strong>de</strong> le flanquer d’un Office<br />
d’hygiène, départemental lui aussi, mais<br />
relayé dans nombre <strong>de</strong> municipalités,<br />
partir <strong>de</strong> l’expérience du CTRS <strong>de</strong> Ville-<br />
Evrard (« chaque fois que nous avons<br />
donné du largactil à un mala<strong>de</strong> sans<br />
réussir à l’occuper d’une façon suffisamment<br />
stable dans un atelier ou une<br />
équipe, les résultats ont été très décevants<br />
»), la transformation <strong>de</strong>s conditions<br />
d’hospitalisation par L. Leguillant<br />
(« leur emploi sur une large échelle permet<br />
<strong>de</strong> transformer certains services ou<br />
certains quartiers, d’y faire régner une<br />
autre atmosphère »), la cure <strong>de</strong> sommeil<br />
collective potentialisée par le Largactil<br />
par H. Ey et H. Faure.<br />
Ces <strong>de</strong>rniers étaient amenés à relever<br />
que « la Chlorpromazine a fait naître et<br />
a déjà justifié <strong>de</strong> grands espoirs. Elle n’est<br />
pas encore <strong>de</strong>venue la « panacée » « l’aspirine<br />
psychiatrique », et on ne saurait à<br />
cet égard être assez méfiant contre son<br />
emploi <strong>de</strong> routine dispensant <strong>de</strong> recourir<br />
à la clinique ». La réponse <strong>de</strong> Jean Delay<br />
ne se fit pas attendre : « Mon ami Henri<br />
Ey a justement critiqué cette notion <strong>de</strong>s<br />
« aspirines psychiatriques », mais je ne me<br />
permettrai <strong>de</strong> faire remarquer que l’aspirine<br />
est un grand médicament et que<br />
nous voudrions bien pouvoir disposer en<br />
psychiatrie <strong>de</strong> quelques « aspirines ».<br />
Le renoncement à certaines techniques<br />
associées n’était pas acquis alors que,<br />
rapi<strong>de</strong>ment, les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> réhabilitation<br />
ont pu être mises en avant du fait<br />
<strong>de</strong> conséquences considérables sur les<br />
hôpitaux psychiatriques, les personnels,<br />
où le personnel <strong>de</strong>s « visiteuses », nouveaux<br />
acteurs sociaux que <strong>de</strong>s femmes<br />
ont inventés à la fin du XIX e siècle, enseigne<br />
à la population ouvrière les règles<br />
d’une vie saine qui lui permettront d’accé<strong>de</strong>r<br />
à la « bonne santé » réservée jusquelà<br />
à la bourgeoisie.<br />
Pendant une longue pério<strong>de</strong>, <strong>de</strong> ses années<br />
<strong>de</strong> maturité jusqu’après son accession<br />
au poste <strong>de</strong> ministre <strong>de</strong> la Santé<br />
du premier gouvernement Blum, il a défendu<br />
une approche transversale <strong>de</strong><br />
l’homme et son souci sera, continuellement,<br />
d’ériger <strong>de</strong>s passerelles entre<br />
<strong>de</strong>s disciplines scientifiques en lesquelles<br />
il a confiance et l’action municipale touchant<br />
à la santé, l’éducation, l’habitat,<br />
les loisirs et les déplacements. Il saura,<br />
dans son action ministérielle, faire appel<br />
à toutes les forces même privées<br />
afin <strong>de</strong> mettre en place une coordina-<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
d’une coopération <strong>de</strong>venue possible<br />
avec les généralistes et d’une transformation<br />
possible <strong>de</strong> la vision <strong>de</strong> l’opinion<br />
publique vis-à-vis <strong>de</strong> la maladie<br />
mentale. Les apports <strong>de</strong>s psychiatres<br />
<strong>de</strong>s hôpitaux psychiatriques ont représenté<br />
une donnée importante, ne seraitce<br />
qu’en relation avec le nombre considérable<br />
<strong>de</strong>s patients traités (1400, par<br />
exemple, pour Le Vinatier et Bassens).<br />
La revue <strong>de</strong> la littérature menée par<br />
P.A. Lambert, A. Die<strong>de</strong>richs et M. Toulet<br />
indique « un nombre réduit <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts<br />
signalés en face <strong>de</strong> l’extension d’une<br />
thérapeutique sortie <strong>de</strong>s laboratoires français<br />
il y a à peine trois ans » (environ 5<br />
millions <strong>de</strong> patients). Si le syndrome<br />
pseudo-parkinsonien « qui n’est contesté<br />
que par Baruk », était connu <strong>de</strong>puis<br />
le symposium suisse <strong>de</strong> 1953 sur la<br />
chlorpromazine, il a fallu attendre<br />
1959/60 pour que soient rapportés le<br />
syndrome malin et les dyskinésies tardives<br />
(J. Sigwald).<br />
Ce symposium, animé en partie par<br />
<strong>de</strong>s témoins et acteurs directs, a fait<br />
revivre <strong>de</strong> façon particulièrement vivante<br />
les interrogations qui ont accompagné<br />
la diffusion si rapi<strong>de</strong> du premier<br />
neuroleptique. Ces interrogations permettent,<br />
encore aujourd’hui, <strong>de</strong> percevoir<br />
ce que l’intuition clinique associée<br />
à une volonté thérapeutique est<br />
capable d’induire. <br />
Gérard Massé<br />
tion indispensable en matière <strong>de</strong> santé.<br />
L’expérience ministérielle sera, pour lui,<br />
brève et en partie décevante faute <strong>de</strong><br />
moyens financiers et <strong>de</strong> véritable soutien<br />
gouvernemental. En conséquence,<br />
dans les <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> sa vie, Sellier,<br />
se repliant sur Suresnes, sa « villelaboratoire<br />
», va chercher <strong>de</strong>s appuis différents,<br />
parfois étonnants, mettant ainsi<br />
en cause certaines <strong>de</strong> ses exigences. Il<br />
restera néanmoins, dans les heures<br />
graves <strong>de</strong> la guerre et <strong>de</strong> l’Occupation,<br />
un élu présent, courageux et prenant<br />
<strong>de</strong>s risques dont certains lui coûteront<br />
cher, puisqu’il sera incarcéré à <strong>de</strong>ux reprises.<br />
Cet homme au parcours si singulier,<br />
provincial venu à Paris pour <strong>de</strong>s<br />
étu<strong>de</strong>s commerciales, puis banlieusard<br />
profondément attaché aux communes<br />
« suburbaines », <strong>de</strong>meure d’une actualité<br />
évi<strong>de</strong>nte.
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
Racisme, xénophobie, guerres <strong>de</strong><br />
religions (celle du pétro-dollar ou<br />
d’autres)… autant <strong>de</strong> terrorismes<br />
régnant sur un ailleurs <strong>de</strong> moins en<br />
moins lointain.<br />
Mais, si le terrorisme peut ainsi sembler<br />
<strong>de</strong>venir nôtre, n’est-ce pas qu’intolérance<br />
et rejet n’ont jamais cessé <strong>de</strong><br />
nous habiter ?<br />
Le terroriste est-il l’Autre ?<br />
La reconnaissance <strong>de</strong> l’altérité, premier<br />
motif <strong>de</strong> l’altruisme, en est aussi sa plus<br />
amère limite. A ce point <strong>de</strong> non-retour,<br />
à tout moment, d’un geste bref, sans<br />
même y penser en vérité, nous savons<br />
faire basculer l’Autre du côté <strong>de</strong> l’ennemi,<br />
du No man’s land.<br />
Ainsi, ici, au quotidien <strong>de</strong> l’êtreensemble<br />
dans un pays non sans misère<br />
mais sans terreur, dans les institutions<br />
dévolues à la santé <strong>de</strong> tous, au<br />
cœur <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong>s soins, parmi<br />
les êtres pensants acteurs responsables<br />
du système d’entrai<strong>de</strong>, existe aussi la<br />
violence interpersonnelle.<br />
Nous n’évoquerons pas ici les vécus<br />
qu’associations <strong>de</strong> familles et/ou <strong>de</strong><br />
patients, et avec eux un certain nombre<br />
<strong>de</strong> professionnels, questionnent régulièrement<br />
qu’il s’agisse <strong>de</strong> la violence<br />
<strong>de</strong>s contextes d’urgence, <strong>de</strong> privation<br />
<strong>de</strong> liberté ou, encore, <strong>de</strong> celle inhérente<br />
au dilemme « surveiller ou punir ».<br />
Nous ne développerons pas plus le<br />
problème <strong>de</strong> la rivalité pourvant parfois<br />
confiner à la violence <strong>de</strong>s trois corps<br />
oeuvrant avec <strong>de</strong>s logiques non superposables<br />
au sein <strong>de</strong>s institutions <strong>de</strong> soin<br />
(les administratifs, les mé<strong>de</strong>cins, les soignants)<br />
(1).<br />
Nous nous tournerons vers une dimension<br />
pouvant, pourtant, participer <strong>de</strong>s<br />
précé<strong>de</strong>ntes, une dimension moins<br />
débattue encore si possible, une dimension<br />
<strong>de</strong> polémique interne (du grec<br />
polèmos : la guerre) au mon<strong>de</strong> médical<br />
et à laquelle l’actualité confère une<br />
double forme, partiellement intriquée :<br />
le statut <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins étrangers et la<br />
formation <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins français.<br />
Formations initiales et formation continue.<br />
I<strong>de</strong>ntité et différence.<br />
Un sujet qui fâche.<br />
Le statut <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins étrangers : pour<br />
ne citer qu’un seul axe <strong>de</strong> cette vaste<br />
question, notons avec soulagement que<br />
les mé<strong>de</strong>cins diplômés hors <strong>de</strong> l’Union<br />
européenne, 3000 en situation illégale<br />
dans les hôpitaux recensés fin 2003,<br />
ont aperçu « le bout du tunnel » avec la<br />
publication en 2004 d’un décret attendu<br />
<strong>de</strong>puis 1999, fixant une nouvelle<br />
procédure <strong>de</strong> recrutement.<br />
Réactions françaises exprimées ? Les<br />
unes accueillent « positivement » la « normalisation<br />
» <strong>de</strong> leurs confrères et espèrent<br />
même que la France puisse attirer<br />
<strong>de</strong>s praticiens « extra-communautaires<br />
<strong>de</strong> qualité, ayant un projet professionnel<br />
particulier » ; les autres s’inquiètent et ne<br />
voudraient pas « que ces praticiens se<br />
retrouvent perdus dans la nature pendant<br />
trois ans [durée <strong>de</strong>s stages obligatoires<br />
après épreuves théoriques], dans<br />
<strong>de</strong>s services où ils sont mal encadrés et où<br />
ils servent <strong>de</strong> bouche-trous » (2).<br />
Tout n’est peut-être pas dit.<br />
Un second point, potentiellement éclairant<br />
: les diplômes <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins européens.<br />
L’Arrêté du 30 juin 2004 (3 a)<br />
fait suite au Décret 19 mars 2004<br />
(3 b)<br />
et actualise les conditions dans lesquelles<br />
les mé<strong>de</strong>cins diplômés « <strong>de</strong><br />
l’Union européenne et <strong>de</strong> la confédération<br />
suisse ou <strong>de</strong> l’espace économique européen<br />
» peuvent instruire un dossier<br />
visant à la « reconnaissance mutuelle <strong>de</strong>s<br />
diplômes certificats et autres titres <strong>de</strong><br />
mé<strong>de</strong>cins ». Sans pouvoir envisager ici le<br />
<strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s français entamant <strong>de</strong> telles<br />
démarches hors <strong>de</strong> l’hexagone, précisons<br />
un peu le champ ainsi ouvert.<br />
Le même texte met, en effet, à jour<br />
les « commissions <strong>de</strong> qualification » non<br />
seulement pour les « européens » non<br />
français en France, mais aussi, s’agissant<br />
<strong>de</strong>s français, pour les généralistes<br />
souhaitant une « reconnaissance »<br />
comme spécialistes ainsi que pour les<br />
L’Autre, ce Sujet qui fâche<br />
spécialistes souhaitant aussi être « reconnus<br />
» dans l’exercice d’une autre spécialité<br />
que leur spécialité d’origine.<br />
Le Bulletin <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong>s Mé<strong>de</strong>cins<br />
faisait état dès le mois <strong>de</strong> mai 2004<br />
(avant même l’Arrêté) <strong>de</strong> l’évolution<br />
<strong>de</strong> ce qu’il dénommait alors une « bouffée<br />
d’oxygène » en avançant le chiffre<br />
d’environ 900 <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> changement<br />
<strong>de</strong> spécialité déposées par les<br />
mé<strong>de</strong>cins « nouveau régime » concernés<br />
auprès <strong>de</strong>s conseils départementaux<br />
(4 a). Il a très vite été question <strong>de</strong><br />
plusieurs milliers <strong>de</strong> dossiers.<br />
Dans les faits, sur le terrain, quelle place<br />
pour les transfuges, les mutants, les<br />
Autres ?<br />
Là où l’on s’autorise à noter, selon un<br />
éclairage tangentiel à cette difficile question<br />
issue cependant <strong>de</strong> la pratique<br />
quotidienne, qu’entre psychiatres et<br />
urgentistes, les différences <strong>de</strong> « culture »<br />
ren<strong>de</strong>nt les partenariats « laborieux » (5),<br />
et ceci pour <strong>de</strong>s exercices a priori non<br />
divergents, en règle différents, au mieux<br />
complémentaires, est-on prêt à questionner<br />
les écarts <strong>de</strong> « culture » ou <strong>de</strong><br />
« représentations » ou encore <strong>de</strong> « pratiques<br />
» entre <strong>de</strong>s professionnels diversement<br />
formés pour le même exercice<br />
?<br />
Sans doute, les réflexes i<strong>de</strong>ntitaires <strong>de</strong>s<br />
professionnels français se trouvent-ils<br />
enracinés dans la valorisation sociale<br />
<strong>de</strong>s diplômes en général, <strong>de</strong> la quantité<br />
d’années requise pour y accé<strong>de</strong>r en<br />
particulier (l’on rappellera pour simple<br />
illustration la désaffection française pour<br />
les filières scolaires courtes avec, pour<br />
corrélat, le taux d’échec majeur chez les<br />
trop nombreux étudiants en première<br />
année d’université<br />
(6 a, 6 b)).<br />
Vient s’y adjoindre une culture <strong>de</strong> l’autosatisfaction<br />
reprise à nouveau frais<br />
par la société post-mo<strong>de</strong>rne, qui après<br />
le désenchantement du mon<strong>de</strong> et la<br />
perte <strong>de</strong>s figures classiques d’autorité, se<br />
précise <strong>de</strong>puis quelques décennies sous<br />
la forme <strong>de</strong> nouveaux pouvoirs (7).<br />
A nouveau frais aujourd’hui en ce que<br />
ces polémiques internes au mon<strong>de</strong><br />
médical voient se confronter <strong>de</strong>s professionnels<br />
ayant <strong>de</strong>s formations initiales<br />
différentes et <strong>de</strong>s formations continues<br />
diverses dont le décret et l’arrêté<br />
cités plus haut envisagent cependant<br />
que la somme puisse autoriser la même<br />
qualité d’exercice.<br />
Le passage d’une valorisation première<br />
<strong>de</strong> la quantité (nombre d’années<br />
d’étu<strong>de</strong>s), mais aussi <strong>de</strong> l’homogénéité<br />
[la bonne formation est-elle celle <strong>de</strong> la<br />
majorité ? celle <strong>de</strong>s usages et <strong>de</strong>s traditions<br />
(pour ne rien dire du conservatisme)<br />
? …celle <strong>de</strong> la pensée<br />
unique ?] à une reconnaissance principielle<br />
<strong>de</strong> la qualité [celle qui reste à<br />
évaluer] suppose d’intégrer l’altérité<br />
non plus comme limite mais comme<br />
ouverture.<br />
Ce qui suscite d’autant plus <strong>de</strong> résistance<br />
que l’autosatisfaction post-mo<strong>de</strong>rne<br />
du petit mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la santé française<br />
s’enorgueillit en l’état d’exercer « la<br />
meilleure mé<strong>de</strong>cine » et donc <strong>de</strong> détenir<br />
les « meilleurs mé<strong>de</strong>cins du mon<strong>de</strong> ».<br />
Or, c’est peut-être vrai, mais tout bonnement<br />
« présentement impossible à<br />
prouver » (8).<br />
Pouvons-nous alors au moins envisager<br />
avoir « le meilleur programme <strong>de</strong><br />
formation <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins » ? Las, il semble<br />
bien que ce dont atteste la formation<br />
initiale, c’est au plus d’une « durée exacte<br />
» d’étu<strong>de</strong>s, et d’une certaine « qualité<br />
<strong>de</strong> la mémoire » pour répéter « par<br />
écrit ou oralement » ce que les « maîtres »<br />
ont dit (Ibid.).<br />
Savoir et pouvoir.<br />
Envisager que d’autres mo<strong>de</strong>s d’accès<br />
au savoir puissent permettre le même<br />
exercice, c’est donc bien participer <strong>de</strong><br />
la remise en question <strong>de</strong> l’hégémonie<br />
<strong>de</strong>s maîtres, <strong>de</strong> la puissance <strong>de</strong>s institutions,<br />
<strong>de</strong>s valeurs socio-politiques.<br />
En cela, il n’est pas étonnant qu’il ait<br />
fallu « plus <strong>de</strong> dix années <strong>de</strong> tergiversa-<br />
tions » (4 b) à la fois pour que la mission,<br />
rapportée par le Pr. Y. Matillon<br />
en août 2003 sur les « Modalités et<br />
conditions d’évaluation <strong>de</strong>s compétences<br />
professionnelles <strong>de</strong>s métiers <strong>de</strong> la<br />
santé » (9) soit possible et pour que le<br />
Décret du 14.11.2003 (10) pose le cadre<br />
général du dispositif <strong>de</strong> Formation<br />
Médicale Continue récemment précisé<br />
par Décret (11).<br />
Mais c’est peut-être ainsi que, là où les<br />
rencontres internationales formalisées<br />
lors <strong>de</strong>s colloques et <strong>de</strong>s congrès (12)<br />
constituaient une première arme essentielle<br />
au recul <strong>de</strong>s ostracismes « politiquement<br />
corrects » et à l’avancée au<br />
moins théorique d’une mondialisation<br />
sanitaire, la mise en place effective <strong>de</strong><br />
cette évaluation salutaire viendra un<br />
jour fournir la clé <strong>de</strong>s frontières intérieures.<br />
Car, envisager l’Autre sur le même lieu<br />
<strong>de</strong> travail, c’est-à-dire, littéralement,<br />
regar<strong>de</strong>r son visage, le regar<strong>de</strong>r en face,<br />
ça ne se décrète pas, ça ne s’organise<br />
pas.<br />
Envisager l’Autre dans son existence,<br />
ici professionnelle, c’est admettre par lui<br />
une relativisation <strong>de</strong>s bases <strong>de</strong> son<br />
propre savoir, donc <strong>de</strong> son pouvoir,<br />
surtout si le dit pouvoir a une fonction<br />
structurante pour soi.<br />
Refus <strong>de</strong> la confusion <strong>de</strong> la fonction<br />
et <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité.<br />
Face à face avec le Sujet qui fâche.<br />
Et si vous choisissez <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> la<br />
confusion comme <strong>de</strong> la bêtise (13),<br />
quand vous pensez et agissez en personne,<br />
c’est-à-dire en sujet responsable,<br />
« quand vous n’avez plus <strong>de</strong> souci d’image<br />
ou <strong>de</strong> carrière, vous acquérez une<br />
insolite autonomie <strong>de</strong> pensée » (14).<br />
Et dès lors que vous êtes <strong>de</strong>venus autonomes<br />
(du grec auto-nomos : à soimême<br />
sa propre loi), envisager l’Autre<br />
comme co-laborateur, revient à l’instaurer<br />
comme son égal, et permet, en<br />
se connaissant à travers lui, <strong>de</strong> le « reconnaître<br />
» comme ce Sujet qui nous<br />
fait Sujet.<br />
Le Même.<br />
C’est bien là l’enjeu <strong>de</strong> ce que les psychiatres,<br />
s’ils savent critiquer leurs<br />
propres failles humaines et sociales, s’ils<br />
parviennent à mettre <strong>de</strong> côté leurs<br />
angoisses i<strong>de</strong>ntitaires par rapport aux<br />
autres spécialités, s’ils saisissent le renforcement<br />
possible <strong>de</strong> leur discipline<br />
singulière, « richesse et fragilité » face à<br />
ses nouvelles missions (15 a, 15 b), et ceci<br />
aussi grâce au partage avec <strong>de</strong>s collègues<br />
formés ailleurs ou autrement (16),<br />
peuvent sans doute assumer et peutêtre<br />
même promouvoir en mé<strong>de</strong>cine.<br />
Rendre un Salut qui instaure l’Autre en<br />
Sujet, donner un Salut qui prévient le<br />
terrorisme grâce à la déconstruction d’une<br />
<strong>de</strong> nos terreurs les plus souterraines, un<br />
« salut sans salvation, un imprésentable<br />
salut » (17). <br />
Armelle Grenouilloux*<br />
*<strong>Psychiatrie</strong> V Hôpital Saint-Jacques, 44093<br />
Nantes Ce<strong>de</strong>x 1.<br />
Bibliographie<br />
(1) MUCCHIELLI A, Soigner l’hôpital,<br />
Sciences Humaines, 1994, 44, 32-35.<br />
(2) CHARDON D, Intégration <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />
à diplôme étranger. La nouvelle procédure<br />
<strong>de</strong> recrutement plutôt bien accueillie,<br />
Quotidien du Mé<strong>de</strong>cin, 16.06.2004,<br />
n°7561.<br />
(3) (a)Arrêté du 30 juin 2004 in J.O. du<br />
31.07.2004. portant règlement <strong>de</strong> qualification<br />
<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins. (b) Décret n° 2004-<br />
252 du 19.03.2004 relatif aux conditions<br />
dans lesquelles les docteurs en mé<strong>de</strong>cine<br />
peuvent obtenir la qualification <strong>de</strong> spécialiste.<br />
(4) Le bulletin <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins ;<br />
mai 2004, n°5. (a) Des passerelles en cours<br />
<strong>de</strong> carrière, p.4 ; (b) F.M.C. le grand chantier<br />
est engagé, p.8-9.<br />
(5) CAROLI F, Laborieuse collaboration<br />
entre psychiatres et urgentistes, Le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>Nervure</strong>, septembre 2004, 6, 10.<br />
(6) (a) Rapport 2003 du Haut Conseil pour<br />
l’Evaluation <strong>de</strong> l’Ecole www.education.<br />
gouv.fr ; (b) Après le bac, étudiants et parents<br />
plébiscitent les filières sélectives, Le Mon<strong>de</strong>,<br />
19 juin 2004, p.10.<br />
(7) PONROY A., Des leçons d’il y a tout<br />
juste 30 ans…Vers une « alter-psychiatrie !<br />
A propos <strong>de</strong>… Le Pouvoir Psychiatrique <strong>de</strong><br />
Michel Foucault, Evol. psychiatr. 2004, 69,<br />
501-509.<br />
(8) GUILBERT J-J, « Nous avons les meilleurs<br />
mé<strong>de</strong>cins du mon<strong>de</strong> » C’est peut-être vrai<br />
mais pourriez-vous le prouver ?, Pédagogie<br />
Médicale 2002, 3, 4, 210-212.<br />
(9) MATILLON Y, Modalités et conditions<br />
d’évaluation <strong>de</strong>s compétences professionnelles<br />
<strong>de</strong>s métiers <strong>de</strong> la santé, Rapport <strong>de</strong> Mission<br />
au Ministre <strong>de</strong> la jeunesse, <strong>de</strong> l’Education<br />
nationale et <strong>de</strong> la recherche et au Ministre<br />
<strong>de</strong> la Santé, <strong>de</strong> la famille et <strong>de</strong>s Personnes<br />
handicapées, Août 2003.<br />
(10) Décret n°2003-1077 du 14.011.2003<br />
relatif aux conseils nationaux et au comité<br />
<strong>de</strong> coordination <strong>de</strong> la formation médicale<br />
continue prévus aux articles L.4133-3 et<br />
L.6155-2 du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la santé publique.<br />
(11) Décret n°2005-346 du 14 avril 2005<br />
relatif à l’évaluation <strong>de</strong> pratiques professionnelles,<br />
J.O. du 15.04.05.<br />
(12) La psychiatrie française dans l’Europe et<br />
dans le mon<strong>de</strong>, Coord. J. GARRABÉ, H.<br />
SONTAG, httpp://psydoc-fr.broca.inserm.fr,<br />
mise à jour 18.03.2002.<br />
(13) GRENOUILLOUX A, De la bêtise,<br />
Act. Méd. Int.-<strong>Psychiatrie</strong> 2004, 6, 21.<br />
(14) CORDELIER J, Régis Debray contre<br />
la dictature du jeunisme, Le Point,<br />
14.10.2004, n°1674, 55-56.<br />
(15) (a) AUSSILLOUX Ch, Richesse et fragilité,<br />
Le Quotidien du Mé<strong>de</strong>cin, n° 7611spécial<br />
psychiatrie, 14.10.2004. (b) GRE-<br />
NOUILLOUX A, Psychosomatique et<br />
corporéité. Pour un abord phénoménologique<br />
<strong>de</strong> la question psychosomatique, Thèse <strong>de</strong><br />
Philosophie, 2005, Paris I-Panthéon-Sorbonne.<br />
(16) FERREY G, Psychiatres au rabais ? Mé<strong>de</strong>cins<br />
à diplômes étrangers boucs émissaires !,<br />
Le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong> <strong>Nervure</strong> Mars 2005, XVII, 2,<br />
1-3.<br />
(17) Derrida. L’homme déconstruit, Libération<br />
11.10.2004, p.2-7.<br />
LIVRES<br />
HUMEUR 11<br />
Pluriel intérieur<br />
Variations sur le roman familial<br />
Jacqueline Rousseau-Dujardin<br />
L’Harmattan, 20 €<br />
Quelqu’un tenterait-il d’écrire son histoire<br />
en <strong>de</strong>s moments différents <strong>de</strong><br />
sa vie - c’est le cas du narrateur dans<br />
ce livre -, il constaterait que sa vision<br />
du passé, <strong>de</strong> son passé, n’est pas fixée<br />
une fois pour toutes : les événements<br />
vécus ne lui apparaissent pas sous le<br />
même jour, le rôle qu’il y a joué se<br />
transforme, les personnages qui l’ont<br />
entouré ne répon<strong>de</strong>nt plus exactement<br />
aux portraits d’abord tracés. La<br />
mémoire est vivante, sensible aux effets<br />
que le présent exerce sur elle.<br />
Avec le temps, elle travaille et fournit<br />
<strong>de</strong>s récits diversement composés,<br />
<strong>de</strong>s variations du roman familial,<br />
comme si l’on était plusieurs, successivement,<br />
à l’intérieur <strong>de</strong> soi.<br />
Jacqueline Rousseau-Dujardin est psychanalyste.<br />
Elle a publié plusieurs<br />
livres d’essais sur la psychanalyse :<br />
Couché par écrit, Tu as changé, Ce qui<br />
vient à l’esprit, L’imparfait du subjectif<br />
; en collaboration avec Françoise<br />
Escal, Musique et différence <strong>de</strong> sexes.<br />
Et un roman, L’Excursion.<br />
La polyphonie du paysage<br />
Publié sour la direction <strong>de</strong><br />
Yvan Droz<br />
Valérie Miéville-Ott<br />
Presses polytechniques et<br />
universitaires roman<strong>de</strong>s<br />
L’ambition <strong>de</strong> cet ouvrage est double :<br />
éclairer et préciser le champ <strong>de</strong>s significations<br />
du paysage et en explorer<br />
la dimension opératoire et politique.<br />
La multiplicité <strong>de</strong>s regards<br />
proposés - géographes, sociologues,<br />
agronomes, ethnologues - pose les<br />
jalons d’une anthropologie politique<br />
du paysage. Des étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas enrichissent<br />
le débat et proposent <strong>de</strong>s<br />
pistes <strong>de</strong> réflexion autour du paysage<br />
en tant qu’objet <strong>de</strong> négociation collective<br />
et territoriale.<br />
Avec les contributions <strong>de</strong> Joël Chatélat, Pierre<br />
Donadieu, Yvan Droz, Philippe Fleury, Jéramie<br />
Forney, Emmanuel Guisepelli, Yves Michelin, Valérie<br />
Miéville-Ott, Serge Ormaux, Jacques Rémy,<br />
Emmanuel Reynard, Rachel Spichiger.<br />
Les résultats <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> CATIE<br />
Selon les conclusions <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> CATIE (Clinical Antipsychotic Trial of Intervention<br />
Effectiveness), Zyprexa ® (olanzapine) a été plus efficace en terme<br />
<strong>de</strong> taux d’arrêt <strong>de</strong> traitement pour les patients souffrant <strong>de</strong> schizophrénie<br />
comparativement aux autres médicaments utilisés dans cette étu<strong>de</strong>. Cette<br />
étu<strong>de</strong> conduite <strong>de</strong> façon indépendante par le NIMH (National Institute of<br />
Mental Health) aux Etats-Unis est publiée dans le New England <strong>Journal</strong> of<br />
Medicine du 22 septembre. L’étu<strong>de</strong> CATIE a été mise en place afin d’évaluer<br />
l’efficience clinique générale <strong>de</strong>s antipsychotiques (classiques et atypiques)<br />
dans le traitement <strong>de</strong> la schizophrénie en utilisant comme critère d’évaluation<br />
l’arrêt du traitement quelle qu’en soit la cause, un critère qui intègre le<br />
jugement à la fois <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins et <strong>de</strong>s patients sur l’efficacité du traitement,<br />
sa sécurité d’emploi et sa tolérance.<br />
Au cours <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> les patients traités par Zyprexa ® présentaient une<br />
prise <strong>de</strong> poids et <strong>de</strong>s élévations <strong>de</strong>s paramètres métaboliques glucidiques et<br />
lipidiques plus importantes comparativement aux patients traités par les autres<br />
antipsychotiques étudiés. L’information relative aux effets indésirables liés à<br />
l’élévation du taux <strong>de</strong> glucose dans le sang, aux anomalies du métabolisme<br />
lipidique et à la prise <strong>de</strong> poids est incluse dans le Résumé <strong>de</strong>s Caractéristiques<br />
Produit <strong>de</strong> Zyprexa ®. Dans le groupe <strong>de</strong> patients qui ont arrêté leur<br />
traitement en raison d’effets indésirables, un plus grand nombre <strong>de</strong> patients<br />
traités par Zyprexa ont arrêté leur traitement du fait d’une prise <strong>de</strong> poids et<br />
<strong>de</strong> désordres métaboliques.<br />
Les résultats <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> CATIE montrent que pour Zyprexa ® la durée médiane<br />
avant arrêt du traitement était <strong>de</strong> 9,2 mois, alors qu’elle était <strong>de</strong> 4,6<br />
mois pour la quétiapine, <strong>de</strong> 4,8 mois pour la rispéridone, <strong>de</strong> 3,5 mois pour<br />
la ziprasidone, 5,6 mois pour la perphénazine. La différence était statistiquement<br />
significative pour Zyprexa ® comparé à la rispéridone et la quétiapine,<br />
mais non statistiquement significative comparativement à la perphénazine<br />
ou la ziprasidone.<br />
Les patients traités par Zyprexa ® ont été moins souvent hospitalisés pour<br />
une exacerbation <strong>de</strong> leur symptomatologie schizophrénique que les patients<br />
traités par les autres antipsychotiques utilisés dans l’étu<strong>de</strong>. Dans tous les<br />
groupes <strong>de</strong> traitement, les patients ont présenté une amélioration <strong>de</strong> leur<br />
symptomatologie psychotique évaluée à partir du score total <strong>de</strong> l’échelle<br />
PANSS (Positive and Negative Syndrome Scale). Les patients traités par Zyprexa<br />
® ont présenté une amélioration plus importante en début <strong>de</strong> traitement<br />
comparativement aux autres traitements antipsychotiques. <br />
Communiqué <strong>de</strong> presse <strong>de</strong>s Laboratoires Lilly
12<br />
LIVRES<br />
ENTRETIEN<br />
L’intraduisible<br />
Deuil, Mémoire, Transmission<br />
Janine Altounian<br />
Dunod 22 €<br />
Janine Altounian, qui est traductrice<br />
et essayiste, collabore aux traductions<br />
<strong>de</strong>s œuvres complètes <strong>de</strong> Freud<br />
aux Presses universitaires <strong>de</strong> France.<br />
Elle a publié, notamment, Ouvrez-moi<br />
seulement les chemins d’Arménie, un<br />
génoci<strong>de</strong> aux déserts <strong>de</strong> l’inconscient<br />
(Belles Lettres, 1990) et La Survivance,<br />
traduire le trauma collectif (Dunod,<br />
2000), <strong>de</strong>ux ouvrages qui, avec celui-ci,<br />
constituent une trilogie.<br />
L’ouvrage porte sur la douleur <strong>de</strong><br />
l’empêchement à s’engager dans la<br />
tendresse que rencontre l’héritier<br />
d’une transmission traumatique chez<br />
son parent survivant. L’écriture constitue<br />
le truchement pour ressentir, en<br />
place <strong>de</strong> l’autre détruit, <strong>de</strong>s affects<br />
excédant ses capacités psychiques.<br />
Elle vise à subjectiver une souffrance<br />
parentale encryptée dans le mutisme<br />
et tente <strong>de</strong> nommer les conséquences<br />
traumatiques <strong>de</strong>s meurtres <strong>de</strong> masse<br />
sur les <strong>de</strong>scendants <strong>de</strong> survivants.<br />
Dans un cheminement apparemment<br />
inversé, une tentative <strong>de</strong> réflexions<br />
contemporaines au sein <strong>de</strong>s récits<br />
ancestraux <strong>de</strong>ssine les différentes<br />
étapes d’une psychisation <strong>de</strong> longue<br />
haleine. La survie relève alors d’une<br />
capacité d’invention proprement artisanale,<br />
c’est-à-dire d’un savoir faire<br />
« avec <strong>de</strong>s restes », la vie ultérieure ne<br />
pouvant se construire qu’avec la réintroduction<br />
du tiers anéanti lors <strong>de</strong><br />
la terreur. Le parcours analytique rapporté<br />
dans ce livre soutient l’hypothèse<br />
que, chez un héritier <strong>de</strong> survivants,<br />
le travail <strong>de</strong> la cure peut amener<br />
la scène du meurtre à s’ouvrir au tiers<br />
pour le dialogue ou le conflit, attribuant<br />
par là à ses <strong>de</strong>ux enjeux définis<br />
par Freud - capacité <strong>de</strong> travailler,<br />
capacité d’aimer - une pertinence radicale.<br />
La possession <strong>de</strong> Loudun<br />
Michel <strong>de</strong> Certeau<br />
Edition revue vue par Luce Giard<br />
Folio histoire n°139, 7,5 €<br />
Il convient d’attirer l’attention sur cette<br />
réédition en folio d’un ouvrage paru<br />
en 1970 dans la collection « archives »<br />
puis réimprimé en 1980 et 1990 dans<br />
la même collection pour les éditions<br />
Gallimard.<br />
En 1632, Loudun est éprouvée par<br />
la peste : 3700 décès en quelques<br />
mois sur une population d’environ<br />
14 000 habitants. La peste appelle<br />
à lutter contre la saleté et la sous-alimentation<br />
en créant <strong>de</strong>s institutions<br />
sanitaires municipales. Les croyants<br />
se retirent, dans leurs communauté<br />
assiégées par la malédiction. Parmi<br />
eux, la communauté <strong>de</strong>s ursulines.<br />
La possession prend alors le relais <strong>de</strong><br />
la peste : les premières apparitions<br />
<strong>de</strong>viennent diurnes, se précisent, et<br />
prennent la forme obsédante d’un<br />
curé, Urbain Grandier.<br />
L’affaire <strong>de</strong> Loudun, qui conduira, le<br />
18 août 1634, Grandier, <strong>de</strong>vant six<br />
mille spectateurs, au bûcher, commence..<br />
Comment le diable est-il possible?<br />
Avec l’affaire Urbain Grandier, Loudun,<br />
ville ouverte, <strong>de</strong>vient le centre<br />
et le théâtre d’un mon<strong>de</strong>. Les pouvoirs<br />
s’y affrontent, les savoirs s’y inquiètent<br />
; l’âme catholique s’émeut.<br />
Le corps social se déchire ; partout le<br />
diable est là, mais il est partout ailleurs :<br />
dans le silence <strong>de</strong>s textes, les lacunes<br />
du langage. Dans cette lecture Michel<br />
<strong>de</strong> Certeau montre la guérison d’une<br />
société mala<strong>de</strong> d’elle-même.<br />
G. Massé : Dans votre préambule, vous<br />
évoquez votre rencontre dans une maison<br />
<strong>de</strong> retraite <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nts qui ont traversé<br />
avec douleur, la <strong>de</strong>rnière guerre<br />
mondiale….<br />
A. Henry : Il y a quelques années, j’ai<br />
passé près d’une semaine dans une<br />
maison <strong>de</strong> retraite dont la majeure partie<br />
<strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nts était juive et avait<br />
connu les tourments <strong>de</strong> la guerre. Je<br />
suis, malheureusement, venue dix ans<br />
trop tard et, hormis le témoignage <strong>de</strong>s<br />
époux Stern que je rapporte dans mon<br />
livre, je n’ai pu recueillir aucun récit<br />
ayant trait à la Shoah.<br />
G. M. : Est-il exact que Primo Levi avait<br />
peu <strong>de</strong> considération pour la psychanalyse<br />
?<br />
A. H. : Il me semble que Levi se<br />
méfiait plus <strong>de</strong>s psychanalystes que <strong>de</strong><br />
la psychanalyse. Il était surtout hostile<br />
à l’égard <strong>de</strong> Bruno Bettelheim qui usait,<br />
selon lui, <strong>de</strong>s théories psychanalytiques<br />
comme d’une « armure », d’« un évangile<br />
par lequel tout s’éclaire sans laisser<br />
place au doute ». Mais il affirmait aussi<br />
qu’écrire avait été pour lui l’équivalent<br />
d’une cure analytique et, à la fin <strong>de</strong> sa<br />
vie, il a fait siennes les hypothèses avancées<br />
par le psychanalyste autrichien<br />
ayant trait à la régression, sans jamais le<br />
reconnaître et peut-être sans s’en rendre<br />
compte.<br />
Il n’a pas que dénigré les psychanalystes<br />
et lorsqu’il a été interrogé sur le<br />
film « Portier <strong>de</strong> nuit », il a loué leur<br />
« pru<strong>de</strong>nce éclairée », se souvenant<br />
qu’aucun d’entre eux n’a jamais corroboré<br />
les thèses mises en scène dans<br />
ce film. Enfin, il a recouru à un concept<br />
psychanalytique lorsqu’il s’est interrogé<br />
sur la façon dont ses poèmes se sont<br />
imposés à lui et il a invoqué comme<br />
cause ou comme origine à sa production<br />
poétique, un « lambeau <strong>de</strong> Es(ça) ».<br />
G. M. : Peut-on définir la « survivance<br />
» après Auschwitz ?<br />
A. H. : Levi n’a jamais succombé à la<br />
tentation <strong>de</strong> donner un sens à la survivance,<br />
allant même jusqu’à penser<br />
que ce sont les meilleurs qui sont<br />
morts. Il n’a pas voulu qu’on attribue à<br />
sa propre survie, la nécessité <strong>de</strong> son<br />
témoignage. Au début <strong>de</strong> ses écrits, il<br />
considérait qu’elle était due au hasard,<br />
à la fin <strong>de</strong> son œuvre il exprimait sa<br />
culpabilité, ayant la conviction qu’en<br />
n’ayant pas suffisamment aidé les<br />
autres, il a vécu à leur place.<br />
G. M. : En quoi la régression pose la<br />
question du lien entre les SS et leurs victimes<br />
?<br />
A. H. : Bettelheim a évoqué la régression<br />
pour qualifier la relation <strong>de</strong>s victimes<br />
à leurs bourreaux. Il a observé, à<br />
Dachau, <strong>de</strong>s phénomènes d’i<strong>de</strong>ntification<br />
à l’agresseur et il considèrait que les<br />
violences qui y étaient infligées, provoquaient<br />
« une régression mortelle vers<br />
un état d’enfance sans consolation ». Il a<br />
désigné les nazis comme <strong>de</strong>s pères<br />
jouissant sans limite. Levi a estimé,<br />
quant à lui qu’il n’y avait plus, à Ausch-<br />
Shoah et témoignage<br />
Levi face à Améry et Bettelheim<br />
Anne Henry<br />
L’Harmattan, 17,50 €<br />
Le <strong>de</strong>rnier rempart<br />
pour entendre<br />
witz, ni père ni maître ; il pensait,<br />
contrairement à Bettelheim, au père<br />
<strong>de</strong> la loi c’est-à-dire au père symbolique.<br />
L’ambiguïté du lien entre le bourreau<br />
et la victime et la façon dont Bettelheim<br />
et Levi l’ont abordée, tient à<br />
la pluralité <strong>de</strong>s pères : Moloch contre le<br />
Dieu <strong>de</strong> Moïse.<br />
G. M. : La survie dans les camps aboutit<br />
à ce que le temps ne soit plus qu’une<br />
nébuleuse avec une impossibilité à anticiper.<br />
A. H. : Dans les camps, le temps ne<br />
se conjuguait qu’au présent. Les prisonniers<br />
n’avaient plus <strong>de</strong> passé ; leurs<br />
vies d’autrefois n’existaient plus et elles<br />
étaient même annihilées. Ils étaient, <strong>de</strong><br />
plus, radicalement privés <strong>de</strong> futur ; leur<br />
mort n’était pas dite et, bien que certaine,<br />
ils ne pouvaient s’y préparer. Ils<br />
étaient condamnés à disparaître comme<br />
s’ils n’avaient jamais existé. Seule l’immédiateté<br />
pouvait conditionner les relations<br />
qu’ils avaient entre eux. Elle s’imposait<br />
d’autant plus qu’on s’est efforcé<br />
<strong>de</strong> les priver <strong>de</strong>s repères signifiants<br />
qu’ils possédaient avant leur emprisonnement.<br />
G. M. : Vous montrez comment,<br />
confrontée à la question <strong>de</strong> la vérité, la<br />
douleur du témoignage peut conduire au<br />
suici<strong>de</strong>.<br />
A. H. : Si l’on pose <strong>de</strong> façon récurrente<br />
à Levi ou à tout autre témoin la<br />
question <strong>de</strong> la vérité, le témoignage<br />
<strong>de</strong>vient impossible. En effet, selon Derrida,<br />
celui-ci implique « l’élément <strong>de</strong> crédit,<br />
<strong>de</strong> foi ou <strong>de</strong> croyance » qui est radicalement<br />
étranger à la preuve, à<br />
« l’archive technique », même si la preuve<br />
peut corroborer le témoignage. Levi,<br />
comme tout autre témoin, ne peut<br />
témoigner, que si « il est cru sur parole ».<br />
De plus, la vérité ne peut être qu’entraperçue<br />
et la vouloir éclatante et<br />
entière est un leurre dont les négationnistes<br />
se sont emparés. Contre les<br />
témoignages, ils choisissent « le <strong>de</strong>voir<br />
d’être vrai ». Levi, choisit, quant à lui,<br />
d’affronter l’évanescence <strong>de</strong> la vérité.<br />
Parce qu’elle n’est jamais acquise, elle<br />
peut entraîner la mort <strong>de</strong> ceux qui déci<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> ne pas détourner le regard <strong>de</strong><br />
Primo Levi a souvent confié que s’il n’avait pas été déporté à Auschwitz, jamais<br />
il ne serait <strong>de</strong>venu un écrivain. Parce qu’il a éprouvé le besoin irépressible<br />
<strong>de</strong> témoigner <strong>de</strong> l’horreur du lager, il a été contraint d’écrire.<br />
Il a longtemps pensé qu’écrire avait été, pour lui, l’équivalent d’une cure analytique<br />
et qu’après Auschwitz, il avait pu mener, grâce à son écriture, une vie<br />
d’homme libre. Mais il a découvert les limites obligées <strong>de</strong> son témoignage,<br />
que ce soit le sien ou celui d’autres survivants, et il en a été accablé. Parmi<br />
ces autres, il s’est intéressé au philosophe Jean Améry et au psychanalyste<br />
Bruno Betelheim.<br />
Loin <strong>de</strong> les encenser, il leur a manifesté une hostilité, presque radicale pour<br />
Bettelheim, plus insidieuse pour Améry. Dans le même temps, il a reconnu,<br />
consciemment pour Améry, à son insu pour Bettelheim, la pertinence <strong>de</strong><br />
leur témoignage. Sa férocité à leur égard a peut-être été l’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers remparts<br />
qu’il a tenté d’ériger pour ne pas voir et ne pas entendre la vérité qui<br />
était pourtant la sienne et qu’aucun témoin n’a pu complètement saisir, cette<br />
vérité pouvant être tout en plus entraperçue car disparaissant au moment<br />
même où les mots la révèlent.<br />
Entretien avec Anne Henry par Gérard Massé<br />
Anne Henry, qui est mé<strong>de</strong>cin-chef du SMPR <strong>de</strong> Rennes, vient <strong>de</strong> publier chez l’Harmattan<br />
un livre passionnant, mais aussi important : Shoah et témoignage. Levi<br />
face à Amery et Bettelheim. Il est évi<strong>de</strong>nt que Primo Levi est <strong>de</strong>venu écrivain<br />
parce que il a été déporté à Auschwitz. Son écriture répondait à un besoin irrépressible<br />
<strong>de</strong> témoigner et il a, longtemps, espéré qu’elle lui permettrait <strong>de</strong> retrouver<br />
sa liberté. En fait, il sest trouvé confronté aux limites du témoignage : le sien<br />
mais aussi ceux <strong>de</strong>s autres survivants, à commencer par ceux <strong>de</strong> Jean Améry et<br />
Bruno Bettelheim, auxquels il s’est montré hostile. Cette hostilité presque radicale<br />
pour Bettelheim, plus feutrée pour Améry a-t-elle été le <strong>de</strong>rnier rempart pour ne<br />
pas entendre sa vérité ?<br />
leur passé, <strong>de</strong> ce qu’il nomme « l’eau<br />
périlleuse ».<br />
G. M. : Pourquoi Primo Levi ne s’est<br />
pas vécu comme « un témoin intégral »<br />
et a considéré que son œuvre testimoniale<br />
était un échec ?<br />
A. H. : En 1946, Levi était persuadé <strong>de</strong><br />
témoigner <strong>de</strong> l’intérieur, convaincu qu’il<br />
est <strong>de</strong> ceux qui ont « touché le fond ».<br />
Quarante ans plus tard, il a considéré<br />
que son témoignage ne valait pas car il<br />
ne s’agissait que du « récit <strong>de</strong>s choses<br />
vues <strong>de</strong> prêt, non vécues à [son] propre<br />
compte. La <strong>de</strong>struction menée à son<br />
terme, l’œuvre accomplie, personne ne<br />
l’a racontée comme personne n’est jamais<br />
revenu pour raconter sa propre mort ».<br />
Son œuvre testimoniale n’était plus,<br />
selon lui, qu’un discours fait pour le<br />
compte d’un tiers. Le témoin intégral<br />
n’existe pas ou il est mort ou sa capacité<br />
d’observation a été « paralysée »<br />
par la souffrance et l’incompréhension.<br />
Les Musulmans que Levi a désigné en<br />
usant d’expressions comme « les<br />
hommes coquilles », « les damnés », « la<br />
masse anonyme <strong>de</strong>s non hommes » ou<br />
« les engloutis » sont la conséquence<br />
inéluctable <strong>de</strong>s camps. Ils ne se posent<br />
ni se révoltent. Ils s’offrent passivement<br />
aux violences qui leur sont faites. Ils<br />
sont à la limite <strong>de</strong> l’extrême, ils sont<br />
les hommes les plus proches du noyau<br />
d’incan<strong>de</strong>scence <strong>de</strong> la Shoah. Ils incarnent<br />
l’impossibilité <strong>de</strong> témoigner<br />
comme l’impossibilité d’être un témoin<br />
par cette place muette qu’ils occupent<br />
entre la vie et la mort. Il en va <strong>de</strong><br />
même pour les membres <strong>de</strong>s Son<strong>de</strong>rkommandos<br />
dont la <strong>de</strong>stitution extrême<br />
<strong>de</strong> la dignité a fait d’eux <strong>de</strong>s<br />
témoins intégraux mais également <strong>de</strong>s<br />
témoins muets.<br />
G. M. : Une phrase apparaît saisissante<br />
: « si la vérité est absente, la mémoire<br />
ne vaut pas ».<br />
A. H. : Les nazis se sont efforcés, après<br />
leur défaite mais également pendant<br />
la guerre, d’effacer les traces <strong>de</strong> la<br />
Shoah. Ils ont inventé un jargon linguistique<br />
pour subvertir « le pouvoir<br />
référentiel et littéral <strong>de</strong>s mots » afin d’égarer<br />
leurs victimes mais aussi pour tenir<br />
dans l’ignorance l’opinion publique et<br />
les unités <strong>de</strong> l’armée alleman<strong>de</strong> non<br />
directement impliquées. Le système<br />
<strong>de</strong>s camps <strong>de</strong> concentration a été d’emblée<br />
conçu pour que le témoignage fut<br />
impossible. La communication <strong>de</strong>s prisonniers<br />
avec l’extérieur était interdite<br />
et punie <strong>de</strong> mort et ,entre eux, elle ne<br />
se faisait plus. « L’usage <strong>de</strong> la parole<br />
pour communiquer la pensée, ce mécanisme<br />
nécessaire et suffisant pour que<br />
l’homme soit homme était tombé en<br />
désuétu<strong>de</strong>. C’est un signal : [….] nous<br />
n’étions plus <strong>de</strong>s hommes ». En 1945, les<br />
nazis ont détruit leur installations <strong>de</strong><br />
mort et ils se sont efforcés <strong>de</strong> supprimer<br />
les éventuels témoins qu’auraient pu<br />
être les rares survivants. Ceux qui ont<br />
assisté au massacre ont souvent préféré<br />
ne rien en savoir et surtout ne rien<br />
en dire. Levi cite Simon Wiesenthal<br />
qui exprime la volonté <strong>de</strong>s Allemands<br />
<strong>de</strong> livrer une guerre contre la mémoire<br />
et leur volonté <strong>de</strong> la gagner : « <strong>de</strong><br />
quelque façon que cette guerre finisse,<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
nous l’avons déjà gagnée contre vous :<br />
aucun d’entre vous ne restera pour porter<br />
témoignage, mais même si quelquesuns<br />
en réchappaient, le mon<strong>de</strong> ne le croira<br />
pas. Peut-être y aura-t-il <strong>de</strong>s soupçons,<br />
<strong>de</strong>s discussions, <strong>de</strong>s recherches faites par<br />
les historiens, mais il n’y aura pas <strong>de</strong><br />
certitu<strong>de</strong> parce que nous détruirons les<br />
preuves en vous détruisant. Et même s’il<br />
<strong>de</strong>vait subsister quelques preuves, et si<br />
quelques-uns d’entre vous <strong>de</strong>vaient survivre,<br />
les gens diront que les faits que<br />
vous racontez seront trop monstrueux<br />
pour être crus : ils diront que se sont <strong>de</strong>s<br />
exagérations <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> alliée, et<br />
ils nous croiront, nous qui nierons tout, et<br />
pas vous. L’histoire <strong>de</strong> la guerre, c’est<br />
nous qui la dicterons ». Si la vérité est<br />
absente, la mémoire ne vaut pas.<br />
G. M. : En quoi l’impossibilité d’une<br />
totale réminiscence fait appel au concept<br />
d’entropie ?<br />
A. H. : Levi, à la fin <strong>de</strong> sa vie, ne se fiait<br />
plus à ses souvenirs et, pour expliquer<br />
l’impossibilité d’une totale réminiscence,<br />
il faisait appel au concept d’entropie<br />
: au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la pathologie, c’est la<br />
conséquence « d’une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s forces<br />
<strong>de</strong> la nature, celle qui dégra<strong>de</strong> l’ordre en<br />
désordre, la jeunesse en vieillesse et éteint<br />
la vie dans la mort », celle que les analystes<br />
nommeraient pulsion <strong>de</strong> mort<br />
dont la manifestation rési<strong>de</strong> ici dans le<br />
silence que contiennent tous les souvenirs.<br />
L’entropie ou pulsion <strong>de</strong> mort<br />
est, également, présente dans la remémoration<br />
active et consciente qui, lorsqu’elle<br />
est trop fréquente, fige le souvenir<br />
en stéréotype.<br />
G. M. : Vous situez la pulsion <strong>de</strong> mort<br />
dans le silence que contiennent les souvenirs.<br />
A. H. : Bettelheim considérait que la<br />
pulsion <strong>de</strong> mort est au centre du dispositif<br />
d’Auschwitz. Elle est incarnée<br />
par la chambre à gaz qui est un lieu<br />
<strong>de</strong> mutité absolue dont on peut, <strong>de</strong><br />
façon paradoxale, « dire tout ce qu’on<br />
veut ». « Elle ne vous répond pas, ne discute<br />
pas avec vous ». Elle est le « noyau<br />
<strong>de</strong> silence absolu » <strong>de</strong> la Shoah. Elle est<br />
du côté <strong>de</strong>s bourreaux en faisant <strong>de</strong>s<br />
camps <strong>de</strong> concentration « ce résumé <strong>de</strong><br />
la cruauté organisée <strong>de</strong> l’homme contre<br />
l’homme » mais elle est aussi du côté<br />
<strong>de</strong>s victimes quand les prisonniers<br />
<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s Musulmans. Bettelheim<br />
évoquait la compulsion <strong>de</strong> témoignage,<br />
c’est-à-dire la contrainte irrépressible<br />
qu’éprouvent certains survivants <strong>de</strong><br />
témoigner. Il se trompait lorsqu’il écrivait<br />
qu’il ne s’agissait que « d’amener<br />
les gens à comprendre ». Levi savait,<br />
quant à lui, que l’objet du témoignage<br />
est structurellement mortel et que la<br />
cause <strong>de</strong> celui-ci est immédiatement<br />
du côté <strong>de</strong> la mort.<br />
G. M. : « Si c’est un homme » et <strong>de</strong>s<br />
passages <strong>de</strong> « la Trêve » et <strong>de</strong> « Lillith »<br />
sont écrits autour d’un trou <strong>de</strong> mémoire<br />
obligé, conception <strong>de</strong> la mémoire proche<br />
<strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s analystes.<br />
A. H. : Comme Freud, Levi s’est intéressé,<br />
au début <strong>de</strong> son œuvre, à la<br />
mémoire en tant qu’inscription d’un<br />
événement direct positif, pour être<br />
ensuite confronté à l’oubli et à la déformation.<br />
Comme Freud, il savait que la<br />
déformation voire la falsification sont à<br />
l’œuvre dans toute réminiscence ; il<br />
savait que l’oubli est indéfectiblement<br />
noué à la mémoire. Comme Freud, il<br />
distinguait plusieurs types d’oubli<br />
comme les réminiscences faussées ou<br />
les souvenirs absents. Comme Freud, il<br />
croyait à une mémoire et aux oublis<br />
qui laissent <strong>de</strong>s traces et il s’est évertué<br />
à traquer celles <strong>de</strong> la Shoah, à les recenser<br />
et à les créer, en témoignant et écrivant<br />
ainsi qu’en reconnaissant les limites<br />
<strong>de</strong> ces traces et <strong>de</strong> son témoignage.<br />
Son livre « Si c’est un homme », à la<br />
fois monument et ruine, est le paradigne<br />
<strong>de</strong> ces traces, il est à la fois la<br />
mémoire et ce qui l’occulte. Il repose<br />
sur le mécanisme <strong>de</strong> refoulement qui,<br />
en soustrayant à la conscience un souvenir,<br />
le scelle plus soli<strong>de</strong>ment sur cette
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
SEMINAIRE BABYLONE 2005-2006<br />
PSYCHANALYSE, LITTERATURE ET ARTS<br />
Pourquoi l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s textes littéraires est-elle absente <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s psychologues<br />
et <strong>de</strong>s psychiatres ? Elle permet pourtant <strong>de</strong> revisiter les aspects majeurs<br />
<strong>de</strong> la psychopathologie et <strong>de</strong> la clinique, <strong>de</strong> faire émerger les liens <strong>de</strong> filiation<br />
si manifestes entre psychanalyse et littérature.<br />
De nombreux psychanalystes disent volontiers la <strong>de</strong>tte contractée vis-à-vis <strong>de</strong>s<br />
écrivains, qui leur ont permis <strong>de</strong> penser, <strong>de</strong> conceptualiser, voire à leur tour <strong>de</strong><br />
créer. Le séminaire Babel-Babylone a sollicité, <strong>de</strong>puis dix ans maintenant, <strong>de</strong>s<br />
psychanalystes <strong>de</strong> renom et d’autres en <strong>de</strong>venir, leur <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> faire part<br />
<strong>de</strong> leur curiosité et <strong>de</strong> leur enchantement <strong>de</strong>vant certaines œuvres, ce qui a<br />
éclairé <strong>de</strong> manière originale et vivante, pour leur auditoire, <strong>de</strong> nombreuses dimensions<br />
psychopathologiques et cliniques.<br />
Nouveau Cycle <strong>de</strong> Conférences 2005-2006<br />
Lundi 3 octobre 2005 à 20 h 30 - CINEMA<br />
Sophie <strong>de</strong> MIJOLLA-MELLOR, L’angoisse <strong>de</strong> fiction chez Hitchcock<br />
Discutants : Elisabeth BIROT - Serge KAGANSKI (sous réserve)<br />
Lundi 7 novembre 2005 à 20 h 30 - SCULPTURE<br />
Silke SCHAUDER, « Il ne naît en moi aucune pensée où la mort ne soit pour<br />
ainsi dire sculptée ». Notes sur la mélancolie <strong>de</strong> Michel-Ange<br />
Discutant : Anne-Marie SMITH<br />
MARDI 6 décembre 2005 à 20 h 30 - PEINTURE<br />
Daniel WIDLÖCHER, Ségantini et la mélancolie<br />
Discutant : Vassilis KAPSAMBELIS<br />
MARDI 10 janvier 2006 à 20 h 30 - TEMOIGNAGE<br />
Régine WAINTRATER, A propos <strong>de</strong> Jean Améry<br />
Discutant : Colette SEQUEL<br />
Lundi 20 février 2006 à 20 h 30 - LITTERATURE<br />
Paul AUDI et Laurie LAUFER, Littérature et phantasme : à propos <strong>de</strong> Henry<br />
James et <strong>de</strong> Marcel Proust<br />
Discutant : Maurice CORCOS<br />
Lundi 6 mars 2006 à 20 h 30 - LITTERATURE<br />
Yves THORET, Les paliers <strong>de</strong> la dépression <strong>de</strong> la Princesse Constance dans<br />
la pièce <strong>de</strong> Shakespeare « Le roi Jean »<br />
Discutant : Emmanuelle SABOURET<br />
Lundi 3 avril 2006 à 20 h 30 - LITTERATURE<br />
Isabelle BLONDIAUX, Céline. Aspects du dialogue dans Entretiens avec le<br />
professeur Y.<br />
Discutant : Maurice CORCOS<br />
Lundi 15 mai 2006 à 20 h 30 - LITTERATURE<br />
Catherine CHABERT, Une vieille maîtresse <strong>de</strong> Barbey D’Aurevilly<br />
Discutants : Marthe COPPEL-BATSCH - Isabelle NICOLAS<br />
Mardi 6 juin 2006 à 20 h 30 - CINEMA<br />
Patrick MILLER, Auto-portraits au masculin : sexualité et mélancolie dans<br />
« Blow-up » et « Profession Reporter » d’Antonioni<br />
Discutant : Daniel HURVY<br />
Direction et coordination : Dr M. CORCOS ; C. DUGRÉ-LE BIGRE<br />
Département <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> l’Adolescent et du Jeune Adulte<br />
Institut Mutualiste Montsouris, 42 Boulevard Jourdan, 75014 Paris<br />
Amphithéâtre <strong>de</strong> l’IMM, Hall d’accueil, Métro Porte d’Orléans, RER Cité Universitaire<br />
Tél. : 01 56 61 69 19 - Fax : 01 56 61 69 18. E-mail : corinne.dugre-lebigre@imm.fr<br />
Inscription le soir même à 20h15 : Entrée : 10 € - Tarif réduit étudiant sur justificatif : 5 €<br />
autre scène qu’est l’inconscient. La<br />
mémoire est toujours une mémoire<br />
par éclipse, défaillante, marquée par<br />
une bascule permanente « entre un<br />
mouvement <strong>de</strong> soustraction à la conscience<br />
» et « un mouvement <strong>de</strong> restitution ».<br />
Elle est le contraire <strong>de</strong> la mémoire que<br />
veulent les négationnistes, celle que le<br />
psychanalyste Gérard Wacjman<br />
nomme « mémoire intégrale. Sans perte<br />
ou défaut […..]. Une mémoire qui n’oublie<br />
pas. Où rien n’est jamais advenu »,<br />
où la forclusion est obligée.<br />
G. M. : Levi n’a pas été immédiatement<br />
entendu, comment l’a-t-il vécu ?<br />
A. H. : Lorsque Levi est revenu <strong>de</strong><br />
déportation, il racontait sans cesse. S’il<br />
a aimé sa femme, c’est peut-être qu’elle<br />
savait l’écouter. Et si son livre « Si<br />
c’est un homme » ne s’est pas vendu<br />
malgré <strong>de</strong>s critiques élogieuses, il ne<br />
s’en est pas plaint comme il ne s’est<br />
pas plaint <strong>de</strong> pas avoir été suffisamment<br />
entendu. Cependant, dans le seul<br />
roman qu’il ait écrit « Maintenant ou<br />
jamais », il a relaté l’impression <strong>de</strong> ses<br />
héros (<strong>de</strong>s résistants Juifs d’Europe Centrale)<br />
qui, lorsqu’ils ont rencontré <strong>de</strong>s<br />
juifs italiens épargnés par la guerre,<br />
étaient persuadés que même s’ils parlaient,<br />
ils ne seraient pas compris. Sa<br />
crainte ne pas être entendu ou même<br />
écouté a toujours été présente, y compris<br />
à Auschwitz où ses rêves la mettaient<br />
souvent en scène. Elle s’est prolongée<br />
toute sa vie, <strong>de</strong>venant plus forte<br />
lors <strong>de</strong> l’émergence <strong>de</strong>s thèses négationnistes.<br />
Levi s’est senti alors accablé,<br />
ayant le sentiment <strong>de</strong> ne plus être<br />
entendu (ou peut-être <strong>de</strong> l’être moins<br />
encore).<br />
G. M. : Primo Levi a dit à plusieurs<br />
reprises qu’Auschwitz a été « une sorte<br />
d’université ».<br />
A. H. : Levi a emprunté cette expression<br />
à une autre déportée, Lydia Rolfi,<br />
et il l’a répétée à plusieurs reprises. Il a<br />
fait, sans doute, allusion à la vérité qu’il<br />
a entrevue à Auschwitz et qu’il a tenté<br />
<strong>de</strong> cerner par son travail d’écriture et <strong>de</strong><br />
témoignage. Il savait, lorsqu’il employait<br />
cette expression, que cette vérité qu’est<br />
l’horreur innommable du nazisme fait<br />
partie <strong>de</strong> l’humain : « tant qu’on ne<br />
reconnaîtra pas que l’inhumanité est<br />
chose humaine, on restera dans le mensonge<br />
pieux ». Par son écriture et son<br />
témoignage d’Auschwitz, il ne s’est<br />
jamais dérobé. Par eux et à travers eux,<br />
il a choisi <strong>de</strong> ne pas mentir et d’affronter<br />
l’inhumanité <strong>de</strong>s humains mais surtout<br />
<strong>de</strong> la décrire et <strong>de</strong> la transmettre.<br />
G. M. : Comment comprendre que<br />
Primo Levi qui n’a pas cessé <strong>de</strong> fustiger<br />
la psychanalyse n’a pas hésité à raconter<br />
ses rêves ?<br />
A. H. : Levi a toujours refusé que ses<br />
témoignages contiennent le moindre<br />
message. Par ses rêves, il a exprimé<br />
que la vérité d’Auschwitz ne peut être<br />
entièrement dite ou transmise, et qu’elle<br />
ne peut être entendue entièrement.<br />
Elle est coulée dans le bronze d’un mot<br />
sans signification, d’un signifiant privé<br />
<strong>de</strong> signifié. Seule compte son existence<br />
dont les effets délétères accablent les<br />
rêveurs. Levi n’a pas voulu que l’on<br />
s’intéresse à sa psychologie ou à ses<br />
particularités ou à celles <strong>de</strong> ses camara<strong>de</strong>s<br />
qui ont fait les mêmes rêves que<br />
lui. S’y intéresser serait même un obstacle<br />
à l’écoute <strong>de</strong> son témoignage. Ses<br />
rêves ont provoqué « le surgissement<br />
<strong>de</strong> l’image terrifiante, angoissante, <strong>de</strong> cette<br />
vraie tête <strong>de</strong> Méduse, […] la révélation <strong>de</strong><br />
quelque chose d’à proprement parler<br />
innommable […], qui résume […] la<br />
révélation du réel dans ce qui est le moins<br />
pénétrable, du réel sans aucune médiation<br />
possible, du réel <strong>de</strong>rnier […], ce quelque<br />
chose <strong>de</strong>vant quoi tous les mots s’arrêtent<br />
et toutes les catégories échouent, l’objet<br />
d’angoisse par excellence ».<br />
G. M. : Vous parlez <strong>de</strong> la honte <strong>de</strong>s<br />
innocents du fait <strong>de</strong> l’offense commise,<br />
avec laquelle il faut bien continuer à<br />
vivre, du mal qui contamine.<br />
A. H. : Pour Levi, la honte ne concernait<br />
pas les coupables mais les victimes<br />
ou les autres (les innocents) comme<br />
ces quatre jeunes soldats soviétiques<br />
découvrant Auschwitz au début <strong>de</strong> son<br />
livre « La Trêve ». Il a du témoigner <strong>de</strong><br />
cette honte qui est celle que « les allemands<br />
ignorèrent ». Celle-ci implique<br />
qu’il y ait, pour celui qui l’éprouve, un<br />
bien ou un mal. Pour les nazis, la loi est<br />
morte mais pour ceux qui se sentent<br />
honteux ou coupables, elle existe. Bettelheim<br />
a considéré que la culpabilité<br />
(ou la honte) était du côté <strong>de</strong> l’homme<br />
et <strong>de</strong> la vie.<br />
Quand Levi estimait que sa cause était<br />
l’offense commise par les nazis, il semblait<br />
partager son opinion. Mais dès la<br />
Trêve, il affirmait « le caractère indélébile<br />
<strong>de</strong> l’offense qui s’étend comme une épidémie<br />
». Il savait que cette offense est<br />
« une source <strong>de</strong> mal inépuisable » : elle<br />
brise l’âme et le corps <strong>de</strong> ses victimes,<br />
les anéantit et les rend abjectes ; elle<br />
prolifère <strong>de</strong> mille façons, contre la<br />
volonté <strong>de</strong> chacun, sous forme <strong>de</strong><br />
lâcheté morale, <strong>de</strong> négation, <strong>de</strong> lassitu<strong>de</strong>,<br />
<strong>de</strong> renoncement. Il indiquait que<br />
la honte est aussi du côté <strong>de</strong> la mort et<br />
qu’elle provoque ce qu’il a nommé :<br />
« un accès <strong>de</strong> fatigue mortelle ». La lai<strong>de</strong>ur<br />
<strong>de</strong>s bourreaux a contaminé leurs<br />
victimes qui, comme Bettelheim, Levi<br />
et bien d’autres, en sont morts.<br />
G. M. : Que veut dire Primo Levi quand<br />
il affirme que la Shoah ne peut ni ne<br />
doit être comprise ?<br />
A. H. : Levi a considéré que « comprendre<br />
c’est presque justifier » et que<br />
« comprendre la décision ou la conduite<br />
<strong>de</strong> quelqu’un, cela veut dire […] les<br />
mettre en soi, mettre en soi celui qui en<br />
est responsable, se mettre à sa place,<br />
s’i<strong>de</strong>ntifier à lui ». La haine nazie n’a<br />
pas été rationnelle et la Shoah a été<br />
loin d’obéir à « <strong>de</strong> rigoureux schémas<br />
logiques ». Levi a fait sienne la terrible<br />
règle d’Auschwitz « Hier ist kein<br />
Warum », « ici il n’y a pas <strong>de</strong> pourquoi »,<br />
en s’interrogeant sur les raisons inconnaissables<br />
voire inexistantes à ce système<br />
<strong>de</strong> mort. Il a voulu transmettre<br />
cette absence <strong>de</strong> pourquoi et les raisons<br />
inconnaissables et inexistantes à<br />
cette absence.<br />
G. M. : Un style clair, dépouillé et transparent<br />
<strong>de</strong>vient une obligation quasi<br />
éthique et le bien écrire <strong>de</strong>vient le reflet<br />
du style réel inaccessible.<br />
A. H. : Levi a voulu, pour écrire, le<br />
« langage sombre et posé du témoin »,<br />
estimant que ses paroles seraient d’autant<br />
plus crédibles qu’elles seraient<br />
« plus objectives et dépassionnées ». Il a<br />
choisi, pour expliquer aux autres et à<br />
lui-même ce qu’il a vécu, un style comparable<br />
à celui <strong>de</strong>s « rapports hebdomadaires<br />
<strong>de</strong>s entreprises » qui doivent<br />
être « précis, concis et écrits dans un langage<br />
compréhensible par tout le mon<strong>de</strong> ».<br />
Il n’a voulu ni « affectation » ni « oripeaux<br />
» car il considérait que la clarté et<br />
la pertinence <strong>de</strong> son style <strong>de</strong>vaient être<br />
le reflet <strong>de</strong> cette vérité inaccessible dont<br />
il s’est efforcé, tout au long <strong>de</strong> sa vie,<br />
<strong>de</strong> témoigner.<br />
G. M. : En quoi le signifiant qui correspondrait<br />
à l’objet du témoignage n’existe<br />
pas ?<br />
A. H. : Comme il s’est refusé à délivrer<br />
un message, Levi n’a pas voulu <strong>de</strong><br />
mot indiquant une quelconque signification.<br />
Il a préféré <strong>de</strong>s termes qui<br />
étaient surtout « <strong>de</strong>s appellations symboliques<br />
» qui ne faisaient que recouvrir<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Traumatisme et filiation<br />
Dossier composé par Philippe Robert<br />
Dialogue 2005 n°168, Erès, 16 €<br />
ENTRETIEN 13<br />
La question du traumatisme intéresse particulièrement le clinicien du couple et<br />
<strong>de</strong> la famille. Les problèmes que pose le trauma dans la clinique se déclinent<br />
selon <strong>de</strong>ux axes : celui <strong>de</strong>s liens et <strong>de</strong>s capacités transformatrices du groupe et<br />
celui <strong>de</strong> l’interaction constante entre réalité objective et réalité psychique.<br />
La métapsychologie situe le traumatisme dans sa dimension économique : un<br />
trop-plein d’excitation débor<strong>de</strong> les capacités <strong>de</strong> résorption <strong>de</strong> l’appareil psychique.<br />
La trace va non seulement continuer à subsister, mais l’effraction pourra<br />
endommager à long terme le fonctionnement psychique dans son travail <strong>de</strong><br />
liaison. La famille, <strong>de</strong> par sa fonction contenant/conteneur, tente <strong>de</strong> métaboliser<br />
les éléments bruts qui ne peuvent plus se psychiser. Le groupe couple - qu’il<br />
est possible <strong>de</strong> nommer ainsi lorsque l’on parle <strong>de</strong> sa fonction - opère un travail<br />
similaire dans son processus d’affiliation.<br />
Le modèle <strong>de</strong>s thérapies psychanalytiques <strong>de</strong> couple et <strong>de</strong> famille repose, en<br />
partie, sur la remise en route <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> liaison. C’est avec le travail sur<br />
les liens que les cliniciens du couple et <strong>de</strong> la famille sont davantage tiraillés<br />
entre la réalité objective et la réalité psychique. Ainsi, certains traumas peuvent<br />
résulter <strong>de</strong> la maladie ou <strong>de</strong> la mort d’un enfant, <strong>de</strong> violences conjugales... Il<br />
en va <strong>de</strong> même pour <strong>de</strong>s expériences quasi irreprésentables non élaborées<br />
dans les générations précé<strong>de</strong>ntes. Ces événements peuvent largement débor<strong>de</strong>r<br />
l’histoire <strong>de</strong> la famille et toucher un peuple ou une civilisation comme les<br />
génoci<strong>de</strong>s. Ce dossier regroupe <strong>de</strong>s contributions <strong>de</strong> Philippe Robert, Didier<br />
Drieu, François Marly, Jean Guyotat, Anne Aubert-Godard, Patrick Genvresse,<br />
Janine Altounian, Bianca Lechevalier, Annie <strong>de</strong> Butler et Monique Dupré la Tour.<br />
Le mal - Tome 1<br />
Topique n°91, L'Esprit du Temps, 21 €<br />
Définir le Mal a fait l’objet <strong>de</strong> siècles <strong>de</strong> philosophie et <strong>de</strong> théologie. L’approche<br />
psychanalytique ne saurait se situer à ce même niveau et, pourtant, elle se doit<br />
<strong>de</strong> répondre au même vécu d’injustice que sous-tend ce terme. Le fait que les<br />
théodicées se soient employées à innocenter Dieu <strong>de</strong> l’existence du Mal implique<br />
que la représentation <strong>de</strong> celui-ci implique toujours, selon la logique propre au<br />
fantasme, le désir d’un Autre qui en est l’origine. La sécularisation du concept<br />
en fera à l’inverse, avec Hobbes et Spinoza, quelque chose qui part du sujet luimême.<br />
Le Mal en soi n’existe pas, il est ce qui nous apparaît tel parce qu’il s’oppose<br />
à nos désirs, à nos attentes <strong>de</strong> plaisir, et plus radicalement à notre vie individuelle,<br />
voire à nos valeurs. Nietzsche en dénoncera la notion comme l’expression<br />
du ressentiment et donc <strong>de</strong> l’envie <strong>de</strong>s faibles contre les forts. La rupture instaurée<br />
par les crimes génoci<strong>de</strong>s imprescriptibles a reposé la question du Mal<br />
dans une direction plus kantienne d’un Mal radical. Le Mal est défini par ce dont<br />
la raison ne peut rendre compte, ce qui altère en chacun l’humanité. Les textes<br />
<strong>de</strong> ce numéro et du suivant proposent <strong>de</strong> revenir sur ces questions en y employant<br />
les apports <strong>de</strong> la métapsychologie, la pulsion <strong>de</strong> mort en particulier.<br />
Ecrire contre l’Oubli<br />
Collectif (Association France Alzheimer)<br />
Editions du Rocher, 19,90 €<br />
Une cinquantaine d’artistes et d’écrivains ont accepté, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Association<br />
France Alzheimer, <strong>de</strong> contribuer symboliquement à la prise <strong>de</strong> conscience<br />
collective d’une maladie qui touche près d’un million <strong>de</strong> personnes en France.<br />
Sensible à une souffrance qu’ils ont parfois connue eux-mêmes, leur plume a su<br />
retranscrire, avec force et humanité, la détresse et l’espoir <strong>de</strong> ceux qui atten<strong>de</strong>nt,<br />
chaque jour, aux côtés <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s, un traitement efficace. Leurs manuscrits sur<br />
le thème <strong>de</strong> la mémoire ont fait l’objet <strong>de</strong> ce recueil. L’intégralité <strong>de</strong>s bénéfices<br />
<strong>de</strong>s ventes <strong>de</strong> cet ouvrage sera reversé à l’Association France Alzheimer.<br />
La boîte <strong>de</strong> Houdini<br />
L’art <strong>de</strong> s’échapper<br />
Adam Phillips, Traduit <strong>de</strong> l’anglais par Jean-Luc Fi<strong>de</strong>l<br />
Editions Payot 16 €<br />
l’innommable. En effet, par son témoignage,<br />
il avait la volonté <strong>de</strong> transmettre<br />
la mutité structurelle <strong>de</strong> la pulsion<br />
<strong>de</strong> mort. Et si certains mots qu’il a<br />
employés ont dit la vérité, celle-ci est<br />
toujours restée « épurée », imparfaite<br />
et fragmentaire. Seuls les négationnistes<br />
peuvent croire au signifiant ultime et<br />
constant qui correspondrait à l’objet<br />
du témoignage.<br />
G. M. : Comment expliquer le sentiment<br />
d’échec qui étreint Levi à la fin <strong>de</strong><br />
sa vie ?<br />
A. H. : Je suis contente que vous me<br />
posiez cette question car elle annonce<br />
le second livre que je consacre à Levi et<br />
qui doit bientôt sortir. Il s’attache à<br />
développer ce qui est annoncé dans le<br />
livre « Shoah et témoignage » quand<br />
Levi, oubliant l’impossibilité structurelle<br />
du témoignage, la confond avec son<br />
impuissance. <br />
Rien ne pouvait retenir prisonnier le célèbre illusionniste Harry Houdini, cet<br />
« éternel évadé », auteur d’un traité sur les menottes, qui a passé sa vie à inventer<br />
<strong>de</strong>s pièges spectaculaires et à s’en libérer pour le plus grand bonheur<br />
du public américain au début du XX e siècle. Adam Pillips parle d’une <strong>de</strong> ses patientes,<br />
une petite fille qui se met toujours à l’écart. Les maîtres <strong>de</strong> la fuite, <strong>de</strong><br />
l’évasion ou <strong>de</strong> l’évitement, artistes comme Houdini, phobiques comme la petite<br />
fille, psychanalystes comme Adam Phillips lui-même, et certains grands névrosés<br />
qu’il évoque révèlent une dimension fondamentale <strong>de</strong> l’existence : on<br />
ne jouit pas <strong>de</strong> la liberté, mais <strong>de</strong> se libérer.
14<br />
LIVRES<br />
DOSSIER : L’INFORMATION DU PATIENT EN PSYCHIATRIE<br />
Vidal <strong>de</strong> la famille<br />
10 ème édition<br />
Larousse diffusion, 29 €<br />
Comme son titre l’indique, il s’agit du<br />
dictionnaire VIDAL, mais à l’usage du<br />
public, c’est à dire simplifié, clair, compréhensible<br />
par tous, tout en restant<br />
d’un très bon niveau informatif. Un<br />
peu plus <strong>de</strong> 1400 pages détaillent<br />
tous les médicaments actuellement<br />
disponibles avec leurs posologies, les<br />
précautions d’emploi, les effets indésirables,<br />
les modalités <strong>de</strong> prise, les<br />
taux <strong>de</strong> remboursement. Complété<br />
par la liste complète <strong>de</strong>s génériques,<br />
<strong>de</strong>s noms <strong>de</strong>s spécialités, d’un lexique<br />
<strong>de</strong> certains termes techniques, médicaux,<br />
biologiques, d’un calendrier<br />
<strong>de</strong> vaccinations, d’adresses utiles<br />
(centres anti-poison, associations antialcooliques<br />
ou concernant le SIDA<br />
ou certaines maladies invalidantes)<br />
il <strong>de</strong>vrait constituer un outil pratique<br />
et utile pour les familles.<br />
M. Goutal<br />
Prévenir le risque<br />
nosocomial<br />
La bala<strong>de</strong> infectieuse<br />
Dominique Lhuilier, Théodore<br />
Niyongabo, Dominique Rolland<br />
L’Harmattan 19,50 €<br />
Venir à l’hôpital pour y être soigné<br />
et y mourir d’une maladie qu’on n’avait<br />
pas en y entrant apparaît tragiquement<br />
absur<strong>de</strong>. Pourtant les infections<br />
hospitalières sont courantes et difficiles<br />
à prévenir. Chaque année, en<br />
France, 5 à 800 000 patients sont infectés<br />
ainsi et 4000 décès sont recensés.<br />
La situation est similaire dans<br />
le reste <strong>de</strong> l’Europe.<br />
Quant aux pays en voie <strong>de</strong> développement,<br />
l’état <strong>de</strong>s lieux est quasi<br />
inexistant. Pourtant, dans <strong>de</strong>s pays<br />
où le sida fait <strong>de</strong>s ravages, l’immunodépression<br />
majore le risque <strong>de</strong><br />
transmission d’infections tant du côté<br />
<strong>de</strong>s soignants que <strong>de</strong>s patients. La<br />
« bala<strong>de</strong> infectieuse » ne distingue pas<br />
ceux qui portent la blouse et les autres.<br />
Ce livre présente une recherche-action<br />
réalisée au CHU <strong>de</strong> Burundi pour<br />
mieux connaître ces risques et améliorer<br />
la protection <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s, <strong>de</strong><br />
leurs familles et du personnel. La collaboration<br />
engagée avec I’ensemble<br />
<strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> l’hôpital illustre une<br />
certaine approche <strong>de</strong> la prévention :<br />
une approche coopérative, créative<br />
et positive afin d’optimiser les ressources<br />
<strong>de</strong> chacun en termes <strong>de</strong><br />
connaissances, savoir-faire et moyens<br />
disponibles ou à créer.<br />
Villes et toxicomanies<br />
De la connaissance à la<br />
prévention<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Michel<br />
Joubert,<br />
Pilar Giraux-Arcella et Chantal<br />
Mougin<br />
Erès 30 €<br />
Les auteurs s’attachent à analyser les<br />
logiques <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong> drogues<br />
illicites dans les gran<strong>de</strong>s villes, en tenant<br />
compte <strong>de</strong>s contextes urbains,<br />
sociaux et culturels (gran<strong>de</strong>s villes <strong>de</strong><br />
la France métropolitaine, Gua<strong>de</strong>loupe,<br />
New York, Londres, Charleroi... ).<br />
A contre-pied <strong>de</strong>s idéologies <strong>de</strong> la<br />
prévention lour<strong>de</strong>ment connotées<br />
(hygiénisme, contrôle social, prohibitionnisme),<br />
les références, les connaissances<br />
et les expériences sont ici actualisées<br />
dans la confrontation <strong>de</strong>s<br />
réflexions <strong>de</strong> sociologues, d’ethnologues<br />
et d’intervenants <strong>de</strong> terrain,<br />
qu’ils travaillent à la « réduction <strong>de</strong>s<br />
risques », ou mènent <strong>de</strong>s actions locales<br />
<strong>de</strong> prévention ou <strong>de</strong>s projets<br />
plus ciblés.<br />
Avec la participation <strong>de</strong> Patricia Bouhnik, Philippe<br />
Bourgois, Laïla Cassubie, Patrick Dessez,<br />
Didier Febvrel, Hervé Hu<strong>de</strong>bine, Pascale Jamoulle,<br />
Marie Jauffret-Rousti<strong>de</strong>, Elise Longe, Anne M.<br />
Lovell, Hervé Richard, Pierre Roche, Thomas Sauva<strong>de</strong>t,<br />
Christian Sueur, Céline Verchère, Pierre<br />
Vidal-Naquet, Marine Zecca.<br />
Développement du projet P.A.C.T.<br />
(Psychose Ai<strong>de</strong>r Comprendre Traiter) avec <strong>de</strong>s patients schizophrènes,<br />
dans un service intra hospitalier d’admission sectoriel (hospitalisations<br />
libres et sous contrainte)<br />
L<br />
’information est, <strong>de</strong> longue date, un <strong>de</strong>s principaux<br />
axes <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> nos équipes soignantes.<br />
Ce programme avait déjà été développé à l’hôpital Marchant<br />
et nous avions la volonté <strong>de</strong> poursuivre ce qui avait<br />
été entrepris.<br />
Pourquoi un intérêt pour l’outil P.A.C.T. ?<br />
La tendance actuelle à diffuser, vulgariser, légiférer l’information<br />
au patient (1) doit s’accompagner d’une plus gran<strong>de</strong><br />
disponibilité <strong>de</strong>s soignants : cet atelier est un temps privilégié<br />
d’échange autour <strong>de</strong> la pathologie mentale.<br />
Le travail en groupe apporte une dynamique à la réflexion,<br />
permet un partage <strong>de</strong>s expériences avec un impact du<br />
témoignage <strong>de</strong> l’autre indéniablement différent et parfois<br />
plus important que l’avis du soignant, notamment pour<br />
<strong>de</strong>s patients pas encore engagés dans l’alliance thérapeutique<br />
et plus i<strong>de</strong>ntifiés à l’autre mala<strong>de</strong>. Par exemple, un patient<br />
banalisant les symptômes <strong>de</strong> la maladie a pu entendre un<br />
autre patient s’étonner et relever le caractère pathologique<br />
<strong>de</strong> son inactivité et <strong>de</strong> ses alcoolisations régulières.<br />
Le support vidéo nous a particulièrement intéressé pour ces<br />
patients dont le défaut <strong>de</strong>s représentations peut être un<br />
<strong>de</strong>s symptômes (2). L’image nous semblait être un intermédiaire<br />
pertinent. Certains patients dans le déni <strong>de</strong> leurs<br />
difficultés ont pu s’i<strong>de</strong>ntifier par quelques aspects à l’image<br />
(seul ou avec l’interaction du groupe), d’autres, utilisant<br />
encore leurs mécanismes <strong>de</strong> défense ont pu au moins<br />
nommer la maladie; un <strong>de</strong>s patient commentant la cassette<br />
nous déclarait avec détachement « les schizophrènes<br />
enten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s voix, ont <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> motivation et souvent<br />
<strong>de</strong>s relations compliquées avec leur famille ». Cette mise à distance<br />
constitue, tout <strong>de</strong> même, une première avancée à<br />
exploiter.<br />
Quels objectifs ?<br />
Notre objectif principal est <strong>de</strong> permettre au patient <strong>de</strong><br />
mieux comprendre et s’approprier la maladie sur un plan<br />
psycho-éducatif, avec à terme, l’augmentation <strong>de</strong> l’observance<br />
au traitement, la diminution <strong>de</strong>s rechutes, l’amélioration<br />
<strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> vie.<br />
Comment avons-nous mis en place ce<br />
programme ?<br />
Le groupe <strong>de</strong> travail a été constitué par les infirmier(e)s<br />
volontaires du service, le cadre <strong>de</strong> santé, le praticien hospitalier<br />
responsable <strong>de</strong> l’unité et l’interne.<br />
Nous nous sommes réunis <strong>de</strong> façon hebdomadaire pendant<br />
<strong>de</strong>ux mois, l’été 2003, pour « décortiquer » le contenu<br />
<strong>de</strong>s cassettes et fixer le cadre <strong>de</strong> notre travail.<br />
Une parfaite connaissance du support a été posée comme<br />
un pré-requis pour les soignants animateurs <strong>de</strong> l’atelier.<br />
Les cassettes ont donc été visionnées plusieurs fois, discutées,<br />
découpées, en précisant pour chaque séquence l’utilisation<br />
que nous souhaitions en faire. Ce travail a permis<br />
à l’équipe <strong>de</strong> s’approprier et d’optimiser l’outil P.A.C.T.<br />
D’autre part, notre souhait a été que tout le personnel<br />
infirmier visionne les cassettes, <strong>de</strong> façon à pouvoir répondre<br />
aux réactions <strong>de</strong>s patients, même à distance <strong>de</strong>s séances,<br />
dans le service. Le nombre d’animateurs a été fixé à <strong>de</strong>ux<br />
minimum (<strong>de</strong>ux infirmiers ou un infirmier et un interne).<br />
L’indication <strong>de</strong> l’atelier P.A.C.T. est posée par le mé<strong>de</strong>cin<br />
référent, sont concernés <strong>de</strong>s patients schizophrènes (diagnostic<br />
confirmé), cliniquement stables, clairement informés<br />
du diagnostic.<br />
L’atelier a lieu une fois par semaine, avec un ou plusieurs<br />
patients (trois maximum).<br />
Les séquences visionnées sont présélectionnées chaque<br />
semaine selon la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et l’évolution <strong>de</strong>s patients.<br />
Durant les séances, les extraits vidéo alternent avec une<br />
discussion en fonction <strong>de</strong> la dynamique du groupe. La<br />
durée <strong>de</strong>s séances est <strong>de</strong> 30 à 45 minutes.<br />
Quelles ont été nos difficultés ?<br />
Nous avons été freiné par les spécificités même du service.<br />
Il s’agit <strong>de</strong> patients hospitalisés, ce qui peut sembler en<br />
contradiction avec la nécessité <strong>de</strong> stabilité précitée.<br />
Le risque est <strong>de</strong> poser l’indication trop précocement, à la fois<br />
par rapport à la décompensation actuelle et par rapport à<br />
l’histoire naturelle <strong>de</strong> la maladie.<br />
En revanche, pour <strong>de</strong>s patients présentant une pathologie<br />
lour<strong>de</strong>, hospitalisés pour une longue pério<strong>de</strong>, pour lesquels<br />
le projet <strong>de</strong> sortie <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s délais (cas notamment<br />
d’un patient hospitalisé d’office pour un acte médico-légal),<br />
cet atelier permet d’avancer sur le plan <strong>de</strong> la reconnaissance<br />
<strong>de</strong>s troubles, parallèlement au long travail <strong>de</strong> réhabilitation<br />
psychosociale traitant les conséquences <strong>de</strong> la<br />
maladie.<br />
De plus, une mobilisation régulière <strong>de</strong>s équipes a été difficile<br />
au départ, d’une part parce qu’il s’agit d’un service d’admission<br />
ayant son lot d’activité urgente, d’autre part parce<br />
que nous nous sommes heurtés à la réserve <strong>de</strong> certains<br />
membres <strong>de</strong> l’équipe soignante.<br />
En effet, cela suppose pour le soignant <strong>de</strong> s’exposer dans<br />
une confrontation en face à face avec <strong>de</strong>s patients psychotiques,<br />
ayant <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> la communication, parfois<br />
jusqu’au mutisme, d’autant que ces difficultés sont potentialisées<br />
par l’effet du groupe (3).<br />
Rappelons que la plupart <strong>de</strong> nos patients sont hospitalisés<br />
sous contrainte et que leur réticence est souvent gran<strong>de</strong> par<br />
rapport à la pathologie. L’animateur du P.A.C.T. ai<strong>de</strong> le<br />
patient à cheminer entre rejet et i<strong>de</strong>ntification.<br />
Ce déni, souvent présent au début <strong>de</strong> la maladie, peut<br />
décourager les soignants, il permet pourtant au patient <strong>de</strong><br />
se protéger et doit être travaillé avec précaution (4) ; dans certains<br />
cas, nous avons utilisé la rediffusion d’extraits vidéo car<br />
nous avons constaté que lors d’un premier passage, l’information<br />
avait été filtrée <strong>de</strong> façon à n’en intégrer qu’une<br />
petite partie (difficile <strong>de</strong> faire la part entre défense, hermétisme<br />
et troubles cognitifs). Une autre étape délicate<br />
peut être celle où le patient commence à s’i<strong>de</strong>ntifier à<br />
l’image qu’on lui propose ; ceci peut être très angoissant, le<br />
soignant doit être sensible aux réactions <strong>de</strong> chacun et y<br />
répondre <strong>de</strong> façon suffisamment contenante. Nous avons<br />
l’expérience <strong>de</strong> séances très difficiles où régnait un climat<br />
<strong>de</strong> tension extrême, avec un patient quasi mutique, refusant<br />
la discussion mais très avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> poursuivre le visionnage <strong>de</strong>s<br />
cassettes. Car, expliquer le trouble, c’est déjà le reconnaître<br />
; où en était-il <strong>de</strong> cette acceptation ? Quel aveu ne pouvaitil<br />
pas encore nous faire ?<br />
L’investissement dans ce projet est effectivement parfois<br />
coûteux sur le plan personnel mais il nous permet d’enrichir<br />
notre pratique et correspond, à notre avis, à la mission<br />
du soignant en psychiatrie.<br />
En ce qui concerne les patients, ils montrent beaucoup<br />
d’intérêt et d’assiduité pour cet atelier et, paradoxalement,<br />
même ceux qui rejettent le plus la maladie : citons le cas<br />
d’un patient très mal à l’aise pendant les séances, <strong>de</strong>mandant<br />
sans cesse l’horaire <strong>de</strong> fin, qui se renseignait toujours<br />
avant <strong>de</strong> quitter la salle sur la prochaine date et s’y rendait<br />
immanquablement.<br />
Toutes ces contradictions ne sont-elles pas ce que l’on<br />
dénomme, « l’ambivalence du patient schizophrène », ici<br />
vécue et agie ?<br />
Quel avenir pour P.A.C.T. ?<br />
Ce projet ne pourra avoir d’impact que s’il s’inscrit dans la<br />
durée. Nous n’en sommes qu’à la mise en route.<br />
Pour l’instant, aucune évaluation n’a été faite et notre postulat<br />
<strong>de</strong> base n’a pas encore été démontré : « informer estce<br />
éduquer ? » (5).<br />
Si, actuellement, il nous parait naturel et satisfaisant en<br />
terme d’éthique d’apporter aux patients les connaissances<br />
que nous avons à disposition, nous pouvons nous questionner<br />
sur les conséquences que cette information aura<br />
pour eux, entre souffrance et apprentissage. Un questionnaire<br />
va être distribué aux patients ayant participé au<br />
P.A.C.T. dans le service pour qu’eux même mesurent l’impact<br />
du programme.<br />
En conclusion, P.A.C.T. est un outil qui nous a paru intéressant<br />
parce qu’il a été l’occasion <strong>de</strong> réflexions sur la question<br />
très actuelle <strong>de</strong> l’information au patient, il nous a permis<br />
d’enrichir nos pratiques et il est un espace privilégié<br />
d’échange pour les patients.<br />
On peut tout <strong>de</strong> même réfléchir sur le sens <strong>de</strong> l’information<br />
donnée à un patient hospitalisé sous contrainte, car même<br />
si la participation au P.A.C.T. est libre, le contexte pèse<br />
forcément. Il faut gar<strong>de</strong>r cette notion à l’esprit pour pouvoir<br />
travailler l’appropriation <strong>de</strong> la pathologie dans le respect du<br />
patient. <br />
S. ASENSIO, C. CAMILLERI, C. FARUCH<br />
Service <strong>de</strong> psychiatrie adulte, secteur 8, hôpital Larrey, 31000 Toulouse.<br />
Bibliographie<br />
(1) J.F. BAYLE, Enquête sur l’annonce du diagnostic <strong>de</strong> schizophrénie<br />
en France, L’Encéphale, 1999, XXV, 603-11.<br />
(2) I. ALMARIC, Le programme P.A.C.T., Neuro-psy. 1999, vol 14-<br />
1.<br />
(3) A. FOURNIER, Groupe P.A.C.T. comme outil psychothérapeutique,<br />
Synapse 2003, 197, 41-43.<br />
(4) P.A.C.T., <strong>de</strong> nouveaux chemins pour communiquer, Santé mentale<br />
99, n°37.<br />
(5) L’éducation du patient, Santé mentale 2000, n° 46.<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
Comme dans toutes les maladies<br />
d’évolution chronique, l’information<br />
concernant les troubles bipolaires<br />
représente une ai<strong>de</strong> fondamentale dans<br />
la prise en charge <strong>de</strong> cette maladie.<br />
Le trouble bipolaire représente un<br />
enjeu important en terme <strong>de</strong> santé<br />
publique car il s’agit d’un trouble grave<br />
fait d’alternance, comme on le sait,<br />
d’accès dépressifs et d’épiso<strong>de</strong>s<br />
maniaques qui entraînent une gran<strong>de</strong><br />
souffrance du patient, <strong>de</strong> son conjoint,<br />
<strong>de</strong> ses enfants et <strong>de</strong> son entourage.<br />
Cette maladie est à l’origine d’un taux<br />
<strong>de</strong> mortalité important puisque 15%<br />
<strong>de</strong>s patients présentant <strong>de</strong>s troubles<br />
bipolaires se suici<strong>de</strong>nt, correspondant à<br />
un niveau <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> trois fois supérieur<br />
à celui <strong>de</strong> la population générale.<br />
La mortalité est également importante<br />
du fait <strong>de</strong> l’association à <strong>de</strong>s pathologies<br />
somatiques comme, par exemple, les<br />
pathologies cardio-vasculaires et à <strong>de</strong>s<br />
comorbidités associées (alcool, drogue).<br />
Il existe, par ailleurs, en particulier dans<br />
les états hypomaniaques et maniaques,<br />
<strong>de</strong>s conduites à risques importantes<br />
(acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> voiture, prise <strong>de</strong> risque).<br />
Enfin, au décours <strong>de</strong> cette maladie,<br />
peuvent apparaître <strong>de</strong> nombreuses<br />
complications médico-légales en relation<br />
avec l’exaltation et la mégalomanie<br />
<strong>de</strong>s patients (violence hétéro-agressive<br />
à l’encontre du voisinage, en société,<br />
souvent potentialisée par <strong>de</strong>s consommations<br />
d’alcool).<br />
L’information représente aussi un enjeu<br />
majeur car le diagnostic <strong>de</strong> trouble<br />
bipolaire est souvent un diagnostic<br />
errant pendant <strong>de</strong> très nombreuses<br />
années : il faut, en moyenne, huit ans<br />
avant que le diagnostic soit parfaitement<br />
posé par un mé<strong>de</strong>cin et donc les<br />
traitements mis en route. La recherche<br />
anamnestique reposant sur les antécé<strong>de</strong>nts<br />
familiaux <strong>de</strong> dépression, <strong>de</strong> suici<strong>de</strong><br />
n’est pas toujours simple à réaliser.<br />
Les épiso<strong>de</strong>s hypomaniaques, certains<br />
épiso<strong>de</strong>s dépressifs peuvent passer<br />
inaperçus pendant <strong>de</strong> très nombreuses<br />
années. Des conduites alcooliques ou<br />
toxicomaniaques peuvent cacher <strong>de</strong>s<br />
pathologies dépressives ou <strong>de</strong>s équivalents<br />
maniaques, <strong>de</strong>s équivalents<br />
anxieux ou <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> la personnalité<br />
peuvent donner le change.<br />
En tout état <strong>de</strong> cause, plus la maladie<br />
est prise en charge précocement,<br />
meilleurs seront les résultats et mineures<br />
seront les complications secondaires à<br />
cette maladie.<br />
L’INFORMATION auprès <strong>de</strong>s patients<br />
aboutit, également, à optimiser les traitements,<br />
traitements <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s aigus<br />
et traitements à long terme <strong>de</strong> la prévention<br />
<strong>de</strong>s rechutes. Dans ce domaine,<br />
les étu<strong>de</strong>s concernant le Lithium<br />
confirment, aujourd’hui, 30% d’amélioration<br />
<strong>de</strong> qualité et 30% d’amélioration<br />
partielle. Le Lithium, dans ces<br />
pathologies, peut faire l’objet, également,<br />
d’échec dans la prévention <strong>de</strong>s<br />
rechutes. Cependant, on continue à<br />
penser qu’il a un rôle sur la prévention<br />
du suici<strong>de</strong>.<br />
Depuis la reconnaissance <strong>de</strong> l’efficacité<br />
du traitement par Lithium dans cette<br />
maladie, d’autres molécules sont apparues<br />
comme étant efficaces : les molécules<br />
antiépileptiques Valproate, Carbamazépine<br />
mais également les<br />
antipsychotiques.<br />
En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s traitements pharmacologiques,<br />
il s’avère indispensable <strong>de</strong><br />
mettre en place une prise en charge<br />
psychologique.<br />
Il s’agit, en effet, d’une maladie pluridéterminée<br />
qui présente <strong>de</strong>s éléments<br />
<strong>de</strong> vulnérabilité génétique mais aussi<br />
<strong>de</strong>s décompensations accompagnant<br />
<strong>de</strong>s évènements <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong>s facteurs<br />
<strong>de</strong> stress.<br />
Les co-morbidités dans cette pathologie<br />
sont souvent très élevées et il est nécessaire<br />
<strong>de</strong> pouvoir rechercher tous les<br />
autres facteurs associés.<br />
L’enjeu <strong>de</strong> l’information est <strong>de</strong> maintenir<br />
un centrage sur le patient. Il<br />
<strong>de</strong>vient partie prenante du dispositif<br />
éducatif. Cette éducation thérapeutique<br />
est réalisée par <strong>de</strong>s éducateurs
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
Information du patient bipolaire<br />
du soin au sens large, mé<strong>de</strong>cin psychiatre,<br />
mé<strong>de</strong>cin généraliste, infirmier<br />
dans <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> soins qui <strong>de</strong>viennent<br />
<strong>de</strong>s lieux d’éducation : il s’agit <strong>de</strong> mettre<br />
en œuvre une véritable EDUCATION<br />
THERAPEUTIQUE portant sur plusieurs<br />
points.<br />
• Le patient par rapport à sa maladie<br />
dans le repérage du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> début<br />
<strong>de</strong> la maladie, <strong>de</strong> la phase d’état, <strong>de</strong> la<br />
phase <strong>de</strong>s complications, <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong><br />
maintien, <strong>de</strong> suivi.<br />
• La connaissance <strong>de</strong> la maladie : il s’agit<br />
d’une maladie d’évolution chronique<br />
qui présente <strong>de</strong>s accès aigus. Il est toujours<br />
difficile pour les patients, comme<br />
dans toutes les maladies chroniques y<br />
compris les maladies somatiques, d’obtenir<br />
une adhésion sur le long terme<br />
à bonne observance thérapeutique,<br />
seule chance <strong>de</strong> succès et <strong>de</strong> stabilisation.<br />
Il est impératif d’accompagner le<br />
patient tout au long <strong>de</strong> cette évolution<br />
marquée <strong>de</strong> moments optimistes, <strong>de</strong><br />
phases <strong>de</strong> désespoir, <strong>de</strong> renoncements<br />
et parfois d’acceptation.<br />
• Le statut du patient : le patient <strong>de</strong>vient<br />
un élève auprès duquel on essaie <strong>de</strong><br />
développer les motivations et l’alliance<br />
pour entrer dans le processus <strong>de</strong> soin,<br />
sans oublier qu’il a <strong>de</strong>s difficultés d’apprentissage<br />
dans ce domaine : penser<br />
que l’autre se trompe, que l’épiso<strong>de</strong><br />
peut être unique, qu’il est plus fort que<br />
le génie évolutif propre <strong>de</strong> la maladie…<br />
• L’apprentissage <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> cette<br />
prise en charge repose sur <strong>de</strong>s mesures<br />
psycho-éducatives <strong>de</strong>stinées aux<br />
patients, éventuellement à leur famille,<br />
mesures explicitées par <strong>de</strong>s professionnels<br />
<strong>de</strong> la santé formés, qualifiés.<br />
Les informations dispensées au cours<br />
<strong>de</strong> ces réunions se réalisent sur un<br />
mo<strong>de</strong> interactif ; y seront énoncées <strong>de</strong>s<br />
informations spécifiques sur la maladie,<br />
sur les traitements ainsi que <strong>de</strong>s<br />
mesures psychologiques en relation<br />
avec cette maladie. Elles représentent<br />
donc un acte thérapeutique qui renforce<br />
l’alliance thérapeutique. Les informations<br />
doivent être claires, accessibles<br />
à tous, consensuelles sur la maladie,<br />
abordant différents thèmes en respectant<br />
l’interactivité entre le patient et les<br />
professionnels. Elles reposent, également,<br />
sur la diffusion <strong>de</strong> documents<br />
écrits, <strong>de</strong> documents sonores, <strong>de</strong> films,<br />
<strong>de</strong> sites Internet ; elles vont permettre<br />
l’élaboration et la reconnaissance du<br />
trouble ; elles visent à faire accepter la<br />
maladie et ainsi à améliorer la qualité<br />
<strong>de</strong> l’observance du traitement grâce à<br />
une alliance thérapeutique. Les patients,<br />
souvent d’évolution et d’âges différents<br />
dans la maladie, vont s’auto-renforcer<br />
dans la reconnaissance <strong>de</strong> leur souffrance,<br />
dans la reconnaissance du<br />
trouble voire dans l’amélioration <strong>de</strong>s<br />
symptômes. Ainsi, peu à peu le patient<br />
doit <strong>de</strong>venir acteur <strong>de</strong> sa maladie et<br />
changer certaines habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie,<br />
assumer les contraintes d’une surveillance<br />
régulière, utiliser <strong>de</strong> façon<br />
optimale les services <strong>de</strong> soins. Il s’agit<br />
Trouble obsessionnel compulsif : la HAS définit les<br />
critères d’indication <strong>de</strong> la neurochirurgie<br />
fonctionnelle<br />
La Haute autorité <strong>de</strong> santé (HAS) propose, dans un rapport, <strong>de</strong>s critères d’indication<br />
<strong>de</strong> la neurochirurgie fonctionnelle, ou stimulation cérébrale profon<strong>de</strong>,<br />
dans le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), mais rappelle que cette<br />
technique est encore en cours d’évaluation*.<br />
A la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Direction générale <strong>de</strong> la santé (DGS), la HAS a conduit<br />
une étu<strong>de</strong> d’évaluation technologique afin <strong>de</strong> préciser les patients candidats<br />
à la stimulation cérébrale profon<strong>de</strong>, technique neurochirurgicale. Les traitements<br />
conventionnels -antidépresseurs sérotoninergiques, thérapies comportementales<br />
et cognitives ainsi que l’association <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux traitementspeuvent<br />
améliorer les <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong>s patients et en guérir environ 20%. La<br />
stimulation cérébrale profon<strong>de</strong> s’adresse donc aux patients résistants, c’est-àdire<br />
qui présentent une réduction <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 25% <strong>de</strong>s scores sur l’échelle<br />
Y-BOCS (Yale Brown Obsessive-Compulsive Scale) alors qu’ils suivent un<br />
traitement médicamenteux et une psychothérapie « <strong>de</strong>puis au moins 5 ans »,<br />
ou aux patients intolérants. En outre, le pronostic doit être « considéré comme<br />
mauvais en l’absence d’intervention ».<br />
Les patients candidats doivent être âgés <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20 ans et <strong>de</strong> moins <strong>de</strong><br />
65 ans, avec une maladie qui évolue <strong>de</strong>puis au moins 5 ans. Il faut qu’ils présentent<br />
une « souffrance significative et sévère ainsi qu’une altération majeure<br />
du fonctionnement psychosocial, attestées par l’évaluation clinique et la psychométrie<br />
». En cas <strong>de</strong> comorbidité (troubles <strong>de</strong> l’humeur, troubles anxieux,<br />
syndrome <strong>de</strong> Gilles <strong>de</strong> la Tourette...), celle-ci doit être traitée <strong>de</strong> manière appropriée.<br />
Enfin, le patient doit donner son consentement éclairé pour participer<br />
à un programme d’évaluation préopératoire et au programme <strong>de</strong> réhabilitation<br />
postopératoire à long terme, ce <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>vant également être<br />
accepté par le psychiatre référent. Par ailleurs, les conditions d’organisation<br />
nécessaires (équipements, caractéristiques <strong>de</strong>s services hospitaliers, ressources<br />
humaines) aux procédures <strong>de</strong> stimulation cérébrale profon<strong>de</strong>s, établies en<br />
2002 pour la maladie <strong>de</strong> Parkinson, s’appliquent au TOC.<br />
Des résultats prometteurs qui restent à confirmer<br />
Ces critères pourraient évoluer puisque la neurochirurgie fonctionnelle dans<br />
les TOC est encore balbutiante. La HAS juge les résultats « prometteurs mais<br />
préliminaires », soulignant qu’il reste <strong>de</strong>s questions essentielles à résoudre<br />
telles que la cible cérébrale optimale à stimuler chez ces patients ou l’efficacité<br />
à long terme. L’agence rappelle qu’une étu<strong>de</strong> française nationale multicentrique<br />
a été mise en place dans le cadre du Programme hospitalier pour<br />
la recherche clinique (PHRC) 2004 pour répondre aux questions restées en<br />
suspens. Dans la littérature, la HAS n’a trouvé qu’une dizaine <strong>de</strong> patients<br />
dans le mon<strong>de</strong> traités par stimulation cérébrale profon<strong>de</strong>, avec un suivi <strong>de</strong><br />
18 mois en moyenne. Certains résultats « peuvent être considérés comme positifs<br />
» mais sont « partiels pour la plupart d’entre eux ».<br />
Les données disponibles sur la stimulation cérébrale profon<strong>de</strong> proviennent<br />
<strong>de</strong>s expériences dans d’autres pathologies, la maladie <strong>de</strong> Parkinson, le tremblement<br />
essentiel, la dystonie, l’épilepsie ou le syndrome <strong>de</strong> Gilles <strong>de</strong> la Tourette.<br />
Le rapport <strong>de</strong> la HAS fait, également, une synthèse <strong>de</strong>s connaissances<br />
sur les TOC, rappelant qu’environ 2% <strong>de</strong> la population française adulte serait<br />
atteinte, ce qui ferait <strong>de</strong>s TOC la quatrième pathologie psychiatrique la<br />
plus fréquente après les troubles phobiques, les troubles liés aux toxiques (alcool<br />
et drogue) et les troubles dépressifs. <br />
F.C.<br />
*TOC résistants : prise en charge et place <strong>de</strong> la neurochirurgie fonctionnelle, rapport <strong>de</strong> 80<br />
pages et synthèse <strong>de</strong> 6 pages, téléchargeables sur www.has-sante.fr)<br />
donc, peu à peu, <strong>de</strong> faire reconnaître la<br />
chronicité <strong>de</strong> cette maladie qui nécessite<br />
un suivi et un traitement au long<br />
terme.<br />
Par ailleurs, les objectifs peuvent être,<br />
également, <strong>de</strong> reconnaître précocement<br />
les symptômes d’une récidive, symptômes<br />
classiques marqués par la reconnaissance<br />
<strong>de</strong> l’insomnie, un début d’hyperactivité<br />
mais aussi les premiers<br />
symptômes spécifiques connus ou<br />
reconnus soit par le patient, soit par<br />
son environnement. La connaissance<br />
plus précise <strong>de</strong> ces épiso<strong>de</strong>s amène à<br />
agir sur certains déterminants, également<br />
à agir sur la gestion <strong>de</strong> la vie. A<br />
terme, c’est par l’établissement et par le<br />
maintien d’une alliance thérapeutique<br />
que va s’établir une relation <strong>de</strong> qualité<br />
renforçant les motivations et l’implication<br />
du traitement grâce à un bon<br />
niveau d’information, à une bonne<br />
connaissance <strong>de</strong>s risques <strong>de</strong> la maladie<br />
et <strong>de</strong>s objectifs du traitement.<br />
Au cours <strong>de</strong> ces réunions seront abordés<br />
un certain nombre <strong>de</strong> thèmes<br />
concernant la démystification d’idées<br />
fausses, d’informations générales sur<br />
les traitements et sur les conséquences<br />
d’un arrêt inopportun du traitement.<br />
Il faut ainsi dénoncer certaines stratégies<br />
conscientes ou inconscientes <strong>de</strong>s<br />
patients bipolaires qui, voulant à certaines<br />
phases hypomaniaques éviter le<br />
renouvellement <strong>de</strong> la prescription <strong>de</strong>s<br />
traitements, arrivent à escamoter pour<br />
<strong>de</strong>s fausses raisons <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>z-vous et<br />
à s’extraire du système <strong>de</strong> soin. L’exaltation<br />
hypomaniaque plus confortable<br />
est recherchée au dépend d’une observance<br />
régulière. Le groupe peut, également,<br />
proposer <strong>de</strong>s systèmes d’autoévaluation<br />
portant sur la courbe <strong>de</strong><br />
l’humeur, la courbe du sommeil, le<br />
tableau récapitulatif <strong>de</strong>s évènements<br />
<strong>de</strong> vie et plus récemment, comme l’a<br />
proposé un patient, un diagramme fait<br />
à posteriori et mettant en corrélation<br />
l’état d’exaltation et le niveau <strong>de</strong>s<br />
dépenses financières réalisées au cours<br />
<strong>de</strong>s mois précé<strong>de</strong>nts.<br />
Certains déterminants sont aujourd’hui<br />
bien connus pour être essentiels,<br />
comme <strong>de</strong>s règles d’hygiène <strong>de</strong> vie, le<br />
respect <strong>de</strong>s rythmes <strong>de</strong> sommeil, la<br />
diminution <strong>de</strong>s excitants, la diminution<br />
<strong>de</strong> la charge <strong>de</strong> travail et du surmenage,<br />
le respect <strong>de</strong>s rythmes sociaux ;<br />
préférer une qualification professionnelle<br />
un peu inférieure à ses compétences<br />
propres pour diminuer le stress<br />
au travail, favoriser l’expression émotionnelle<br />
au sein <strong>de</strong>s familles pour favoriser<br />
<strong>de</strong> meilleurs échanges intra-familiaux<br />
tout particulièrement conjugaux<br />
permettant <strong>de</strong> désamorcer certains épiso<strong>de</strong>s.<br />
Il paraît plus difficile <strong>de</strong> pouvoir<br />
réguler ces phénomènes au cours <strong>de</strong> la<br />
phase hypomaniaque du fait du sentiment<br />
d’exaltation mégalomaniaque, <strong>de</strong><br />
l’apparition d’un certain nombre <strong>de</strong><br />
préoccupations par exemple d’ordre<br />
religieux, philosophique qu’au décours<br />
<strong>de</strong> la dépression où les actions sur la<br />
mobilisation, l’activation, l’encouragement,<br />
la resocialisation permettent parfois<br />
<strong>de</strong> dépasser ce cap difficile.<br />
En fait, la révélation du diagnostic n’est<br />
pas suffisante ; elle passe par la connaissance,<br />
l’acceptation et la reconnaissance<br />
du trouble <strong>de</strong> la maladie, <strong>de</strong> son<br />
handicap, <strong>de</strong>s traitements, ceci par <strong>de</strong>s<br />
échanges réciproques entre les patients,<br />
mais également grâce à la lecture <strong>de</strong><br />
livres et <strong>de</strong> documents divers comme<br />
par exemple le livre <strong>de</strong> K. Jamison, psychiatre<br />
décrivant elle-même ces différentes<br />
phases puisque porteuses <strong>de</strong> la<br />
maladie. Il faut souligner que le déficit<br />
relationnel est un <strong>de</strong>s composants du<br />
trouble bipolaire le plus lent à se normaliser<br />
et que cette capacité réduite<br />
<strong>de</strong> réintégration sociale concerne surtout<br />
le rapport avec l’autre, contrairement<br />
aux idées reçues.<br />
Ces groupes peuvent, également, orienter<br />
vers <strong>de</strong>s groupes d’entrai<strong>de</strong> favori-<br />
DOSSIER : L’INFORMATION DU PATIENT EN PSYCHIATRIE 15<br />
sant l’augmentation <strong>de</strong> l’estime <strong>de</strong> soi,<br />
l’amélioration du fonctionnement social<br />
<strong>de</strong> l’individu et à terme permettre une<br />
réintégration plus rapi<strong>de</strong> ainsi qu’une<br />
meilleure qualité <strong>de</strong> vie. Meilleur sera<br />
le fonctionnement social, meilleure sera<br />
l’adaptation sociale, meilleure sera sans<br />
doute la qualité <strong>de</strong> vie et la diminution<br />
du risque d’une rechute.<br />
La parole circule très librement dans<br />
ces groupes. Les préoccupations et la<br />
nature du discours sont différentes<br />
spontanément du contenu <strong>de</strong>s entretiens<br />
médicaux.<br />
Les groupes agissent donc sur plusieurs<br />
variables : d’abord la capacité du patient<br />
à communiquer, à exprimer ses idées,<br />
à comprendre que d’autres sont passés<br />
par la même souffrance, ont évolué<br />
favorablement ; ensuite il transforme<br />
le mala<strong>de</strong> exécuteur passif d’instructions<br />
souvent mal comprises en une<br />
personne qui s’assume dans un rôle<br />
actif se sentant moins seul et moins<br />
isolé dans sa souffrance. La parole est<br />
souvent facile dans le groupe, exprimant<br />
avec sincérité sa vie intime et son<br />
cheminement affectif.<br />
Au total, les résultats <strong>de</strong> ces groupes<br />
renforcent l’alliance thérapeutique mise<br />
en place dans la relation individuelle<br />
mé<strong>de</strong>cin/mala<strong>de</strong>, soignant/mala<strong>de</strong> permettant<br />
une meilleure connaissance<br />
<strong>de</strong> la maladie, donc une meilleure<br />
observance <strong>de</strong>s traitements, une<br />
meilleure connaissance <strong>de</strong>s facteurs<br />
déclenchants, à plus long terme une<br />
réduction du nombre <strong>de</strong> rechute<br />
maniaque et <strong>de</strong> la durée d’hospitalisation,<br />
une amélioration du fonctionnement<br />
social. On peut donc dire que<br />
l’intérêt <strong>de</strong> ces groupes est très fort<br />
pour ai<strong>de</strong>r nos patients bipolaires à<br />
s’inscrire dans la durée dans la gestion<br />
<strong>de</strong> leur maladie et permettre, comme<br />
dans toutes les maladies chroniques,<br />
<strong>de</strong> mieux vivre ce qui peut représenter<br />
une amputation partielle <strong>de</strong> sa vie. Ils<br />
vont ai<strong>de</strong>r le patient à faire un long<br />
travail <strong>de</strong> reconnaissance grâce à la<br />
consolidation <strong>de</strong> l’alliance thérapeutique<br />
et tirer, par là-même, <strong>de</strong>s bénéfices<br />
directs concernant la qualité <strong>de</strong>s<br />
hospitalisations lors <strong>de</strong>s décompensations,<br />
mais, également, la qualité <strong>de</strong> la<br />
vie dans les phases intercurrentes <strong>de</strong>s<br />
épiso<strong>de</strong>s aigus. Le soutien par la présence<br />
dans les groupes <strong>de</strong>s proches du<br />
mala<strong>de</strong> va permettre un meilleur dialogue<br />
au sein <strong>de</strong>s familles et, peut-être,<br />
le désamorçage précoce d’épiso<strong>de</strong>s qui<br />
auraient décompensé sur un mo<strong>de</strong> plus<br />
aigu s’il y avait eu une moins bonne<br />
compréhension réciproque et le maintien<br />
d’un dysfonctionnement relationnel.<br />
L’évaluation <strong>de</strong> ces groupes a montré,<br />
aujourd’hui, une réduction du nombre<br />
<strong>de</strong>s rechutes maniaques et <strong>de</strong> la durée<br />
d’hospitalisation. Cependant, l’efficacité<br />
<strong>de</strong> ce travail s’avère moins marquée<br />
sur la prévention <strong>de</strong>s rechutes dépressives.<br />
Il ai<strong>de</strong> les patients à surmonter<br />
le handicap socio-professionnel généré<br />
par la maladie et tente <strong>de</strong> lutter contre<br />
un problème morbi<strong>de</strong> qui engendre<br />
une chronicité. Le patient acteur <strong>de</strong> sa<br />
maladie, acteur <strong>de</strong> ses soins subit moins<br />
les aléas d’un trouble dont les conséquences<br />
sont extrêmement <strong>de</strong>structives<br />
tant pour lui dans sa vie mais,<br />
également, pour ses proches, sa famille<br />
et son milieu professionnel. <br />
Catherine AMOYAL-FARUCH*,<br />
Pascal MARIE*,<br />
Adam NEUWALD**<br />
*Praticiens Hospitaliers Secteur 8<br />
**Assistant Généraliste Secteur 8<br />
CH G. Marchant.<br />
Bibliographie<br />
GAY C., Les enjeux <strong>de</strong> l’information, Santé<br />
Mentale 2001, 56.<br />
JAMISON KR, De l’exaltation à la dépression,<br />
Ed Robert Laffon 1997, 236 p.<br />
KOCHMAN F., MEYNARD J.A., Les<br />
troubles bipolaires : gui<strong>de</strong> à l’usage <strong>de</strong>s<br />
patients et <strong>de</strong> leur famille, Sanofi système<br />
nerveux central.<br />
LIVRES<br />
Travail et Génétique<br />
De la sélection préventive à la<br />
prévention sélective<br />
Sophie Douay<br />
Préface du Pr. Pierre-Yves<br />
Verkindt<br />
L’Harmattan<br />
Les progrès <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine moléculaire<br />
appliqués en milieu <strong>de</strong> travail<br />
nourrissent d’énormes espoirs en<br />
terme d’évitement <strong>de</strong> la maladie en<br />
amont pour certains, et pour d’autres,<br />
d’affreuses craintes d’émergences<br />
d’une sorte <strong>de</strong> « bio-cratie » ou « génocratie<br />
», au sein <strong>de</strong> laquelle les règles<br />
et les valeurs seraient réexaminées<br />
à la lumière <strong>de</strong> critères biologiques<br />
et génétiques, auxquels le caractère<br />
scientifique confèrerait une sorte <strong>de</strong><br />
valeur absolue. Au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s fantasmes<br />
<strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres, le développement<br />
<strong>de</strong>s tests génétiques en milieu<br />
<strong>de</strong> travail, constituerait un marché<br />
important pour les promoteurs et distributeurs<br />
concernés.<br />
Si la loi interdit les discriminations en<br />
raison <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s salariés,<br />
la question <strong>de</strong> la qualification du recours<br />
aux tests génétiques, en milieu<br />
<strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> pratique discriminatoire<br />
peut être discutée.<br />
En outre, si les textes européens et<br />
nationaux donnent priorité à la prévention<br />
primaire, environnementale,<br />
il semble que l’approche actuelle <strong>de</strong><br />
la prévention, en se voulant <strong>de</strong> plus<br />
en plus pluridisciplinaire, ne puisse<br />
exclure une intégration croissante du<br />
paramètre génétique à la notion <strong>de</strong><br />
« risque professionnel », sinon pour luimême,<br />
du moins en combinaison<br />
avec le paramètre environnemental.<br />
Trisomie et handicap<br />
La parole <strong>de</strong>s jeunes :<br />
configurations et itinéraires<br />
Jean-Sébastien Morvan, Nathalie<br />
Auguin, Valérie Torossain<br />
Editions du CTNERHI, 14,60 €<br />
Cet ouvrage est le résultat d’une démarche<br />
<strong>de</strong> recherche menée au début<br />
<strong>de</strong>s années 2000 qui se penche<br />
sur l’évolution <strong>de</strong>s jeunes adolescents<br />
et adultes trisomiques 21. Leur <strong>de</strong>venir<br />
personnel, social, scolaire, professionnel<br />
est pris en considération<br />
sur fond <strong>de</strong> toile d’ajustements psychologiques<br />
tant dans le rapport à<br />
eux-mêmes qu’à celui <strong>de</strong> leur environnement<br />
et <strong>de</strong> leur entourage.<br />
L’approche est psychodynamique afin,<br />
au travers <strong>de</strong>s faits et <strong>de</strong>s conduites<br />
relatés par les jeunes <strong>de</strong> repérer les<br />
mouvements psychiques qui ont accompagné<br />
leur désir <strong>de</strong> grandir, <strong>de</strong><br />
mettre en relief les allers et retours<br />
avec les proches familiaux, professionnels,<br />
pairs et <strong>de</strong> voir comment<br />
se réalisent ou pas, ou peu, les phénomènes<br />
d’insertion, les souhaits<br />
d’autonomie, les recherches affectives<br />
dans le rapport à soi comme<br />
dans le rapport à l’autre. Ces situations<br />
sont analysées dans leur globalité<br />
entre les composantes psychologiques<br />
et les dimensions<br />
environnementales là où s’élaborent<br />
et se construisent la représentation<br />
<strong>de</strong> soi et l’estime <strong>de</strong> soi.<br />
Paradoxalement, le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> l’adolescent<br />
et du jeune trisomique a été<br />
peu étudié. Cette pério<strong>de</strong> est particulièrement<br />
cruciale car elle comporte<br />
un certain nombre <strong>de</strong> choix. Il s’agit,<br />
dans cette perspective, <strong>de</strong> retracer<br />
leurs itinéraires scolaire et professionnel<br />
au travers <strong>de</strong> continuités et<br />
<strong>de</strong> ruptures, <strong>de</strong> les situer dans leur<br />
fonctionnement individuel et social<br />
(capacités d’autonomie et d’insertion),<br />
<strong>de</strong> dégager ce qu’il en est <strong>de</strong> leurs représentations<br />
et <strong>de</strong> leur vécu (image<br />
et estime <strong>de</strong> soi), <strong>de</strong> qualifier leur position<br />
et leur dynamisme <strong>de</strong> sujet en<br />
<strong>de</strong>venir (capacité à être seul et projets).
16<br />
DOSSIER : L’INFORMATION DU PATIENT EN PSYCHIATRIE<br />
LIVRES ET REVUES<br />
La folie protège-t-elle <strong>de</strong> la<br />
maladie ?<br />
Revue Française <strong>de</strong><br />
Psychosomatique 2005, n°7<br />
Presses Universitaires <strong>de</strong> France<br />
26 €<br />
Le titre <strong>de</strong> ce numéro peut surprendre<br />
par le rapprochement qu’il propose<br />
entre <strong>de</strong>ux univers <strong>de</strong> référence aussi<br />
différents que la folie et la maladie<br />
somatique, d’autant plus qu’il suggère<br />
aussi l’idée que le premier pourrait<br />
protéger du second.<br />
Le dossier présenté cherche à approfondir<br />
ce qu’il en est, du point <strong>de</strong><br />
vue <strong>de</strong> l’économie psychosomatique<br />
<strong>de</strong>s relations entre la folie en tant<br />
que solution psychique et la somatisation<br />
en tant que solution somatique.<br />
L’une <strong>de</strong>s contributions fait le point<br />
sur les connaissances actuelles au sujet<br />
<strong>de</strong>s rapports entre psychose et somatose,<br />
du point <strong>de</strong> vue psychiatrique.<br />
Selon les résultats <strong>de</strong> cette<br />
étu<strong>de</strong>, qui doivent être évalués avec<br />
pru<strong>de</strong>nce, les patients psychotiques,<br />
contrairement aux idées reçues, auraient<br />
une authentique vulnérabilité<br />
somatique. La décompensation somatique<br />
intervient, le plus fréquemment,<br />
chez eux dans <strong>de</strong>s moments<br />
<strong>de</strong> rupture <strong>de</strong> l’équilibre précé<strong>de</strong>mment<br />
établi entre leur fonctionnement<br />
mental psychotique et leur environnement<br />
objectal. Ces observations<br />
<strong>de</strong> nature psychiatrique vont dans le<br />
même sens que les conceptions développées,<br />
<strong>de</strong>puis longtemps, par les<br />
psychosomaticiens <strong>de</strong> l’Ecole <strong>de</strong> Paris,<br />
qui soulignent la valeur protectrice<br />
<strong>de</strong> la mentalisation vis-à-vis du<br />
fonctionnement somatique.<br />
Les autres articles <strong>de</strong> ce numéro illustrent<br />
aussi ce point <strong>de</strong> vue en élargissant<br />
la notion <strong>de</strong> folie au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />
limites psychopathologiques <strong>de</strong>s psychoses<br />
classiques.<br />
G. Szwec a repris, d’une manière synthétique,<br />
les rapports entre folie et<br />
maladie somatique, en s’appuyant<br />
sur le modèle classique <strong>de</strong> Pierre<br />
Marty, pour en déduire les conséquences<br />
possibles tant au point <strong>de</strong><br />
vue clinique que théorique. Les observations<br />
psychosomatiques montrent,<br />
assez régulièrement, chez certains<br />
patients, <strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong><br />
bascule d’un registre psychopathologique<br />
à un registre physiopathologique.<br />
Le modèle économique permet une<br />
intelligibilité nouvelle <strong>de</strong> ces observations<br />
psychosomatiques, dans la<br />
mesure où les expressions psychiques<br />
et somatiques peuvent être conçues<br />
en termes <strong>de</strong> solutions défensives individuelles.<br />
Dans cette optique, le<br />
« choix » ou, plutôt, la nécessité <strong>de</strong> recourir<br />
à l’une d’entre elles dépend<br />
<strong>de</strong>s conditions économiques locales<br />
et temporelles autant que <strong>de</strong>s aptitu<strong>de</strong>s<br />
individuelles.<br />
Socio-anthropologie <strong>de</strong>s<br />
joueurs d’échecs<br />
Jacques Bernard<br />
L’Harmattan, 24 €<br />
Mené à partir d’une enquête réalisée<br />
selon le principe <strong>de</strong> l’observation participante,<br />
cet ouvrage apporte un<br />
éclairage sur un groupe social méconnu,<br />
celui <strong>de</strong>s joueurs d’échecs français.<br />
L’étu<strong>de</strong> porte sur différents aspects<br />
: les joueurs amateurs, les clubs<br />
d’échecs, les relations sociales qui se<br />
nouent lors <strong>de</strong>s compétitions et, plus<br />
spécifiquement, les joueurs d’échecs<br />
professionnels dont le métier, la vie<br />
privée, les comportements <strong>de</strong> loisir<br />
témoignent <strong>de</strong> ce que la pratique du<br />
jeu rejaillit sur toutes les facettes <strong>de</strong><br />
leur existence. Cet examen <strong>de</strong> la place<br />
<strong>de</strong>s joueurs d’échecs dans la société<br />
est enrichi par une recherche sur la<br />
représentation du jeu dans la littérature,<br />
le cinéma, les médias.<br />
Dans la plupart <strong>de</strong>s maladies chroniques,<br />
le traitement médicamenteux<br />
est la « pierre d’angle » <strong>de</strong> la stratégie<br />
thérapeutique. Il nécessite donc, à<br />
cet égard, la plus gran<strong>de</strong> attention si<br />
l’on veut assurer une bonne stratégie <strong>de</strong><br />
soins qui se construira au fil du temps<br />
entre l’équipe soignante pluridisciplinaire<br />
et le patient.<br />
La prise en charge <strong>de</strong>s troubles psychotiques<br />
représente, en terme <strong>de</strong> santé<br />
publique et sur le plan humain et social,<br />
un enjeu considérable mais ce problème<br />
<strong>de</strong>vient encore plus préoccupant<br />
quand on sait que la non-observance<br />
du traitement médicamenteux, principale<br />
cause <strong>de</strong> rechute ou <strong>de</strong> désocialisation,<br />
atteint plus <strong>de</strong> 50% <strong>de</strong>s patients<br />
en ambulatoire.<br />
L’équipe pluridisciplinaire qui accompagne<br />
le patient psychotique doit alors<br />
considérer les causes <strong>de</strong> ce phénomène<br />
actuellement bien décrites (1, 4) et<br />
s’efforcer d’œuvrer pour transformer<br />
dans ce pronostic ce qui peut être évitable.<br />
Depuis une dizaine d’années, notre<br />
mission <strong>de</strong> pharmacien (2), qui définit<br />
notre rôle <strong>de</strong> « professionnel du médicament<br />
», nous a poussés à formaliser<br />
concrètement ce rôle dans la chaîne<br />
du soin en milieu hospitalier.<br />
Notre démarche s’est déroulée en plusieurs<br />
étapes.<br />
La première étape a consisté à permettre<br />
d’i<strong>de</strong>ntifier le pharmacien hospitalier<br />
comme personne-ressource<br />
dans l’information sur les médicaments<br />
vis-à-vis <strong>de</strong>s partenaires soignants<br />
(mé<strong>de</strong>cins, infirmiers) et <strong>de</strong>s patients.<br />
Un bulletin d’information trisannuel<br />
<strong>de</strong>stiné aux soignants, <strong>de</strong>s fiches d’information<br />
sur les psychotropes ont été<br />
rédigés par un groupe <strong>de</strong> pharmaciens<br />
hospitaliers appartenant au Réseau<br />
P.I.C. (6) puis validés localement par<br />
<strong>de</strong>s psychiatres. Ces fiches ont été élaborées<br />
suivant les recommandations<br />
<strong>de</strong> l’ANAES(5), décrivant le bénéfice<br />
thérapeutique attendu tout en évoquant<br />
les effets iatrogènes potentiels<br />
et la conduite à suivre. Elles signalent<br />
également les précautions à prendre<br />
et les éléments principaux <strong>de</strong> la surveillance<br />
du traitement.<br />
La fiche d’information est un support<br />
concret <strong>de</strong>stiné au patient à qui elle<br />
est remise personnellement par son<br />
mé<strong>de</strong>cin, son pharmacien ou un infirmier.<br />
Toutefois, cette fiche d’information<br />
ne peut se substituer à l’information<br />
orale qui doit être initiée par le<br />
psychiatre au cours <strong>de</strong> la consultation<br />
car elle est le fon<strong>de</strong>ment même <strong>de</strong> l’alliance<br />
thérapeutique sur laquelle s’établira<br />
la démarche <strong>de</strong> soins. La fiche<br />
d’information est aussi la « trace » matérielle<br />
d’une démarche d’information<br />
dirigée vers le patient.<br />
La <strong>de</strong>uxième étape <strong>de</strong> notre démarche<br />
a consisté à mettre au point une<br />
métho<strong>de</strong> d’éducation pharmaco- thérapeutique<br />
intégrée dans la démarche<br />
<strong>de</strong> soins.<br />
Cette métho<strong>de</strong> s’appelle « L’Atelier du<br />
Médicament » (3). Elle a débuté dans les<br />
années 1994-1995 au Centre Hospitalier<br />
G. Marchant à Toulouse avec C.<br />
Fabre pharmacien, et au Centre Hospitalier<br />
<strong>de</strong>s Pyrénées à Pau avec M.L.<br />
Biscay pharmacien.<br />
Après plusieurs années qui ont permis<br />
<strong>de</strong> mettre au point cette métho<strong>de</strong> qui<br />
s’est montrée efficace et relativement<br />
facile à mettre en place, elle est en train<br />
<strong>de</strong> s’étendre dans plusieurs établissements<br />
<strong>de</strong> santé mentale grâce à une<br />
formation professionnelle qu’a suivi<br />
une centaine <strong>de</strong> pharmaciens <strong>de</strong> 2002<br />
à 2004.<br />
« L’Atelier du Médicament » est une<br />
activité thérapeutique sous la forme<br />
d’un groupe <strong>de</strong> paroles, animé par un<br />
pharmacien en collaboration avec une<br />
infirmière. Ce groupe réunit 8 à 10<br />
patients choisis par l’équipe <strong>de</strong> soins<br />
(psychiatres et infirmiers) suivant leur<br />
aptitu<strong>de</strong> à pouvoir participer au groupe<br />
et recevoir <strong>de</strong>s informations ou<br />
suivre plusieurs séances.<br />
En effet, <strong>de</strong>ux types d’ateliers sont pro-<br />
La place du Pharmacien dans<br />
l’information et l’éducation<br />
thérapeutique du patient<br />
posés : ils correspon<strong>de</strong>nt à 2 niveaux<br />
d’approfondissement <strong>de</strong>s connaissances<br />
par les patients.<br />
L’atelier <strong>de</strong> type informatif qui a lieu 1<br />
fois/mois dans un service d’hospitalisation<br />
complète où participent <strong>de</strong>s<br />
patients qui souhaitent compléter les<br />
informations qu’ils ont reçues <strong>de</strong>s<br />
mé<strong>de</strong>cins ou infirmiers. Cet atelier est<br />
également proposé aux patients avant<br />
leur sortie <strong>de</strong> l’hôpital.<br />
L’atelier <strong>de</strong> type éducatif qui est proposé<br />
au même groupe <strong>de</strong> patients, réunis<br />
suivant leur profil pathologique et leurs<br />
besoins. L’atelier se compose <strong>de</strong> 6 à 8<br />
séances hebdomadaires <strong>de</strong> 1 heure.<br />
Un programme est adapté suivant les<br />
besoins <strong>de</strong>s patients : connaissance <strong>de</strong>s<br />
neuroleptiques, <strong>de</strong>s antidépresseurs,<br />
régulateurs <strong>de</strong> l’humeur, anxiolytiques,<br />
hypnotiques, reconnaître les effets thérapeutiques,<br />
les signes <strong>de</strong> la maladie,<br />
les effets indésirables et les solutions<br />
préconisées, la durée du traitement, la<br />
prévention <strong>de</strong>s rechutes, etc….<br />
Les objectifs <strong>de</strong> cette métho<strong>de</strong> éducative<br />
sont bien ciblés sur le patient. Il<br />
s’agit, en effet, <strong>de</strong> :<br />
- permettre au patient <strong>de</strong> vérifier ses<br />
connaissances sur le traitement et <strong>de</strong> les<br />
enrichir,<br />
- l’ai<strong>de</strong>r à s’approprier son traitement en<br />
tant qu’objet utile à sa santé,<br />
- l’ai<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>venir acteur (connaître son<br />
rôle, créer <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s, développer sa<br />
confiance),<br />
- renforcer l’alliance thérapeutique donc<br />
l’observance médicamenteuse.<br />
Le rôle spécifique du<br />
Pharmacien dans cette<br />
approche thérapeutique<br />
Le pharmacien dans sa formation <strong>de</strong><br />
« professionnel du médicament » peut<br />
mettre au service du soin <strong>de</strong>stiné aux<br />
patients, ses qualités <strong>de</strong> pharmacien<br />
clinicien et <strong>de</strong> technicien du médicament.<br />
Nous citerons certains exemples :<br />
- il ai<strong>de</strong> le patient à rechercher les bénéfices<br />
thérapeutiques tout en lui expliquant<br />
les actions du médicament,<br />
- il abor<strong>de</strong> les effets indésirables en<br />
aidant le patient à les i<strong>de</strong>ntifier, les<br />
exprimer, pour trouver les solutions<br />
avec le prescripteur,<br />
- il ai<strong>de</strong> à faire repérer les signes <strong>de</strong> la<br />
maladie tout en permettant <strong>de</strong> différencier<br />
les effets iatrogènes <strong>de</strong>s symptômes<br />
liés à la pathologie,<br />
- il explique l’intérêt du traitement, sa<br />
durée, les risques liés à l’arrêt et permet<br />
ainsi <strong>de</strong> renforcer l’observance.<br />
- il éduque au bon usage <strong>de</strong>s médicaments,<br />
et met en gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s risques liés<br />
à l’usage <strong>de</strong>s drogues, <strong>de</strong> l’alcool, et <strong>de</strong><br />
l’abus <strong>de</strong> certains psychotropes.<br />
- il dédramatise et permet <strong>de</strong> resituer la<br />
place du médicament dans le soin<br />
d’une maladie chronique : accepter la<br />
maladie, apprendre à vivre avec le traitement.<br />
En amont <strong>de</strong> l’éducation, et au cours<br />
du suivi thérapeutique pendant l’atelier,<br />
son rôle se situe avec les prescripteurs<br />
et les infirmières dans l’évaluation<br />
thérapeutique interdisciplinaire,<br />
pour favoriser le bon usage <strong>de</strong>s médicaments.<br />
Il est, en effet, nécessaire,<br />
comme l’indique le rapport <strong>de</strong> la DGS,<br />
<strong>de</strong> « s’assurer <strong>de</strong> l’efficacité <strong>de</strong>s traitements<br />
recommandés et <strong>de</strong> leur validation,<br />
avant <strong>de</strong> les inclure dans une<br />
démarche d’éducation thérapeutique ».<br />
Par sa formation professionnelle et sa<br />
mission <strong>de</strong> dispensateur <strong>de</strong>s médicaments,<br />
le pharmacien analyse d’abord<br />
la prescription médicale mais c’est en<br />
approchant et écoutant le patient qu’il<br />
sera le plus pertinent sur cette analyse<br />
dont il pourra discuter les points d’évaluation<br />
et <strong>de</strong> suivi avec le prescripteur<br />
et l’équipe soignante.<br />
L’observance du traitement sera d’autant<br />
facilitée, si le schéma thérapeutique<br />
est simple : formes galéniques<br />
adaptées, nombre <strong>de</strong> prises limité au<br />
minimum, rythme d’administration<br />
adapté au rythme <strong>de</strong> vie du patient.<br />
Il sera particulièrement important d’éviter<br />
les redondances pharmacologiques<br />
qui peuvent être source <strong>de</strong> iatrogénie,<br />
la prolongation <strong>de</strong> correcteurs non<br />
indispensables au bout <strong>de</strong> quelques<br />
mois, et la durée <strong>de</strong>s hypnotiques trop<br />
souvent mal utilisés.<br />
Nombre<br />
<strong>de</strong> réponses<br />
justes<br />
Nombre<br />
<strong>de</strong> réponses<br />
justes<br />
Nombre<br />
<strong>de</strong> réponses<br />
justes<br />
30<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
crampes<br />
Evaluation <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong><br />
« Atelier du médicament »<br />
« Les bénéfices doivent être attendus en<br />
terme <strong>de</strong> résultats directs : modification<br />
<strong>de</strong>s savoirs et <strong>de</strong>s comportements,<br />
amélioration <strong>de</strong> la santé et qualité <strong>de</strong><br />
vie du patient en terme <strong>de</strong> conséquences<br />
économiques : diminution <strong>de</strong>s<br />
coûts, augmentation du coût/efficacité<br />
<strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé ».<br />
Notre évaluation s’est portée, dans un<br />
premier temps, sur les modifications <strong>de</strong><br />
comportements <strong>de</strong>s patients ayant suivi<br />
un cycle complet d’Atelier (7 séances en<br />
moyenne), à l’ai<strong>de</strong> d’un questionnaire<br />
qui leur est remis à la première séance,<br />
puis à la <strong>de</strong>rnière séance.<br />
Ce questionnaire comporte une quinzaine<br />
<strong>de</strong> questions regroupées pour<br />
EVALUATION<br />
Connaissance <strong>de</strong>s effets indésirables<br />
+7%<br />
tremblements<br />
+39%<br />
impatiences<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
l’analyse sur 3 items :<br />
1. comportement vis-à-vis du traitement<br />
2. représentations du médicament par<br />
le patient<br />
3. connaissance <strong>de</strong>s effets indésirables<br />
31 paires <strong>de</strong> questionnaires ont été<br />
analysées.<br />
Le score est donné par l’augmentation<br />
du pourcentage <strong>de</strong> réponses justes,<br />
entre les 2 questionnaires pour chaque<br />
patient. L’évaluation statistique <strong>de</strong>s ateliers<br />
éducatifs <strong>de</strong> patients psychotiques<br />
+29%<br />
+20%<br />
changer NL<br />
stabilisés montre une amélioration <strong>de</strong>s<br />
scores significative :<br />
- item 1 : amélioration 10 à 20%,<br />
- item 2 : amélioration <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 10%,<br />
- item 3 : l’amélioration est d’environ<br />
30%.<br />
Un questionnaire <strong>de</strong> satisfaction <strong>de</strong>s<br />
patients vis-à-vis <strong>de</strong> « l’atelier du médicament<br />
», indique un taux <strong>de</strong> réponse<br />
positive <strong>de</strong> 80 % <strong>de</strong>s patients.<br />
Conclusion<br />
+7% ns<br />
dose NL<br />
EVALUATION<br />
Raisons <strong>de</strong> prendre ou ne pas prendre un médicament<br />
35<br />
30<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
EVALUATION<br />
Comportement vis-à-vis du traitement médicamenteux<br />
40<br />
35<br />
30<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
mala<strong>de</strong><br />
signes <strong>de</strong> la maladie<br />
éviter les rechutes<br />
obligation <strong>de</strong> ttt continu<br />
acceptation du ttt continu<br />
drogue<br />
idée fausse<br />
+13%<br />
+10%<br />
+13%<br />
+19% +16%<br />
-6%<br />
faire état ttt psy<br />
oubli prise<br />
refus ttt non prescrit<br />
décision arrêt/guérison<br />
décision arrêt/mé<strong>de</strong>cin<br />
décision arrêt/pharmacien<br />
Avant<br />
Après<br />
N=31<br />
Avant<br />
Après<br />
N=31<br />
Avant<br />
Après<br />
N=31<br />
Selon le rapport <strong>de</strong> l’O. M. S., l’éducation<br />
thérapeutique doit être un « processus<br />
continu et intégré aux soins ».<br />
Cette approche, légitime et incontournable,<br />
renforce la nécessité <strong>de</strong> la coordination<br />
<strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> santé<br />
autour <strong>de</strong> la prise en charge <strong>de</strong>s
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
patients (5). Le pharmacien, par sa position<br />
professionnelle neutre dans la relation<br />
thérapeutique, peut ainsi permettre<br />
une synergie <strong>de</strong>s complémentarités professionnelles<br />
du mé<strong>de</strong>cin référent et<br />
<strong>de</strong> l’équipe infirmière. En jouant son<br />
rôle spécifique vis-à-vis du traitement<br />
sur la scène du soin, il incite et renforce<br />
également les partenaires à jouer<br />
leur rôle singulier dans la chaîne <strong>de</strong><br />
l’information et <strong>de</strong> l’éducation thérapeutique<br />
n<br />
Marie-Lise BISCAY<br />
Pharmacien, Centre Hospitalier <strong>de</strong>s Pyrénées,<br />
64000 Pau<br />
Bibliographie<br />
(1) D’IVERNOIS J.F., L’éducation du patient<br />
chronique, Santé mentale 2000, 46, 27-35.<br />
(2) Loi n°92-1279 du 8 décembre 1992<br />
modifiant le livre V du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la santé<br />
publique et relative à la pharmacie et au<br />
médicament.<br />
(3) FABRE C., BISCAY M.L., Le rôle du<br />
Pharmacien, partenaire <strong>de</strong> santé, dans l’information<br />
du patient, Démarche qualité en<br />
santé mentale, une politique au service <strong>de</strong>s<br />
patients, 207-214, Editions in press.<br />
(4) NOSÉ M., BARBUI C., GRAY R., TAN-<br />
SELLA M., Clinical interventions for treatment<br />
non-adherence in psychosis: meta-analysis,<br />
Britisch <strong>Journal</strong> Psy 2003,183,<br />
197-206.<br />
(5) THOUVENIN D., Rapport <strong>de</strong> l’ANAES<br />
soumis au groupe <strong>de</strong> travail chargé d’élaborer<br />
<strong>de</strong>s recommandations <strong>de</strong>stinées aux mé<strong>de</strong>cins,<br />
relatives à l’information <strong>de</strong>s patients,<br />
Paris 2000.<br />
(6) www.reseau-pic.com<br />
Les maladies cérébrales ont coûté<br />
386 milliards d’euros en Europe en 2004<br />
Les maladies du cerveau ont coûté 386 milliards d’euros en 2004 dans l’Union<br />
européenne ainsi qu’en Islan<strong>de</strong>, Norvège et Suisse, selon une étu<strong>de</strong> publiée<br />
dans l’European <strong>Journal</strong> of Neurology.*<br />
Le poids économique réel <strong>de</strong>s maladies cérébrales (neurologiques, psychiatriques,<br />
addictions, tumeurs cérébrales) en Europe est probablement sous estimé<br />
puisque les données publiées manquent à la fois pour les anciens et les<br />
nouveaux Etats membres. Patrik Andlin-Sobocki <strong>de</strong> l’Institut Karolinska à<br />
Stockholm et ses collègues ont tenté <strong>de</strong> faire un bilan, tout en prévenant que<br />
certains résultats sont probablement discutables puisque les métho<strong>de</strong>s d’évaluation<br />
utilisées dans les différentes sources exploitées sont hétérogènes.<br />
Pour les 25 pays <strong>de</strong> l’UE, l’Islan<strong>de</strong>, la Norvège et la Suisse, ils ont estimé que<br />
127 millions <strong>de</strong> personnes sur un total <strong>de</strong> 466 millions d’adultes (27,25%)<br />
étaient atteintes d’une ou <strong>de</strong> plusieurs maladies du SNC en 2004. Selon les<br />
pays, la prévalence varie <strong>de</strong> 19% (Espagne) à 36% (Pays-Bas).<br />
Les auteurs notent que la prévalence est la plus élevée dans certains pays du<br />
Nord <strong>de</strong> l’Europe (Pays-Bas, Norvège, Suè<strong>de</strong> et Allemagne) tandis qu’elle est<br />
plus basse dans certains pays du Sud (France, Italie, Espagne). Les maladies<br />
les plus fréquentes sont d’ordre psychiatrique, les troubles anxieux (trouble<br />
panique, phobies, trouble obsessionnel-compulsif, anxiété généralisée) touchant<br />
41 millions <strong>de</strong> personnes et les troubles <strong>de</strong> l’humeur (dépression, trouble<br />
bipolaire) 21 millions.<br />
L’addiction touche au total 9 millions d’Européens, en comptant la dépendance<br />
aux substances illicites et l’alcoolodépendance. Ce chiffre atteindrait<br />
37 millions en y ajoutant la dépendance tabagique. La maladie neurologique<br />
la plus fréquente est la migraine, avec une estimation <strong>de</strong> 41 millions <strong>de</strong> cas.<br />
Parmi les pathologies les moins prévalentes figurent la sclérose en plaques<br />
(380 000 cas) et les tumeurs cérébrales (135 000 cas).<br />
Le coût <strong>de</strong> la dépendance nicotinique, qui n’a pas été incluse dans cette évaluation,<br />
est <strong>de</strong> 15 milliards d’euros supplémentaires. Les céphalées n’ont pas<br />
été prises en compte car il n’existe pas <strong>de</strong> données disponibles en Europe.<br />
Selon une extrapolation <strong>de</strong>s chiffres américains, elles pourraient représenter<br />
46 milliards d’euros supplémentaires.<br />
Les maladies mentales (maladies psychiatriques et addictions) représentent<br />
62% du coût total (239,5 milliards d’euros), les maladies neurologiques 21,7%<br />
(84 milliards), les démences (considérées à la fois comme un trouble neurologique<br />
et mental) 14,3% (55 milliards) et les maladies neurochirurgicales<br />
(tumeurs, trauma cranio-cérébraux) 2% (7,5 milliards). Sur le coût total, les<br />
dépenses médicales directes totalisent 136 milliards d’euros (35%), dont 78<br />
milliards pour les hospitalisations (20% du total), 45 milliards pour les consultations<br />
(12%) et 13 milliards pour les médicaments (3%). Les coûts médicaux<br />
indirects (transport, soins paramédicaux, soins informels...) représentent<br />
72 milliards d’euros (18,6%). Les coûts indirects, représentant notamment<br />
les jours non travaillés et la perte <strong>de</strong> productivité causés par un handicap permanent<br />
et la mortalité, s’élèvent à 179 milliards d’euros (46,41%). Parmi ces<br />
coûts, l’assistance sociale aux patients représente à elle seule 52 milliards d’euros<br />
(13% du coût total). L’évaluation du poids économique a été réalisée à<br />
partir <strong>de</strong> données allant, au plus tard, jusqu’au tout début <strong>de</strong>s années 2000<br />
et en prenant en compte les maladies les plus prévalentes et une partie seulement<br />
<strong>de</strong>s coûts indirects. Pour les démences leur coût augmente <strong>de</strong> 25%<br />
avec les soins informels (dispensés notamment par les familles).<br />
Un coût <strong>de</strong> 41,3 milliards d’euros en France<br />
Les auteurs détaillent les coûts par pays, principalement en raison du niveau<br />
du revenu national. Le coût total <strong>de</strong>s maladies du cerveau pour la France en<br />
particulier est évalué à 41,3 milliards d’euros, dont 40,7% <strong>de</strong> coûts médicaux<br />
directs, 14,4% <strong>de</strong> coûts médicaux indirects et 44,9% <strong>de</strong> coûts indirects.<br />
Le coût moyen par habitant est estimé à 829 euros. Les maladies cérébrales<br />
reçoivent « seulement » 15% <strong>de</strong>s dépenses médicales directes et représentent<br />
8% <strong>de</strong>s ventes totales <strong>de</strong> médicaments. Les résultats montrent que les maladies<br />
neurologiques sont, probablement, parmi les pathologies les plus coûteuses<br />
en Europe alors qu’elles n’ont reçu que 8% du budget du 5 ème programme-cadre<br />
européen <strong>de</strong> recherche.<br />
Les données actuelles sont disparates et insuffisantes, justifiant d’autres étu<strong>de</strong>s<br />
épidémiologiques et médico-économiques, d’autant plus que les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
prise en charge et les traitements évoluent. Financé par Lundbeck, ce rapport<br />
est publié dans un supplément <strong>de</strong> l’European <strong>Journal</strong> of Neurology qui<br />
présente également <strong>de</strong>s évaluations détaillées pour douze maladies du cerveau<br />
(addictions, troubles <strong>de</strong> l’humeur, troubles anxieux, démence, épilepsie,<br />
migraines et céphalées, SEP, maladie <strong>de</strong> Parkinson, psychoses, AVC et<br />
trauma). Il a été initié par l’European Brain Council (ECB) qui regroupe <strong>de</strong>s<br />
neurologues, psychiatres, neurochirurgiens, chercheurs en neurosciences, psychologues,<br />
associations <strong>de</strong> patients et laboratoires pharmaceutiques. Cet organisme<br />
a pour objectif <strong>de</strong> promouvoir la recherche sur le cerveau. <br />
F.C.<br />
*EJN, vol.12, S1, pp.1-27<br />
Notre expérience clinique au quotidien,<br />
les étu<strong>de</strong>s statistiques le<br />
confirmant, révèle l’importance <strong>de</strong> la<br />
collaboration avec le milieu familial<br />
dans le pronostic évolutif <strong>de</strong>s psychoses<br />
chroniques. En effet, la qualité <strong>de</strong> l’environnement<br />
familial, son implication<br />
éclairée et son adhésion au projet <strong>de</strong><br />
soin participent favorablement à la prise<br />
en charge globale du patient psychotique.<br />
De même, <strong>de</strong> nombreuses situations<br />
cliniques nous confrontent à la souffrance<br />
psychique propre aux parents<br />
parfois dans l’incapacité à initier une<br />
démarche individuelle auprès d’un soignant.<br />
Fort <strong>de</strong> cette double expérience et en<br />
réponse à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pressentie,<br />
nous avons créé un espace <strong>de</strong> parole<br />
s’adressant à ces parents en difficulté<br />
avec leur proche mala<strong>de</strong>. Il s’agit d’une<br />
séance mensuelle d’une durée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
heures co-animée par un mé<strong>de</strong>cin et<br />
un infirmier. Ces rencontres s’inspirent<br />
librement d’un programme canadien<br />
<strong>de</strong> réhabilitation psychiatrique « profamille<br />
».<br />
Le niveau informatif voire psycho-éducatif<br />
du schéma canadien nous semble<br />
être redoublé d’un niveau psycho-dynamique<br />
au sens d’une mobilisation <strong>de</strong>s<br />
systèmes défensifs. Nous nous efforcerons<br />
d’illustrer cette double polarité<br />
<strong>de</strong> notre approche.<br />
La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> parentale émerge parfois<br />
dans un contexte d’urgence impérieuse<br />
en situation « bruyante » <strong>de</strong> décompensation<br />
inaugurale ou récidivante du<br />
proche mala<strong>de</strong>. En effet, notre proposition<br />
« retardée » ne colmate pas l’immédiateté<br />
<strong>de</strong> cette brèche dans la<br />
constellation familiale. Une certaine<br />
maturation <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> nous paraît<br />
aussi être un garant d’une implication<br />
soutenue, c’est-à-dire s’inscrivant dans<br />
une autre temporalité que celle <strong>de</strong> l’immédiateté<br />
primaire. Dans d’autres situations,<br />
la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> doit être sollicitée<br />
face à un épuisement familial voire <strong>de</strong>s<br />
contre-attitu<strong>de</strong>s et/ou un rejet progressif<br />
du proche mala<strong>de</strong> sujet à la chronicisation<br />
d’une symptomatologie négative<br />
plus insidieuse. La désimplication familiale<br />
contribue à la désinsertion psychosociale<br />
du mala<strong>de</strong>. C’est souvent<br />
dans ces cas que nous essayons <strong>de</strong><br />
« résusciter » une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aidé par le<br />
bénéfice d’une protection groupale.<br />
L’accès au groupe présuppose donc<br />
un travail préliminaire réalisé par le<br />
psychiatre traitant du proche mala<strong>de</strong>.<br />
Notre stratégie s’intègre dans un dispositif<br />
<strong>de</strong> liaison entre les différents<br />
intervenants.<br />
L’entourage familial est, sans cesse, mis<br />
à l’épreuve par les manifestations psychopathologiques<br />
du sujet psychotique<br />
dont on connaît le caractère usant car<br />
résistant (aux traitements). La famille<br />
peu avertie est souvent dépassée dans<br />
ses capacités <strong>de</strong> réponse adéquate<br />
quand elles ne sont pas défaillantes<br />
voire franchement contributives à la<br />
pathogénie. Elle ne parvient pas toujours<br />
à resituer les symptômes dans le<br />
contexte <strong>de</strong> la pathologie psychotique,<br />
les reléguant plus facilement au rang<br />
<strong>de</strong> troubles caractériels. De même que<br />
les signes précurseurs d’une rechute<br />
ne sont pas toujours repérés et i<strong>de</strong>ntifiés<br />
en tant que tels. Le climat relationnel<br />
se dégra<strong>de</strong> <strong>de</strong> façon insidieuse,<br />
chacun <strong>de</strong>s protagonistes ayant recours<br />
à un système défensif plus régressif,<br />
plus rigi<strong>de</strong> aboutissant à <strong>de</strong>s positions<br />
d’impasse. La pathologie psychotique<br />
attaque le tissu familial exposant ses<br />
membres à un sentiment <strong>de</strong> désarroi.<br />
Le diagnostic et son annonce provoquent<br />
un effet traumatisant et engendrent<br />
un sentiment <strong>de</strong> culpabilité dans<br />
une recherche inévitable <strong>de</strong> causalité.<br />
DOSSIER : L’INFORMATION DU PATIENT EN PSYCHIATRIE 17<br />
Groupe <strong>de</strong> parole <strong>de</strong>stiné aux parents<br />
<strong>de</strong> personnes atteintes <strong>de</strong> troubles<br />
psychotiques<br />
Les parents doivent parvenir à faire un<br />
travail <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil autour <strong>de</strong> l’enfant idéal.<br />
Des processus <strong>de</strong> réparation sont mis<br />
en route. Il nous paraît profitable, pour<br />
le proche mala<strong>de</strong> et pour les parents,<br />
d’effectuer un accompagnement dans<br />
l’élaboration psychique afin que la fonction<br />
contenante et socialisante <strong>de</strong> la<br />
famille puisse être préservée. L’action<br />
<strong>de</strong> soutien auprès <strong>de</strong>s familles peut éviter<br />
un effondrement voire <strong>de</strong>s réactions<br />
<strong>de</strong> rejet ou d’autogestion toute<br />
puissante. Dans cette perspective, le<br />
parent a besoin d’une ai<strong>de</strong> dans le<br />
décodage <strong>de</strong>s comportements et <strong>de</strong>s<br />
attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> son proche dont les significations<br />
peuvent être déroutantes voire<br />
incompréhensibles. Le processus <strong>de</strong><br />
reconstruction <strong>de</strong> sens implique une<br />
double visée : réconciliation affective et<br />
rétablissement <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> communication.<br />
Ce nouveau rapport tend à<br />
dédramatiser les situations critiques. Il<br />
abaisse le niveau d’anxiété et la tension<br />
émotionnelle dont on connaît l’impact<br />
néfaste sur la vulnérabilité psychotique.<br />
La mise en mots du vécu<br />
affectif et émotionnel au sein du groupe<br />
à travers l’évocation d’expériences<br />
traversées facilite aux participants<br />
d’i<strong>de</strong>ntifier leurs propres investissements<br />
et les répercussions sur la dynamique<br />
familiale. Ce travail <strong>de</strong> verbalisation et<br />
les réactions suscitées au sein du groupe<br />
entraînent <strong>de</strong>s prises <strong>de</strong> conscience<br />
nécessaires à toute modification comportementale.<br />
Chaque membre du<br />
groupe renvoie à l’autre <strong>de</strong>s représentations<br />
personnelles lui permettant <strong>de</strong><br />
se reconnaître ou <strong>de</strong> les différencier.<br />
A partir <strong>de</strong> l’échange <strong>de</strong> parcelles d’histoire<br />
singulière, le groupe élabore et<br />
fait évoluer (dans le meilleur <strong>de</strong>s cas) la<br />
représentation <strong>de</strong> la maladie psychotique<br />
vers un concept plus ancré dans<br />
une réalité psychopathologique.<br />
Ainsi, se créée une dynamique groupale<br />
<strong>de</strong> plus en plus authentique et<br />
génératrice <strong>de</strong> remises en cause. Le<br />
réajustement <strong>de</strong> contre-attitu<strong>de</strong>s vis à<br />
vis du proche mala<strong>de</strong> <strong>de</strong>vient concevable<br />
à la faveur d’un jeu d’i<strong>de</strong>ntifications<br />
croisées. La confusion du vécu<br />
affectif marquée par l’ambivalence se<br />
décortique et cè<strong>de</strong> la place à une<br />
reconstruction dans le meilleur <strong>de</strong>s cas.<br />
Pour d’autres, il s’agit <strong>de</strong> repérer une<br />
distance relationnelle acceptable, compromis<br />
entre une toute puissance<br />
fusionnelle et un retrait abandonnique.<br />
Les propositions d’un autre parent, support<br />
i<strong>de</strong>ntificatoire, sont parfois mieux<br />
intégrées que celles vécues sur le mo<strong>de</strong><br />
intrusif venant du pôle soignant. S’instaure<br />
une espèce <strong>de</strong> solidarité projective<br />
créatrice <strong>de</strong> sécurité. Les mécanismes<br />
défensifs s’assoupissent et s’assouplissent<br />
permettant un lâchage associatif<br />
qui réalimente le processus d’élaboration<br />
secondaire. Un nouvel espace <strong>de</strong> changement<br />
possible s’entrouvre là où la<br />
maladie institue une fixité voire une<br />
immobilité pour certains.<br />
Chacun peut énoncer à l’autre sa stratégie<br />
envisagée pour endiguer les<br />
débor<strong>de</strong>ments envahissants et sclérosants<br />
<strong>de</strong> la psychose. Les solutions <strong>de</strong>s<br />
uns <strong>de</strong>viennent, plus ou moins, récupérables<br />
ou adaptables par les autres.<br />
L’espace groupal favorise la circulation<br />
d’un savoir informatif et d’un savoirfaire<br />
informel entre les participants. La<br />
remise en confiance soutenue par la<br />
restauration d’une image parentale valorisée<br />
renforce les capacités <strong>de</strong> résistance<br />
et remotive le parent dans sa<br />
fonction étayante auprès du proche<br />
mala<strong>de</strong>.<br />
Le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>s différentes<br />
séances itératives est fourni par une<br />
succession <strong>de</strong> thématiques puisées dans<br />
le programme canadien. Les premières<br />
rencontres apportent un contenu infor-<br />
matif concernant la maladie, ses différentes<br />
formes, ses traitements et ses<br />
pronostics, toujours sur un mo<strong>de</strong> interactif<br />
en réponse aux diverses interrogations<br />
qui surgissent au fur et à mesure.<br />
Ce premier temps est aussi celui<br />
d’une présentation globale, d’une<br />
connaissance mutuelle et d’une mise<br />
en confiance. Le groupe se structure<br />
par <strong>de</strong>s prises <strong>de</strong> parole, <strong>de</strong>s prises <strong>de</strong><br />
position. Des membres dynamiques se<br />
profilent, d’autres se détachent dans<br />
une attitu<strong>de</strong> d’écoute. La <strong>de</strong>uxième<br />
série <strong>de</strong> séance s’organise autour <strong>de</strong>s<br />
habilités à communiquer, à établir <strong>de</strong>s<br />
limites, à développer <strong>de</strong>s attentes réalistes,<br />
un réseau <strong>de</strong> soutien social…<br />
C’est ici que sont déposées <strong>de</strong>s expériences<br />
individuelles souvent douloureuses<br />
à partir <strong>de</strong>squelles le groupe élabore.<br />
Sont abordés l’agressivité, la<br />
violence mais aussi l’isolement social<br />
et affectif, les sentiments <strong>de</strong> déception<br />
et <strong>de</strong> désespoir. Face à ces épreuves<br />
relatées et parfois encore éprouvées,<br />
le groupe fait preuve d’une étonnante<br />
capacité d’auto-réparation. La vitalité<br />
groupale répond à une espèce <strong>de</strong><br />
morosité individuelle. Des hypothèses<br />
relatives au dysfonctionnement sont<br />
émises que certains peuvent s’approprier<br />
leur permettant <strong>de</strong> corriger leur<br />
réponse. Le groupe réanime certains<br />
membres qui se sont enfermés dans<br />
une hyper-rigidité génératrice <strong>de</strong> situations<br />
d’échec, il interroge les attitu<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> démission pourvoyeuses d’attitu<strong>de</strong>s<br />
tyranniques intrafamiliales. Au fil <strong>de</strong>s<br />
rencontres, la qualité <strong>de</strong>s échanges s’approfondit<br />
permettant parfois <strong>de</strong> faire<br />
émerger <strong>de</strong>s questions centrales<br />
comme celle <strong>de</strong> la blessure narcissique<br />
que constitue la maladie pour le parent.<br />
Un vécu dépressif ancien mais aussi<br />
actuel est exprimé voir métabolisé en<br />
écho à la « neutralité bienveillante » du<br />
groupe. Ces prises <strong>de</strong> conscience peuvent<br />
aboutir à la formalisation d’une<br />
prise en charge individuelle. Bien que la<br />
famille reste au centre <strong>de</strong>s préoccupations<br />
du groupe, on abor<strong>de</strong> également<br />
les réseaux et dispositifs d’ai<strong>de</strong> médicosociaux,<br />
leur fonctionnement mais aussi<br />
leur dysfonctionnement. Leur connaissance<br />
est un préalable à leur accès.<br />
L’échange d’expérience permet une<br />
meilleure anticipation <strong>de</strong> situations <strong>de</strong><br />
crise. C’est ici que la confrontation à<br />
<strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s différents <strong>de</strong> la maladie trouve<br />
une <strong>de</strong> ses justifications. Ainsi, l’inclusion<br />
<strong>de</strong>s parents dans une prise en<br />
charge globale contribue à pacifier les<br />
rapports parfois conflictuels entre famille<br />
et institution. <br />
Adam NEUWALD<br />
Assistant Généraliste Secteur 8 , CH G. Marchant.<br />
L’Europe du travail social<br />
reste à écrire<br />
ASH magazine n°10<br />
Supplément aux Actualités Sociales<br />
Hebdomadaire n°2417 du<br />
22 juillet 2005<br />
Modèle scandinave contre penchants<br />
anglo-saxons, libéralisme contre Etat<br />
provi<strong>de</strong>nce... Alors que les lignes <strong>de</strong><br />
fracture s’amplifient en Europe, la diversité<br />
<strong>de</strong>s systèmes politiques et économiques<br />
engendre-t-elle fatalement<br />
autant <strong>de</strong> manières <strong>de</strong> penser le travail<br />
social ? Un tour d’horizon <strong>de</strong>s pratiques<br />
est proposé à l’échelle <strong>de</strong> l’Union,<br />
au travers <strong>de</strong>s portraits <strong>de</strong> cinq professionnels<br />
en Allemagne, Pologne,<br />
Finlan<strong>de</strong>, Italie et Gran<strong>de</strong>-Bretagne.<br />
Des regards subjectifs et parfois contradictoires<br />
<strong>de</strong>rrière lesquels Emmanuel<br />
Jovelin, sociologue, décrypte les enjeux<br />
d’un nécessaire rapprochement.
18<br />
LIVRES<br />
THÉRAPEUTIQUE<br />
Les dépressions à<br />
l’adolescence<br />
Modèles, clinique, traitements<br />
Maurice Corcos, Philippe<br />
Jeammet et al.<br />
Avec la collaboration <strong>de</strong> Mario<br />
Speranza<br />
Préface <strong>de</strong> Philippe Jeammet<br />
Dunod, 29 €<br />
La dépression à l’adolescence est<br />
sous-estimée. La symptomatologie<br />
est à cet âge polymorphe et s’il convient<br />
d’être vigilant <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s manifestations<br />
comportementales et psychosomatiques<br />
peu spécifiques, il faut<br />
se gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> se précipiter vers une<br />
réponse médicale opératoire face à<br />
une tristesse, voire un désarroi sans<br />
symptômes manifestes. Souvent durables,<br />
les troubles dépressifs à l’adolescence<br />
récidivent fréquemment et<br />
représentent un facteur <strong>de</strong> risque<br />
quant à l’épanouissement personnel<br />
à l’âge adulte. De la simple « menace<br />
dépressive » à la dépression clinique<br />
avérée, une réflexion globale doit<br />
être menée, intégrant une analyse<br />
<strong>de</strong> l’organisation psychique sous-jacente<br />
et <strong>de</strong> ses rapports avec l’environnement.<br />
C’est pourquoi les auteurs<br />
présentent les modèles<br />
compréhensifs <strong>de</strong> la dépression à<br />
l’adolescence, en l’étudiant en regard<br />
<strong>de</strong> différents troubles cliniques<br />
(troubles bipolaires, hyperactivité, addiction,<br />
états-limites) et <strong>de</strong> différents<br />
aspects psychopathologiques (problématique<br />
<strong>de</strong> l’attachement, aspects<br />
transculturels). L’ouvrage propose,<br />
également, un inventaire <strong>de</strong>s diverses<br />
approches thérapeutiques : thérapie<br />
bifocale, psychothérapie psychanalytique,<br />
chimiothérapie, sismothérapie.<br />
Les toxicomanes en temps<br />
<strong>de</strong> sida ou les mutations<br />
d’une prise en charge<br />
Nathalie Gourmelon<br />
L’Harmattan, 25,50 €<br />
L’arrivée du sida en France a transformé<br />
le traitement réservé aux<br />
consommateurs <strong>de</strong> drogues injectables.<br />
Du fait <strong>de</strong> la réduction <strong>de</strong>s risques légitimée<br />
par le politique, se sont mises<br />
en place <strong>de</strong> nouvelles pratiques centrées<br />
sur l’offre d’outils (seringues stériles,<br />
produits <strong>de</strong> substitution, etc...)<br />
et d’approches (dispositifs dits bas<br />
seuil, approches communautaires,<br />
etc...) plus <strong>de</strong>stinées à éviter <strong>de</strong> nouvelles<br />
contaminations qu’à prendre<br />
en charge les personnes.<br />
La jonction sida-toxicomanie est analysée<br />
ici sous ses divers enjeux et aspects<br />
à partir d’enquêtes <strong>de</strong> terrain<br />
et d’entretiens menés auprès <strong>de</strong> différentes<br />
personnes impliquées : <strong>de</strong>s<br />
professionnels spécialistes en toxicomanie,<br />
mé<strong>de</strong>cins hospitaliers, humanitaires,<br />
<strong>de</strong>s institutionnels, <strong>de</strong>s<br />
politiques, <strong>de</strong>s associatifs, mais aussi<br />
<strong>de</strong>s consommateurs <strong>de</strong> drogues intraveineuses.<br />
L’analyse proposée ne se limite pas<br />
au seul domaine sida-toxicomanie.<br />
Partant d’une perspective socio-historique<br />
et d’autres exemples (comme<br />
le champ <strong>de</strong> la délinquance <strong>de</strong>s mineurs),<br />
l’auteur montre que les changements<br />
survenus s’insèrent dans<br />
une évolution plus vaste, une mutation<br />
générale <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> prise en<br />
charge <strong>de</strong>s populations marginalisées<br />
<strong>de</strong>puis une trentaine d’années.<br />
En toile <strong>de</strong> fond, le questionnement<br />
porte sur les logiques sociales à travers<br />
l’application d’un modèle <strong>de</strong> gestion<br />
<strong>de</strong>s risques sociaux largement<br />
dominé par <strong>de</strong>s principes d’ordre sécuritaire.<br />
Les <strong>de</strong>scriptions classiques <strong>de</strong> la schizophrénie,<br />
héritées en particulier<br />
<strong>de</strong> Kraepelin, distinguaient les formes<br />
d’évolution continue et les formes<br />
d’évolution intermittente (9). Les premières<br />
correspondaient surtout à une<br />
symptomatologie déficitaire, tandis que<br />
les secon<strong>de</strong>s étaient plus volontiers<br />
paranoï<strong>de</strong>s.<br />
Avec les avancées <strong>de</strong> la psychopharmacologie<br />
(utilisation <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
conventionnels, puis apparition<br />
<strong>de</strong>s antipsychotiques atypiques), une<br />
nouvelle cyclicité est apparue, moins<br />
liée au génie évolutif propre <strong>de</strong> la maladie<br />
qu’à la succession <strong>de</strong> phases d’amélioration<br />
grâce au traitement et <strong>de</strong><br />
rechutes engendrées par son interruption.<br />
Ces ruptures thérapeutiques,<br />
essentiellement liées à une observance<br />
insuffisante <strong>de</strong> la part du patient (6, 11),<br />
représentent l’un <strong>de</strong>s défis majeurs que<br />
doivent relever les psychiatres cliniciens<br />
qui soignent <strong>de</strong>s patients schizophrènes.<br />
Ce facteur thérapeutique, <strong>de</strong>venu sans<br />
doute le principal, s’ajoute ainsi à <strong>de</strong>s<br />
facteurs plus anciennement connus <strong>de</strong><br />
décompensation, tels les événements<br />
<strong>de</strong> vie (perte d’un proche ou d’un<br />
emploi, déménagement,…), les facteurs<br />
<strong>de</strong> stress (maladie somatique intercurrente,<br />
utilisation concomitante <strong>de</strong><br />
toxiques, …) etc. (9, 11).<br />
Il était donc intéressant <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong><br />
mieux décrire les différentes rechutes<br />
observées chez les patients schizophrènes,<br />
et, plus d’un siècle après les<br />
premiers travaux <strong>de</strong>scriptifs, d’analyser<br />
les facteurs entrant aujourd’hui en ligne<br />
<strong>de</strong> compte dans ces rechutes.<br />
Cette tâche est d’autant plus complexe<br />
que la notion <strong>de</strong> rechute reste ellemême<br />
relativement floue dans le<br />
domaine <strong>de</strong>s troubles schizophréniques,<br />
pathologie chronique, généralement<br />
considérée comme ne guérissant pas, et<br />
dont les phases d’amélioration laissent<br />
persister le plus souvent <strong>de</strong>s symptômes<br />
résiduels (3).<br />
On pourrait définir la rechute, chez les<br />
patients atteints <strong>de</strong> schizophrénie,<br />
comme une aggravation <strong>de</strong> l’état clinique<br />
(qu’il s’agisse d’une aggravation<br />
globale ou <strong>de</strong> l’apparition <strong>de</strong> quelques<br />
signes cliniques particulièrement significatifs),<br />
suffisante pour nécessiter une<br />
modification <strong>de</strong> la prise en charge (par<br />
exemple : réhospitalisation à temps<br />
partiel ou à temps plein) ou un renforcement<br />
<strong>de</strong>s modalités psychothérapiques<br />
ou pharmacologiques. La recru<strong>de</strong>scence<br />
symptomatique peut être<br />
objectivée par une élévation d’un score<br />
aux échelles d’évaluation (PANSS, CGI)<br />
ou par l’apparition <strong>de</strong> certains symptômes<br />
particulièrement significatifs,<br />
comme par exemple une idéation suicidaire<br />
(4, 5).<br />
Les informations utiles au praticien<br />
pour prévenir les rechutes concernent<br />
à la fois les facteurs pronostiques <strong>de</strong> la<br />
rechute (tels que l’âge <strong>de</strong> début précoce<br />
<strong>de</strong> la maladie, un intervalle plus<br />
important entre les premiers signes psychotiques<br />
et le traitement, <strong>de</strong>s symptômes<br />
déficitaires plus marqués, un<br />
retrait social, <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> l’humeur<br />
ou encore, selon les auteurs, le niveau<br />
d’émotion exprimé) (1, 8, 12, 13, 15), les<br />
éventuels facteurs déclenchants ou précipitants,<br />
et les premiers signes cliniques<br />
annonciateurs. Ces <strong>de</strong>rniers, appelés<br />
par certains « prodromes », par d’autres<br />
« signes <strong>de</strong> préalerte <strong>de</strong> rechute imminente<br />
» (2, 10), sont parfois peu spécifiques<br />
: anxiété, tension, insomnie, agitation,<br />
irritabilité, affects dépressifs,<br />
modification du comportement. Ils peuvent<br />
aussi prendre la forme <strong>de</strong> symptômes<br />
pré-délirants : sentiment <strong>de</strong><br />
déréalisation ou <strong>de</strong> dépersonnalisation,<br />
vécu persécutif diffus, bizarreries <strong>de</strong> la<br />
pensée. Il faut noter que la majorité<br />
<strong>de</strong>s schizophrènes sont conscients <strong>de</strong><br />
ces signes, en tous cas au début <strong>de</strong> la<br />
décompensation.<br />
Une enquête épidémiologique transversale<br />
a donc été menée, entre<br />
octobre 2002 et avril 2003, à l’échelon<br />
national et dans différentes structures<br />
<strong>de</strong> soins prenant en charge <strong>de</strong>s patients<br />
souffrant <strong>de</strong> schizophrénie ou <strong>de</strong><br />
troubles schizo-affectifs lors <strong>de</strong> phases<br />
<strong>de</strong> déstabilisation clinique. Elle avait<br />
pour objectif d’i<strong>de</strong>ntifier les critères <strong>de</strong><br />
rechute et/ou i<strong>de</strong>ntifiés comme signes<br />
<strong>de</strong> pré-alerte <strong>de</strong> rechute imminente,<br />
tels que les définissent les cliniciens<br />
dans leur pratique habituelle, à décrire<br />
les possibles facteurs déclenchant <strong>de</strong><br />
la rechute, et à préciser le raisonnement<br />
clinique à l’origine <strong>de</strong> la décision<br />
<strong>de</strong> modification thérapeutique, ainsi<br />
que les attentes du praticien à la suite<br />
<strong>de</strong> ce changement.<br />
Une meilleure connaissance <strong>de</strong>s conditions<br />
<strong>de</strong> la rechute pourrait en effet<br />
permettre la détection la plus précoce<br />
possible <strong>de</strong> celle-ci, et donc l’ajustement<br />
très rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la thérapeutique,<br />
afin soit d’éviter l’apparition même<br />
d’une rechute caractérisée, soit d’en<br />
limiter autant que possible l’intensité<br />
et les conséquences.<br />
Méthodologie <strong>de</strong><br />
l’enquête<br />
Les patients inclus, âgés <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 18<br />
ans, <strong>de</strong>vaient satisfaire aux critères <strong>de</strong> la<br />
CIM-10 pour la schizophrénie ou les<br />
troubles schizo-affectifs, ne pas avoir<br />
été hospitalisés à temps plein <strong>de</strong>puis<br />
au moins trois mois, et être suivis par la<br />
même équipe psychiatrique <strong>de</strong>puis au<br />
moins 6 mois. La posologie du traitement<br />
antipsychotique <strong>de</strong>vait être stable<br />
<strong>de</strong>puis au moins trois mois. L’inclusion<br />
était faite si une déstabilisation récente<br />
<strong>de</strong> l’état clinique nécessitait une modification<br />
du traitement psychotrope.<br />
Pour chaque patient inclus, le choix<br />
<strong>de</strong> la modification thérapeutique proposée<br />
par le clinicien à la suite <strong>de</strong> la<br />
mise en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> critères <strong>de</strong><br />
rechutes ou <strong>de</strong> signes d’alerte était laissé<br />
à son entière appréciation.<br />
L’enquête a concerné 434 psychiatres<br />
répartis sur le territoire français travaillant<br />
dans toutes structures <strong>de</strong> soins<br />
prenant en charge <strong>de</strong>s patients souffrant<br />
<strong>de</strong> schizophrénie ou <strong>de</strong> troubles<br />
schizoaffectifs.<br />
L’analyse statistique <strong>de</strong> ce travail est<br />
purement <strong>de</strong>scriptive ; les variables<br />
recueillies décrites dans cette analyse<br />
concernent :<br />
- le patient : sexe, âge, conditions <strong>de</strong> vie,<br />
statut familial, activité professionnelle ;<br />
- la pathologie : ancienneté, antécé<strong>de</strong>nts<br />
d’hospitalisation, antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong><br />
rechutes, diagnostic selon la classification<br />
CIM-10, traitement antipsychotique<br />
antérieur ;<br />
- l’état <strong>de</strong> déstabilisation clinique : circonstances<br />
<strong>de</strong> la consultation, facteurs<br />
susceptibles <strong>de</strong> déclencher une déstabilisation<br />
clinique, prise en charge et<br />
effets attendus.<br />
Population analysée<br />
La population <strong>de</strong>s patients inclus dans<br />
l’enquête soit en rechute, soit présentant<br />
<strong>de</strong>s signes <strong>de</strong> pré-alerte <strong>de</strong> rechute<br />
et ayant eu une modification <strong>de</strong> leur<br />
traitement psychotrope était <strong>de</strong> 598<br />
sujets. Ils se répartissent en 374<br />
hommes (62,5%) et 224 femmes<br />
(37,5%). L’âge moyen <strong>de</strong>s patients<br />
inclus est <strong>de</strong> 36, 5 ans ± 11,9 ans et la<br />
majorité est âgée <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 50 ans<br />
(86%).<br />
Une moitié <strong>de</strong>s patients vit en famille,<br />
69,7% sont célibataires. Seuls 16,4%<br />
<strong>de</strong>s patients ont une activité professionnelle<br />
en milieu ordinaire.<br />
La durée moyenne d’évolution <strong>de</strong> la<br />
maladie au moment <strong>de</strong> l’inclusion est<br />
<strong>de</strong> 11,7 ans. Le premier traitement<br />
antipsychotique a été instauré en<br />
moyenne un an après la découverte<br />
<strong>de</strong> la maladie.<br />
Divers indices reflètent la lour<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s<br />
patients suivis et inclus : le nombre<br />
total d’hospitalisation par patient est<br />
en moyenne <strong>de</strong> 5,2 ; par ailleurs, 90%<br />
<strong>de</strong>s patients ont présenté au moins une<br />
rechute dans les 5 ans précédant l’inclusion<br />
et 48,9% en ont présenté au<br />
moins trois.<br />
Sur le plan clinique, 74,9% <strong>de</strong>s patients<br />
sont schizophrènes et parmi eux plus<br />
<strong>de</strong> la moitié présentent une forme paranoï<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> schizophrénie (53%). Un<br />
quart <strong>de</strong>s patients présente un trouble<br />
schizo-affectif (25,1%).<br />
Sur un plan thérapeutique, la majorité<br />
<strong>de</strong>s patients (98%) ont reçu un traitement<br />
neuroleptique et/ou antipsychotique<br />
au cours <strong>de</strong>s 3 <strong>de</strong>rniers mois précédant<br />
l’inclusion dans l’enquête. Parmi<br />
eux, près <strong>de</strong> 30% <strong>de</strong>s patients recevaient<br />
<strong>de</strong>ux à trois traitements antipsychotiques<br />
; seulement 2% <strong>de</strong>s<br />
patients n’ont reçu aucun traitement<br />
antipsychotique dans les trois mois précé<strong>de</strong>nts.<br />
Quatre produits représentent 70% <strong>de</strong>s<br />
traitements administrés au moment <strong>de</strong><br />
l’inclusion <strong>de</strong>s patients dans l’enquête :<br />
halopéridol, cyamémazine, rispéridone,<br />
olanzapine. La posologie moyenne<br />
<strong>de</strong> ces produits était <strong>de</strong> 30 mg par<br />
jour pour l’halopéridol, <strong>de</strong> 112 mg par<br />
jour pour la cyamémazine, <strong>de</strong> 5,7 mg<br />
par jour pour la rispéridone et <strong>de</strong> 14,3<br />
mg par jour pour l’olanzapine.<br />
Dans plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s cas (52,1%),<br />
le traitement antipsychotique est associé<br />
à un ou plusieurs psychotropes :<br />
dans 32% <strong>de</strong>s cas la co-prescription<br />
est une benzodiazépine, dans 18,6%<br />
<strong>de</strong>s cas il s’agit d’un inhibiteur spécifique<br />
<strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine,<br />
dans 10,5% <strong>de</strong>s cas un antiparkinsonien.<br />
Description <strong>de</strong>s critères<br />
<strong>de</strong> déstabilisation<br />
Il est intéressant <strong>de</strong> noter que la consultation<br />
d’inclusion est la consultation<br />
habituelle du patient dans seulement<br />
un tiers <strong>de</strong>s cas ; dans les autres cas,<br />
elle a été avancée à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du<br />
patient, <strong>de</strong> sa famille ou <strong>de</strong>s soignants<br />
(Tableau I).<br />
Tableau I :<br />
Circonstances <strong>de</strong> consultation<br />
Le changement <strong>de</strong> traitement répond<br />
à l’attente (plusieurs réponses possibles) :<br />
N %<br />
du patient 332 57,4<br />
<strong>de</strong> la famille 208 36,0<br />
<strong>de</strong>s soignants 182 31,5<br />
du mé<strong>de</strong>cin 355 61,4<br />
N global = 578<br />
Afin <strong>de</strong> décrire les signes d’aggravation<br />
<strong>de</strong> l’état clinique <strong>de</strong>s patients, les symptômes<br />
ont été classés en cinq dimensions<br />
symptomatiques : la dimension<br />
positive (hallucinations, idées délirantes),<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
Critères <strong>de</strong> rechute et décision<br />
thérapeutique dans les schizophrénies :<br />
résultats <strong>de</strong> l’enquête SACRES<br />
les troubles du comportement (comportement<br />
impulsif et/ou agressivité<br />
envers l’entourage, excitation psychomotrice,<br />
conduites antisociales, tentatives<br />
<strong>de</strong> suici<strong>de</strong> et/ou automutilation),<br />
les signes déficitaires (tels que retrait<br />
affectif, pauvreté <strong>de</strong> l’expression émotionnelle,<br />
alogie, avolition, apathie,<br />
anhédonie, retrait social), la dimension<br />
cognitive (troubles <strong>de</strong> la pensée formelle,<br />
discordance idéo-affective,<br />
troubles <strong>de</strong> l’attention, <strong>de</strong> la mémoire,<br />
difficultés d’apprentissage, bizarrerie du<br />
comportement) et les signes non spécifiques<br />
(anxiété, signes dépressifs,<br />
troubles du sommeil, troubles <strong>de</strong> l’appétit).<br />
L’évolution <strong>de</strong> chaque signe était<br />
décrite selon 4 <strong>de</strong>grés : signe absent,<br />
récemment apparu, récemment aggravé,<br />
présent mais non modifié par rapport<br />
à l’état antérieur ; les <strong>de</strong>grés<br />
« récemment apparu » et « récemment<br />
aggravé » étaient considérés comme<br />
critères <strong>de</strong> déstabilisation.<br />
On constate que la plupart <strong>de</strong>s patients<br />
entrés dans l’enquête, et ayant nécessité<br />
une modification du traitement, présentent<br />
<strong>de</strong>s modifications symptomatiques<br />
notables dans plusieurs <strong>de</strong>s<br />
champs syndromiques explorés (Figure<br />
1).<br />
Figure 1 : Modifications symptomatiques lors du diagnostic <strong>de</strong><br />
rechute : troubles récemment apparus ou aggravés (N global = 598)<br />
Hallucinations, idées<br />
délirantes<br />
Troubles du<br />
comportement<br />
Signes déficitaires<br />
Désorganisation <strong>de</strong> la<br />
pensée, troubles cognitifs<br />
Signes non spécifiques<br />
475<br />
438<br />
411<br />
497<br />
551<br />
79,4%<br />
73,2%<br />
68,7%<br />
83,1%<br />
92,1%<br />
0 20 40 60 80 100<br />
En effet, seuls 2,1% <strong>de</strong>s patients présentent<br />
une modification dans un seul<br />
<strong>de</strong> ces domaines, tandis que 37% en<br />
présentaient simultanément dans les 5<br />
domaines étudiés. Le plus fréquent <strong>de</strong>s<br />
critères <strong>de</strong> déstabilisation est représenté<br />
par <strong>de</strong>s signes non spécifiques, au<br />
premier rang <strong>de</strong>squels l’anxiété, décrite<br />
comme récemment apparue ou<br />
aggravée chez 79,3% <strong>de</strong>s patients. La<br />
survenue ou l’aggravation d’hallucinations<br />
ou d’une activité délirante est<br />
constatée chez 44% <strong>de</strong>s patients, d’un<br />
comportement impulsif (et/ou agressif)<br />
chez 52,7% <strong>de</strong>s patients, d’une excitation<br />
psychomotrice chez 50,4% <strong>de</strong>s<br />
patients, d’un trouble <strong>de</strong> l’attention<br />
chez 56,6% <strong>de</strong>s patients. L’apparition<br />
ou l’aggravation <strong>de</strong>s signes déficitaires<br />
est l’observation la moins fréquente et<br />
concerne 2/3 <strong>de</strong>s patients ; l’anhédonie<br />
et le retrait social sont, dans cette<br />
dimension, les manifestations les plus<br />
souvent présentes (respectivement chez<br />
44,9% et 47,8% <strong>de</strong>s patients).<br />
Dans la plupart <strong>de</strong>s pathologies psychiatriques<br />
d’évolution intermittente,<br />
les praticiens repèrent chez leurs<br />
patients <strong>de</strong>s signes particuliers qui<br />
reviennent à chaque décompensation<br />
processuelle. Les plus intéressants <strong>de</strong><br />
ces signes, en clinique, sont ceux qui<br />
surviennent au début <strong>de</strong> chaque épiso<strong>de</strong>,<br />
dans la phase prodromique ; ces<br />
« signes <strong>de</strong> pré-alerte <strong>de</strong> rechute »<br />
représentent <strong>de</strong> véritables « signal-symptômes<br />
» : ils permettent en effet <strong>de</strong><br />
pressentir la rechute avant qu’elle ne<br />
soit totalement installée, et donc <strong>de</strong><br />
mettre en œuvre <strong>de</strong> façon très précoce<br />
les modifications thérapeutiques<br />
nécessaires. Le patient sera d’ailleurs<br />
d’autant plus disposé à renforcer <strong>de</strong>
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
manière quasi « préventive » son traitement<br />
qu’il aura été préalablement<br />
sensibilisé par son mé<strong>de</strong>cin à la valeur<br />
pronostique parfois considérable <strong>de</strong><br />
ces tout premiers signes.<br />
Nous avons donc également cherché<br />
dans cette enquête à préciser la place<br />
<strong>de</strong> ces symptômes idiosyncrasiques,<br />
propres à un patient donné, dans l’évaluation<br />
<strong>de</strong> la déstabilisation clinique<br />
<strong>de</strong>s troubles psychotiques par le praticien.<br />
Ceux-ci ont été retrouvés dans<br />
plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s cas (52,6%),<br />
contribuant ainsi largement au diagnostic<br />
<strong>de</strong> la rechute et à la décision<br />
thérapeutique.<br />
Facteurs déclenchants<br />
potentiels<br />
Sans qu’il soit possible d’affirmer leur<br />
rôle causal éventuel sur la survenue <strong>de</strong><br />
la rechute, <strong>de</strong>s facteurs potentiellement<br />
déstabilisants sont souvent i<strong>de</strong>ntifiés<br />
par le mé<strong>de</strong>cin, le patient ou l’entourage,<br />
durant les semaines ou les mois<br />
précédant une rechute. Dans l’échantillon<br />
étudié, pour seulement 13,9%<br />
<strong>de</strong>s patients il n’est retrouvé aucun facteur<br />
déstabilisant. Pour les 86,1%<br />
patients restants, un facteur déstabilisant<br />
est clairement i<strong>de</strong>ntifié en rapport<br />
soit avec un facteur lié à l’environnement<br />
(68,9% <strong>de</strong>s patients) (Figure 2),<br />
soit avec une mauvaise observance du<br />
traitement (53% <strong>de</strong>s patients <strong>de</strong> la<br />
cohorte).<br />
Les différentes raisons décrites par les<br />
cliniciens pour expliquer la mauvaise<br />
observance sont invoquées avec une<br />
fréquence à peu près similaire : souhait<br />
<strong>de</strong> changer <strong>de</strong> molécule, efficacité<br />
ou tolérance insuffisante du traitement<br />
ou sentiment du patient <strong>de</strong> ne plus en<br />
avoir besoin (Figure 3). Cette mauvaise<br />
observance du traitement est reconnue<br />
spontanément par 62,6% <strong>de</strong>s<br />
patients classés non observants.<br />
Ainsi, à l’issue <strong>de</strong> l’évaluation, près <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> la population incluse<br />
étaient considérés en état <strong>de</strong> rechute à<br />
l’issue <strong>de</strong> l’évaluation (62,3%), le tiers<br />
restant présentant <strong>de</strong>s signes <strong>de</strong> préalerte<br />
d’une rechute imminente.<br />
Les cliniciens considèrent dans 60,5%<br />
<strong>de</strong>s cas que le patient est fragilisé par la<br />
présence d’un facteur lié à l’environnement,<br />
mais ce critère est relativement<br />
peu pris en compte dans la décision<br />
thérapeutique. La stratégie<br />
thérapeutique reste au final, pour<br />
82,5% d’entre eux, principalement<br />
basée sur la clinique, c’est-à-dire sur la<br />
symptomatologie <strong>de</strong> déstabilisation<br />
constatée.<br />
Modifications<br />
thérapeutiques mises en<br />
œuvre<br />
La constatation d’une déstabilisation<br />
<strong>de</strong> l’état clinique conduit les praticiens<br />
à proposer une modification du traitement<br />
antipsychotique <strong>de</strong> type arrêt,<br />
substitution ou association thérapeutique<br />
chez plus <strong>de</strong> 9 patients sur 10.<br />
La conduite thérapeutique est très différente<br />
selon que le patient présente<br />
une déstabilisation clinique avec le traitement<br />
antipsychotique prescrit ou qu’il<br />
l’ait interrompu :<br />
• Chez les patients non observants<br />
ayant déclaré avoir interrompu leur<br />
traitement (68,6% <strong>de</strong>s patients ;<br />
n=409), les praticiens optent souvent<br />
pour une non reconduction du traitement<br />
antérieur. Dans ce cas <strong>de</strong> figure,<br />
les neuroleptiques conventionnels sont<br />
en premier lieu arrêtés par les praticiens<br />
(57% <strong>de</strong>s cas), surtout l’halopéridol<br />
(27,7%). Le traitement antipsychotique<br />
est alors essentiellement<br />
substitué par un médicament <strong>de</strong> même<br />
classe prescrit en monothérapie (65,8%<br />
<strong>de</strong>s cas) ; le choix <strong>de</strong>s cliniciens se porte<br />
volontiers vers un antipsychotique atypique<br />
(95,1% <strong>de</strong>s cas), le plus souvent<br />
la rispéridone orale (81,4%) à la posologie<br />
moyenne <strong>de</strong> 6 mg/jour (± 3<br />
mg/j).<br />
Chez 13,4% <strong>de</strong>s patients non observants,<br />
le traitement antérieur est recon-<br />
Figure 2 : Facteurs déstabilisants liés à l’environnement<br />
(N global = 594)<br />
Aucun<br />
Stress psychosocial ou<br />
professionnel<br />
Stress familial ou<br />
professionnel<br />
Stress somatique<br />
(maladie intercurrente)<br />
185<br />
244<br />
288<br />
37<br />
6,2%<br />
31,1%<br />
41,1%<br />
48,5%<br />
0 20 40 60 80 100<br />
duit et associé à un autre antipsychotique,<br />
le plus fréquemment <strong>de</strong> secon<strong>de</strong><br />
génération (66% <strong>de</strong>s cas), en particulier<br />
la rispéridone orale (46,4%).<br />
Une continuité du traitement antipsychotique<br />
antérieur avec une augmentation<br />
<strong>de</strong> la posologie est préconisée<br />
chez un tiers <strong>de</strong>s patients non observants.<br />
Cette adaptation posologique,<br />
lorsqu’elle concerne les traitements antipsychotiques<br />
atypiques, consiste en<br />
Figure 3 : Principaux motifs <strong>de</strong> mauvaise observance thérapeutique<br />
(N global = 316)<br />
Volonté du patient <strong>de</strong><br />
changer <strong>de</strong> traitement<br />
Stabilisation clinique<br />
prolongée<br />
Efficacité insuffisante<br />
Intolérance au<br />
traitement<br />
122<br />
85<br />
87<br />
102<br />
26,8%<br />
27,5%<br />
38,6%<br />
32,3%<br />
0 20 40 60 80 100<br />
une augmentation en moyenne <strong>de</strong><br />
50% <strong>de</strong>s doses.<br />
• Lorsque les patients présentent une<br />
déstabilisation <strong>de</strong> leur état clinique alors<br />
qu’ils observent correctement le traitement<br />
antipsychotique prescrit par le<br />
praticien (n=156), celui-ci propose :<br />
- dans la majorité <strong>de</strong>s cas (65,4%) <strong>de</strong><br />
substituer le traitement antipsychotique<br />
antérieur par un autre (un atypique<br />
dans 79% <strong>de</strong>s cas),<br />
- la poursuite du traitement antipsychotique<br />
antérieur avec une adaptation<br />
posologique à 26,3% <strong>de</strong> ces<br />
patients,<br />
- enfin la conservation <strong>de</strong> leur traitement<br />
antipsychotique en cours en asso-<br />
ciation à un second dans 8,3% <strong>de</strong>s cas.<br />
La modification (arrêt ou adaptation<br />
posologique) <strong>de</strong> médicaments psychotropes<br />
concomitants au traitement<br />
antipsychotique a été observée pour<br />
seulement un tiers <strong>de</strong>s patients ; cela<br />
concerne les antidépresseurs (30%),<br />
les benzodiazépines (23%), et les thymorégulateurs<br />
14%).<br />
La modification <strong>de</strong> la prise en charge<br />
intervient en moyenne durant la secon<strong>de</strong><br />
semaine (moyenne : 1,4 semaines ±<br />
2,5) ayant suivi la perception <strong>de</strong>s premiers<br />
indices <strong>de</strong> déstabilisation clinique.<br />
Dans la majorité <strong>de</strong>s cas, elle répond<br />
plus aux attentes du patient (57%)<br />
et/ou du mé<strong>de</strong>cin (61%) qu’à celles<br />
<strong>de</strong> la famille ou <strong>de</strong>s soignants. Il faut<br />
souligner que, dans la moitié <strong>de</strong>s cas,<br />
une décision d’hospitalisation est alors<br />
prise.<br />
Sur l’ensemble <strong>de</strong> la population étudiée,<br />
les objectifs prioritaires que le<br />
mé<strong>de</strong>cin assigne à sa nouvelle prescription<br />
concernent au premier chef<br />
l’amen<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la symptomatologie<br />
positive. L’observance, les signes négatifs<br />
et la tolérance sont cités, chacun,<br />
dans plus <strong>de</strong> 40% <strong>de</strong>s cas ; l’amélioration<br />
<strong>de</strong>s signes cognitifs et <strong>de</strong>s signes<br />
non spécifiques étaient <strong>de</strong>s objectifs<br />
moins fréquemment cités (Tableau II).<br />
Concernant la tolérance, les préoccupations<br />
essentielles <strong>de</strong>s praticiens sont<br />
d’obtenir une diminution <strong>de</strong>s effets<br />
neurologiques pour 68% d’entre eux,<br />
<strong>de</strong>s effets sédatifs (46%) et <strong>de</strong> la prise<br />
<strong>de</strong> poids (37%).<br />
Tableau II : Objectifs prioritaires<br />
<strong>de</strong> la prescription<br />
Objectifs<br />
thérapeutiques N %<br />
Améliorer les<br />
signes positifs 470 79,3<br />
Améliorer<br />
l’observance 281 47,4<br />
Améliorer les<br />
signes négatifs 261 44,0<br />
Améliorer la<br />
tolérance 257 43,3<br />
Améliorer les<br />
troubles cognitifs 228 38,4<br />
Améliorer les signes<br />
non spécifiques 172 29,0<br />
Autres objectifs 21 3,5<br />
Conclusion<br />
N global = 593<br />
Les résultats <strong>de</strong> cette enquête, et l’intérêt<br />
qu’y ont porté les praticiens interrogés,<br />
soulignent l’importance <strong>de</strong> la<br />
question <strong>de</strong>s rechutes dans la prise en<br />
charge au long cours <strong>de</strong>s troubles schizophréniques<br />
et schizo-affectifs.<br />
Sur les plans sémiologique et diagnostique,<br />
la place <strong>de</strong>s symptômes non spécifiques<br />
au début d’une rechute est<br />
essentielle. La littérature relève la fréquence<br />
<strong>de</strong> ces signes (tension anxieuse,<br />
insomnie, signes dépressifs) dans les<br />
jours précédant la rechute (7, 14) ; les<br />
résultats <strong>de</strong> l’enquête le confirment,<br />
puisque l’existence <strong>de</strong> signes non spécifiques<br />
constitue le plus fréquent <strong>de</strong>s<br />
critères <strong>de</strong> rechutes.<br />
Qu’ils soient spécifiques ou non, la<br />
connaissance par le praticien et par le<br />
patient <strong>de</strong> « signal-symptômes » (ou<br />
signes <strong>de</strong> pré-alerte), permet <strong>de</strong> percevoir<br />
<strong>de</strong> la façon la plus précoce possible<br />
la survenue d’une rechute, et donc<br />
<strong>de</strong> mettre en place plus rapi<strong>de</strong>ment<br />
les mesures thérapeutiques appropriées.<br />
Leur intérêt est largement souligné par<br />
l’enquête, qui montre dans plus <strong>de</strong> la<br />
moitié <strong>de</strong>s cas que leur prise en compte<br />
a contribué à gui<strong>de</strong>r la décision thérapeutique.<br />
Un point essentiel dans l’apparition <strong>de</strong>s<br />
rechutes chez les patients schizophrènes<br />
ou schizo-affectifs est l’interruption<br />
intempestive <strong>de</strong> leur traitement : celleci<br />
est invoquée pour plus <strong>de</strong> la moitié<br />
<strong>de</strong> l’échantillon étudié. Il faut noter que<br />
cette mauvaise observance est évoquée<br />
spontanément par les 2/3 <strong>de</strong>s patients<br />
inobservants : les patients schizophrènes<br />
ne cherchent donc généralement pas à<br />
« masquer » le fait qu’ils ont interrompu<br />
le traitement. Il s’agit là d’une<br />
marque <strong>de</strong> confiance envers leur mé<strong>de</strong>cin,<br />
confiance renforcée sans doute par<br />
la longueur du suivi nécessité par <strong>de</strong>s<br />
pathologies aussi chroniques et invalidantes<br />
que les troubles psychotiques.<br />
L’apparition <strong>de</strong> signes précurseurs d’une<br />
rechute est un signal important pour<br />
le praticien : dans la majorité <strong>de</strong>s cas,<br />
une décision <strong>de</strong> modification thérapeutique<br />
est prise avant la fin <strong>de</strong> la<br />
<strong>de</strong>uxième semaine qui suit. Il n’existe<br />
donc en général pas « d’attentisme » :<br />
les praticiens croient peu à la possibilité<br />
d’une résolution spontanée <strong>de</strong> la<br />
rechute.<br />
La rechute est d’ailleurs perçue comme<br />
un événement sérieux, puisqu’elle<br />
conduit le praticien dans plus <strong>de</strong> la<br />
moitié <strong>de</strong>s cas à proposer une hospitalisation.<br />
<br />
MOREAU-MALLET V.*,<br />
SPADONE C.**<br />
*Janssen-Cilag France, Issy-Les-Moulineaux<br />
**Hôpital Saint-Louis, Paris<br />
Bibliographie<br />
(1) ALTAMURA AC, BASSETTI R, SAS-<br />
SELLA F, SALVADORI D, MUNDO E,<br />
Duration of untreated psychosis as a predictor<br />
of outcome in first-episo<strong>de</strong> schizophrenia:<br />
a retrospective study, Schizophr Res 2001,<br />
52 (1-2) : 29-36.<br />
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MCGOVERN D, Schizophrenia: early warning<br />
signs, Psychiatr treatment, 2001, 6 :<br />
93-101.<br />
(3) BOURGEOIS ML, Les schizophrénies,<br />
Que sais-je, Ed PUF 2001.<br />
(4) CSERNANSKY JG, MAHMOUD R,<br />
BREHNER MPH et al, Risperidone-USA-<br />
79 Study Group. A comparison of risperidone<br />
and haloperidol for the prevention of<br />
relapse in patients with schizophrenia, N<br />
England J Med 2002, 346 : 16-22 (a).<br />
(5) CSERNANSKY JG, SCHUCHART EK,<br />
Relapse and rehospitalisation rates in patients<br />
with schizophrenia: effects of second generation<br />
antipsychotics, CNS Drugs 2002, 16<br />
(7) : 473-484 (b).<br />
6) DOLDER CR, LACRO JP, DUNN LB,<br />
JESTE DV, Antipsychotic medication adherence:<br />
is there a difference between typical<br />
and atypical agents? Am J Psychiatry 2002,<br />
159 :103–8.<br />
(7) FITZGERALD PB, The role of early warning<br />
symptoms in the <strong>de</strong>tection and prevention<br />
of relapse in schizophrenia, Aust NZJ<br />
Psychiatry 2001, 35 (6) : 758-764.<br />
(8) GEDDES J, MERCER G, FRITH CD,<br />
MACMILLAN F, OWENS DG, JOHNS-<br />
TONE EC, Prediction of outcome following a<br />
first episo<strong>de</strong> of schizophrenia. A follow-up<br />
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(9) GOURION D, GUT-FAYAND A, Les<br />
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Ed Ellipses 2004.<br />
(10) JORGENSEN P, Early signs of psychotic<br />
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of Psychiatry 1998, 172 : 327-338.<br />
(11) MARDER SR, Overview of partial compliance,<br />
J Clin Psychiatry 2003, 64, 5-11.<br />
(12) NORMAN RM, MALLA AK, Prodromal<br />
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review, Schizophr Bull 1995, 21(4) : 527-<br />
539.<br />
(13) ROBINSON D, WOERNER MG,<br />
ALVIR JM, BILDER R, GOLDMAN R,<br />
GEISLER S, KOREEN A, SHEITMAN B,<br />
CHAKOS M, MAYERHOFF D, LIEBER-<br />
MAN JA, Predictors of relapse following response<br />
from a first episo<strong>de</strong> of schizophrenia or<br />
schizoaffective disor<strong>de</strong>r, Arch Gen Psychiatry<br />
1999, 56(3) : 241-277.<br />
(14) Practice Gui<strong>de</strong>line for the Treatment of<br />
patients with Schizophrenia, Am J Psy 1997,<br />
154 (4) : 1-63.<br />
(15) WIEDEMANN G, RAYKI O, FEIN-<br />
STEIN E, HAHLWEG K, The Family Questionnaire:<br />
Development and validation of a<br />
new self-report scale for assessing expressed<br />
emotion, Psychiatry Res 2002, 15, 109 (3) :<br />
265-279.<br />
THÉRAPEUTIQUE 19<br />
LIVRES<br />
L’anxiété généralisée<br />
Coordonné par Patrice Boyer<br />
Éditions John Libbey Eurotext<br />
Ce recueil se situe dans une optique<br />
physiopathologique en essayant d’expliquer<br />
la genèse <strong>de</strong>s comportements<br />
anxieux par <strong>de</strong>s modifications, entre<br />
autres, <strong>de</strong>s mécanismes d’intégration<br />
sensorielle, en essayant dans cette<br />
même logique <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s modèles<br />
animaux qui ne soient pas seulement<br />
<strong>de</strong>s « équivalents » d’anxiété<br />
chez l’homme mais qui correspon<strong>de</strong>nt<br />
à <strong>de</strong>s perturbations <strong>de</strong> tels mécanismes<br />
intégratifs. Un modèle plus<br />
général <strong>de</strong> continuité - à partir d’une<br />
dimension <strong>de</strong> « vulnérabilité » - peut<br />
alors être proposé, l’interaction entre<br />
prédisposition génétique et facteurs<br />
environnementaux pouvant aboutir<br />
à <strong>de</strong>s tableaux psychopathologiques<br />
plus complexes comme ceux <strong>de</strong>s états<br />
dépressifs.<br />
Outre l’idée <strong>de</strong> continuum anxiétédépression<br />
(validé en clinique pour<br />
certaines catégories <strong>de</strong> dépression),<br />
la notion <strong>de</strong> modèle plurifactoriel intégrant<br />
<strong>de</strong>s composantes psychologiques<br />
(traits et dimensions), physiologiques,<br />
neurobiologiques (dont<br />
génétiques) et sociales a été le fil<br />
conducteur <strong>de</strong> cet ouvrage. Chacune<br />
<strong>de</strong> ces composantes fait l’objet d’un<br />
chapitre, certains chapitres étant plus<br />
« synthétiques » (comme ceux concernant<br />
les aperçus historiques ou épidémiologiques).<br />
Enfin, dans l’idée <strong>de</strong><br />
ce même continuum, <strong>de</strong>s propositions<br />
thérapeutiques novatrices peuvent<br />
être présentées qui doivent être<br />
mises à l’épreuve <strong>de</strong> la pratique.<br />
Ont participé à la rédaction <strong>de</strong> cet ouvrage : S.<br />
Arbabza<strong>de</strong>h-Bouchez, P. Boyer, Ch. Cohen-Salmon,<br />
S. Dubal, F. Rouillon, R. Jouvent, Y. Lecrubier,<br />
J.-P. Lépine.<br />
Les chronopathies, maladies<br />
du temps<br />
Jean- Paul Valabrega<br />
Dunod, 23 €<br />
Les chronopathies (néologisme <strong>de</strong><br />
formation simple, au point qu’on peut<br />
s’étonner qu’il n’ait pas été forgé plus<br />
tôt) méritent d’entrer dans la nosographie<br />
et la nosologie, au même titre<br />
que la chronobiologie est maintenant<br />
incluse dans la science du vivant. Elles<br />
désignent toutes les formes - bénignes,<br />
aiguës et chroniques - <strong>de</strong> pathologies<br />
en rapport <strong>de</strong> causalité directe ou<br />
sous-jacente avec le facteur temporel.<br />
On peut donc affirmer qu’aucune<br />
pathologie, ni aucune normalité non<br />
plus, n’y échappent complètement.<br />
Au cours <strong>de</strong> cet ouvrage Jean-Paul<br />
Valabrega discute plusieurs points.<br />
Notamment, le domaine psychosomatique<br />
et somatopsychique qui<br />
conduit à une théorie <strong>de</strong> la conversion<br />
généralisée, c’est-à-dire à situer<br />
en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> l’hystérie proprement dite,<br />
mais non sans rapport avec elle. La<br />
question d’une nouvelle théorie <strong>de</strong>s<br />
pulsions, regroupe les <strong>de</strong>ux conceptions<br />
successives <strong>de</strong> Freud, par l’introduction<br />
<strong>de</strong> la pulsion <strong>de</strong> régression.<br />
Le Temps-Chronos est partout<br />
et toujours éludé ou nié, même par<br />
Freud dans la théorie <strong>de</strong> l’Inconscient.<br />
En revanche, il ne l’élimine pas avec<br />
la notion <strong>de</strong> régression temporelle.<br />
La réintégration métapsychologique<br />
<strong>de</strong> la temporalité aboutit ainsi à d’importantes<br />
conséquences dans l’analyse<br />
<strong>de</strong> la phobie (hystérie d’angoisse),<br />
<strong>de</strong> l’obsession, <strong>de</strong>s troubles psychonévrotiques<br />
périodiques, cycliques<br />
(maintenant appelés « bipolaires »),<br />
dont le prototype est la manie-mélancolie,<br />
ou psychose maniaco-dépressive,<br />
<strong>de</strong> la paranoïa, bref dans le<br />
champ quasi entier <strong>de</strong> la psychopathologie,<br />
y compris celle <strong>de</strong> la « vie<br />
quotidienne ».
20<br />
LIVRES<br />
ANNONCES PROFESSIONNELLES<br />
Enfants en soins palliatifs<br />
Des leçons <strong>de</strong> vie<br />
Alain <strong>de</strong> Broca<br />
L’Harmattan, 13 €<br />
Qu’y a-t-il <strong>de</strong> plus douloureux que <strong>de</strong><br />
voir son enfant atteint d’une maladie<br />
inexorablement fatale ?<br />
Les désordres induits dans la dynamique<br />
familiale sont majeurs. Les difficultés<br />
à vivre, au jour le jour et dans<br />
la durée, les souffrances <strong>de</strong> l’enfant<br />
et les questions éthiques que chaque<br />
aggravation <strong>de</strong> la maladie suscitent<br />
sont <strong>de</strong>s préoccupations majeures<br />
<strong>de</strong>s soignants qui sont appelés à vivre<br />
avec et pour ces familles.<br />
Toutes les situations rencontrées imposent<br />
d’être dans une disposition<br />
d’écoute permanente pour envisager<br />
la singularité <strong>de</strong> chaque instant et<br />
accompagner chaque désordre produit<br />
par ces mêmes instants.<br />
Le soignant est convoqué à dépasser<br />
ses propres appréhensions et<br />
questions existentielles et à beaucoup<br />
d’humilité. En parlant <strong>de</strong> « soins<br />
palliatifs » face à un enfant atteint<br />
d’une maladie inexorablement fatale,<br />
on doit accepter sa « non toute puissance<br />
» et accepter <strong>de</strong> prendre du<br />
temps pour réaliser un geste, accompagner<br />
l’ambivalence parentale.<br />
On doit désirer également que l’enfant<br />
mala<strong>de</strong> et son parent <strong>de</strong>viennent<br />
<strong>de</strong>s partenaires à part entière<br />
<strong>de</strong> la démarche thérapeutique. La<br />
première partie du livre ouvre, à partir<br />
<strong>de</strong> situations singulières d’enfant<br />
et <strong>de</strong> leur famille, sur quelques gran<strong>de</strong>s<br />
notions générales voire universelles.<br />
La secon<strong>de</strong> partie reprend un certain<br />
nombre <strong>de</strong> notions plus particulières<br />
à la pédiatrie afin d’essayer <strong>de</strong> souligner<br />
les spécificités <strong>de</strong>s soins palliatifs<br />
s’il en existe.<br />
Parents, professionnels<br />
comment éduquer<br />
ensemble un petit enfant ?<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Marie-Paule<br />
Tholion-Behar<br />
Erès, 10 €<br />
Cet ouvrage interroge, à partir d’une<br />
perspective historique et sociologique,<br />
les différents rnodèles éducatifs et situe<br />
la place <strong>de</strong> chacun, parents et<br />
professionnels, dans le processus éducatif.<br />
La première partie, « Réflexions<br />
plurielles » montre la place <strong>de</strong> chacun<br />
dans l’éducation du tout-petit, rassemble<br />
les présentations <strong>de</strong> chercheurs<br />
qui, à partir <strong>de</strong> différentes positions<br />
(psychologique, sociale, venant<br />
<strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> l’éducation), conceptualisent<br />
la question <strong>de</strong> la rencontre<br />
entre parents et professionnels autour<br />
<strong>de</strong> l’accueil <strong>de</strong> l’enfant et <strong>de</strong> son<br />
éducation.<br />
A la suite <strong>de</strong> Denis Mellier, présentant<br />
les enjeux psychiques <strong>de</strong> la relation<br />
parents-professionnels, Catherine<br />
Bouve, à travers une recherche<br />
auprès <strong>de</strong>s parents, leur donne la parole<br />
sur la question <strong>de</strong>s attentes par<br />
rapport aux mo<strong>de</strong>s d’accueil. Luce<br />
Dupraz insiste davantage sur les difficultés<br />
<strong>de</strong> l’éducation, à l’heure actuelIe,<br />
en reprenant une histoire documentée<br />
<strong>de</strong>s différents modèles<br />
éducatifs qui influencent les pratiques<br />
actuelles. Marie-Paule Thollon-Behar<br />
abor<strong>de</strong> les questions éducatives en<br />
se situant du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’enfant<br />
et <strong>de</strong> son développement, <strong>de</strong> ses besoins,<br />
afin <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> délimiter la<br />
place <strong>de</strong> chacun dans cette coéducation.<br />
La <strong>de</strong>uxième partie, « Dans les pratiques<br />
», offre la possibilité <strong>de</strong> découvrir<br />
le cheminement <strong>de</strong> groupes <strong>de</strong><br />
travail, d’équipes autour <strong>de</strong> projets<br />
concrets, impliquant parents et professionnels,<br />
en structure d’accueil du<br />
jeune enfant ou à l’école maternelle.<br />
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BP 97237 - 29672 Morlaix Cé<strong>de</strong>x<br />
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l’intermédiaire du standard : 02 98 62 61 60.<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
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Docteur Alain ABRIEU, Chef <strong>de</strong> Service<br />
Tél. 04 91 96 99 93 (<strong>de</strong> 8h30 à 16h30)<br />
@mail : alain.abrieu@ch-edouard-toulouse.fr<br />
Candidatures et CV :<br />
Monsieur le Directeur - Centre Hospitalier Edouard TOULOUSE<br />
118 chemin <strong>de</strong> Mimet - 13917 MARSEILLE Ce<strong>de</strong>x 15
22<br />
LIVRES<br />
Fonction <strong>de</strong> direction et<br />
gouvernance dans les<br />
associations d’action sociale<br />
Francis Batifoulier François Noble<br />
Dunod<br />
La Loi du 2 janvier 2002, en confirmant<br />
les droits <strong>de</strong>s usagers et en introduisant<br />
dans le secteur social une logique <strong>de</strong><br />
projet et d’évaluation <strong>de</strong> la qualité, participe<br />
à une nouvelle donne qui va<br />
conduire nécessairement à repenser le<br />
management associatif.<br />
La première partie ce cet ouvrage prend<br />
acte <strong>de</strong>s bouleversements intervenus<br />
dans l’environnement <strong>de</strong>s associations,<br />
repère les effets que ces mutations ont<br />
sur les fonctionnements associatifs et<br />
<strong>de</strong>ssine les contours <strong>de</strong>s enjeux que les<br />
associations ont à relever.<br />
La <strong>de</strong>uxième partie resitue le projet politique<br />
<strong>de</strong>s associés au cœur <strong>de</strong> l’organisation<br />
associative et propose <strong>de</strong> problématiser<br />
les pratiques dirigeantes<br />
associatives en fonction du concept <strong>de</strong><br />
gouvernance.<br />
La troisième partie s’intéresse à la manière<br />
dont le management peut risquer<br />
<strong>de</strong>s pratiques originales <strong>de</strong> direction ;<br />
<strong>de</strong>s pratiques fondées sur un diagnostic<br />
<strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l’entreprise associative,<br />
sur la prise en compte <strong>de</strong> conceptions<br />
et métho<strong>de</strong>s renouvelées dans le<br />
domaine du management, <strong>de</strong> l’organisation,<br />
<strong>de</strong> la stratégie, sans renoncer<br />
aux fondamentaux éthiques du secteur<br />
associatif.<br />
Cette présentation, en trois parties, peut<br />
être complétée par une lecture plus<br />
transversale <strong>de</strong>s thématiques présentées.<br />
Cinq thèmes, repris selon <strong>de</strong>s angles<br />
différents, constituent la trame <strong>de</strong> la réflexion<br />
proposée.<br />
Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’assistante sociale<br />
Chantal Le Bouffant et Faiza<br />
Guélamine<br />
Dunod, 32 €<br />
Depuis 24 ans, la formation initiale <strong>de</strong>s<br />
assistantes sociales n’avait pas changé.<br />
Depuis une centaine d’année la profession<br />
s’est construite et adaptée aux<br />
politiques sociales et aux grands problèmes<br />
<strong>de</strong> société. De cette double<br />
contrainte résulte la richesse d’un métier<br />
dont l’accès est maintenant réglementé<br />
par le décret <strong>de</strong> juin 2004 relatif<br />
au diplôme d’Etat et à l’exercice <strong>de</strong><br />
la profession d’assistant <strong>de</strong> service social.<br />
Cet ouvrage décrit et explicite les missions<br />
et le mo<strong>de</strong>s d’intervention <strong>de</strong>s services<br />
sociaux ; les cadres institutionnels<br />
dans lesquels exercent les assistantes<br />
sociales ; les enjeux <strong>de</strong> la profession.<br />
La première partie <strong>de</strong> l’ouvrage appréhen<strong>de</strong><br />
les fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la profession<br />
et les principales étapes <strong>de</strong> son évolution.<br />
La <strong>de</strong>uxième partie explore l’exercice<br />
concret du métier, en détaillant les<br />
missions menées auprès <strong>de</strong>s populations<br />
en difficultés, <strong>de</strong>s mineurs en danger,<br />
<strong>de</strong>s personnes fragilisées par la maladie,<br />
le handicap, l’âge ou le statut<br />
d’étranger... La troisième partie traite<br />
<strong>de</strong>s modalités d’intervention utilisées<br />
en référence aux principes éthiques et<br />
déontologiques : entretien, visite à domicile,<br />
enquête sociale, signalement,<br />
contrat, travail avec les groupes et développement<br />
social. La <strong>de</strong>rnière est<br />
consacrée à la formation, aux modalités<br />
<strong>de</strong> préparation à cette profession<br />
<strong>de</strong>puis la rentrée 2004 et aux perspectives<br />
<strong>de</strong> carrières.<br />
Comment penser la<br />
complémentarité <strong>de</strong>s<br />
pratiques et <strong>de</strong>s métiers en<br />
santé mentale<br />
Actes du Réseau <strong>de</strong> Promotion pour la<br />
Santé Mentale dans les Yvelines Sud<br />
Deauville, 6 et 7 juin<br />
Doin éd. 21 €<br />
Situé à l’ouest <strong>de</strong> Paris, le département<br />
<strong>de</strong>s Yvelines comprend une moitié nord<br />
et sud délimitées par la vallée <strong>de</strong> la<br />
Seine. La population du sud représente<br />
environ 600 000 habitants. Ce<br />
territoire est traversé d’est en ouest<br />
par la N 12 et l’A12. Il comprend, au<br />
nord-est, une zone urbanisée <strong>de</strong>nse<br />
et ancienne, Versailles et ses environs,<br />
au centre une zone d’urbanisation<br />
récente représentée par la ville<br />
nouvelle <strong>de</strong> Saint-Quentin en Yvelines<br />
et une vaste partie sud ouest rurale<br />
scandée par <strong>de</strong> petites agglomérations,<br />
dont le centre est la ville<br />
<strong>de</strong> Rambouillet. Le Sud Yvelines correspond<br />
au secteur sanitaire MCO<br />
n°9.<br />
Le réseau <strong>de</strong> santé mentale, né d’une<br />
histoire et d’une géographie spécifiques,<br />
s’est constitué en juin 1999<br />
autour <strong>de</strong> l’EPS Charcot, l’IM <strong>de</strong> la verrière<br />
(MGEN), le centre hospitalier <strong>de</strong><br />
Versailles, <strong>de</strong> la clinique privée d’Yveline<br />
et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux associations <strong>de</strong> psychiatres<br />
(PSYLib) et <strong>de</strong> généralistes<br />
(GYPsy), soit près <strong>de</strong> 200 praticiens.<br />
Un groupement <strong>de</strong> psychologues libéraux<br />
participe également à ce réseau<br />
qui a été financé, à l’origine, par<br />
l’ARHIF et la DDASS <strong>de</strong>s Yvelines pour<br />
moitié, le complément étant apporté<br />
par la contribution financière <strong>de</strong>s établissements<br />
y participant.<br />
Le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> l’initiative, émanant<br />
du Pr. Marie-Christine Hardy-<br />
Baylé, au CHV, reposait sur le constat<br />
du cloisonnement entre les acteurs<br />
locaux du champ <strong>de</strong> la psychiatrie et<br />
l’espoir qu’une meilleure lisibilité <strong>de</strong><br />
l’offre, apportée par une coordination<br />
accrue permettant <strong>de</strong> meilleures<br />
complémentarités, serait davantage<br />
<strong>de</strong> nature à convaincre les pouvoirs<br />
publics <strong>de</strong>s besoins dans le domaine.<br />
Dés son origine, le réseau se proposait<br />
plusieurs objectifs : missions <strong>de</strong><br />
concertation et <strong>de</strong> proposition,<br />
d’information et d’observatoire <strong>de</strong>s<br />
connaissances, <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s acteurs,<br />
d’évaluation, d’interface avec<br />
les tutelles, <strong>de</strong> partenariat dans le<br />
champ social.<br />
Le présent ouvrage relate, après cinq<br />
années <strong>de</strong> fonctionnement expérimental,<br />
les <strong>de</strong>ux journées <strong>de</strong> travail<br />
<strong>de</strong>s acteurs du réseau autour <strong>de</strong> l’intervention<br />
introductive <strong>de</strong> M-C Hardy-<br />
Baylé (complémentarité <strong>de</strong>s pratiques,<br />
complexité, clinique pathogénique et<br />
évaluation comparative) à laquelle<br />
répondaient C. Margerit (mé<strong>de</strong>cine<br />
générale et réseau), E. Brunella (pratique<br />
infirmière et réseau), P. Krzakowski<br />
(le point <strong>de</strong> vue psychanalytique<br />
sur la rupture <strong>de</strong>s pratiques<br />
partenariales) et R. Rechtman (pourquoi<br />
une refonte <strong>de</strong> la psychiatrie).<br />
Un compte rendu <strong>de</strong> discussion générale,<br />
une riche bibliographie et la<br />
restitution <strong>de</strong> cinq ateliers complètent<br />
l’ouvrage.<br />
Ces journées, qui sont un point d’arrêt<br />
provisoire, reflètent assez fidèlement<br />
les questionnement épistémologiques,<br />
cliniques, éthiques et<br />
organisationnels que pose l’exercice<br />
45 €*<br />
pour un an<br />
75 €*<br />
pour 2 ans<br />
Tarif<br />
étudiant et internes<br />
30 €*<br />
*supplément étranger<br />
et DOM/TOM =30 €/an<br />
ANNONCES EN BREF<br />
18 octobre 2005. Paris. 14 ème Confrontation<br />
Mé<strong>de</strong>cine-<strong>Psychiatrie</strong> sur le thème :<br />
Le Délire, la Mythomanie et l’Onirisme. Renseignements<br />
et inscriptions : Secrétariat<br />
du 37 ème secteur <strong>de</strong> Paris, 11 ème<br />
section, Secteur <strong>de</strong> Ménilmontant, CH<br />
<strong>de</strong> Maison Blanche, 3 avenue Jean Jaurès,<br />
93300 Neuilly-sur-Marne.<br />
25 et 26 octobre 2005. Paris. 3 ème Conférence<br />
internationale sur l’homoparentalité.<br />
Inscriptions : Association <strong>de</strong>s Parents<br />
et futurs parents Gays et Lesbiens,<br />
BP 255, 3 rue Keller, 75524 Paris Cé<strong>de</strong>x<br />
11. Tél. : 01 47 97 69 15. E-mail :<br />
contacts@conference-apgl.org. Site internet<br />
: http://www.conference-apgl.org.<br />
4 novembre 2005. Bor<strong>de</strong>aux. Colloque<br />
organisé par Asais Recherche sur le<br />
thème : <strong>Psychiatrie</strong> et exclusion sociale :<br />
comment intervenir sans (trop) souffrir ?<br />
Inscriptions : Association Asais, Monique<br />
Ferrand, Correspondante Formation,<br />
121 rue <strong>de</strong> la Bécha<strong>de</strong>, 33076 Bor<strong>de</strong>aux.<br />
Pré-inscriptions par téléphone, contacter<br />
: Mme Hélène Bielle, 05 56 52 60 59.<br />
5 et 6 novembre 2005. Journées d’Etu<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> Paris organisées par Euro-Psy sur le<br />
thème : Le transfert : <strong>de</strong> la cure à l’institution.<br />
Renseignements : Euro-Psy,<br />
45 bis rue Pernety, 75014 Paris.<br />
Tél. : 01 45 42 00 10. Fax : 01 45 45 45 45.<br />
E-mail : secretariat@euro-psy.org. Site :<br />
www.euro-psy.org.<br />
18 novembre 2005. Paris. Colloque <strong>de</strong><br />
l’Association Française <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />
sur le thème : L’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la société<br />
face aux mala<strong>de</strong>s mentaux « difficiles ». Inscriptions<br />
: Association Française <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>,<br />
147 rue Saint Martin, 75003<br />
Paris.<br />
23 novembre 2005. Rennes. Journée<br />
nationale sur le thème : Enfants surdoués<br />
en difficulté : <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification à une prise<br />
en charge adaptée, oganisée par le Service<br />
Hospitalo-Universitaire <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />
<strong>de</strong> l’Enfant et <strong>de</strong> l’Adolescent<br />
<strong>de</strong> Rennes. Renseignements : Secrétariat<br />
du Pr Sylvie Tordjman. Tél. :<br />
02 99 51 06 04. Fax : 02 99 32 46 98.<br />
E-mail : pedopsy@ch-guillaumeregnier.fr.<br />
Site : www.sante-enfant-societe.com.<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie contemporaine, à partir<br />
<strong>de</strong> points <strong>de</strong> vue différents. Avec l’espoir<br />
que la pratique du réseau créerait<br />
un espace local où pourraient s’atténuer,<br />
sinon se réduire, les contradictions<br />
ou conflictualisations <strong>de</strong>s épistémologies<br />
partielles, où apparaîtrait une<br />
authentique complémentarité, sans disqualification<br />
subreptice ni œcuménisme<br />
<strong>de</strong> faça<strong>de</strong>, tandis que le service rendu<br />
et l’efficience s’amélioreraient. Sans surprise,<br />
les débats ne tranchent pas mais<br />
permettent à <strong>de</strong>s acteurs qui échangent<br />
peu sur ces questions <strong>de</strong> le faire. En<br />
même temps l’impression prévaut, au<br />
<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s débats théoriques, qu’émerge<br />
Nom :<br />
Prénom :<br />
Adresse :<br />
24 et 25 novembre 2005. Paris. Journée<br />
d’Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Association Nationale<br />
<strong>de</strong>s équipes contribuant à l’action médico-sociale<br />
précoce (ANECAMSP) sur le<br />
thème : Annonces du diagnostic et accompagnement<br />
du handicap. Renseignements<br />
: Association Nationale Et<br />
Centres d’Action Médico-Sociale Précoce<br />
(ANECAMSP), 10 rue Erard, 75012 Paris.<br />
Tél. : 01 43 42 09 10. Fax : 01 43 44 73 11.<br />
E-mail : anecamsp@wanadoo.fr.<br />
24 et 25 novembre 2005. Strasbourg.<br />
3 ème Congrès Européen <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine<br />
en Milieu Pénitentiaire sur le thème : Pathologies.<br />
Risques. Droit et usages <strong>de</strong>s soins.<br />
Points <strong>de</strong> vue Européens. 1 ères Rencontres<br />
Européennes <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> Pénitentiaire<br />
sur le thème : Prise en charge <strong>de</strong>s victimes.<br />
Le déni du crime. Quel avenir pour les criminels<br />
psychopathes en fin <strong>de</strong> peine. Inscriptions<br />
: Evenys, 17 rue <strong>de</strong> Seine, 92100<br />
Boulogne. Tél. : 01 55 200 504. Fax :<br />
01 55 200 509. E-mail : evenys@evenys.com.<br />
24 et 26 novembre 2005. Lyon. 20 e<br />
Congrès <strong>de</strong> la Société Française <strong>de</strong> Recherche<br />
sur le Sommeil (SFRS). Renseignements<br />
: Package Organisation, 140<br />
cours Charlemagne, 69002 Lyon. Tél. :<br />
04 72 77 45 50. Fax : 04 72 77 45 77.<br />
E-mail : z.adam@package.fr.<br />
3 décembre 2005. Aix-en-Provence.<br />
Journée scientifique organisée par le<br />
Centre <strong>de</strong> Pratiques Familiales d’Aix-en-<br />
Provence sur le thème : Adolescents et<br />
parents. Centre <strong>de</strong> Pratiques Familiales<br />
d’Aix-en-Provence, 6 rue Charloun<br />
Rieu, 13090 Aix-en-Provence. Tél. :<br />
04 42 59 64 53. Fax : 04 42 59 64 57.<br />
8 et 9 décembre 2005. Dax. 9 èmes Journées<br />
<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Dax sur le thème :<br />
Autour <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité en psychiatrie.<br />
Renseignements et inscriptions<br />
: Centre <strong>de</strong> Santé Mentale, 1 rue<br />
Labadie, BP 323, 40107 Dax. Tél. :<br />
05 58 91 48 38/05 58 91 46 26. Fax :<br />
05 58 91 46 843. E-mail : csm@ch-dax.fr.<br />
8 et 9 décembre 2005. Lille. XXII e Congrès<br />
<strong>de</strong> la Société Française <strong>de</strong> Psycho-Oncologie<br />
(SFPO). Renseignements : Jenny<br />
Trupin, Comm Santé, 51 rue du Port <strong>de</strong><br />
l’Homme, BP 33, 33360 Latresne. Tél. :<br />
05 57 97 19 19. Fax : 05 57 91 19 15.Email<br />
: info@comm-sante.com.<br />
un projet médical <strong>de</strong> territoire qui s’impose<br />
(dans les <strong>de</strong>ux sens du terme) aux<br />
pouvoirs publics, avec le confort et les<br />
limites d’une construction médicale <strong>de</strong><br />
projet au sein d’une psychiatrie <strong>de</strong> moins<br />
en moins séparée <strong>de</strong> son contexte social.<br />
Il s’agit donc d’un ouvrage très<br />
recommandable pour alimenter et poursuivre<br />
la réflexion, à partir d’une expérience<br />
originale, voire unique.<br />
S. Kannas<br />
Le lecteur intéressé à poursuivre pourra lire utilement,<br />
entre autres, le n° spécial <strong>de</strong> Carnet Psy consacré<br />
au RPSMYS (4 articles) ainsi que l’ouvrage <strong>de</strong><br />
Hardy Baylé, MC & Bronnec, C. (2003) : Jusqu’où<br />
la psychiatrie peut-elle soigner, Odile Jacob éd.,<br />
Paris.<br />
Je m’abonne pour : 1 an 2 ans<br />
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
9 décembre 2005. Paris. Réunion d’hiver<br />
<strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> Neuropsychologie<br />
<strong>de</strong> Langue Française (SNPLF). Renseignements<br />
: Dr Alain Agniel, Hôpital Purpan,<br />
CHU <strong>de</strong> Toulouse, Service <strong>de</strong> neurologie,<br />
Société <strong>de</strong> Neuropsychologie<br />
<strong>de</strong> Langue Française, Pavillon Riser,<br />
Place du Dr Baylac, TSA 40031, 31059<br />
Toulouse Cé<strong>de</strong>x. Tél. : 05 61 77 76 86.<br />
Fax : 05 61 49 95 24. E-mail : alain.agniel@<br />
toulouse.inserm.fr.<br />
9 et 10 décembre 2005. Paris. 4 ème<br />
Congrès International d’Haptonomie.<br />
Renseignements et inscriptions : Euro<br />
RSCG Life, 2 allée <strong>de</strong> Longchamp, 92281<br />
Suresnes Cé<strong>de</strong>x. Tél. : 01 58 47 87 49.<br />
Fax : 01 58 47 87 18. contact@congreshaptonomie.com.<br />
Site : www.congreshaptonomie.com.<br />
9 et 10 décembre 2005. Dijon. 16 ème<br />
Congrès <strong>de</strong> l’Association Ancre-Psy sur<br />
le thème : La Psychose en question : premières<br />
alertes, quels recours, quelles réponses ?<br />
Renseignements : Centre Médico-Psychologique<br />
Marco Cavallo, 2 bis route <strong>de</strong><br />
Dijon, 21600 Longvic. Tél. : 03 80 66 73 65.<br />
Ou Résacor, 1 bd Chanoine Kir, 21000<br />
Dijon. Tél. : 03 80 42 48 07. E-mail : gerard.milleret@caramail.com<br />
ou secretariat.resacor@chs-chartreuse.fr.<br />
26 janvier 2006. Paris. Séminaire sur<br />
le thème : Stratégies pour l’emploi <strong>de</strong>s personnes<br />
handicapées physiques dans<br />
les fonctions publiques. Inscriptions :<br />
CTNERHI, 236 bis rue <strong>de</strong> Tolbiac,<br />
75013 Paris. Tél. : 01 45 65 59 40. Fax :<br />
01 45 65 44 94. E-mail : r.martinez@ctnerhi.com.fr.<br />
Site : www.ctnerhi.com.fr.<br />
20 et 22 janvier 2006. Bor<strong>de</strong>aux. Congrès<br />
International <strong>de</strong> Gestalt Thérapie <strong>de</strong><br />
Langue Française sur le thème : La psychothérapie<br />
comme esthétique. Renseignements<br />
: Annie Faure, Comm Santé,<br />
51 rue du Port <strong>de</strong> l’Homme, BP 33,<br />
33360 Latresne. Tél. : 05 57 97 19 19.<br />
Fax : 05 57 97 19 15. E-mail : congresGT<br />
@wanadoo.fr.<br />
27 et 28 janvier 2006. Paris. Journées<br />
nationales <strong>de</strong> l’Association Française<br />
<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> (AFP) sur le thème :<br />
Clinique <strong>de</strong>s limites, limites <strong>de</strong> la clinique.<br />
Renseignements : Association Française<br />
<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> (AFP), 147 rue St Martin,<br />
75003 Paris. Tél. : 01 42 71 41 11.<br />
Fax : 01 42 71 36 60. E-mail : psy-<br />
spfafp@wanadoo.fr.<br />
Chère Mamie<br />
Collectif (Alzheimer Europe)<br />
CHÈQUE À L’ORDRE DE MAXMED à envoyer avec ce bulletin,<br />
54, boulevard <strong>de</strong> la Tour Maubourg, 75007 Paris<br />
Téléphone : 01 45 50 23 08<br />
Je souhaite recevoir une facture acquittée justifiant <strong>de</strong> mon abonnement.<br />
Ce livre sur la maladie d’Alzheimer est<br />
<strong>de</strong>stiné aux enfants <strong>de</strong> 8 à 12 ans. Renaud<br />
et sa soeur Zoé racontent les histoires<br />
vécues avec leur Mamie, qui a la<br />
maladie d’Alzheimer. Renaud et Zoé expriment<br />
la frustration, la tristesse, voire<br />
la rage qu’ils ressentent face aux comportements<br />
étranges <strong>de</strong> leur grand-mère,<br />
à ses trous <strong>de</strong> mémoire, à ses réactions<br />
inattendues. Tout en vivant <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s<br />
difficiles et parfois drôles, les <strong>de</strong>ux enfants<br />
apprennent comment, avec patience<br />
et tendresse, l’ensemble <strong>de</strong> la famille peut<br />
entourer leur grand-mère mala<strong>de</strong>.<br />
Bulletin d’abonnement<br />
Le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong> <strong>Nervure</strong> + La Revue
N°7 - TOME XVIII - OCTOBRE 2005<br />
LIVRES<br />
La dépendance <strong>de</strong>s personnes<br />
âgées<br />
Quelles politiques en Europe ?<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Martin<br />
Presses Universitaires <strong>de</strong> Rennes<br />
Editions ENSP, 24 €<br />
Cet ouvrage commence par une analyse<br />
du cas français, en abordant la genèse<br />
<strong>de</strong> la politique dépendance (Robert<br />
Lafore), le processus et les acteurs<br />
qui ont contribué à sa définition, que<br />
ce soit au plan local (François-Xavier<br />
Schweyer) ou national (Thomas Frinault) ;<br />
puis la construction <strong>de</strong>s catégories, celle<br />
<strong>de</strong> dépendance (Bernard Ennuyer), mais<br />
aussi celle <strong>de</strong> handicap et d’incapacité,<br />
avec le rôle <strong>de</strong>s enquêtes statistiques<br />
(Alain Jourdain et Pierre Mormiche). Enfin,<br />
sont évoquées l’évolution <strong>de</strong>s interventions<br />
sociales et <strong>de</strong>s métiers (François<br />
Bigot et Thierry Rivard), mais aussi<br />
l’histoire du métier d’ai<strong>de</strong>-ménagère et<br />
son évolution sous l’effet <strong>de</strong> la politique<br />
adoptée avec la prestation dépendance<br />
(Henri Nogues).<br />
Dans une <strong>de</strong>uxième partie, sont présentées<br />
plusieurs configurations nationales<br />
qui appartiennent à différents régimes<br />
<strong>de</strong> protection sociale : le régime<br />
assurantiel obligatoire, avec le cas <strong>de</strong><br />
l’Allemagne (Gerhard Igl) ; le régime libéral,<br />
avec le Royaume-Uni (Jane Lewis<br />
et Clare Ungerson) ; le régime socialdémocrate,<br />
avec la Finlan<strong>de</strong> (Annelli<br />
Antonnen et Jorma Sipilä) et l’Europe<br />
du sud, avec l’Italie (Cristiano Gori). Dans<br />
chacune <strong>de</strong> ces configurations, certaines<br />
questions sont abordées : celles <strong>de</strong>s<br />
conditions et conséquences du choix<br />
assurantiel (Igl) ; celle <strong>de</strong>s inégalités sociales<br />
et <strong>de</strong> genre (Ungerson) ; celle <strong>de</strong><br />
la place du marché et <strong>de</strong> la régulation<br />
<strong>de</strong> près par les care manager (Lewis) ;<br />
celle <strong>de</strong>s disparités ou inégalités territoriales<br />
(Gori).<br />
Dans une troisième partie sont regroupés<br />
plusieurs textes comparatifs portant<br />
presque exclusivement sur l’Europe,<br />
qui abor<strong>de</strong>nt les différentes modalités<br />
<strong>de</strong> rémunération <strong>de</strong>s soins dans les pays<br />
développés (Jane Jenson) ; la place occupée<br />
par la prise en charge <strong>de</strong> la dépendance<br />
en fonction <strong>de</strong>s différents régimes<br />
<strong>de</strong> protection sociale (Denis<br />
Bouget) ; les enjeux économiques soulevés<br />
par la dépendance en Europe (Marie-Eve<br />
Joël) ; le rôle <strong>de</strong>s institutions européennes<br />
et les différentes législations<br />
nationales au sein <strong>de</strong> l’Union pour <strong>de</strong>ssiner<br />
les contours <strong>de</strong> cette politique<br />
(Francis Kessler) et enfin les différents<br />
23<br />
paniers <strong>de</strong> service offerts dans quelques<br />
pays européens, en partant <strong>de</strong> l’analyse<br />
<strong>de</strong> cas-type uniformisés (Blanche<br />
Le Bihan et Clau<strong>de</strong> Martin).<br />
Cet ensemble <strong>de</strong> contributions retrace<br />
l’évolution dans chaque pays, mais propose<br />
aussi un bilan comparatif <strong>de</strong>s choix<br />
déjà opérés à l’échelle européenne.<br />
Des formations pour quels<br />
emplois ?<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Jean-François<br />
Giret, Alberto Lopez et José Rose<br />
La Découverte, 29 €<br />
Cet ouvrage propose une analyse <strong>de</strong>s<br />
liens entre formations et emplois. Il s’appuie,<br />
essentieIIement, sur les résultats<br />
<strong>de</strong> l’enquête Génération 98 du Céreq<br />
(Centre d’étu<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> recherches sur<br />
les qualifications), qui permettent <strong>de</strong> repérer<br />
les caractéristiques <strong>de</strong>s emplois<br />
occupés au cours <strong>de</strong>s premières années<br />
<strong>de</strong> vie active. La première partie montre<br />
comment les acteurs - système éducatif,<br />
responsables d’entreprises, déci<strong>de</strong>urs<br />
nationaux et régionaux - se positionnent<br />
par rapport à cette question. La<br />
<strong>de</strong>uxième montre qu’une « bonne correspondance<br />
» entre formation initiale<br />
et emplois occupés, tant en termes <strong>de</strong><br />
niveaux que <strong>de</strong> spécialités, n’est pas aujourd’hui<br />
la règle en France, même pour<br />
les formations professionnelles. La<br />
troisième analyse montre comment la<br />
volonté d’ajuster les formations aux<br />
emplois se heurte aux stratégies <strong>de</strong>s<br />
différents acteurs. Enfin, la <strong>de</strong>rnière partie<br />
met l’accent sur les phénomènes <strong>de</strong><br />
« déclassement ».<br />
Directeur <strong>de</strong> la rédaction :<br />
Gérard Massé<br />
Rédacteur en chef : François Caroli<br />
Comité <strong>de</strong> rédaction : Centre Hospitalier<br />
Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.<br />
Tél. 01 45 65 83 09.<br />
Botbol M., Carrière Ph., Dalle B., Goutal M.,<br />
Guedj M.-J., Jonas C., Lascar Ph., Martin A.,<br />
Paradas Ch., Sarfati Y., Spadone C.,<br />
Tribolet S., Weill M.<br />
Comité scientifique : Bailly-Salin P.<br />
(Paris), Besançon G. (Nantes), Bourgeois<br />
M. (Bor<strong>de</strong>aux), Buisson G. (Paris), Caillard<br />
V. (Caen), Chabannes J.-P. (Grenoble),<br />
Chaigneau H. (Paris), Christoforov B.<br />
(Paris), Colonna L. (Rouen), Cornillot P.<br />
(Paris), Dufour H. (Genève), Dugas M.<br />
(Paris), Féline A. (Paris), Ginestet D.<br />
(Paris), Guelfi J.-D. (Paris), Guyotat J.<br />
(Lyon), Hochmann J. (Lyon), Koupernik<br />
C. (Paris), Lambert P. (Chambéry), Loo H.<br />
(Paris), Marcelli D. (Poitiers), Marie-<br />
Cardine M. (Lyon), Mises R. (Paris),<br />
Pequignot H. (Paris), Planta<strong>de</strong> A. (Paris),<br />
Ropert R. (Paris), Samuel-Lajeunesse B.<br />
(Paris), Scotto J.-C. (Marseille), Sechter D.<br />
(Lille), Singer L. (Strasbourg), Viallard A.<br />
(Paris), Zarifian E. (Caen).<br />
Comité francophone : Anseau M.<br />
(Belgique), Aubut J. (Canada), Bakiri M.-A.<br />
(Algérie), Cassan Ph. (Canada), Douki S.<br />
(Tunis), Held T. (Allemagne), Lalon<strong>de</strong> P.<br />
(Canada), Moussaoui D. (Maroc), Romila A.<br />
(Roumanie), Simon Y.-F. (Belgique), Stip E.<br />
(Canada), Touari M. (Algérie).<br />
Publicité<br />
médical<br />