Arabic Linguistics
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« l‘âme lui a dit »). Ce sont les poètes en dialogue avec leur âme qui sont cités<br />
par Ibn Ğinnī : il est vrai aussi que non seulement l‘arabe, mais d‘autres langues<br />
aussi portent les traces de ce dédoublement de personnalité : si l‘on examine les<br />
métaphores à partir du « cœur » dans diverses langues, on se rend compte que<br />
celui-ci est considéré non seulement comme parlant et agissant, mais aussi comme<br />
gai et triste, comme transportable, comme mortel etc.<br />
Dans le chapitre où il s‘agit de l‘expression figurée qui peut rejoindre<br />
l‘expression propre (voir ci-dessus) Ibn Ğinnī parle de nafs de kull, de ‟ağma„, de<br />
kilā et de ba„d} comme des mots qui sont à même de préciser la référence, afin de<br />
corriger l‘ambiguïté fondamentale de la langue qui consiste en ce qu‘elle doit<br />
exprimer la partie, l‘individuel, par des expressions se rapportant au tout et à la<br />
généricité, tant dans le cas du nom que dans le cas du verbe. De notre point de<br />
vue, le commentaire d‘Ibn Ğinnī (difficile, dit-il, au point de ne pas avoir été<br />
compris par ses contemporains) attire notre attention sur une source possible des<br />
quantificateurs, non seulement en arabe, mais dans d‘autres langues également.<br />
La plupart des linguistes sont maintenant d‘accord que les mots de la langue<br />
ne sont pas parus d‘un seul coup, comme se l‘imagine Ibn Fāris, cité par Ibn Ğinnī<br />
(« comme des chiffres sur l‘objet dénombré, comme des marques sur l‘objet<br />
marqué » II, p. 40). Ibn Ğinnī lui-même affirme que c‘est bien possible qu‘à<br />
l‘origine des langues se trouvent les onomatopées (l‘opinion lui semble « correcte<br />
et acceptable », I, p. 41), ce que les spécialistes de nos jours considèrent aussi<br />
comme probable. Onomatopées et interjections, suivis de pronoms, de mots<br />
lexicaux et ensuite mots grammaticaux, les derniers résultant de la<br />
grammaticalisation des premiers, voici une voie de développement de la langue<br />
qui apparaît comme un modèle d‘évolution acceptable pour beaucoup d‘entre<br />
nous. L‘évolution de la langue se produit, donc, soit par la modification de la<br />
référence ou de la fonction de certains éléments (les interjections deviennent<br />
pronoms, surtout déictiques, les éléments lexicaux concrets deviennent abstraits<br />
par métaphorisation, et, de cette manière, peuvent aussi se transformer en<br />
éléments grammaticaux etc.) soit par ajout de nouveaux éléments. Mais on peut<br />
concevoir, donc, à partir des mots d‘Ibn Ğinnī, corroborés avec les idées<br />
formulées par Gustave Guillaume, par Culioli et par les autres, des éléments qui<br />
sont extraits de la notion même, conçue elle aussi soit comme un trajet, soit<br />
comme une sphère, donc spatialisée. Les quantificateurs, dont les articles peuvent<br />
eux aussi être considérés comme en faisant partie (tout comme certaines<br />
prépositions du type de ou min de l‘arabe, devenues quantificateurs dans certains<br />
contextes), sont extraits de la notion elle-même, comme éléments de son<br />
extension : ils la saisissent entièrement, ou bien ils en coupent des portions pour<br />
les adapter au discours.<br />
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