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Arabic Linguistics

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dénomination « conventionnelle » du son en question. C‘est une belle occasion pour<br />

Ibn Ğinnī d‘attirer l‘attention sur la forte sensibilité de ces gens (quwwatu h}ass<br />

hā‟ulā‟i al-qawm), à savoir les bédouins, qui sont capables de comprendre, par<br />

instinct, par leur talent naturel ce que nous n‘en sommes pas capables malgré les<br />

longues recherches (p. 276). Des considérations de ce type on en retrouvera chez<br />

al-Ğurğānī (Dalā‟il, éd. 1961, p. 272), qui, lui, va dissiper définitivement les<br />

malentendus concernant la « science » des bédouins qui était, quand-même, autre que<br />

celle des grammairiens.<br />

La métaphore sociale est utilisée souvent par Ibn Ğinnī afin de parler des<br />

relations entre les éléments de la langue, par exemple, des relations entre les sons. Tout<br />

comme chez les autres grammairiens, les éléments appartenant à la même catégorie, ou<br />

les éléments semblables sont traités comme des « sœurs » (des « sœurs » et non pas<br />

des « frères » parce que les noms des sons de la langue sont du genre féminin) : par<br />

exemple, « hamza est la sœur de „ayn, mais la première est plus forte » (I, p. 145).<br />

Car les consonnes et les voyelles peuvent être « fortes » ou « faibles », elles<br />

peuvent entretenir de bonnes relations, se demander les unes les autres, ou bien se<br />

détester et même agresser les unes les autres : un chapitre entier porte le titre de<br />

Bāb huğūm al-h}arakāt „alā al-h}arakāt (Sur l‘attaque de quelques voyelles contre<br />

les autres) (III, p. 136) où il est montré, ajoutons-nous, que dans la guerre entre les<br />

sons il arrive même que les plus faibles prennent le dessus. Envisager les<br />

catégories à partir du modèle offert par l‘organisation sociale est une manière<br />

habituelle de les rendre explicites et on trouve souvent ce type de présentation du<br />

matériel linguistique chez les grammairiens tardifs (voir, par exemple, ‟ahàwāt<br />

kāna « les sœurs de kāna », c‘est à dire les éléments qui ont le même<br />

comportement, ‟ahàwāt ‘inna « les sœurs de ‘inna » etc.).<br />

On a beaucoup parlé des termes hàfīf (léger) et taqīl (lourd) utilisés par Ibn<br />

Ğinnī à l‘instar des autres grammairiens qui l‘ont précédé. Les auteurs de nos<br />

jours qui ont analysé les textes des grammairiens arabes afin de voir quelle<br />

signification ils leur attribuent ont signalé qu‘il s‘agit généralement de l‘effort qui<br />

est demandé au locuteur en vue de prononcer un son ou une séquence de sons<br />

(voir, par exemple, Bohas et Guillaume, 1984 ; Chairet, 2000). Ce qui nous<br />

intéresse surtout ici c‘est que ces termes métaphoriques sont utilisés par Ibn<br />

Ğinnī, peut-être avec plus de rigueur que les autres, dans le cadre des explications<br />

censées rendre compte du comportement du locuteur : c‘est le locuteur qui trouve<br />

les sons, ou certaines catégories de mots (le nom par rapport au verbe, par<br />

exemple) ou bien certaines constructions plus légères que les autres : l‘utilisation<br />

de la forme verbale de ‟istahàffa « trouver léger » dans plusieurs endroits pour<br />

caractériser ce comportement nous semble bien significative de ce point de vue.<br />

Soit dit en passant, trouver une construction « lourde » est bien possible en<br />

français, quoiqu‘elle ne « pèse » plus qu‘une autre.<br />

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