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Le tango des crocodiles
un contrat d’agent commercial, chacun. Enfin, lui serait rémunéré,
lui ou sa banque on ne sait pas, de la même façon que nous. Lequeux
s’occupera de la réalisation technique de l’opération. Les deux gros
sont d’accord pour aligner le montant de cette opération, soit près
de trois millions de francs.
Lequeux nous demande de planter nos associés médecins et amis,
persuadé que ça va rentrer comme les pieds dans la vase molle. L’acidité
de mes propos, le dédain de Claudine, mes remarques mal polies
sur leur inculture n’arrive pas à altérer la détermination de ces prédateurs
plus expérimentés, plus âpres au gain que nous, car déjà
largement nantis. Nous sortons de ces deux heures d’entretien et
d’insultes polies complètement épuisés dans ce Paris si gris. Comment
me suis-je fait submerger si vite ? On pense au naufrage comme
quelque chose de lent, comme si le navire s’enfonçait, tout doucement
submergé par l’eau qui monte dans ses cales. On aurait le temps de
le quitter. En réalité, le naufrage peut être une culbute d’une extraordinaire
violence dans laquelle on ne voit rien. Nous sommes sortis
anéantis.
Quels sont les acteurs de ce braquage à main armée d’un tableau
de papier et d’un feutre ? Car c’est l’arme adaptée des gangster modernes.
Lydie Ross, envoyée en audit, n’avait d’autre but que de
s’assurer de la bonne santé des contrats avant une quelconque opération
de pillage. Avait-elle déjà maintes fois réalisé la même chose
dans d’autres entreprises ? Chez Méridian par exemple ? Lequeux,
était un fidèle de Ross. Je n’irai pas plus loin. Son coup était prémédité
depuis sa prise de participation. Encore une fois, ce devait être
une classique. Un casse de dix plaques de plus values, idéal pour ce
genre de type.
Dehors, les vapeurs de gaz carbonique amplifient ma sensation
d’étouffement. Nous voilà coincés par la fragilité de notre emprunt
personnel, la trésorerie de l’entreprise, au fond de cette crique profonde
où nous sommes venus mouiller. Ce soir, et c’est comme cela
que je me souviens très précisément de la date de cette réunion, je
suis convié à l’inauguration du cabinet d’une de nos locataires, le
Docteur Françoise Guis, qui après trois machines louées, a invité le
gratin des échographistes parisiens. J’y rencontre notre Administrateur
de la Financière d’Imagerie Médicale, le Docteur Roger
Bessis, ainsi que Jean Pierre Vilaverde, à qui je raconte le braquage
qui vient de s’opérer.
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