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Le tango des crocodiles
Je généralisais très vite le concept en imaginant chaque nouveau
client en actionnaire. J’ai ce plaisir des idées naissantes. Cette chimie
est aussi agréable que celle des amours naissantes. Créer une société
de clients. Ainsi, ce serait lui, le client locataire qui garantirait la
valeur de rachat à terme sans devoir l’exercer. On partageait déjà
les plus values avec nos meilleurs clients de façon contractuelle mais
fiscalement défavorable. Eux, professionnels, pouvaient faire LE pari
des valeurs résiduelles. Il y avait de l’argent en quête d’investissement
dans la radiologie française, et, plutôt que d’investir dans la loi Pons,
la loi Malraux, ou tout autre escroquerie au contribuable, un secteur
proche de leur métier d’origine permettait d’en maîtriser les risques.
Les banques impliquées dans l’opération auraient affaire à un groupe
d’actionnaires spécialistes qui analyseraient le risque à leur place. Les
plans étaient faits. Deux ans plus tard, le patron d’Axa, l’assureur
surpuissant, créera un holding de clients actionnaires. Faire les plans,
c’est bien mais mettre le chantier en place, le marbre, les soudeurs,
les tôles, c’est autre chose. Il me fallait, avec ce rêve, lever trois
millions de francs très rapidement.
En septembre 1991, je n’ai toujours pas bouclé le capital nécessaire
à la création du premier étage, et à la sortie d’Echosynthèse.
Avec six mois devant moi, un peu de temps, plus de sérénité, moins
de clients pour la brocante qu’il fallait bien gérer, je levais dix millions
de francs. Je cherche l’argent qui manque. J’ai labouré la France
pendant des mois. Certains clients ne me laissaient que des copies de
leur chèque. Bien sûr, cela avait nécessité la rédaction de documents
juridiques sous conditions suspensives du succès de l’opération. Les
courants étaient contraires car les concurrents, la rumeur, nous donnaient
déjà morts et les mesures et le bois de notre cercueil étaient
parus au journal officiel de ce qu’on appelle un milieu professionnel.
« Il ne me manque qu’un million, je dis.
— Tu n’y arriveras pas, me dit Philippe Hervieux fort de son
expérience de jeune directeur financier.
— Et des brouettes oui. Claudine et toi en devez presque trois,
deux huit, je crois, à titre personnel au CCF, pour lesquels Ecofinance
s’était porté caution ? C’est une caution pourrie aujourd’hui
et le CCF va exiger son fric dans trois mois.
— C’est vous, Ecofinance qui deviez me faire un chèque de
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