Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

1. L’armement
capable de bien d’autres performances 5 . J’étais déjà tendu, par nature,
comme une écoute en câble d’un voiulier dans la brise, vers les
transactions électroniques mondiales que seraient celles de l’interent.
Notre vie réelle, au-delà des projets de conquête du monde, n’est
finalement faite que de notre quotidien, celui de tout entrepreneur de
base. Livraisons dans le superbe camion Citroën C 25, heures dans les
salles d’attente à effeuiller les Marie pas très claires, embouteillages,
centaines de kilomètres en voiture, aéroports tristes du soir, lorsque
les machines à cirer sillonnent les salles désertes et qu’aucun couple
ne se déchire parce qu’il n’y a que des types grisâtres en cravate,
nettoyage d’une machine pour un client marocain qui part dans une
heure et qu’il faut accompagner à l’aéroport, couloirs d’hôpitaux,
démonstrations des belles couleurs de la machine sur des prématurés ;
soirées dans les hôtels de faux luxe où il faut quand même décider
de tout et de l’exceptionnel.
Je regarde la mer sur mes cassettes vidéo le matin avant de partir
: la force du rêve est notre moteur.
La coque est terminée. Il reste à la peindre. Les chinois et autres
asiatiques mais aussi les maltais et quelques arabes ont pour tradition
de peindre deux yeux à l’étrave*. Il parait que ça éloigne les
démons. La coque fut peinte avec notre logo, discret, équilibré, pyramide
rouge et grise, fruit de journées, de nuits et de rêves intelligents,
correspondant à notre positionnement précis : L’architecte des évolutions
en échographie. Il devint fenêtre ouverte sur le triptyque de
notre plaquette 6 . Nous avions tous, Philippe, Claudine, Sylvie, Valérie
et les autres, contribué à cette peinture de l’entreprise, autour
des prototypes.
On a aussi beaucoup peint de nos rires, qui recouvraient nos
journées. Il suffisait d’une bouteille de ketchup mal fermée, que Philippe
secouait, et dont le contenu traversait le restaurant de midi.
Les bouchons de champagne sautaient à chaque fois qu’on signait un
bon coup et faisaient ressembler le plafond de nos bureaux au Raz
de Sein par courant contraire. Nos fous rires s’entendaient jusqu’à
tard dans le petit troc à putes de la Porte Maillot.
On a aussi beaucoup peint avec nos sueurs. Il faudrait plus que
les quelques pages consacrées à cette époque. Elles n’auraient guère
plus d’intérêt, que celles des auteurs, pourtant de grands marins, qui
décrivent ainsi leurs voyages :
« Vingt nœuds* de vent, je me lève, je pisse, tout va bien.
— Trente, je change de foc, je suis mouillé.
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