Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

1. L’armement
l’argent. Nous sommes crédibles, car notre banque, c’est l’agence
spécialisée grands comptes du Crédit Commercial de France, et elle
nous traite comme ses autres clients : Peugeot, Air France, Citroën.
Au premier étage de l’immeuble de la rue Pergolèse, c’est la salle
de traiding de devises. De petits écrans insérés dans une immense
table à cartes financière, elliptique, en bois précieux, affichent en
temps réel, les cours des monnaies. Le groupe y gère ses excédents de
trésorerie selon les variations entre les cours des devises des pays où il
est présent : Japon, Amérique, Hollande. Nos avances de trésorerie se
font par une montée au premier étage, sur de petits bouts de papiers.
Claudine s’est fait une spécialité de ces griffonnages. Les millions de
l’entreprise nous sont vite devenus aussi coutumiers que la grisaille
parisienne. Nous en avons eu trop, et trop vite.
Le marché est petit, et c’est son intérêt. Une niche de marché, y
disent dans les livres. Mais dans un marché si petit, il faut aller vite,
ne pas laisser fleurir les petites officines de concurrents vous prendre
le vent. Seule une position au vent est intéressante dans une niche.
Certes, nous avions été les premiers à louer des échographes d’occasion
et surtout les premiers issus du métier, grâce à Claudine. Des
barbares, des mercenaires d’ibm reconvertis sont vite venus de toutes
parts. Leurs entreprises, aux noms internationaux, alors qu’ils étaient
de Nogent ou de Belleville, étaient :
–Europe Médical Leasing, eml, le plus gros que l’on reverra bientôt
dans la danse,
–Advanced Financial Business Médical, afbm
–Europe Biomédical Brokers, ebm,
–Biomédical International Supply, bis.
Ils ont vite contribué à pourrir un marché qu’ils ne connaissaient
pas, mais les compétences réelles de notre équipe spécialisée en échographie
faisaient la différence et nous l’emportions souvent sur ces
concurrents qui disparaîtraient un par un, laissant derrière eux des
cadavres de procès.
Cela ne me gênait pas, bien au contraire. Lorsque l’on est trop
longtemps seul sur un bon coup, c’est qu’il est mauvais. Seules les
somptueuses plaquettes de Dialease 3 , sur lesquelles Yann figurait
en second plan, provoquaient chez moi des colères incontrôlées, des
éruptions de petits boutons, levaient le clapot sec de ma rage. J’allais
revoir Yann le breton, d’ici peu.
On changeait de voiles très souvent, selon le temps, sans fatigue.
On sautait des avions presque en marche, pour faire croire à nos
67