Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

1. L’armement
des rares femmes dans ce boulot de vrp de luxe.
Le couple de balancement arrière* c’est ce besoin que j’ai, qu’ont
les pauvres, ou certains orphelins, parce qu’ils croient que les autres
sont mieux qu’eux, de vouloir réussir, de sortir de la nasse du déterminisme
social, de vouloir larguer les amarres de leurs rêves, socialement
autant qu’humainement. J’aime bien ces sorties d’eau un
peu pincées des plans des années soixante dix, les longues voûtes.
Pourtant j’ai fait abstraction de mes souhaits esthétiques pour dessiner
un arrière bien plein, porteur. Je suis là pour développer, faire
avancer au portant.
Sous ces trois vertèbres qui déterminent la forme générale de
l’embarcation on a posé une pièce quille, une colonne vertébrale,
une épine dorsale. Le véritable esprit d’équipe, de partage. Il faut
lester cette quille* car l’entreprise devient gourmande d’autre chose
que de notre temps et de nos efforts. Il lui faut de l’argent pour lui
donner de la raideur à la toile, de la raideur à la croissance que nous
devions soutenir. Si au début, avec une croissance lente et réfléchie,
nous gagnions de l’argent, et paradoxalement peu de richesses, la
vitesse nous conduit à faire des affaires sur lesquelles nous perdons
de l’argent à la signature 2 . Pour lester l’affaire, on a emprunté deux
millions de francs pour une augmentation de capital proposée par
Ecofinance.
Ecofinance est caution de ce prêt. Et quelle caution ! Cent
vingt millions de francs de capital et la une des journaux. C’est un
pari. Soit nous réussissons avant la date de remboursement de ce
prêt, dans dix huit mois, à valoriser nos parts plus que la dette ; soit
deux millions empruntés, et huit cents mille francs d’intérêts pour
nourrir ces pauvres banquiers du CCF, soit nous n’y arrivions pas
et c’était boulot pour peau de balle.
L’argent est devenu celui de l’entreprise sans qu’il fût jamais le
nôtre. II fut dépensé pour vivre une croissance effrénée, pour l’acquisition
de clients, pour la création d’emplois.
L’argent ne nous est pas indispensable à titre personnel. On vit
dans un hlm du 15e, près du parc Georges Brassens. On traîne le
dimanche au marché aux livres avec de quoi acheter ce que l’on
veut, c’est à dire des trucs pas cher. On boit un ou deux verres
de blanc sec près de chez Poilanne, rue Brancion. On remonte vers
les Puces de la porte de Vanves et quand je me suis gavé d’une
merguez harissa, je suis l’homme le plus heureux du monde. Une
fin de semaine sur trois environ, on descend dans notre sud pour
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