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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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<strong>Le</strong> <strong>tango</strong> <strong>des</strong> <strong>crocodiles</strong><br />

roules six cents kilomètres par jour, que tu sois le patron ou l’ouvrier,<br />

tu es un voyageur. Et quand c’est pour du fric, tu deviens<br />

de <strong>com</strong>merce. <strong>Le</strong>s Phéniciens étaient les premiers. <strong>Le</strong> voyageur de<br />

<strong>com</strong>merce est un voyageur, son <strong>com</strong>merce un alibi. Certains diront<br />

que ce n’est pas un vrai voyage, mais le vrai voyage n’existe pratiquement<br />

plus. On se fait transporter par les avions qui déversent,<br />

pour pas trop cher leurs tonnes de passagers dans tous les coins du<br />

monde. Notre petit navire de six mètres, après deux jours et demi de<br />

mer, sans cartes, sans moteur, nous emmenait dans un village situé<br />

à quelques heures de voiture, un village dont nous ne connaissions<br />

parfois pas le nom. Par sa lenteur, les efforts, les risques parfois, le<br />

déplacement en voilier n’avait pas besoin de feindre l’exotisme pour<br />

être un voyage.<br />

Avoir parcouru tant de miles pour taper un glaçon aussi gros à<br />

56 degrés de latitude sud me faisait hurler. Nous pensions les glaces<br />

plus basses. Peut-être était-ce un de ces conteneurs tombé ou jeté<br />

d’un cargo, cercueil de métal aux coins aussi soli<strong>des</strong> que tranchants,<br />

qui flotte entre deux eaux, invisible de jour <strong>com</strong>me de nuit. L’eau<br />

rentre dans notre entreprise blessée de façon inquiétante. Nous allons<br />

voir sombrer le fruit du travail de plus d’une année, voir s’engloutir<br />

les espoirs, s’évaporer l’imagination.<br />

<strong>Le</strong>s risques pris au détriment du confort que j’aurais pu trouver<br />

dans un grosse boîte auraient-ils été mal mesurés ? À la première accalmie,<br />

il faudra réparer et repartir, je me dis. Nous avons appris pas<br />

mal de choses, <strong>des</strong> choses qui ne sont dans aucun livre. Pendant ce<br />

temps, au 14 de la rue Pergolèse, les secrétaires du groupe Econo<strong>com</strong><br />

répondent depuis un mois qu’elles ne savent pas où nous sommes. Ni<br />

plus ni moins. Partis sans laisser d’adresse, les bougres.<br />

<strong>Le</strong> téléphone sonne, toujours avec le même grésillement détestable,<br />

tandis que j’attise le feu dans la petite maison réintégrée. Un<br />

jour, je remplacerai cette sonnerie par le cri <strong>des</strong> mouettes, derrière<br />

le navire au mouillage à l’heure de l’apéritif : harg harg harg.<br />

« Françoise Fabre, me réveille une voix que j’avais presque oubliée.<br />

— Oui, répondis-je, surpris.<br />

— Yann et moi, qui disposons d’un peu de temps et d’argent,<br />

venons de créer une société de location d’échographes au capital<br />

d’un million de francs.<br />

— . . . !.<br />

— Nous l’avons appelée Dialease, poursuit-elle, alors que je ne<br />

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