Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

Le tango des crocodiles
« Votre proposition est intéressante et demande réflexion, nous
allons en parler entre nous, conclut Claudine. Prenons date, si vous le
voulez bien, pour un nouvel entretien. Lundi nous convient. Disons,
. . . dix heures trente. »
J’aurais été plus nuancé. Je ne peux cependant qu’approuver.
Fabre sort excédée. Nous reprenons place sur les chaises blanches.
Nos regards s’emmêlent. Je tends mon cigare à Claudine. C’est comme
cela que je me suis mis à aimer les havanes.
Ce lundi, Françoise Fabre est moins détendue bien que son fond
d’assurance soit demeuré intact.
« Bonjour, lance-t-elle, façon collègue de travail.
— Alain et moi avons parlé de l’intérêt certain de votre présence
dans notre équipe, répond Claudine. Mais l’entreprise est jeune, le
volume d’affaires petit et vous savez que notre associé, Ecofinance,
pourvoit à tous les financements et à la gestion.
— Malgré les bons résultats financiers prévisibles sur cette année
nous ne pouvons supporter une charge supplémentaire, poursuis-je.
— Nous ne sommes donc pas, pour l’instant, prêts à travailler
avec vous, conclut Claudine, afin d’éviter un déballage de mots inutile.
»
Son regard s’obscurcit comme la mer couverte d’écume sous un
nuage qui passe.
« Yann ne va pas être content. »
La porte s’est refermée derrière elle. Le silence qui s’ensuit est
semblable à celui qui précède les forts coups de vent, une annonce
sans signe réel ; le ciel n’est pas plus noir que les heures précédentes,
rien de naturel ne permet de penser que la tempête est proche.
Les premières rafales ne s’abattent que le lendemain matin. La
porte de notre bureau s’ouvre. Yann jaillit, contenu et furieux à la
fois.
« Vous n’avez pas voulu travailler avec Françoise. C’est une fille
brillante, au-dessus de la moyenne, dont l’expérience est connue dans
tout le milieu informatique.
— Je n’en doute pas. Restez donc dans l’informatique, c’est plein
d’espoir.
— Je le sais mieux que quiconque, nous vivons ensemble et nous
allons bientôt nous marier. »
Je ne lui demandais rien sur sa vie privée. Elle baisait avec qui elle
voulait, se mariait avec qui lui semblait bon. Mais l’essentiel a été dit.
Pour résumer, et comme pas mal de types que nous rencontrerons
52