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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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9. Une barrette en argent<br />

geste sensuel, trois ou quatre fois entre le pouce et l’index, en espaçant<br />

les temps de serrage, <strong>com</strong>me si elle le laissait récupérer de ses<br />

précédentes caresses. Elle le serre entre ses lèvres trop fines, s’en sert<br />

<strong>com</strong>me d’un immense sexe que nous n’aurions pas pour conquérir<br />

l’espace. Cela dure depuis trente minutes. Je me lève, demande une<br />

interruption de séance, et sors de la pièce, laissant Claudine face à<br />

notre future patronne. Car, c’est de cela dont il s’agit à présent.<br />

La rue Pergolèse débouche au bas de l’avenue de la Grande Armée<br />

sur <strong>Le</strong> Balto. Ce bar tabac du coin, est bien évidemment, <strong>com</strong>pte<br />

tenu de la clientèle <strong>des</strong> golden boys, pourvu d’une cave à cigares.<br />

Montecristo, Davidoff, Coiba, s’y côtoient sous le regard <strong>des</strong> voyeurs<br />

massés derrière la vitre impeccablement propre, dans l’humidité parfaitement<br />

contrôlée par le patron auvergnat. Nous y déjeunons parfois,<br />

d’un tartare, d’une salade, d’un sandwich très cher. J’inspecte<br />

les boîtes de bois clair, cherchant l’arme équivalente à celle de mon<br />

adversaire. Je cherche l’épée, le phallus mâle ou femelle, la corne<br />

de la licorne, qui rétablirait un <strong>com</strong>bat égal et me permettrait de<br />

regagner le terrain perdu. Un rêve d’enfant se déforme à loisir, me<br />

laissant toujours nu, dans un cours, le bus, une situation sociale<br />

dans laquelle je devrais être vêtu. Douterais-je de moi de façon profonde<br />

? Ce cigare que j’allume lentement me sert de caleçon social.<br />

Ainsi vêtu, j’entre dans notre bureau. Claudine est tout doucement<br />

grimpée sur la table pour se mettre à hauteur de son adversaire. <strong>Le</strong><br />

<strong>com</strong>bat est animal entre ces deux femmes et mon absence a laissé<br />

le cerveau reptilien <strong>des</strong> crabes ou <strong>des</strong> bouquetins s’exprimer pleinement<br />

dans le cadre <strong>des</strong> règles sociales. <strong>Le</strong> langage n’est plus qu’un<br />

alibi médiocre. J’entre, souffle un demi mètre cube de fumée à cinquante<br />

centimètres au-<strong>des</strong>sus <strong>des</strong> oreilles de Françoise Fabre, enfume<br />

l’espace de mon souffle souillé, rajuste ma pochette de soie achetée<br />

la semaine précédente, me redresse, attrape son regard. Ma dernière<br />

fumée noire est <strong>com</strong>me celle d’un coup de marche arrière de mon<br />

diesel qui stoppe le navire lancé vers le quai, à quelques centimètres<br />

de l’endroit où l’on croyait qu’il allait se fracasser.<br />

« Comptez-vous les taux entre banques ? Comment refinancezvous<br />

vos contrats ? Reprend elle, surprise, à peine un poil agressive.<br />

Je reviens vous voir lundi. Vous me direz quels sont vos contrats en<br />

portefeuille, les analyses financières, termine-t-elle, dans ce monologue<br />

autoritaire. »<br />

Ses pieds ont enfin quitté la table. Elle se lève. <strong>Le</strong>s secon<strong>des</strong><br />

s’égrènent. <strong>Le</strong> seul bruit est celui de mon regard.<br />

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