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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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<strong>Le</strong> <strong>tango</strong> <strong>des</strong> <strong>crocodiles</strong><br />

première impulsion, puis la laisser glisser seule. <strong>Le</strong> sentiment d’aujourd’hui<br />

est celui d’une mauvaise ivresse. L’austérité de cette pièce<br />

la rend vulnérable. On a l’air de ne pas être installés. Il aurait fallu<br />

<strong>des</strong> photos au mur, belles et banales. Notre visiteuse expose sans que<br />

ne lui ayons rien demandé, son brillant parcours chez ECS, sa formation<br />

aux langues “zo”. Elle s’aime, ne doute pas d’elle. Ses deux<br />

pieds se sont maintenant posés sur notre bureau blanc, ses lèvres<br />

rouges et ses dents enserrent nerveusement son cigare, ôtant à son<br />

visage la décontractio <strong>des</strong> premiers instants. Cela laisse percevoir<br />

un but à atteindre. D’ailleurs elle ne fume plus vraiment. Elle élève<br />

maintenant son pulpeux havane vers le ciel dans un début d’érection<br />

indécente, celles forcées auxquelles on pense, tandis que les bandaisons<br />

pudiques et esthétiques ne proviennent que du désir spontané<br />

qui nous submerge. De l’autre côté de la grande table, ses semelles<br />

de cuir presque neuves m’importunent. Elle a de jolies jambes d’où<br />

s’extirpe de leur gangue de soie le haut de ses cuisses, ajoutant à<br />

l’instauration de rapports déjà déséquilibrés, celui d’une tentative<br />

de dominance sexuelle. Nous n’avions aucune idée préconçue sur nos<br />

recrutements, prêts à nous entourer de toutes les <strong>com</strong>pétences qui<br />

auraient aidé au développement du projet. Mais cette façon à la<br />

fois travaillée et naturelle qu’a Françoise d’instaurer un rapport de<br />

supériorité teintée de con<strong>des</strong>cendance nous agace. Nous tentons de<br />

larguer ce grand corps mort blond, pris par mégarde sur notre bâbord.<br />

<strong>Le</strong>s alarmes de pression d’huile et de température de Claudine<br />

retentissent pour moi qui sais les percevoir, d’autant qu’il s’agit de<br />

l’agression d’une femme, catégorie qu’elle considère par expérience<br />

et par culture plus élaborée et intelligente que l’autre.<br />

« Quel est votre cursus ? lâche-t-elle, exaspérée. »<br />

Je ne sais pourquoi nous répondons. Claudine passe en revue son<br />

métier de visiteur médical, puis raconte avoir vendu <strong>des</strong> échographes,<br />

enfin avoir créé ce parc locatif qu’elle dirige avec moi. On le pousse<br />

d’ailleurs, plutôt qu’on ne le dirige, car le parc tient plus à ce jour du<br />

youpala que du jardin <strong>des</strong> Tuileries. Je suis saisi par la quantité d’or<br />

que Françoise Fabre expose, pendu ou soutenu, inclus par endroits<br />

à toutes les parties visibles de son corps.<br />

« Comment allons nous travailler ? continue-t-elle dans une bouffée<br />

de chaleur grise et odorante. »<br />

Elle se débarrasse <strong>des</strong> premières cendres en imprimant une légère<br />

rotation à son gros bracelet d’or. Claudine allume une Stuyvesant.<br />

<strong>Le</strong> <strong>com</strong>bat au fumigène a <strong>com</strong>mencé. Fabre palpe le tube souple d’un<br />

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