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Treilles, Printemps
30. Les commis voyageurs
Je travaillais sur la rédaction et la mise en forme de l’assignation.
Je voulais que ce soit au mieux de mes moyens, de mes compétences,
de ma rage. Le téléphone retentit. Pas celui de Bakélite noir récupéré,
mais une de ces choses modernes, à mémoire.
C’est Wilfried puisque l’on se tutoie.
« Où en sommes-nous je réponds, quand peuvent partir les assignations
?
— J’y travaille. J’ai parlé de votre affaire, me dit-il. Au moins à
dix confères.
— En fraternelle ? j’ai tout de suite ajouté.
— Oui, répond-il franchement, fier de lui.
— Des juristes, je suppose. Des procureurs je demande ? »
Une fraternelle est une forme moléculaire assez particulière. Les
composants sont, bien sûr, tous des « francs-maçons ». Mais alors que
ces composés s’agglutinent normalement par petits groupes, appelés
« loges », dans des temples. donc une ruche assez fermée, la loge
maçonnique.
Les guêpes maçonnes appartiennent principalement à la famille
des eumènes. Ce nom ne doit rien vous dire car toutes les guêpes
solitaires sont totalement méconnues du grand public tant elles sont
discrètes. Pourtant ce sont de jolies guêpes plus élancées que les
guêpes sociales et qui fabriquent d’étonnantes constructions d’argile
ou de sable pour accueillir leurs larves. Certaines fabriquent un «
pot » fixé sur la tige d’une plante, d’autres le fixent sur les vieux
murs, d’autres creusent les talus argileux et d’autres encore utilisent
des cavités existantes dans lesquelles elles séparent les « chambres
d’enfants » toujours avec de la terre. Toutes les guêpes, ou presque,
nourrissent leurs larves avec des proies. Ainsi, lorsque le nid de terre
est presque terminé mais non fermé, la femelle le rempli de proies
qu’elle a « endormies » avec un peu de venin (et non tuées sinon les
proies pourriraient !), pond un œuf et referme enfin son nid 9
Pas facile d’avoir, dans ces conditions une vue sur l’extérieur.
Certains maçons, trouvant la vie sociale en ruche trop fermée, eurent
la géniale idée de regrouper les frères, de loges et d’obédience différentes,
dans la verticalité des métiers. Voire le monde pour voir le
monde, autant le faire avec l’ouverture d’esprit nécessaire au voyage.
Imagine.
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