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5. Pour des clopes
Philippe Rojeau est un grand type, un bon mètre quatre vingt
dix, à la louche. Et avec notre capital de cinquante mille francs entamé
depuis longtemps et les cent mille empruntés à ras les cales,
aucun établissement financier ne prendra le risque de nous prêter
le petit million qui nous manque pour acheter et louer nos dix premières
machines.
L’accueil fut celui d’un banquier moyen directeur général d’une
filiale régionale. On s’est serré les lourdes et il a regardé Claudine
fixement. Une minute s’est passée sans un mot, puis :
« On se connaît dit-il à Claudine.
— Je crois répond-elle, en cherchant qui peut bien être ce grand
type.
— On a travaillé ensemble quelques semaines, reprend Philippe
Rojeau. Je me souviens de vous. Il n’y avait pas beaucoup de femmes
dans ce métier.
— J’étais la seule reprend mon associée. A la cgr, la Compagnie
Générale de Radiologie.
— Que devenez vous ? demande son ancien collaborateur, vous
partiez quand j’y suis entré comme vendeur, moi aussi. »
J’y croyais pas. Le type que l’on allait voir pour financer nos
machines était un ancien vendeur de radiologie et . . . d’échographes.
On est repartis avec notre crédit bail adossé d’un petit million de
francs. On a acheté les machines : démontées, nettoyées, repeintes,
remontées, elles furent livrées en temps. Notre premier client fut
l’hôpital de Bonifacio pour un Aloka 250, une machine de plus de
dix ans d’âge qui remplissait parfaitement son rôle. La livraison eut
lieu dans un camion ada loué d’occasion, le passage en ferry entre
Nice et Calvi, et une joie réelle de l’usine électrique et de pâtes que
nous étions en train de monter.
Quant à Philippe Rojeau, il me permettrait de vivre les moments
les plus heureux de ma vie, bien plus tard.
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