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Le tango des crocodiles
contacté pour un projet d’association. Le temps d’en parler, Granada
était racheté à son tour.
J’ai pris les choses à la base, avec du recul, comme Candide,
et appelé SVP 11-11 sur un vieil abonnement de mon métier ancien
d’ingénieur agronome. J’avais eu recours à leurs services et les
conseils furent toujours d’une précision, et d’une qualité rare.
« Bonjour, j’ai un tas de contrats de location devant moi. Dont
un à cinq cents mille francs. Si je pouvais les refinancer, ça dégagerait
de quoi acheter et livrer les machines, nous ferait nos dix premiers
clients, et nous laisserait quatre ou cinq cents mille francs dans la
poche de l’entreprise.
— Je ne vois qu’une solution, me dit le type au bout du fil. Créez
une société financière.
— Une société financière ?
— Oui, vous empruntez à long terme, disons vos besoins de l’année,
refinancez vos contrats à la société opérationelle, un par un, et
encaissez pour elle les loyers de clients. La clientèle est fiable dans
ce genre de métier, le risque quasiment nul.
— Une société financière d’imagerie médicale ! J’y penserai je
réponds. J’y penserai elle verra même le jour.
— Sinon, pour votre problème actuel, voyez les établissements de
crédit industriel. Votre chance, c’est la fiabilité de vos clients. Des
spécialistes, c’est cela ?
— Oui, à quatre vingt dix neuf pour cent. Ils payent leur machine
dans la semaine avec la cotation actuelle des actes et le remboursement
assuré des patients. »
Parfois, lorsque le soleil se couchait, il m’arrivait de regretter,
dans cette angoisse vespérale que connaît tout marin, ma bagnole
de fonction du temps où je n’étais qu’exécutant, la sécurité de mon
salaire. Il m’arrivait de regretter d’avoir quitté le port.
On a pris le minitel sur lequel nos offres de machines d’occasion
tournaient à merveille et le lendemain, nous avions rendez-vous à
Toulouse, au Crédit Général Industriel, le cgi.
Pas mal de types quand ils ont de la chance de façon insolente,
vous diront, s’ils sont des types bien, j’ai eu de la chance. Au fond
de leurs abîmes, ils pensent réellement qu’ils sont dotés de quelques
capacités qui leur sont propres. Il ne s’agit que de la chance. Et c’est
un improbable coup de bol royal qui allait nous être offert sur un
plateau en récompense de notre persévérance face aux caïmans qui
depuis près d’un an essayaient de nous piquer l’eau du bain.
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