30.06.2013 Views

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

26. Bleu sauvage<br />

regardait de haut, la pluie n’a jamais cessé. Elle donnait à la ville<br />

cette iumage que l’on voit sur les écrans cathodiques mal réglés,<br />

striés de fines lamelles electromagnétiques. Je me souviens trés bien<br />

<strong>des</strong> draps rêches, de la liste <strong>des</strong> courses du dîner d’anniversaire. de<br />

la harira, et <strong>des</strong> sons dont j’avais intégré les phonèmes les premiers<br />

mois de l’enfance, qui remontaient, aspirés par l’effet Venturi qu’est<br />

pour moi le gôut du piquant extrême.<br />

Nous avons fini par rentrer.<br />

Dans le même bus. Plus de trente heures. <strong>Le</strong>s douaniers aient<br />

entièrement démonté les roues de cet autobus, parce que de petits<br />

délinquants y avaient caché quelques kilos de hakik. Je leur aurais<br />

bien dit que ce n’est pas ainsi qu’il faut se faire délinquant, que<br />

d’autres façons étaient plus lucratives et moins risquées. Si ce séjour<br />

ne m’avait pas remis sur pied, je savais que je retournerai dans ma<br />

ville natale écrire les premières pages d’un autre livre, bien plus<br />

tumultueux que les agitations de quelques <strong>crocodiles</strong> assassins.<br />

Treilles, Mai<br />

L’escargot m’a laissé entrevoir le lien qui existait entre le déni et<br />

le rejet : ils se tiennent par la main.<br />

Il devait pleuvoir ce matin là, parce que sinon, il n’y aurait eu<br />

aucune raison que je croise un escargot entre la petite pièce creusée<br />

dans le roc sous la maison de Claudine, et la minuscule pièce principale<br />

qui avait abrité le premier cri de notre projet. J’ai dû faire un<br />

pas vers lui, et lorsqu’il a rentré ses cornes une par une, puis s’est retiré<br />

dans sa coque fragile, j’ai eu une douleur infinie. C’est ainsi que<br />

je vivais le moindre rejet que les dénis de justice répétés m’avaient<br />

innoculés. <strong>Le</strong> déni, c’est l’abonnement à vie au fortait illimité de la<br />

paranoïa, la perte de toute référence à une structure sociale, l’abandon<br />

<strong>des</strong> hommes civilisés. Pendant <strong>des</strong> mois, je n’ai pu caresser ma<br />

chatte noire. Dès que je tendais la main, pour qu’elle me fasse ses<br />

yeux verts, elle se sauvait. J’émettais les substances et les on<strong>des</strong> du<br />

rejet en même temps que je subissais le sien. Je ne parle pas <strong>des</strong><br />

hommes, d’une femme qui me fit ses yeux verts. J’en reste aux animaux<br />

noirs, à mes chats. Tout est rejet pour l’homme dénié. J’évitais<br />

à présent les escargots par jour de pluie et, chance pour moi, l’Aude<br />

possède un climat semi aride, qui roussit l’herbe drue de la garrigue<br />

et donne son nom à cette région sauvage. Il n’y avait que les trois<br />

359

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!