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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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25. <strong>Le</strong> trou noir<br />

<strong>Le</strong> quatre ou le cinq du mois, la caisse d’allocation familiales me<br />

versait mon RMI. Trois cents soixante quatre euros. Je payais mes<br />

dettes. <strong>Le</strong> tabac, le rosé, quelques revues maritimes. <strong>Le</strong> tabac parfois<br />

de contrebande, acheté en Espagne, et roulé, soit dans quelque<br />

feuille, soit à l’aide d’une diabolique machine à remplir <strong>des</strong> tubes munis<br />

d’un filtre, me prenait cent euros au moins. Quelques journaux,<br />

chez ces gentils libraires de <strong>Le</strong>ucate qui me faisaient crédit, sachant<br />

que j’attendais Rémi, une cinquantaine. Il était hors de question de<br />

lire tout ce dont les radios, mon seul média par choix, parlaient ; ah,<br />

cher Masque 6 , j’aurais fait <strong>des</strong> orgies de lecture de ce que tu détestais<br />

autant que de ce que tu enscensais. Parfois on allait au cinéma.<br />

J’avais pris pour habitude d’inviter Claudine ce jour là, au restaurant,<br />

face à la mer, à Port la Nouvelle, Nous regardions les cargos,<br />

en file, à quarante cinq degrés du vent, immobiles, à la cape, sous<br />

la tramontane soufflant à plus de cinquante noeuds, sous ce vent<br />

d’orgueil et d’honnêteté qui nous avait conduit à la ruine. <strong>Le</strong> dix du<br />

mois, il ne restait qu’un billet résiduel que je tentais de faire durer le<br />

plus longtemps possible. Heureusement, Claudine, qui avait lu Capital<br />

risque, les règles du jeu [3] <strong>com</strong>plètait tout ce système avec sa<br />

retraite. Il était surtout hors de question de financer <strong>des</strong> ouvertures<br />

sur d’autres mon<strong>des</strong> où j’aurais trouvé <strong>des</strong> contacts. Ou bien, chaque<br />

fois que cela arrivait, je m’étais trop habitué à la solitude et à l’isolement<br />

pour ne pas ressentir les autres <strong>com</strong>me <strong>des</strong> étrangers. Aller à<br />

Montpellier travailler sur le serveur internet me menait à la frontière<br />

de ce cercle, à cette extrémité, où l’on pouvait voir, disaient encore<br />

les équations, le futur de notre univers. Je n’y voyais rien, moi. J’en<br />

déduis que le rayon de mon univers était <strong>com</strong>pris entre trente et cent<br />

vingt kilomètres.<br />

J’avais certes tenté afin de l’augmenter, de trouver un boulot,<br />

simple, humble. Mais ni la station service Dyneff (mon diplôme d’ingénieur<br />

chimiste me conférait pourtant un savoir faire à la pompe),<br />

ni le poste de gardien d’autoroute (Djian y avait travaillé et je pensais<br />

que mon statut d’écrivain dont certains <strong>com</strong>mençaient à dire du<br />

bien, pouvait jouer son rôle) ne me permirent cette manipulation.<br />

Lorsque je tentais d’entrer dans un autre monde, avec un vrai boulot<br />

qui m’aurait apaisé, ce fut un douloureux fiasco qui me ramena<br />

dans les hôpitaux de Narbonne, vers les types qui m’avaient recueilli<br />

après ma nuit sur le fil rouge. Quel orgueil ferait croire à l’homme que<br />

son psychisme relève de sa volonté, d’une médicamentation, d’une<br />

chimie simple <strong>des</strong> pressions atmosphériques, de quelques entretiens<br />

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