30.06.2013 Views

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Le</strong> <strong>tango</strong> <strong>des</strong> <strong>crocodiles</strong><br />

l’autre, pour en faire une de ces métaphores que je pouvais lire chez<br />

les auteurs qui traitaient de la dépression.<br />

Celle du coup d’orage dans un ciel serein ramenait à mon vent les<br />

bonheurs <strong>des</strong> étés corses. Si Clément Rosset a décrit magnifiquement<br />

un monde, ce n’était pas exactement le mien. Mon univers était<br />

d’un autre ordre puisque la colère et la rage, le besoin de vengeance<br />

brute, altéraient le phénomène pur de la dépression. Mon ciel n’était<br />

pas serein et le coup de tonnerre avait une divinité pour exécuteur.<br />

Je savais que quelque chose avait causé cette transformation de ma<br />

matière.<br />

J’avais bien trouvé dans Un homme qui dort de Perec[33] quelques<br />

<strong>des</strong>criptions de l’immobilité. Quelques restes à partager à table, après<br />

minuit[11] dans un plat fêlé.<br />

J’avais juste un avis sur le dédoublement de la personnalité si<br />

bien décrit par Rosset[39]. entre celui qui voulait se venger, tuer,<br />

et celui qui voulait arrêter le parcours, se tuer. Et <strong>com</strong>me aucun<br />

de nous deux n’avait suffisamment de consistance pour faire l’un ou<br />

l’autre, on en est resté là, lui et moi.<br />

Je n’avais trouvé que <strong>des</strong> banalité dans les derniers livres d’actualité<br />

sur ce sujet à la mode, qui faisaient recette dans les hypermarchés.<br />

Je lisais encore plus lentement que d’habitude. Quelques<br />

pages par jour au mieux. Je ne sais pas lire, je ne lis qu’à haute voix.<br />

Ce n’est qu’après la crise que j’ai pu et voulu rendre <strong>com</strong>pte de<br />

ce nouvel état de la matière physique et psychique. Je considérais<br />

que cela faisait partie <strong>des</strong> cartes dont je devais rendre le tracé, fut-il<br />

imprécis.<br />

Dépression est pour moi, d’abord un mot de mer. Un appel au<br />

bulletin météo spécial. La dépression située dans le golfe de Gènes,<br />

avec l’anticyclone <strong>des</strong> Açores pour <strong>com</strong>plice, est l’inventeur génial du<br />

mistral, de la rugueuse tramontane, qui m’ont porté et arrosé dans<br />

<strong>des</strong> miles de plaisirs, <strong>des</strong> nuits au vent portant, mille froids d’hiver.<br />

La dépression donne naissance au vent décapant la corruption, celui<br />

qui fait lever la tête face à l’embrun, qui m’a décoiffé de ma future<br />

fortune d’argent pour ne me laisser que celles de mer.<br />

Dépression est aussi pour moi, un mot de la physique. <strong>Le</strong> voilier<br />

qui avance contre le vent, ne progresse pas poussé <strong>com</strong>me certains le<br />

croient. L’air qui s’engouffre sous la voile d’avant crée une dépression<br />

sous celle ci, et la dépression l’aspire vers son cap, vers son île, vers un<br />

348

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!