Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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Le trou noir
« Une heure encore, dit-elle. »
Les gouttes bleues glissent le long du fil. La vie est belle, je me
dis. Bien être après tant de douleurs, coups donnés et reçus, luttes
gagnées et perdues, épuisements et regains de rage, et les nuits sans
sommeil. Fallait bien que ça s’arrête, la douleur, l’exclusion, la douleur
de l’exclusion tout ça,
La fille secoue la bouteille, défait la petite vanne pour accélérer
le débit, et l’eau bleue s’écoule librement vers une très minuscule
aiguille tenue par un petit bout de sparadrap moderne, blanc, et
hypoallergénique. On change l’aiguille de bras tous les jours depuis
une semaine, à cause des violets bleus qu’elle crée, dans cette clinique
haut de gamme de Badens. Je me contente de déguster comme on se
laisse plonger dans l’eau avec un masque depuis le bord du pont. Sur
le sable, en chantier, bien stable, presque échoué, on me gratte les
anatiffes, on me carène l’âme. Goutte à goutte, l’antifouling qui devrait
éviter que des coquillages se collent à nouveau sous ma carène
et ralentissent ma marche, que des tarets creusent leurs galeries invisibles,
l’antifouling gavé de vitamines et d’antidépresseur me repeint
l’âme.
Au bout de dix jours, l’idée d’un hier se fait plus proche.
Ce séjour fut finalement agréable. On trouve toujours sa place
partout au bout du compte, car la vie vous prend autour, comme
l’eau, et crée sa propre poussée d’Archimède pour vous faire remonter
à la surface.
Elle avait vingt ans et des plumes, cette cliente de la maison,
grande et vraiment très belle, belle et blonde. J’ai testé un résidu
de mon charme naturel. Ça marchait pour moi. J’ai même gagné un
tournoi de ping-pong. Le tout était de se trouver dans un endroit où
tout le monde fût à égalité, et ce n’était pas la petite fille si gentille,
au fond de sa dépression, qui allait me reprocher de ne pas être au
mieux de ma forme, de me voûter.
Le parc était joli aussi. Claudine m’écrivait et m’envoyait des
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