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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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<strong>Le</strong> <strong>tango</strong> <strong>des</strong> <strong>crocodiles</strong><br />

teurs est d’une précision diabolique. Ce fut un sacré coup de veine<br />

mais pas un hasard d’avoir trouvé ce bateau, de plus de quarante<br />

cinq mètres, en travaux sur la bouée d’atterrissage de Sète.<br />

La bouée d’atterrissage de Sète, je l’avais eue devant les yeux<br />

pendant quelques heures avant le plongeon. Je l’avais vue dans le<br />

canot de survie, de loin, clignoter la détresse. Je la revoie chaque<br />

fois que sur l’eau et sur l’horizon je vois une bouée clignoter. Et je<br />

l’ai à présent là, posée sur le pont.<br />

Ce coin de mer me brûle les parois du ventre, mais c’est un<br />

miracle d’être là avec un tel bateau. Jean Louis a rencontré les gens,<br />

il y eu deux coups de fil, et nous voilà partis. Il faut qu’on trouve<br />

aujourd’hui mon exosquelette. On a en effet droit à un seul jour de<br />

travail.<br />

Frédéric Objoye, le patron aujourd’hui, est un grand type solide.<br />

Un marin. Et si tu cherches pourquoi <strong>des</strong> gens te tendent ainsi la<br />

main, tu trouves toujours une histoire pareille ou presque à la tienne.<br />

La sienne, je ne l’ai lue qu’après dans la presse. Il y avait eu ce naufrage<br />

de la goélette de quarante mètres de Titouan Lamazou, Tag<br />

Heuer. Et encore les rapaces qui avaient pris les amarres. C’est Frédéric<br />

qui <strong>com</strong>mandait le navire ce jour là. Ceux qui en ont réchappé,<br />

ceux qui n’ont perdu personne dans l’aventure savent.<br />

On l’a labourée, la mer, au sonar latéral tiré derrière notre canot,<br />

<strong>com</strong>me un fermier avec sa charrue de métal retourne l’argile épaisse<br />

de son champ sans cesse et sans cesse. <strong>Le</strong> bide noué, au bord <strong>des</strong><br />

larmes, au bord de la joie aussi. La journée avance. A chaque fois<br />

qu’une image significative se forme, je me dis que c’est lui, que ça<br />

ne peut être que lui, que je vais savoir, que je vais <strong>com</strong>prendre enfin<br />

pourquoi tout ça.<br />

<strong>Le</strong> baliseur est reparti après le démontage de tout le matériel.<br />

Je suis resté plusieurs heures posé sur la bite d’amarrage. Je sais<br />

quelque part que c’est fini. Qu’il faut lâcher prise. C’est pas mon<br />

genre de lâcher prise. Sauf que là, il est devenu dangereux pour mon<br />

intégrité mentale déjà bien érodée, de continuer.<br />

Je suis allé boire un rosé sur le port désert. J’aurais voulu causer<br />

avec quelqu’un, avec le patron du troc. Lui dire juste qu’on s’est<br />

battu <strong>com</strong>me on a pu. Partout, dans toutes les conditions, on s’est<br />

battu au mieux. J’aurais voulu dire au patron de bistrot qu’on a fait<br />

du bon boulot, du joli bateau[7]. <strong>Le</strong> rosé a un goût amer. Je sais<br />

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