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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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7. Campagne de recherches<br />

leurs secrets. Ça nous a laissé le temps de nous connaître.<br />

Mais surtout, au delà <strong>des</strong> paysages de granit rose, <strong>des</strong> courants<br />

furieux, <strong>des</strong> balises, j’ai entrevu dans cette Bretagne, la possibilité<br />

d’aimer à nouveau. D’aimer un navire. Un navire, pour un marin,<br />

c’est sa peau, son sens tactile, un bout de sa conscience d’exister.<br />

Ce morceau de chair et d’âme est structurel. Un navire te trompe,<br />

<strong>com</strong>me un chat, qui te fait croire qu’il est ton animal alors qu’il a<br />

pris possession de toi, et que tu es à ses ordres. <strong>Le</strong> navire te leurre à<br />

chaque fois que tu t’installes dans son ventre, c’est lui qui te feinte<br />

et qui rentre dans le tien.<br />

Je l’ai aimé tout de suite, Argyll. Argyll a tout de la noblesse<br />

<strong>des</strong> grands yachts. Il avait gagné en son temps, vers l’après guerre,<br />

la course <strong>des</strong> Bermu<strong>des</strong>. Il a la sobriété et l’élégance de la laque et<br />

de l’acajou. C’était pas le genre caravane salon nautique. <strong>Le</strong> type à<br />

bord, un British <strong>com</strong>me on en fait encore, bricolait. Il nous a invités<br />

à bord. La bouilloire en cuivre d’époque, chantait. Argyll était une<br />

déesse. Plus tard, on passerait une nuit ensemble à Brest. Comme<br />

dans toutes les nuits de passion, je resterai sans fermer l’oeil, je<br />

resterai les yeux fixés sur les étoiles défilant à travers ses claire voies.<br />

Argyll s’est vendu six cents mille balles à Brest et je n’avais pas le<br />

sou. Mais la magie avait joué. Je savais juste que je pouvais aimer à<br />

nouveau.<br />

L’équipage du Langoz est <strong>com</strong>posé de Pierrot, Roland et du patron<br />

du chalutier. Pierrot est un vrai marin breton. Il a navigué à<br />

la pêche, au <strong>com</strong>merce, sur les minéraliers. Une gueule de hérisson<br />

et une barbe de morse. Des yeux rieurs. J’ai appris avec lui une recette<br />

: prendre un seau, <strong>des</strong> sardines bretonnes bien grasses, tandis<br />

que les nôtres, sont plus petites et plus sèches ; mettre du gros sel<br />

entre chaque couche et laisser reposer deux jours. Ca vous fait un petit<br />

déjeuner de luxe le matin. Je suis pas fine gueule mais la sardine<br />

en l’état, marinée au seau de sel, c’est plutôt fort. . . Pierrot avait eu<br />

<strong>des</strong> coups durs. Un naufrage en hiver à la pêche. On l’avait recueilli<br />

au matin, en hypothermie, dans le <strong>com</strong>a. Il avait fini par s’en sortir,<br />

non sans blessures. On a joué nos dates de naufrages au loto du coin.<br />

Sept balles qu’on avait à y mettre. Évidemment, on a gagné. Et on<br />

a bu les deux cents cinquante francs avec les copains. C’était pas la<br />

grande vie mais sûrement un peu la vraie vie.<br />

Roland est un drôle. Un vif du neurone gai. Ancien bosco de la<br />

marine, il monte au filet de toutes les plaisanteries que t’as le tort<br />

de lever trop haut. On a ri sur le Langoz <strong>com</strong>me jamais. On a ri en<br />

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