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1. Le lit de fer
La seconde décision, qui s’impose est née du besoin de savoir, de
comprendre. C’est aussi fort que le besoin de justice et de vengeance.
Je décide de renflouer mon navire.
Renflouer ne correspond à aucune logique maritime ou économique.
Je ne sais pas bien, sur le lit de fer, pourquoi un marin naufragé
doit renflouer son bateau. Cela s’impose. C’est un peu comme
de renflouer ce qui a sombré avec lui. Et je veux retrouver Sylvestre.
Je dois renflouer pour cesser d’imaginer.
Une vanne brisée, car un coup sur l’une d’elle suffit à provoquer
une voie d’eau, et ces salauds ont traité le navire comme une poubelle.
Les boulons de quille se brisant. Le gréement a battu des mois
sans être tenu, et les vibrations ont, avec le phénomène de résonance,
délaminé la coque, car ces salauds, les types qui ont effectué la saisie
n’ont même pas tenu le mât. Renflouer pour cesser d’imaginer
la rencontre avec un conteneur que je n’ai même pas senti. Cesser
d’imaginer que moi seul ai mal vissé une vanne de moteur bien que
je sois certain d’avoir fermé toutes les vannes des deux cabinets de
toilette. Renflouer pour cesser d’imaginer tout court. Je ne sais pas
que j’irai jusqu’à l’usure totale, Qu’à force de vouloir renflouer on
finit soi-même par sombrer.
« Laissez donc, marins naufragés, vos bateaux et les âmes des
noyés où ils sont, je me dis en tamponnant ma décision du sceau de
la volonté farouche qui avait servi de combustible à ma lutte contre
les pillards. »
Au bout de quatre jours d’errances hospitalières, j’ai hurlé pour
qu’on me sorte de là. Et y voulaient pas, et j’ai balancé des coups de
pied dans les murs, des coups de poing dans la cabine téléphonique,
pour qu’on me lâche. Pour passer à l’exécution. Claudine a signé une
décharge engageant sa responsabilité contre mes coups de tête, mes
coups de pieds.
Pendant plus de trois ans, le trésor public et quelques huissiers
se lanceront à ma chasse pour le règlement de plus de quatre mille
francs qu’avait coûté le séjour dans le petit lit de fer.
Mais j’étais passé à l’acte.
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