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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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1. <strong>Le</strong> lit de fer<br />

doucement, sans douleur, <strong>com</strong>me ces crèmes de beauté censées vous<br />

raffermir les ri<strong>des</strong>. Ça pénètre. Dans mes structures biologiques, affectives,<br />

morales, sociales. Ça pénètre sur le même mode de fonctionnement<br />

que l’eau salée dans les coques en plastique, et qui provoque<br />

l’osmose, et laisse apparaître bien <strong>des</strong> années après seulement,<br />

<strong>des</strong> cloques qui lorsqu’on les crèvent, laissent échapper une odeur<br />

d’acide 1 . Moi, je préfère les tarets qui dans les mers chau<strong>des</strong>, trouent<br />

le bois <strong>des</strong> coques, le chêne de préférence.<br />

Mais le déséquilibre ne fait aucun trou, c’est doux, indolore,<br />

presque rassurant. Pousser un type dans le vide afin de le faire<br />

passer pour un déséquilibré est la base du business <strong>des</strong> corrupteurs<br />

[18]. Conscient de cet état qui s’auto-alimente, j’accepte de retourner<br />

chercher ma survie, davantage pour soulager Claudine que pour<br />

m’alléger.<br />

La première fois, que j’ai rencontré les établissements psychiatriques,<br />

c’était en hiver 1994, à la Salpêtrière, trois mois après le<br />

jugement d’exclusion au nom du peuple français. Ensuite, le psychiatre<br />

marin de Saint Tropez, me fournissait services quotidiens et<br />

médicaments gratuitement pour digérer l’odieuse injustice de ce jugement<br />

inapplicable qui ordonnait de livrer mon bateau de quinze<br />

tonnes, ma maison de quinze mètres de long, mon dernier outil de<br />

travail, dans une rue de Paris. . .<br />

Pour ce troisième voyage, c’est le généraliste du village qui a<br />

donné le coup de canon du départ.<br />

« Un type vient de faire naufrage, il y a eu une victime, je veux<br />

dire un noyé, pouvez-vous le recevoir ? C’est urgent, a téléphoné le<br />

toubib. »<br />

C’est <strong>com</strong>me ça que nous sommes partis un après midi froid et<br />

humide vers cette clinique de luxe. J’ai pas pris de valise, car j’ai<br />

plus rien à mettre dans une valise. Je porte le pantalon que l’hôpital<br />

de Sète m’a cédé, le gros pull blanc et pas plus de tristesse que ça.<br />

Je suis sans colère ni douleur, inerte. Soumis. Claudine est au volant<br />

de cette vieille r19, un break de couleur bordeaux, de ces breaks<br />

qu’utilisent les Marocains pour leur retour au pays, matelas sur le<br />

toit et famille entassée à l’arrière. On ne pouvait trouver sur cette<br />

voiture un demi mètre carré de tôle droite, ce qui nous valait d’être<br />

arrêtés à chaque contrôle <strong>des</strong> gendarmes, plus zélés dans cette traque<br />

facile du pauvre que dans la poursuite <strong>des</strong> délits financiers <strong>com</strong>mis<br />

par <strong>des</strong> notables locaux et <strong>des</strong> réseaux affairistes de tous poils. On<br />

a pris la route pour la clinique de Badens.<br />

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